Je suis étonné, madame la ministre, que vous ne voyiez pas la différence entre principes et valeurs. Quand il s'agit de la République, ce n'est pas du tout la même chose. Je suis aussi étonné de vous voir avancer sur le terrain d'une charte qui aurait valeur de loi. En République, c'est la loi qui prévaut ; il n'y a pas de chartes à valeur de loi. Enfin, ne comprenez-vous pas qu'il est pour moi inacceptable de discuter d'un texte qui n'est pas encore connu du législateur ?
Il faut créer des conditions pour que les gens respectent la loi. Or proposer un texte qui ne fera finalement que la rappeler, dans la mesure où il est anticonstitutionnel de demander quoi que ce soit qui aille au-delà de la loi, est simplement redondant, si bien qu'un grand nombre de personnes n'en comprendront pas l'intérêt et que ceux qui sont malveillants signeront tout ce que vous voudrez, puisque ce texte sera sans doute d'une extrême généralité. Donnons les moyens de faire respecter la loi ! Vous évoquez des associations qui reçoivent des subventions alors qu'elles ne le devraient pas. Mais il y a bien des assemblées délibérantes qui les attribuent. Quels sont les moyens offerts par la loi aux services de renseignement ou à la police, par exemple, pour signaler que ces associations mènent des actions contraires à la loi, afin que l'instance délibérante prenne les bonnes mesures ?
Mariage forcé, polygamie, certificat de virginité, évidemment que tout cela est choquant et doit être combattu. Mais rien dans votre dispositif ne protège les femmes. Il faut développer un système de prévention pour accompagner les femmes qui sont amenées à demander de tels certificats. On peut sanctionner le médecin, mais c'est d'ores et déjà prévu par la loi, tout comme pour la polygamie et les mariages forcés. Il me semble, au passage, que vous avez eu tout à l'heure une formulation un peu hasardeuse, en évoquant en 2021 200 000 personnes, alors que le nombre de mariages forcés s'élève plutôt à 70 000. Sans contester la réalité de toutes ces situations, je trouve que notre débat manque parfois de rationalité et d'éléments précis pour discuter des dynamiques à l'œuvre.
En évoquant les CLIR, vous nous avez montré qu'il existait des dispositifs permettant de fermer des établissements.
Enfin, on ne retrouve dans le texte rien de ce qu'avait mentionné le Président de la République aux Mureaux, qui parlait de casser les ghettos sociaux, disait que tout était là et qu'il ne fallait pas ajouter de la pauvreté à la pauvreté. De même, rappelons-nous l'une des conclusions de la commission Stasi selon laquelle le communautarisme était plus subi que voulu. Tout cela est totalement absent du texte ! Ne croyez-vous pas que ce soit là, par rapport aux objectifs affichés, la faiblesse originelle d'un texte qui ne prend pas le temps de donner les moyens non pas de multiplier les sanctions, même s'il en faut parfois, mais de briser les liens qui conduisent certaines personnes à s'enfermer contre leur volonté dans des pratiques coutumières ou réactionnaires dégradantes ?