Intervention de Nathalie Verdeil

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT) :

Mon propos introductif s'attachera davantage au contexte qu'au texte en lui-même, sujet sur lequel nous reviendrons probablement par la suite.

Conformément à ses valeurs et à ses statuts, la CGT agit pour que prévalent, dans la société, les idéaux de liberté, d'égalité, de justice, de laïcité, de fraternité et de solidarité. Elle agit aussi contre toutes les discriminations, le racisme, la xénophobie et toutes les exclusions. En ce sens, la CGT est attachée aux valeurs de la République – Liberté, Égalité, Fraternité – et considère que les politiques ou les actes mettant à mal un de ces piliers sont dangereux pour le pacte social et le vivre ensemble. Évidemment, la CGT est favorable à la lutte contre la montée des intégrismes. De tous les intégrismes. Ils ne sont pas des manifestations de convictions religieuses, mais des projets politiques qui sont, de fait, les ennemis de la laïcité. Il est légitime de questionner les valeurs de la République et le principe de laïcité, à condition de parler tous de la même chose. Or elle est trop souvent convoquée, dans le débat public, sous le sceau de la polémique et de l'instrumentalisation politique.

Le projet de loi présenté est un texte « fourre-tout », qui ne correspond ni à son titre ni aux intentions données dans les présentations médiatiques. Il ne suffit pas d'affirmer qu'il est un texte de liberté pour qu'il le soit vraiment. Ce texte est globalement punitif et instaure de nouveaux outils juridiques. Son approche sécuritaire et idéologique est dangereuse, car il ne s'attaque pas aux racines du problème. Le risque est de renforcer un sentiment d'exclusion d'une partie de la population.

La CGT considère que ce qui met à mal la cohésion sociale, c'est le chômage, la précarité, l'effondrement des services publics, le manque d'accès à la culture ou à l'éducation populaire. Qui est le meilleur garant du respect des principes de la République ? La réponse peut paraître évidente : l'État, et ceux et celles qui le représentent. Or cela ne transparaît pas dans le texte. L'entrisme religieux est bien sûr dangereux et à combattre. Toutefois, il n'est pas le seul danger remettant en cause le socle républicain. Les fondements qui sont considérés dans l'exposé des motifs comme solides et intangibles, nous les considérons comme essentiels, mais fragiles. Ils sont le fruit de combats et le résultat, souvent, de consensus et d'équilibres. Pour la CGT, la disparition de services publics constitue également un danger. Elle est une source profonde d'inégalités, de discrimination, d'injustice, de remise en cause des droits fondamentaux. Ce texte s'inscrit par ailleurs dans une logique de texte sécuritaire qui affaiblit les libertés fondamentales. L'adhésion aux valeurs de la République ne peut pas passer seulement par un arsenal législatif et pénal supplémentaire, mais par des responsabilités partagées dont l'État doit être le garant.

Au-delà de ce propos liminaire, sachez que nous n'avons pas l'intention d'intervenir sur l'ensemble des articles du projet de loi. Nous reviendrons en revanche sur les limites de l'extension du principe de neutralité aux salariés de droit privé des entreprises exerçant une délégation de service public. Si un salarié de droit privé agit en tant que sous-traitant d'une mission de service public, le débat ne se pose pas pareillement suivant que ce salarié soit ou non directement exposé à l'accueil ou au contact des usagers ou du public. Le droit du travail encadre déjà la liberté d'expression dans l'entreprise privée. Il existe donc des limites à cet article restreignant la liberté des salariés de droit privé. Enfin, je rejoins la CFDT lorsqu'elle rappelle qu'il existe déjà de nombreux textes – jurisprudences, règlements intérieurs d'entreprises exerçant des missions de service public – encadrant le travail des agents concernés.

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