Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du lundi 11 janvier 2021 à 11h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté :

Je vous remercie de me recevoir pour évoquer avec vous le projet de loi confortant le respect des principes de la République qu'avec le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin nous avons présenté en Conseil des ministres le 9 décembre 2020, soit cent-quinze ans après l'adoption de la loi de 1905.

Ce texte repose sur une volonté forte et un objectif : défendre la liberté en protégeant chacune et chacun afin qu'il ne tombe pas sous le joug d'une idéologie qui contraint le corps et la pensée et qui se considère comme supérieure aux lois de la République. Lors du discours qu'il a prononcé aux Mureaux, le Président de la République a rappelé cette promesse républicaine de liberté, d'émancipation, de garantie de la liberté de conscience et du droit de croire ou de ne pas croire.

Ce projet, qui a été élaboré après de très larges consultations conduites par le ministère de l'intérieur, a vocation à conforter le respect de ce qui constitue le ciment de la République. Il était donc essentiel, pour le Gouvernement, de consulter les représentants de la société civile, des cultes, des partis politiques mais, aussi, des associations philosophiques ainsi que des intellectuels.

Les forces séparatistes sont à l'œuvre. Nous devons collectivement faire preuve de fermeté et nous mobiliser pour contrer leurs actions : les attentats islamistes qui, ces derniers mois, ont endeuillé notre pays, sont l'expression la plus effrayante de ce spectre insidieux qui sème la terreur et qui sait exploiter chaque faille de notre droit et de notre organisation pour saper la République. Contre eux, depuis 2017, les services de l'État agissent avec la plus grande détermination au sein des territoires.

Dès février 2018, des plans de lutte contre la radicalisation ont été déployés et des résultats encourageants ont justifié leur généralisation l'année dernière dans chaque département, avec les cellules contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR), dont le bilan est positif puisque près de 18 000 contrôles ont été réalisés, 400 foyers de séparatisme fermés et que l'on a procédé à des redressements à hauteur de 25 millions d'euros.

Nous devons cependant aller plus loin et organiser un « réveil républicain », comme l'a dit le Président de la République, dans les secteurs exposés au risque de l'islamisme et du séparatisme.

Tel est précisément l'objet de ce projet de loi qui traite de six sujets fondamentaux au cœur du fonctionnement de nos institutions et de notre mode de vie : la neutralité des services publics, les activités des associations, la protection de la dignité humaine contre les pratiques humiliantes et dégradantes, la lutte contre la haine en ligne, le renforcement du contrôle de l'éducation en dehors de l'école publique, l'exercice et l'organisation des cultes selon les principes fondamentaux de 1905, dans le respect de l'ordre public. Ce sont les six domaines sur lesquels votre commission spéciale a décidé de désigner des rapporteurs thématiques.

Je souhaite plus particulièrement m'exprimer aujourd'hui sur les mesures relevant de ma responsabilité : celles relatives au droit des associations, notamment, à travers le contrat d'engagement républicain, et celles relevant de la dignité humaine.

Ce texte réaffirme la souveraineté absolue des principes républicains sur tout autre système normatif, ce qui passe par la neutralité des services publics – y compris lorsqu'ils sont assurés par délégation par des personnes relevant du droit privé –, la protection des agents publics et des élus face aux différentes formes de pressions et de menaces séparatistes, ainsi qu'un meilleur encadrement des activités associatives afin d'empêcher que des discours et des pratiques contraires aux valeurs de la République y prospèrent.

Toute association sollicitant une subvention publique, sous quelque forme que ce soit – argent, mise à disposition de locaux – devra signer un contrat d'engagement républicain par lequel elle s'engagera à respecter les valeurs de la République. Suivie par plusieurs élus, j'avais d'ailleurs procédé de la sorte en tant que secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Je me suis rendue à Montpellier à la rencontre du maire et des représentants associatifs pour discuter de ce texte, très bien reçu sur le terrain, notamment par les élus locaux.

En raison de la grande liberté dont elles bénéficient, les associations sont parfois dévoyées de leur sens et utilisées par des acteurs du séparatisme, notamment dans les champs sociaux, culturels, périscolaires, où des structures agissent comme des officines utilisant des ressources juridiques pour bénéficier de moyens d'action, notamment, d'avantages fiscaux, certaines chartes prises par des élus locaux, dépourvues de contraintes, évoquant des engagements d'associations subventionnées.

L'article 6 vise à généraliser et à rendre obligatoire ce contrat d'engagement républicain engageant les signataires, l'État ou les collectivités et les associations. Il sera joint au Cerfa de toute demande de subvention par une association, celle-ci s'engageant à respecter ces principes républicains que sont la liberté, l'égalité, la fraternité, le respect de la dignité de la personne humaine, l'égalité entre les femmes et les hommes ou la préservation de l'ordre public.

Pas un euro d'argent public ne doit être donné aux ennemis de la République. Nous proposerons un principe de subvention ou de reprise de subvention en cas de manquement. Il sera généralisé à toutes les collectivités publiques – ministères, collectivités locales, etc. Comment les Français pourraient-ils accepter que de l'argent public, issu de leurs impôts, finance des structures séparatistes prêchant la haine ? C'est la question que le Président de la République a posée cette semaine lors de ses vœux aux représentants des cultes. Nous mettrons fin à cette pratique intolérable.

Pour ce faire, nous avons choisi de travailler collectivement. J'ai donc lancé deux séries de consultations autour de ce contrat d'engagement.

Tout d'abord, auprès des représentants des grandes organisations associatives, avec ma collègue Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement. Nous avons commencé à consulter le mouvement associatif d'éducation populaire, culturelle, sportive, familiale, etc., et nous nous sommes rendues sur le terrain, notamment, la semaine dernière, aux Mureaux.

Ensuite, avec les élus locaux qui, souvent, sont en première ligne. C'est pourquoi, avec ma collègue Jacqueline Gourault, je lance un cycle de consultations auprès des organisations d'élus comme l'Association des maires de France (AMF), France urbaine, Régions de France ou l'Assemblée des départements de France (ADF). Les modalités concrètes de ce contrat seront précisées par décret et tiendront compte de ces consultations.

En outre, les motifs de dissolution des associations seront élargis afin de pouvoir neutraliser une association dont les dirigeants justifieraient, notamment par des considérations religieuses, politiques ou philosophiques, l'infériorité d'une personne par rapport à une autre, le refus de certains droits, avantages ou services, ou des décisions défavorables en raison du sexe d'une personne, de son orientation amoureuse ou sexuelle, de son identité de genre ou de son appartenance réelle ou supposée à une ethnie, à une nation, à une religion, à une prétendue race.

Le respect des principes républicains implique celui de la dignité humaine. Les idéologies séparatistes, nous le savons, s'attaquent en premier lieu aux femmes en décidant de ce qu'elles doivent faire ou non, en les soustrayant à leurs droits et aux lois de la République, ce qui n'est pas acceptable. Ce texte permettra de mettre un terme à des pratiques qui n'ont pas leur place dans notre République. Les droits des femmes ne sauraient être exclusivement théoriques : ils doivent être concrets et ils ne sont pas à géométrie variable. Nous ne pouvons pas tolérer que des femmes soient hors d'atteinte de certaines pratiques tandis que d'autres y sont livrées en raison de leur appartenance familiale, religieuse ou de leur origine.

L'article 13 permettra de veiller à l'égalité de traitement entre héritiers afin que, grâce à la réserve héréditaire, sur laquelle nous avons travaillé avec le garde des sceaux, les filles ne puissent plus être déshéritées. Les enfants écartés de la succession pourront récupérer l'équivalent de leur réserve sur les biens situés en France car il n'est pas acceptable qu'un droit coutumier s'applique aux dépens des femmes sur le territoire de la République.

Les héritiers seront également mieux informés, le notaire ayant une obligation d'information renforcée à l'endroit des enfants concernés. Avant tout partage, il devra recevoir l'héritier seul pour lui délivrer cette information ; à défaut, il sera susceptible d'être professionnellement engagé.

Les articles 14 et 15 introduisent une réserve générale de polygamie – lorsqu'une personne est mariée avec plusieurs autres simultanément – pour la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour. Nous nous assurerons donc du statut marital des étrangers qui demandent une autorisation de séjour. Il n'est évidemment pas question de contrôler l'intimité des foyers mais si la polygamie est découverte lors d'un contrôle, le titre de séjour sera retiré.

Nous instituons également une limitation du bénéfice de pension de réversion à un unique conjoint survivant.

L'article 16 interdira aux professionnels de santé d'établir des certificats de virginité. Nous voulons mettre un terme à ces pratiques dégradantes, qui portent atteinte à la dignité des jeunes femmes. Ce n'est pas en produisant de tels certificats que nous améliorerons la condition des jeunes femmes victimes de pressions communautaires, au contraire ! Selon une minorité des acteurs concernés, il importe de pouvoir rédiger de tels certificats car une jeune femme qui n'en présenterait pas serait en difficulté, voire, en danger. C'est le même argument que l'on entendait lorsque la République, courageusement, a interdit la pratique de l'excision sur son sol. Non ! Vient un moment où la République doit dire ce qu'elle tolère et ce qu'elle ne tolère pas ! Non, nous ne tolérerons plus les certificats de virginité ! Qu'en est-il d'une jeune femme qui rentre chez elle munie de son certificat ? Comme si faire vérifier la virginité de sa fiancée, de sa sœur, de sa fille, de sa nièce comme on vérifierait la dentition d'un cheval avant de le vendre confortait la dignité humaine ! C'est inadmissible ! Même avec un certificat de virginité de complaisance, je ne crois pas qu'une jeune femme soit promise, ainsi, à être profondément respectée. Nous proposerons donc de sanctionner l'établissement d'un certificat de virginité d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

L'article 17 renforcera la protection du consentement des futurs époux afin de lutter contre les mariages forcés, lequel concerneraient en 2021 200 000 femmes dans notre pays selon les grandes organisations non gouvernementales (ONG) et associations comme le Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants (GAMS) ou l'Institut national d'études démographiques (INED).

Ces projets de mariage feront l'objet d'un signalement plus systématique. Nous renforcerons le rôle des ONG et des associations, qui pourront aider l'officier d'état civil à les détecter. En cas de doute sérieux, nous proposerons que ce dernier ait l'obligation – et non plus la simple faculté – de procéder à des entretiens individuels et de saisir le procureur de la République, celui-ci pouvant surseoir à la célébration du mariage et faire procéder à une enquête.

Je suis évidemment prête à répondre à toutes vos questions.

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