COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE
Lundi 11 janvier 2021
La séance est ouverte à onze heures cinquante-sept.
La commission spéciale procède à l'audition de Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.
Je vous donne sans attendre la parole pour un bref propos liminaire, madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, puis, nous entendrons les rapporteurs, les orateurs des groupes et les collègues qui souhaitent vous poser des questions.
Je vous remercie de me recevoir pour évoquer avec vous le projet de loi confortant le respect des principes de la République qu'avec le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin nous avons présenté en Conseil des ministres le 9 décembre 2020, soit cent-quinze ans après l'adoption de la loi de 1905.
Ce texte repose sur une volonté forte et un objectif : défendre la liberté en protégeant chacune et chacun afin qu'il ne tombe pas sous le joug d'une idéologie qui contraint le corps et la pensée et qui se considère comme supérieure aux lois de la République. Lors du discours qu'il a prononcé aux Mureaux, le Président de la République a rappelé cette promesse républicaine de liberté, d'émancipation, de garantie de la liberté de conscience et du droit de croire ou de ne pas croire.
Ce projet, qui a été élaboré après de très larges consultations conduites par le ministère de l'intérieur, a vocation à conforter le respect de ce qui constitue le ciment de la République. Il était donc essentiel, pour le Gouvernement, de consulter les représentants de la société civile, des cultes, des partis politiques mais, aussi, des associations philosophiques ainsi que des intellectuels.
Les forces séparatistes sont à l'œuvre. Nous devons collectivement faire preuve de fermeté et nous mobiliser pour contrer leurs actions : les attentats islamistes qui, ces derniers mois, ont endeuillé notre pays, sont l'expression la plus effrayante de ce spectre insidieux qui sème la terreur et qui sait exploiter chaque faille de notre droit et de notre organisation pour saper la République. Contre eux, depuis 2017, les services de l'État agissent avec la plus grande détermination au sein des territoires.
Dès février 2018, des plans de lutte contre la radicalisation ont été déployés et des résultats encourageants ont justifié leur généralisation l'année dernière dans chaque département, avec les cellules contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR), dont le bilan est positif puisque près de 18 000 contrôles ont été réalisés, 400 foyers de séparatisme fermés et que l'on a procédé à des redressements à hauteur de 25 millions d'euros.
Nous devons cependant aller plus loin et organiser un « réveil républicain », comme l'a dit le Président de la République, dans les secteurs exposés au risque de l'islamisme et du séparatisme.
Tel est précisément l'objet de ce projet de loi qui traite de six sujets fondamentaux au cœur du fonctionnement de nos institutions et de notre mode de vie : la neutralité des services publics, les activités des associations, la protection de la dignité humaine contre les pratiques humiliantes et dégradantes, la lutte contre la haine en ligne, le renforcement du contrôle de l'éducation en dehors de l'école publique, l'exercice et l'organisation des cultes selon les principes fondamentaux de 1905, dans le respect de l'ordre public. Ce sont les six domaines sur lesquels votre commission spéciale a décidé de désigner des rapporteurs thématiques.
Je souhaite plus particulièrement m'exprimer aujourd'hui sur les mesures relevant de ma responsabilité : celles relatives au droit des associations, notamment, à travers le contrat d'engagement républicain, et celles relevant de la dignité humaine.
Ce texte réaffirme la souveraineté absolue des principes républicains sur tout autre système normatif, ce qui passe par la neutralité des services publics – y compris lorsqu'ils sont assurés par délégation par des personnes relevant du droit privé –, la protection des agents publics et des élus face aux différentes formes de pressions et de menaces séparatistes, ainsi qu'un meilleur encadrement des activités associatives afin d'empêcher que des discours et des pratiques contraires aux valeurs de la République y prospèrent.
Toute association sollicitant une subvention publique, sous quelque forme que ce soit – argent, mise à disposition de locaux – devra signer un contrat d'engagement républicain par lequel elle s'engagera à respecter les valeurs de la République. Suivie par plusieurs élus, j'avais d'ailleurs procédé de la sorte en tant que secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Je me suis rendue à Montpellier à la rencontre du maire et des représentants associatifs pour discuter de ce texte, très bien reçu sur le terrain, notamment par les élus locaux.
En raison de la grande liberté dont elles bénéficient, les associations sont parfois dévoyées de leur sens et utilisées par des acteurs du séparatisme, notamment dans les champs sociaux, culturels, périscolaires, où des structures agissent comme des officines utilisant des ressources juridiques pour bénéficier de moyens d'action, notamment, d'avantages fiscaux, certaines chartes prises par des élus locaux, dépourvues de contraintes, évoquant des engagements d'associations subventionnées.
L'article 6 vise à généraliser et à rendre obligatoire ce contrat d'engagement républicain engageant les signataires, l'État ou les collectivités et les associations. Il sera joint au Cerfa de toute demande de subvention par une association, celle-ci s'engageant à respecter ces principes républicains que sont la liberté, l'égalité, la fraternité, le respect de la dignité de la personne humaine, l'égalité entre les femmes et les hommes ou la préservation de l'ordre public.
Pas un euro d'argent public ne doit être donné aux ennemis de la République. Nous proposerons un principe de subvention ou de reprise de subvention en cas de manquement. Il sera généralisé à toutes les collectivités publiques – ministères, collectivités locales, etc. Comment les Français pourraient-ils accepter que de l'argent public, issu de leurs impôts, finance des structures séparatistes prêchant la haine ? C'est la question que le Président de la République a posée cette semaine lors de ses vœux aux représentants des cultes. Nous mettrons fin à cette pratique intolérable.
Pour ce faire, nous avons choisi de travailler collectivement. J'ai donc lancé deux séries de consultations autour de ce contrat d'engagement.
Tout d'abord, auprès des représentants des grandes organisations associatives, avec ma collègue Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement. Nous avons commencé à consulter le mouvement associatif d'éducation populaire, culturelle, sportive, familiale, etc., et nous nous sommes rendues sur le terrain, notamment, la semaine dernière, aux Mureaux.
Ensuite, avec les élus locaux qui, souvent, sont en première ligne. C'est pourquoi, avec ma collègue Jacqueline Gourault, je lance un cycle de consultations auprès des organisations d'élus comme l'Association des maires de France (AMF), France urbaine, Régions de France ou l'Assemblée des départements de France (ADF). Les modalités concrètes de ce contrat seront précisées par décret et tiendront compte de ces consultations.
En outre, les motifs de dissolution des associations seront élargis afin de pouvoir neutraliser une association dont les dirigeants justifieraient, notamment par des considérations religieuses, politiques ou philosophiques, l'infériorité d'une personne par rapport à une autre, le refus de certains droits, avantages ou services, ou des décisions défavorables en raison du sexe d'une personne, de son orientation amoureuse ou sexuelle, de son identité de genre ou de son appartenance réelle ou supposée à une ethnie, à une nation, à une religion, à une prétendue race.
Le respect des principes républicains implique celui de la dignité humaine. Les idéologies séparatistes, nous le savons, s'attaquent en premier lieu aux femmes en décidant de ce qu'elles doivent faire ou non, en les soustrayant à leurs droits et aux lois de la République, ce qui n'est pas acceptable. Ce texte permettra de mettre un terme à des pratiques qui n'ont pas leur place dans notre République. Les droits des femmes ne sauraient être exclusivement théoriques : ils doivent être concrets et ils ne sont pas à géométrie variable. Nous ne pouvons pas tolérer que des femmes soient hors d'atteinte de certaines pratiques tandis que d'autres y sont livrées en raison de leur appartenance familiale, religieuse ou de leur origine.
L'article 13 permettra de veiller à l'égalité de traitement entre héritiers afin que, grâce à la réserve héréditaire, sur laquelle nous avons travaillé avec le garde des sceaux, les filles ne puissent plus être déshéritées. Les enfants écartés de la succession pourront récupérer l'équivalent de leur réserve sur les biens situés en France car il n'est pas acceptable qu'un droit coutumier s'applique aux dépens des femmes sur le territoire de la République.
Les héritiers seront également mieux informés, le notaire ayant une obligation d'information renforcée à l'endroit des enfants concernés. Avant tout partage, il devra recevoir l'héritier seul pour lui délivrer cette information ; à défaut, il sera susceptible d'être professionnellement engagé.
Les articles 14 et 15 introduisent une réserve générale de polygamie – lorsqu'une personne est mariée avec plusieurs autres simultanément – pour la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour. Nous nous assurerons donc du statut marital des étrangers qui demandent une autorisation de séjour. Il n'est évidemment pas question de contrôler l'intimité des foyers mais si la polygamie est découverte lors d'un contrôle, le titre de séjour sera retiré.
Nous instituons également une limitation du bénéfice de pension de réversion à un unique conjoint survivant.
L'article 16 interdira aux professionnels de santé d'établir des certificats de virginité. Nous voulons mettre un terme à ces pratiques dégradantes, qui portent atteinte à la dignité des jeunes femmes. Ce n'est pas en produisant de tels certificats que nous améliorerons la condition des jeunes femmes victimes de pressions communautaires, au contraire ! Selon une minorité des acteurs concernés, il importe de pouvoir rédiger de tels certificats car une jeune femme qui n'en présenterait pas serait en difficulté, voire, en danger. C'est le même argument que l'on entendait lorsque la République, courageusement, a interdit la pratique de l'excision sur son sol. Non ! Vient un moment où la République doit dire ce qu'elle tolère et ce qu'elle ne tolère pas ! Non, nous ne tolérerons plus les certificats de virginité ! Qu'en est-il d'une jeune femme qui rentre chez elle munie de son certificat ? Comme si faire vérifier la virginité de sa fiancée, de sa sœur, de sa fille, de sa nièce comme on vérifierait la dentition d'un cheval avant de le vendre confortait la dignité humaine ! C'est inadmissible ! Même avec un certificat de virginité de complaisance, je ne crois pas qu'une jeune femme soit promise, ainsi, à être profondément respectée. Nous proposerons donc de sanctionner l'établissement d'un certificat de virginité d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
L'article 17 renforcera la protection du consentement des futurs époux afin de lutter contre les mariages forcés, lequel concerneraient en 2021 200 000 femmes dans notre pays selon les grandes organisations non gouvernementales (ONG) et associations comme le Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants (GAMS) ou l'Institut national d'études démographiques (INED).
Ces projets de mariage feront l'objet d'un signalement plus systématique. Nous renforcerons le rôle des ONG et des associations, qui pourront aider l'officier d'état civil à les détecter. En cas de doute sérieux, nous proposerons que ce dernier ait l'obligation – et non plus la simple faculté – de procéder à des entretiens individuels et de saisir le procureur de la République, celui-ci pouvant surseoir à la célébration du mariage et faire procéder à une enquête.
Je suis évidemment prête à répondre à toutes vos questions.
Comment définissez-vous les principes de la République ? Quel en est selon vous le champ d'application ? Se limitent-ils au bloc de constitutionnalité, aux principes de valeurs constitutionnelles ou doit-on leur donner une définition plus politique ?
Au-delà des certificats de virginité, quid des certificats de complaisance ? Le projet de loi doit-il se saisir de cette question délicate – qui intéresse, bien sûr, le secret médical mais, aussi, des comportements qui vont à l'encontre d'un certain nombre de règles communes ?
J'ai bien compris l'articulation de ces articles visant à affirmer l'attachement du monde associatif aux principes de la République à travers le contrat d'engagement républicain et à se doter de moyens de contrôles afin de s'assurer d'un fonctionnement transparent des associations mais, si le volontarisme politique à l'origine du contrat d'engagement républicain a été largement reconnu, un certain nombre de questions ne s'en posent pas moins, dont celle de la contractualisation de l'adhésion à la République.
Par ailleurs, aux principes de liberté et d'égalité, il me paraît important d'associer celui de laïcité.
La notion d'ordre public a semble-t-il soulevé quelques problèmes et, à travers elle, surtout celle de la désobéissance civile, mais aussi la question des associations à objet mixte et de leur respect des principes républicains.
La charte des engagements réciproques, quant à elle, n'a pas de valeur juridique à proprement parler et n'emporte pas de possibilité d'opposition mais le monde associatif souhaite qu'elle fusionne avec le contrat d'engagement républicain de manière à fédérer les bonnes volontés.
Plus concrètement, une association devra-t-elle signer un contrat d'engagement républicain pour chaque demande de subvention ? Qui contrôlera le bon respect des principes républicains ? Ce contrôle ne sera-t-il pas plus difficile à opérer dans les territoires où il est le plus nécessaire ?
Enfin, le Haut Conseil à la vie associative s'est interrogé sur le rapport entre les objectifs du texte et les articles 10, 11 et 12. En quoi permettent-ils de lutter contre les séparatismes ?
Ce texte répond à la demande du Président de la République de lutter contre les séparatismes, les dérives communautaires, les pratiques dégradantes, et propose de renforcer les principes de la République, notamment concernant le respect de la dignité de la personne humaine et de l'égalité entre les femmes et les hommes afin de faciliter le « vivre ensemble » dans le respect des différences.
Pourriez-vous préciser le concept assez général de « dignité humaine » – souvent utilisé et galvaudé – en particulier au sein de l'article 16 ?
L'article 13 protégeant les héritiers réservataires de discriminations potentielles, notamment, les femmes, tout en souhaitant respecter les volontés du défunt et les textes internationaux, ne manque pas d'intérêt puisqu'il va dans le sens de l'équité mais il soulève un certain nombre de questions : difficultés pour rechercher les héritiers et estimer la valeur des biens, possibilités de blocages de successions ou d'allongement des délais, risques multiples de contentieux. Quels éléments ou garanties pouvez-vous apporter ? Une renégociation des conventions internationales est-elle envisageable ?
Les articles 14 et 15 renforcent la lutte contre la polygamie : refus d'obtention ou de renouvellement des titres de séjour, attribution de pension de réversion à un seul conjoint survivant, marié ou divorcé, au prorata de la durée du mariage et de ses conditions. Ce dispositif protège les personnes et respecte les lois françaises, mais les femmes étant souvent les victimes collatérales de ces situations, comment envisagez-vous de les protéger, ainsi que les enfants, durant cette phase transitoire, et les accompagner dans leurs démarches de demandes de titres de séjour autonomes ?
Avancée saluée par tous, l'article 16 interdit aux professionnels de santé d'établir un certificat de virginité mais seuls les professionnels de santé, en cas de non-respect, seront sanctionnés. Une gradation des sanctions – contraventions, sanctions disciplinaires ? – est-elle envisageable avant que ne soient appliquées la peine d'un an de prison et l'amende de 15 000 euros ? Est-il également envisageable de sanctionner les demandeurs que sont les futurs maris et les familles ? De la même manière, un signalement obligatoire auprès du conseil de l'ordre ou du procureur de la République est-il envisageable ? Les sages-femmes sont également concernées.
L'article 17 concerne la protection du consentement et l'entretien individuel avant la célébration d'un mariage. Un guide des bonnes pratiques, une formation des élus, un renforcement des signalements au procureur avec la possibilité de disposer d'un registre commun des avis formulés sont-ils envisageables tant les appréciations diffèrent, en ces matières, entre les communes ?
Monsieur le rapporteur général, nous aurions besoin de plusieurs heures pour débattre de la définition des principes de la République. Je suis toujours étonnée lorsque j'entends dire que la formule de « valeurs ou de principes de la République » serait vide de sens et relèverait des éléments de langage ou de la langue de bois. C'est bien triste, pour le débat public, en 2021, dans notre pays.
Pour moi, les valeurs de la République ont un sens, celui de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, du respect de la laïcité, de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la dignité humaine. La République, avant tout, est un système politique dans lequel le titulaire du pouvoir n'est pas désigné héréditairement mais en vertu d'une organisation démocratique garantissant que le pouvoir se trouve entre les mains du peuple à travers le processus électoral. Les récents événements aux États-Unis ont montré combien il importe d'y être attachés.
Ce projet, précisément, vise à conforter ces valeurs mais aussi à les redéfinir, à les détailler, à les expliciter, à les « actualiser ». Parce que les attentes sont fortes, nous avons décidé de les mettre en évidence dans le contrat d'engagement républicain, collectivement : ce n'est pas tant « ma » définition de ces valeurs qui importe mais celle qui est élaborée avec les élus locaux, les associations, les parlementaires. Nous avons d'ailleurs commencé les consultations avec les associations et nous les poursuivrons avec les représentants des élus locaux.
À nos yeux, monsieur Poulliat, il est fondamental que ce contrat ait valeur de loi. Lors de mes précédentes fonctions, j'ai publié une charte de la laïcité qui a été validée par toutes les associations subventionnées relevant du champ de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il n'y a eu aucun problème, aucune contestation. Pensée collectivement, rédigée par l'Observatoire de la laïcité, elle a fait l'objet de consultations et chacun a donné son accord. L'antenne marseillaise du Planning familial avait toutefois considéré que l'excision relevait d'un choix. La direction nationale était revenue sur ces propos tenus par une jeune stagiaire non formée. Nous ne pouvions qu'entendre le droit à l'erreur mais un tel point de vue n'était et n'est pas admissible. Il nous semble donc fondamental de rappeler que toute grande association subventionnée par de l'argent public, qui a vocation, parfois, à participer à des actions relevant de la délégation de service public, doit respecter les valeurs de la République.
Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur général, de revenir sur ce problème important qu'est celui des certificats de complaisance. Yannis Roeder, enseignant en Seine-Saint-Denis, membre du conseil des sages de la laïcité, nous a alertés sur le taux exponentiel de collégiennes allergiques au chlore dans son établissement. Manifestement, elles sont munies de certificats de complaisance pour échapper aux séances de piscine, les familles étant motivées d'après lui la plupart du temps par des considérations religieuses. De tels comportements sont d'ores et déjà sanctionnés puisque la médecine scolaire opère un certain nombre de contrôles, mais la loi que nous défendrons disposera qu'aucun certificat sans rapport avec la santé du patient ne pourra être délivré. Au-delà de la loi, l'action publique doit mener un accompagnement ; Jean-Michel Blanquer reviendra sur ce point.
Il n'est pas question d'arrêter de subventionner des associations non mixtes – par exemple, un club de football où ne jouent que des petits garçons ou une association de femmes enceintes. C'est le bon sens qui, avec les intentions des associations, doit nous guider, et ce sera le cas dans le cadre du contrat d'engagement. Les articles 10, 11 et 12 visent précisément à s'assurer que les associations séparatistes ne bénéficient pas des avantages prévus pour le champ associatif, lequel sortira renforcé par ce projet de loi.
Le principe de la dignité humaine, madame Dubré-Chirat, sera défini dans le contrat d'engagement. La jurisprudence de différentes grandes organisations est très dense à ce propos mais nous pourrons bien évidemment en débattre : si nous sommes attachés à cette expression, nous sommes ouverts à toutes vos propositions et, au final, c'est vous qui trancherez.
Je suis d'accord avec vous : en matière de polygamie, l'action publique doit accompagner la loi. Beaucoup de choses, dans notre pays, sont interdites par la loi mais n'en existent pas moins : il convient donc de renforcer et la législation, et l'action publique. Un accompagnement des élus locaux sera nécessaire – l'AMF sera reçue demain au ministère de l'intérieur.
Une fois n'est pas coutume, je citerai un poète, Louis Aragon, qui écrivait en mars 1943 :
« Celui qui croyait au ciel
« Celui qui n'y croyait pas
« Tous deux adoraient la belle
« Prisonnière des soldats... »
Il semble que l'amour de la France ne soit plus partagé par tous ses enfants et qu'une haine antirépublicaine viscérale, issue d'un fanatisme rampant, se soit installée avec son lot d'atteintes à la laïcité, qui est pourtant le ciment de notre pays, et une multiplication d'actes tragiques.
En 2003, Jacques Chirac disait de la laïcité : « Il ne s'agit aujourd'hui ni de la refonder ni d'en modifier les frontières. Il s'agit de la faire vivre en restant fidèles aux équilibres que nous avons su inventer et aux valeurs de la République. » Or, si on interroge les Français sur ce que sont la laïcité et les principes républicains, je ne suis pas sûre que les réponses aillent de soi.
Dès lors, si nos débats sont l'occasion de rappeler nos principes, notre attachement à la laïcité, et d'en appeler à la cohésion nationale, à notre aptitude à vivre ensemble, ne faut-il pas poursuivre le travail dans la durée pour réinstaurer l'attachement aux principes qui animent notre pays ? Suite à la mort atroce de mon collègue Samuel Paty, cela passera sans doute par l'estime et le respect que l'on doit avoir pour l'école et les professeurs, premiers passeurs du savoir, mais aussi par un rappel tous azimuts de ce que sont nos principes : laïcité, égalité entre les femmes et les hommes, liberté d'expression, respect de la dignité humaine, tolérance, devise républicaine.
Qu'est-il prévu pour insuffler à nouveau la connaissance, l'amour de ces mots, toujours cruciaux et concrets ? Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés proposera la création d'un fonds spécifique pour soutenir les associations qui œuvrent en ce sens.
Madame la députée, je souscris à votre message. Je suis très favorable à l'idée d'accompagner davantage les acteurs qui défendent la laïcité – c'est d'ailleurs le sens de mon ministère délégué, chargé de la citoyenneté – et de créer un fonds spécifique pour soutenir les associations œuvrant dans ce champ. Si les pouvoirs publics agissent déjà dans cette direction, peut‑être pouvons‑nous travailler afin de mener une action de soutien plus visible, grâce au fonds interministériel de prévention de la délinquance.
S'agissant des articles relatifs aux associations, quel compte avez‑vous tenu de l'avis du Haut Conseil à la vie associative, notamment pour ne pas reprendre la charte de 2014, qui avait fait l'objet d'un travail de concertation pour être validée par le Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (CERFA) ? Pourquoi ne pas avoir élargi le contrat d'engagement à d'autres personnes morales, comme les fondations, les fonds de dotation ou les sociétés civiles et commerciales ? Quel sera le degré de précision du décret en Conseil d'État qui définira les principes républicains ? Je rappelle que ce même Conseil d'État a fermement suggéré qu'ils soient énoncés dans la loi et non pas renvoyés à un décret. Alors que vous avez mentionné la difficulté à dissoudre les black blocs, en quoi les nouvelles dispositions le permettraient-elles ?
Avez‑vous des éléments actualisés sur la réserve de polygamie ? Vous avez évoqué un rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) de mars 2018 ; or je pense qu'il s'agit plutôt de celui de mars 2006. Par ailleurs, j'ai cru comprendre dans l'étude d'impact que, du fait de conventions internationales de sécurité sociale conclues entre la France et au moins treize États, un certain nombre de ressortissants ne seraient pas concernés par les dispositions de la loi. Entendez‑vous les renégocier ? En outre, dans certaines situations, la seconde épouse aura droit aux minima sociaux. N'y a‑t‑il pas là une façon de distinguer les victimes, selon qu'elle est la première ou la seconde épouse ?
Enfin, à la page 136 de l'étude d'impact, pourriez-vous préciser une phrase dont je ne voudrais pas que l'erreur grammaticale se double d'une erreur politique : « Si les raisons du choix n'apparaissent pas clairement dans le testament qui institue légataire universel le fils en déshéritant la fille, devrait présumer que le testateur de religion musulmane opère une discrimination là où le testateur américain ne ferait qu'exprimer sa liberté testamentaire » ? Une nouvelle rédaction serait utile.
Plusieurs chartes ont en effet été signées entre le monde associatif et les acteurs publics, en 2014, 2017 ou 2020, et c'est bien parce que beaucoup d'entre elles sont contestées par des associations – voyez l'exemple récent du maire de Montpellier – que nous avons voulu aller plus loin avec Gérald Darmanin et définir un contrat d'engagement qui ait valeur de loi. Nous prenons en compte la totalité des remontées qui nous sont faites par les associations et par les représentants des organisations d'élus, par toutes celles et tous ceux qui ont accepté notre démarche de consultation. Le texte du contrat d'engagement sera présenté aux parlementaires membres de la commission spéciale, avant l'examen du projet de loi en séance. Vous pourrez donc en prendre connaissance et travailler dessus. Notre but n'est pas de faire voter à tout prix ce que nous avons écrit mais de le voir enrichi, amendé, de sorte à avoir un beau contrat d'engagement républicain dans lequel les représentants des élus, des associations et les parlementaires se reconnaissent.
S'agissant de son contenu, à l'heure actuelle, nous avons idenetifié une dizaine de principes : dignité de la personne humaine ; égalité entre les femmes et les hommes et non‑discrimination ; fraternité et rejet de la haine ; respect des symboles de la République ; liberté de conscience et liberté religieuse – on ne peut pas financer une association qui endoctrine des gens et les oblige à pratiquer une religion ; protection de l'intégrité physique et morale ; respect de la légalité et de l'ordre public ; respect de l'environnement ; emploi de la langue française ; liberté d'association des membres.
Enfin, bien sûr, les conventions bilatérales relatives à la polygamie seront réexaminées.
Alors que le dispositif prévoit la restitution des fonds versés par une personne publique pour les associations qui ne respecteraient pas le contrat d'engagement républicain, d'une part, quels sont les mécanismes visant à s'assurer de l'effectivité du respect de ces dispositions et, d'autre part, la simple restitution vous paraît-elle suffisante ?
Par ailleurs, après l'avis du Conseil d'État, on sait que la question de l'atteinte à la dignité de la personne humaine a été retirée des motifs pouvant fonder légalement la dissolution administrative des associations. Vous avez manifesté à plusieurs reprises votre intérêt tout particulier pour cette notion. Ne pensez-vous pas que remettre cette disposition dans les motifs légaux de nature à autoriser la dissolution des associations serait pertinent ?
Enfin, êtes-vous favorable par principe à l'idée de sanctionner ceux qui demandent des certificats de virginité et non pas seulement ceux qui les dressent ? Concernant ces derniers, l'automaticité du lancement d'une procédure disciplinaire devant le conseil de l'ordre vous paraît-elle pertinente ?
Les fonds sont restitués par le biais du tribunal administratif et la dissolution de l'association est proposée en fonction de la gravité des actes commis. Avec le ministre de l'intérieur, nous avons proposé une riposte graduée, permettant d'apporter une réponse spécifique à chaque cas. Si nous ne souhaitons pas voir certaines associations financées par des fonds publics, nous ne souhaitons pas pour autant leur dissolution. Nous voulions trouver une gradation, à laquelle nous sommes, je crois, parvenus.
S'agissant du certificat de virginité, la loi prévoit déjà des sanctions pour les familles qui contraindraient une jeune fille à le solliciter. C'est pourquoi nous ne proposons une nouvelle sanction que pour le professionnel qui l'établit. J'imagine que nous aurons le débat en séance. Si les parlementaires souhaitent apporter des précisions au droit existant, ils sont bien évidemment libres d'amender.
Je vous remercie, madame la ministre, de rappeler la liberté d'amender des parlementaires.
Sur le contrat d'engagement républicain, ne pensez‑vous pas qu'il ne faudrait pas dire plutôt « des engagements respectés des principes » ? Ce contrat pourrait-il être à géométrie variable, selon la nature des associations ?
Quant à l'article 13 et à la réserve héréditaire, le notariat nous dit qu'il va surtout multiplier des contentieux de droit international privé, dont on ne se sortira pas. Qu'en pensez‑vous ?
Êtes-vous favorable à l'extension de l'article 14 à la polyandrie ?
Concernant l'article 15, le fait d'écrire « sous réserve des engagements internationaux de la France » le vide complètement de son contenu. Seriez-vous favorable à des amendements interdisant toute disposition permettant le partage des pensions de réversion dans les conventions bilatérales internationales de sécurité sociale ?
Enfin, s'agissant du certificat de virginité, ce ne sont pas seulement ceux qui le délivrent qu'il faudrait sanctionner mais aussi ceux qui les demandent. Seriez-vous favorable à un élargissement des sanctions ?
Je vais tenter de le faire, monsieur le président.
Non, le contrat d'engagement n'est pas à géométrie variable. Nous voulons qu'il soit simple et qu'il ait valeur de droit.
Oui, il y aura potentiellement une multiplication des contentieux et des recours, mais cela se fera au bénéfice de la personne déshéritée. Je préfère sanctuariser ce droit et protéger les jeunes filles et les femmes déshéritées parce qu'elles sont des femmes et leur donner les moyens de lancer une procédure pour récupérer leur héritage.
Aucun pays n'a légiféré pour permettre la polyandrie. Seules existent des pratiques coutumières, mais non des lois. La polyandrie est pratiquée dans quatre territoires, mais aucun n'a validé par la loi le mariage d'une femme avec plusieurs hommes. Depuis que nous menons des études sur la polygamie, aucun cas de polyandrie n'a été relevé en France. Si vous en trouvez un, je suis à votre disposition pour l'examiner avec vous. À ce stade, ce sont les femmes qui pâtissent partout dans le monde de la polygamie et non les hommes.
Non, pour ce qui est des conventions internationales, puisque cela ne relève pas de la loi.
Enfin, comme je l'ai dit à M. Euzet, nous considérons qu'à l'heure actuelle la loi permet déjà de sanctionner les familles qui demandent les certificats de virginité. Mais cette discussion se poursuivra en séance.
Vous avez compris que la question de la réserve héréditaire sera un sujet de débat pour trouver la bonne rédaction...
Je suis étonné, madame la ministre, que vous ne voyiez pas la différence entre principes et valeurs. Quand il s'agit de la République, ce n'est pas du tout la même chose. Je suis aussi étonné de vous voir avancer sur le terrain d'une charte qui aurait valeur de loi. En République, c'est la loi qui prévaut ; il n'y a pas de chartes à valeur de loi. Enfin, ne comprenez-vous pas qu'il est pour moi inacceptable de discuter d'un texte qui n'est pas encore connu du législateur ?
Il faut créer des conditions pour que les gens respectent la loi. Or proposer un texte qui ne fera finalement que la rappeler, dans la mesure où il est anticonstitutionnel de demander quoi que ce soit qui aille au-delà de la loi, est simplement redondant, si bien qu'un grand nombre de personnes n'en comprendront pas l'intérêt et que ceux qui sont malveillants signeront tout ce que vous voudrez, puisque ce texte sera sans doute d'une extrême généralité. Donnons les moyens de faire respecter la loi ! Vous évoquez des associations qui reçoivent des subventions alors qu'elles ne le devraient pas. Mais il y a bien des assemblées délibérantes qui les attribuent. Quels sont les moyens offerts par la loi aux services de renseignement ou à la police, par exemple, pour signaler que ces associations mènent des actions contraires à la loi, afin que l'instance délibérante prenne les bonnes mesures ?
Mariage forcé, polygamie, certificat de virginité, évidemment que tout cela est choquant et doit être combattu. Mais rien dans votre dispositif ne protège les femmes. Il faut développer un système de prévention pour accompagner les femmes qui sont amenées à demander de tels certificats. On peut sanctionner le médecin, mais c'est d'ores et déjà prévu par la loi, tout comme pour la polygamie et les mariages forcés. Il me semble, au passage, que vous avez eu tout à l'heure une formulation un peu hasardeuse, en évoquant en 2021 200 000 personnes, alors que le nombre de mariages forcés s'élève plutôt à 70 000. Sans contester la réalité de toutes ces situations, je trouve que notre débat manque parfois de rationalité et d'éléments précis pour discuter des dynamiques à l'œuvre.
En évoquant les CLIR, vous nous avez montré qu'il existait des dispositifs permettant de fermer des établissements.
Enfin, on ne retrouve dans le texte rien de ce qu'avait mentionné le Président de la République aux Mureaux, qui parlait de casser les ghettos sociaux, disait que tout était là et qu'il ne fallait pas ajouter de la pauvreté à la pauvreté. De même, rappelons-nous l'une des conclusions de la commission Stasi selon laquelle le communautarisme était plus subi que voulu. Tout cela est totalement absent du texte ! Ne croyez-vous pas que ce soit là, par rapport aux objectifs affichés, la faiblesse originelle d'un texte qui ne prend pas le temps de donner les moyens non pas de multiplier les sanctions, même s'il en faut parfois, mais de briser les liens qui conduisent certaines personnes à s'enfermer contre leur volonté dans des pratiques coutumières ou réactionnaires dégradantes ?
Je n'ai jamais dit que je ne voyais pas de différence entre les principes et les valeurs. Contrat et charte sont également différents, monsieur le député. Vous êtes un intellectuel qui connaissez le sens des mots. Vous savez parfaitement que ce n'est pas la même chose. C'est justement pour créer un contrat d'engagement et non pas une charte d'engagement sur les principes de la République que nous avons décidé de l'inscrire dans la loi. Son texte sera pris par un décret en Conseil d'État, lequel a rendu un avis assez positif sur le principe de ce contrat. Rien ne permet de dire qu'il ne serait pas constitutionnel. Nous aurons, j'imagine, cette discussion en séance.
Concernant les mariages forcés et le stock de 200 000 personnes, ce n'est pas mon chiffre, mais ceux de l'INED et du GAMS, une organisation indépendante associative qui travaille contre l'excision et les mariages forcés.
Vous avez tout à fait raison de signaler que le combat pour la protection des femmes ne peut pas passer que par des sanctions et par la loi. C'est pourquoi j'avais créé un plan de lutte contre l'excision et un plan contre les mariages forcés dans mes précédentes fonctions. Nous avons ainsi multiplié par quatre les subventions aux associations qui travaillent contre les mariages forcés et l'excision, pour accompagner au-delà de la loi. En effet, si nous considérions que tout le travail mené contre la polygamie, les mariages forcés et l'excision se résumait au travail législatif, ce serait évidemment très insuffisant. Un travail de politique publique est mené par le biais des opérateurs de l'État et d'associations dans les différents quartiers. Je suis à votre disposition si vous connaissez des acteurs dont vous considérez qu'ils devraient être davantage soutenus.
Enfin, je vous remercie de saluer le discours et les objectifs du Président de la République. Cela me fait plaisir de voir que vous avez été convaincu et que vous souhaitez que ses engagements soient pleinement mis en œuvre. Ils le seront au-delà de la loi et par l'ensemble du Gouvernement, avec votre plein soutien, dont je vous remercie encore.
Madame la ministre déléguée, j'entends bien ce que vous dites sur le passage d'une charte à un contrat d'engagement républicain fondé sur le rappel de l'ensemble des principes républicains. Néanmoins, dans votre liste, on peut regretter l'absence d'un grand principe : la laïcité. Ce n'est pas gênant pour des associations qui ont une base liée à une religion. On peut être scout et respecter la laïcité. Cela n'est pas contradictoire. Je ne comprends pas pourquoi le mot « laïcité » est absent du contrat d'engagement.
Vous avez dit qu'il fallait faire vivre la loi. Mais c'est bien le problème ! La possibilité de dissolution d'une association, par exemple, existe. Il suffit que le préfet le décide ou qu'un ministre choisisse de retirer son agrément à une fédération, après une inspection, comme je l'ai fait. De la même façon, notre loi interdit la polygamie. La vraie question est celle de la volonté politique et des moyens mis en œuvre pour que ces dispositions soient vraiment utiles pour défendre les droits des individus, des femmes notamment.
Par ailleurs, toutes les associations ne disposent pas d'une organisation leur permettant de suivre tous leurs adhérents et leurs dispositifs locaux – le Planning familial a réagi, mais c'est le Planning familial. Il faudrait soutenir les associations et leur donner les moyens d'agir en leur sein, si on peut demander leur dissolution à la suite de propos ou d'agissements d'un seul de leurs membres.
Je suis absolument d'accord pour lutter contre les mariages forcés. Mais encore faut‑il donner aux femmes étrangères les moyens de leur autonomie, lesquels passent par une nouvelle vision de la carte de séjour, qui leur est donnée en raison de leur mariage et dont on refuse le renouvellement après un an si elles ne sont plus en couple.
J'ai été un peu rapide sur le contrat d'engagement : la laïcité y sera bien évidemment inscrite. D'ailleurs, comme je vous l'ai dit, nous vous adresserons le texte, avant l'examen en séance, pour que, si vous estimiez qu'il y avait des éléments manquants, il soit possible d'en discuter. Comme vous, je pense que les organisations de scoutisme ne sont pas une menace pour la laïcité, et personne n'en demande la dissolution. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de le préciser.
La dissolution d'une association est actuellement fixée en Conseil des ministres et non décidée par le préfet. Pour avoir été en charge de ce sujet, vous savez que la liberté d'association est fondamentale pour la République française et que nous considérons que dissoudre une association est assez grave, important et rare pour le faire à un tel niveau, dès lors qu'il y a un signalement. Personne à ma connaissance n'a demandé la dissolution du Planning familial dans les différents débats. Vous avez là aussi raison : il faut accompagner les associations. C'est le travail en marge de la loi que nous allons faire, dès la loi votée, avec ma collègue Sarah El Haïry : accompagner les grandes et moins grandes associations pour mettre à leur disposition des guides, des outils et des référents qui leur permettront de mener ce travail en leur sein, étant donné qu'il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur toute une organisation du fait des propos et des agissements d'une seule personne.
J'entends votre remarque sur les femmes étrangères. Nous avons fait traduire la grille d'évaluation du danger en quinze langues, pour qu'elle puisse être utilisée par les femmes étrangères, qui doivent pouvoir faire valoir leurs droits en matière de violences conjugales. Nous avons lancé une campagne de proposition de naturalisation des personnes étrangères qui ont travaillé en première ligne pendant la crise du covid, parmi lesquelles les femmes sont surreprésentées – santé, commerce, garde d'enfants. C'est important que la République fasse ce pas vers ces personnes et accélère leur naturalisation pour leur permettre de bénéficier de tous leurs droits de citoyens sur le sol français.
Les fondations de notre République construites sur la liberté, l'égalité, la fraternité, l'éducation et la laïcité sont solides. Mais les tentatives de contournement de ces principes à des fins politico-religieuses existent. Nous devons y apporter une réponse. Je vous sais particulièrement mobilisée dans cette lutte, madame la ministre.
Le chapitre III du projet de loi comporte des avancées pour le droit des personnes, notamment des femmes, que vous avez précisées. Ses dispositions ont également l'intérêt d'envoyer un signal fort rappelant que les principes républicains s'appliquent dans tous les pans de notre société.
Concernant les contrats d'engagement républicain, qui seraient signés par les associations, comment s'assurer qu'ils soient connus des adhérents et que ceux‑ci s'approprient également ces principes dans leur action associative ?
Pour lutter contre le séparatisme, il faut en parler, notamment auprès des jeunes. Il est essentiel que les principes républicains soient au cœur de la vie de tous, et ce dès le plus jeune âge. L'important me semble de développer leur connaissance de ces principes, qui permet d'éclairer et de prévenir, en les refusant, certaines situations. Une telle connaissance est un bon rempart contre les dérives. En tant que ministre déléguée en charge de la citoyenneté, que pensez-vous d'un renforcement des actions ciblées en direction des jeunes, afin de s'assurer qu'ils s'approprient les principes fondateurs de la République, ainsi que les droits et les devoirs qui en découlent ?
Madame la ministre, je tenais à aborder la question de la haine en ligne et de l'impact que les réseaux sociaux ont sur les jeunes. Vous connaissez le travail du Parlement sur ce sujet et, bien sûr, le travail colossal qu'a entrepris Laetitia Avia. La place réservée à la haine en ligne dans ce texte démontre que c'est bien sûr internet que se mène la bataille de la citoyenneté, pour que chacun, notamment les plus jeunes, comprenne ce que la citoyenneté française impose et permet. Nous avons travaillé sur la responsabilisation des réseaux sociaux, sur leur régulation. Je travaille également sur la prévention de la haine en ligne, ainsi que sur la prévention de l'enfermement algorithmique. Mais au-delà, je m'interroge sur le rôle des parents, leur responsabilité, leur devoir de surveillance, leur rôle dans l'apprentissage de cette citoyenneté, quand aujourd'hui ce sont très souvent les smartphones qui font office de baby-sitters. Comment les responsabiliser ? Comment faire des parents des partenaires de la République dans tout ce qu'elle entreprend pour protéger ses enfants et les éduquer, y compris sur la Toile ?
Les associations doivent pouvoir être accompagnées pour avoir, en plus de la loi, des guides, des contacts, des référents. Des campagnes d'affichage y sont prévues afin que ce ne soit pas seulement les dirigeants mais bien tous leurs membres qui puissent s'engager dans ce travail.
Madame Abadie, je salue le travail que vous menez de longue date sur ce sujet important, qui nous a aussi inspirés pour élaborer certaines dispositions de la loi. Les dispositions de lutte contre la haine en ligne sont fondamentales. Je salue aussi Laetitia Avia pour son travail précurseur sur le sujet, qui a alerté l'opinion publique sur les dangers de la haine en ligne. Hélas, la suite lui a donné raison sur l'urgence d'agir. Le garde des sceaux travaille aussi sur ce sujet. Les actions de formation sont fondamentales. En ce qui concerne les actions familiales, pensons au travail mené par les caisses d'allocations familiales sous l'autorité d'Adrien Taquet dans son programme des mille premiers jours, qui vise à apprendre à devenir parent, ce qui n'est pas chose aisée, comme chacun le sait.
Madame la ministre, vous avez dit qu'en cas de non‑respect du contrat d'engagement républicain, son agrément serait retiré à l'association. Rappelons qu'avant 2015, c'était le préfet qui donnait les agréments aux associations sportives. Depuis une ordonnance de simplification, l'affiliation à une fédération vaut désormais agrément. Il est dommage que ce ne soit plus le préfet qui donne l'agrément ; il ne fait plus que le retirer. Il serait bien qu'il puisse de nouveau le faire, comme nous l'avons proposé avec Éric Poulliat dans notre rapport sur les services publics face à la radicalisation. De fait, ils ne sont pas soumis à la culture du résultat et sont beaucoup plus attachés à regarder si l'on respecte les valeurs de la République ou encore l'égalité entre les hommes et les femmes.
Dans son avis, le Conseil d'État recommandait que le contrat assure « la plus large diffusion des valeurs et principes qui inspirent le 2 de l'article 50 de la charte olympique qui stipule que : "Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou emplacement olympique" ». Il semblerait que le Gouvernement n'ait pas retenu cet élément, à mon regret.
Monsieur le député, je salue votre engagement sur ces questions. Le contrat d'engagement a vocation à être signé par l'ensemble des acteurs du champ associatif, incluant le milieu sportif. Nous avons lancé un cycle de formation, sous l'égide du secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), placé sous mon autorité. Nous avons commencé par le ministère des sports. Avec Roxana Maracineanu, nous avons pu organiser, dès le 12 novembre, des temps de formation pour les directions centrales des administrations. C'est un sujet sur lequel nous travaillons également avec Amélie de Montchalin, pour être certaines que l'ensemble des acteurs qui ont à se prononcer au nom de l'État sur ces questions soient pleinement formés et engagés. Au‑delà de la loi, la question de la formation et de l'information est fondamentale. L'idée est de construire avec chacun. Le rôle de l'État est d'être garant du respect des règles.
Je ne suis pas sûre d'avoir compris votre dernière question. Si je vous réponds à côté, je suis à votre disposition pour échanger. La charte internationale de pratique des Jeux olympiques n'a pas de lien avec notre projet de loi. Le Gouvernement n'a pas fait part d'une quelconque position dessus.
La séance est levée à treize heures quatre.
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République
Réunion du lundi 11 janvier 2021 à 11 heures 30
Présents. – Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, Mme Anne-Christine Lang, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Bruno Questel, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet