Intervention de Mohammed Moussaoui

Réunion du lundi 11 janvier 2021 à 8h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) :

Une précision, tout d'abord, s'agissant de l'expression « délit de faciès » que j'ai employée. Ce que nous craignons, c'est que certains fonctionnaires fassent du zèle et « embêtent », si j'ose dire, les associations musulmanes qui sont de bons élèves, au lieu de réprimer celles qui agissent contre la République. Sur ce point, les choses sont claires : nous estimons que ce projet de loi est nécessaire et utile pour lutter contre ceux qui veulent instrumentaliser l'outil associatif à des fins contraires aux valeurs de la République.

Je le dis et le redis : l'islam accepte volontiers que des critiques lui soient adressées, y compris contre ses fondements, sa croyance, son credo. Il n'est pas incompatible avec la liberté d'expression, qui est un outil fondamental et une valeur importante, y compris pour les musulmans. Ceux de nos concitoyens qui veulent critiquer notre religion, ses fondements, certaines pratiques, ont le droit de le faire en toute liberté. Les musulmans n'ont pas à s'en offusquer ; ils doivent y répondre avec dignité et sérénité, dans le cadre d'un débat intellectuel contradictoire.

Mes frères juifs, catholiques et protestants disent de manière pudique que les effets sur leurs cultes respectifs du renforcement de la loi de 1905 pourraient être considérés comme des dégâts collatéraux. Nous le comprenons. Cela étant, c'est aussi le cas pour l'immense majorité des associations musulmanes, qui œuvrent dans le respect des principes et des lois de la République. Je l'avais dit dans mon programme : le principe d'égalité devant la loi nous oblige parfois à accepter certaines contraintes ou restrictions afin de nous protéger collectivement. La pandémie nous a appris qu'il fallait savoir consentir à des sacrifices collectifs pour sauver les plus vulnérables d'entre nous et répondre aux risques les plus importants.

Si l'on consulte le Larousse ou tout autre dictionnaire de la langue française, on note que jusqu'à la fin des années 1970, « islamisme » était l'équivalent d'« islam ». Ce n'est que par la suite que le terme a pris une autre connotation, en liaison avec l'utilisation de l'islam à des fins politiques. C'est aujourd'hui son sens le plus fréquent.

Faut-il dresser une liste des composantes de cet islam politique, qui inclurait les Frères musulmans, le wahhabisme etc. ? Mais qui ferait-on entrer dans cette catégorie ? Les Musulmans de France, par exemple, disent qu'ils ne sont pas des Frères musulmans, alors que certains les considèrent comme tels. Le choix que nous avons fait, c'est de mentionner l'instrumentalisation de l'islam à des fins politiques sans y adjoindre une liste d'organisations – qui, de toute façon, ne saurait être exhaustive : il faudrait en retirer tout ce qui fait débat ou pourrait susciter la polémique. Cela n'aurait pas répondu au but recherché, qui est de combattre l'islam politique. Il faut le dire clairement : aller à l'encontre des principes de la République, refuser l'égalité entre les hommes et les femmes, rejeter le principe de laïcité… : tout cela n'est pas acceptable. C'est ce qu'affirme le sixième paragraphe de la charte du 15 décembre – le plus long de tous.

Je suis opposé à ce que l'on fasse porter le voile à des enfants. Dès lors qu'une femme a la possibilité de choisir librement la façon dont elle se vêt, cela relève de sa liberté individuelle : chaque femme s'habille comme elle le souhaite. Imposer le port du voile à un enfant me paraît relever d'un endoctrinement contraire au respect de la liberté de l'enfant et de sa construction personnelle

Vous dites, monsieur Ahamada, que le CFCM n'a pas beaucoup agi en matière de lutte contre la radicalisation. Je l'ai indiqué tout à l'heure : le CFCM, en tant qu'instance, est avant tout un espace de dialogue entre les fédérations. En revanche, il est du devoir de celles-ci d'appliquer les recommandations qu'il émet ; et je peux vous assurer que, dans ce domaine, les imams et les aumôniers accomplissent un travail formidable. Il faut avoir à l'esprit qu'un million de personnes se rendent chaque vendredi dans les mosquées : vous imaginez bien que si l'on comptait nombre d'imams radicaux parmi les imams français, ce sont des milliers de radicaux qui sortiraient des mosquées ! C'est grâce au formidable travail des imams que nous avons pu sauver de nombreux jeunes des griffes du radicalisme. Certes, ce n'est pas assez, puisqu'il y a des attentats et que l'on observe des comportements visant à saper la République, mais on ne peut pas dire que le CFCM n'ait rien fait.

Je pense avoir répondu aux principales questions.

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