Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • laïcité
  • neutralité
  • phénomène
  • syndicale

La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Mercredi 13 janvier 2021

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

La commission spéciale procède à l'audition d'organisations syndicales de salariés :

• Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Frédéric Sève, secrétaire national, et Mme Caroline Werkoff, secrétaire confédérale en charge des relations avec le Parlement ;

• Confédération générale du travail (CGT) – Mme Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale ;

• Force ouvrière (FO) – M. Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires, Mme Roxane Idoudi, secrétaire confédérale en charge du développement de l'organisation, et Mme Brussia Marton, assistante confédérale au service juridique ;

• Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Gérard Mardiné, secrétaire général ;

• Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Cyril Chabanier, Président ;

• Fédération syndicale unitaire (FSU) – M. Benoît Teste, secrétaire général, et M. Stéphane Tassel, secrétaire national ;

• Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – Mme Émilie Trigo, secrétaire nationale.

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Pour rappel, l'Assemblée nationale a décidé la constitution d'une commission spéciale afin d'examiner le projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République. Cette commission, dont j'assure la présidence, réunit des députés provenant des diverses commissions de l'Assemblée. Nous avons souhaité organiser des auditions relativement variées, avec des représentants d'un certain nombre d'organisations concernées par la loi, afin de recueillir des avis, des analyses ou des propositions sur le texte, mais aussi sur le contexte dans lequel nous agissons.

Nous auditionnons ce matin les représentants de sept organisations syndicales de salariés. Pour ce qui vous concerne, vous représentez des salariés d'entreprises privées, des fonctionnaires ou des agents contractuels des différentes fonctions publiques, avec une très grande variété de situations. Comme vous le savez, ce projet de loi vise notamment à étendre le respect du principe de neutralité des services publics à des salariés travaillant pour des entreprises privées exerçant une mission de service public. Nous serions donc ravis de vous entendre sur cette nouveauté introduite par ce projet de loi, ainsi que sur tout autre sujet sur lequel vous souhaiteriez vous exprimer.

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Frédéric Sève, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Mon propos liminaire se concentrera sur le texte, le contexte et l'articulation des deux éléments.

Les grands principes au cœur de ce projet de loi ont été présentés par anticipation par le Président de la République, lors d'un discours prononcé aux Mureaux le 2 octobre 2020. Nous en retrouvons la teneur dans l'exposé des motifs de la loi.

D'emblée, je précise que la CFDT partage une large partie des constats exprimés dans ce discours, qui sont d'ailleurs anciens. Je ne dis pas que nous n'avons pas raison de les réactualiser et de les réaffirmer, mais ces constats sont effectivement partagés et anciens. Depuis trente ans, c'est le manque de volontarisme politique et de moyens donnés notamment à la politique de la ville ou à la politique d'intégration qui a permis aux organisations porteuses d'un islam radical – puisque c'est de ce sujet dont il est question – ou de logiques séparatistes ou prônant des idéologies au-dessus des lois de la République de prospérer dans certains quartiers ghettoïsés, dans lesquels – je reprends les mots du Président – la promesse de la République n'a pas été tenue. Je pense que c'est bien la nécessité de tenir, sur la durée, les promesses de la République – qui ont été prises en défaut depuis si longtemps – qui doit guider notre réflexion.

Si le constat est juste, les réponses sont en revanche assez incomplètes, ou en tout cas problématiques. Du moins, elles peuvent être incomplètes ou problématiques.

D'abord, s'agissant du contexte, nous regrettons que la question de l'islam en France – qui est tout de même sous-jacente au débat autour de ce projet de loi ou, de manière générale, au débat autour des questions de laïcité – ait tendance à n'être traitée que sous l'angle réducteur de la vigilance vis-à-vis de l'islam radical. Rappelons tout de même – je pense que nous serons tous d'accord – que l'islam est pratiqué dans un cadre légal par une écrasante majorité des musulmans en France, qui ne souscrivent ni de près ni de loin à l'islamisme et n'ont strictement aucun lien avec celles et ceux qui prennent appui sur une pseudo-lecture rigoriste des textes pour justifier des actes délictueux ou criminels. Il convient de le souligner et de le réaffirmer.

Comme je l'indiquais, la CFDT partage le constat et les objectifs de la loi. Toutefois, lorsque nous passons du propos général au détail des mesures envisagées, nos positionnements s'avèrent plus nuancés. Je prendrai trois exemples de ces nuances, qui biaiseront quelque peu la présentation, mais qui sont révélateurs des problématiques que peut poser une telle loi.

Mon premier exemple concerne l'article 1er, imposant la neutralité religieuse aux salariés des entreprises délégataires de service public. La CFDT partage ce principe, qui est déjà reconnu par la jurisprudence. De ce point de vue, son inscription dans la loi ne pose aucune difficulté. Cela dit, l'essentiel du débat concerne les capacités et les moyens que nous nous donnerons pour faciliter l'application de ce principe. En effet, son inscription dans la loi lui donnera de la visibilité, au point de constituer une nouveauté pour de nombreuses entreprises qui, parce qu'elles n'avaient jusqu'ici jamais été confrontées à ce problème, ne l'avaient pas appréhendé.

De fait, nous devons nous attendre à une demande d'aide relative à l'application de ce principe. Ce n'est pas simple, car la jurisprudence demeure assez floue sur ce que signifie, dans une entreprise délégataire de service public, le respect de la neutralité religieuse. De mémoire, la jurisprudence de la Cour de cassation se concentre essentiellement sur les questions vestimentaires, mais il est évident que le sujet ne se limite pas à cette dimension.

Un travail d'explication est donc attendu, qui sera sans doute aussi important – sinon plus – que la lettre de la loi elle-même. De même, des formations et un accompagnement devront être fournis aux travailleurs et aux services des ressources humaines. En tout état de cause, nous devons éviter de laisser les encadrants, les salariés et les entreprises se confronter seuls aux questions difficiles – d'interprétation, d'équilibre – soulevées par cet article. De notre point de vue, c'est sur cet aspect que porte l'essentiel du débat, davantage que sur le texte lui‑même.

Mon deuxième exemple concerne l'article 6 relatif à l'obligation, pour les associations, de signer un contrat d'engagement républicain. Même si nous pouvons en partager l'inspiration, cette obligation ne nous paraît ni opératoire ni nécessaire. Dans le cadre du régime de subvention, les associations sont, de fait, déjà soumises à un certain arbitraire – dans le bon sens du terme – et au contrôle. Nous estimons que cet article ne renforce guère le contrôle des associations et de leurs activités. En revanche, au plan psychologique, il est susceptible de créer une possible pierre d'achoppement avec le monde associatif, comme un élément de soupçon pouvant se révéler assez contreproductif.

Mon dernier exemple concerne l'article traitant de la scolarité obligatoire dès trois ans. Si ce principe validé par le Conseil supérieur de l'éducation est accueilli favorablement par la CFDT, tout l'enjeu réside, à nouveau, dans l'application de ce principe. Réussir l'intégration de 25 000 à 30 000 enfants – peu importe le nombre, finalement – jusqu'ici non scolarisés dépendra nécessairement des moyens mis en œuvre. Je ne parle pas nécessairement des moyens en termes quantitatifs, mais des processus que l'Éducation nationale mettra en place pour réussir cette intégration.

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Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT)

Mon propos introductif s'attachera davantage au contexte qu'au texte en lui-même, sujet sur lequel nous reviendrons probablement par la suite.

Conformément à ses valeurs et à ses statuts, la CGT agit pour que prévalent, dans la société, les idéaux de liberté, d'égalité, de justice, de laïcité, de fraternité et de solidarité. Elle agit aussi contre toutes les discriminations, le racisme, la xénophobie et toutes les exclusions. En ce sens, la CGT est attachée aux valeurs de la République – Liberté, Égalité, Fraternité – et considère que les politiques ou les actes mettant à mal un de ces piliers sont dangereux pour le pacte social et le vivre ensemble. Évidemment, la CGT est favorable à la lutte contre la montée des intégrismes. De tous les intégrismes. Ils ne sont pas des manifestations de convictions religieuses, mais des projets politiques qui sont, de fait, les ennemis de la laïcité. Il est légitime de questionner les valeurs de la République et le principe de laïcité, à condition de parler tous de la même chose. Or elle est trop souvent convoquée, dans le débat public, sous le sceau de la polémique et de l'instrumentalisation politique.

Le projet de loi présenté est un texte « fourre-tout », qui ne correspond ni à son titre ni aux intentions données dans les présentations médiatiques. Il ne suffit pas d'affirmer qu'il est un texte de liberté pour qu'il le soit vraiment. Ce texte est globalement punitif et instaure de nouveaux outils juridiques. Son approche sécuritaire et idéologique est dangereuse, car il ne s'attaque pas aux racines du problème. Le risque est de renforcer un sentiment d'exclusion d'une partie de la population.

La CGT considère que ce qui met à mal la cohésion sociale, c'est le chômage, la précarité, l'effondrement des services publics, le manque d'accès à la culture ou à l'éducation populaire. Qui est le meilleur garant du respect des principes de la République ? La réponse peut paraître évidente : l'État, et ceux et celles qui le représentent. Or cela ne transparaît pas dans le texte. L'entrisme religieux est bien sûr dangereux et à combattre. Toutefois, il n'est pas le seul danger remettant en cause le socle républicain. Les fondements qui sont considérés dans l'exposé des motifs comme solides et intangibles, nous les considérons comme essentiels, mais fragiles. Ils sont le fruit de combats et le résultat, souvent, de consensus et d'équilibres. Pour la CGT, la disparition de services publics constitue également un danger. Elle est une source profonde d'inégalités, de discrimination, d'injustice, de remise en cause des droits fondamentaux. Ce texte s'inscrit par ailleurs dans une logique de texte sécuritaire qui affaiblit les libertés fondamentales. L'adhésion aux valeurs de la République ne peut pas passer seulement par un arsenal législatif et pénal supplémentaire, mais par des responsabilités partagées dont l'État doit être le garant.

Au-delà de ce propos liminaire, sachez que nous n'avons pas l'intention d'intervenir sur l'ensemble des articles du projet de loi. Nous reviendrons en revanche sur les limites de l'extension du principe de neutralité aux salariés de droit privé des entreprises exerçant une délégation de service public. Si un salarié de droit privé agit en tant que sous-traitant d'une mission de service public, le débat ne se pose pas pareillement suivant que ce salarié soit ou non directement exposé à l'accueil ou au contact des usagers ou du public. Le droit du travail encadre déjà la liberté d'expression dans l'entreprise privée. Il existe donc des limites à cet article restreignant la liberté des salariés de droit privé. Enfin, je rejoins la CFDT lorsqu'elle rappelle qu'il existe déjà de nombreux textes – jurisprudences, règlements intérieurs d'entreprises exerçant des missions de service public – encadrant le travail des agents concernés.

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Roxane Idoudi, secrétaire confédérale en charge du développement de l'organisation de Force ouvrière (FO)

Par son histoire et sa raison d'être, la confédération générale Force Ouvrière est une organisation syndicale ouvrière interprofessionnelle profondément démocrate, républicaine, laïque et pacifique. C'est la raison de son immédiate et constante condamnation des attentats et assassinats terroristes qui ont frappé les journalises de Charlie Hebdo, le professeur Samuel Paty, des policiers et agents publics en tant que tels, et bien d'autres personnes pour le seul fait qu'elles vivaient librement dans le cadre de la République.

Il est bien sûr indispensable d'agir et de prendre des mesures afin de protéger tout un chacun dans l'exercice de ses fonctions et emplois, dans l'exercice paisible des libertés individuelles et collectives, et d'empêcher que cela ne se reproduise. La confédération FO est cependant attentive, attachée et engagée à la défense sans cesse de la démocratie et des libertés, dont la liberté de conscience, la liberté d'expression, la liberté d'informer et de la presse, le droit et la liberté de manifester, et bien évidemment la liberté syndicale. C'est ce qui nous a conduits à nous exprimer contre les dispositions qui nous semblent y porter atteinte, dont celles contenues dans la proposition de loi relative à la sécurité globale, ou encore les décrets récents relatifs à la sécurité intérieure.

Notre engagement républicain est la raison de notre engagement en faveur de la fonction publique, du statut général des fonctionnaires, du service public et des services sociaux, qui voient nos syndicats actuellement mobilisés dans les secteurs de la santé, du social et médicosocial, de l'éducation nationale, des finances, de l'énergie, protestant contre les insuffisances de moyens d'effectifs et de reconnaissance salariale, et pour la préservation des entités et statuts publics.

Notre engagement laïc se traduit de façon historique et constante par notre attachement à la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Nous avons toujours considéré et considérons qu'elle doit être pleinement et entièrement défendue et mise en œuvre et respectée, plutôt que de vouloir la modifier au prétexte de la faire évoluer. À cet égard, la confédération FO s'est toujours opposée aux dispositions prises au cours du temps détournant les financements publics au profit de l'enseignement privé, dont la loi Debré de 1959, étant entendu qu'elle est attachée au principe de neutralité de l'État, et donc de ses services, fonctionnaires et agents dans l'exercice de leurs missions et fonctions, qui doivent en être protégés.

Lors de cette audition, nous interviendrons plus particulièrement sur l'article premier du chapitre 1, sur les articles 18, 19 et 20 du chapitre 2 et sur l'article 31 du chapitre 5, qui nous semblent importants.

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Gérard Mardiné, secrétaire général de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Ce projet de loi aborde des sujets structurants vis-à-vis de la capacité de vivre ensemble de la société française, qui est essentielle à sa cohésion, et donc à sa vitalité, à son avenir et même à son devenir. La CFE‑CGC partage l'essentiel des constats décrits dans l'exposé des motifs de la loi. Ceci dit, la reconstruction d'un vivre ensemble plus apaisé et plus fraternel tout en préservant les libertés individuelles fondamentales et les droits de l'Homme ne peut se limiter à conforter le respect des principes, soient-ils ceux de la République. Elle passe également par l'identification des causes des lignes de fracture qui abîment notre société, dont certaines ont déjà été évoquées, et qui abîment également notre démocratie, et par la volonté d'y apporter des solutions. Un équilibre doit ainsi être trouvé entre des mesures telles que celles inscrites dans ce projet de loi et des solutions à apporter aux problèmes rencontrés.

En particulier, le communautarisme – et les dérives qu'il engendre – puise souvent ses racines dans l'exclusion. Notre société doit devenir davantage inclusive et faire preuve de lucidité, mais aussi et surtout de courage pour rebâtir une démocratie au sein de laquelle les décisions politiques prévalent sur les pratiques de milieux d'affaires et financiers constitués d'une très petite minorité d'individus, qui entendent régenter le monde à leur profit et s'asseoir sur les décisions politiques issues de la démocratie républicaine. Ce ne sont d'ailleurs pas les exemples qui manquent dans l'actualité.

Par ailleurs, l'école doit être, plus que jamais, le creuset de la République. C'est un élément qui nous paraît très important, et nous sommes effectivement favorables aux mesures adoptées pour généraliser la scolarité. Néanmoins, il convient d'allouer des moyens supplémentaires pour doter l'Éducation nationale de moyens favorisant les capacités de réflexion et l'émancipation de nos jeunes, tout en les préservant de l'obscurantisme.

L'insertion des jeunes dans le monde du travail est également essentielle et doit constituer un impératif fort, au-delà du discours. Certes, des mesures ont déjà été adoptées, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. L'année 2020 fut évidemment particulière, mais le chômage des jeunes est un véritable cancer auquel il convient impérativement de mettre fin.

La préservation d'un monde futur vivable et si possible enviable doit impérativement devenir une priorité politique forte. Nous ne pouvons pas exclure des réactions fortes de citoyens se sentant légitimés dans leurs actions violentes du fait de la perception d'un avenir non vivable ; je fais ici référence à la crise écologique actuelle.

Nous devons donc trouver le juste équilibre entre le respect des libertés individuelles et des droits de l'Homme et les règles régissant une vie en société apaisée, sereine et respectueuse des libertés d'autrui. La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) a réfléchi et travaillé sur ce sujet, et la CFE-CGC partage très largement l'avis de cette commission. Considérant sa compétence sur le sujet, je suppose que vous avez déjà prévu de l'auditionner sur ce projet de loi.

Garantir le respect des principes républicains ne peut être principalement obtenu par la contrainte. Si le projet de loi devait être essentiellement répressif, comme une première lecture semble le montrer, il risquerait d'entretenir un ressentiment contraire à l'objectif recherché. Il convient donc de trouver un équilibre entre les mesures contraignantes avec leurs sanctions associées et les mesures favorisant la résolution des problèmes de fond.

Le contrat d'engagement républicain est une idée intéressante, mais l'article est pour l'instant formulé dans un sens particulièrement dur en cas de non-respect des engagements. De notre point de vue, seul l'irrespect manifeste des principes cités devrait pouvoir être retenu pour fonder une sanction pour manquement au pacte républicain, afin que le texte n'ouvre pas la porte à des sanctions très fortes pour des motifs mineurs.

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Cyril Chabanier, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Mon propos se concentrera sur les articles ayant un impact direct ou indirect sur le monde du travail et les travailleurs.

Pour la CFTC, l'intention de ce texte est plutôt légitime, et nous sommes plutôt en accord avec une grande partie des articles qu'il contient. Néanmoins, je prendrai plusieurs exemples pour souligner qu'il existe, d'une part, des articles avec lesquels nous sommes en accord et dont nous partageons le contenu et, d'autre part, des articles qui nous paraissent aller dans le bon sens, mais pour lesquels des précisions sont attendues afin d'en éviter les effets pervers. Enfin, je partagerai avec vous quelques critiques sur le manque d'équilibre de ce texte.

Parmi les mesures que nous estimons positives, je pense d'abord aux ajustements juridiques que ce projet de loi introduit à juste raison, notamment au sujet des discours de haine par la voie numérique et de la meilleure protection des agents publics. Ces aspects relèvent du périmètre de la sécurité publique, qu'il est nécessaire de renforcer pour lutter contre les violences et toute forme de terrorisme.

Trois exemples viennent étayer mon propos : l'article 3 élargissant le fichier recensant les auteurs d'actes terroristes aux individus faisant l'apologie du terrorisme ; les articles 4 et 5, qui renforcent la protection des agents de l'État en créant une nouvelle infraction, à savoir le fait d'user de menaces ou de violences ou de commettre tout autre acte d'intimidation ; les articles 18 et 20, qui concernent la haine sur Internet et la mise en place de trois nouveaux outils, dont le nouveau délit sanctionnant la diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne l'exposant à différentes menaces.

Au travers de ces trois exemples, nous parlons de la protection de la vie privée et de ses principaux attributs, à savoir la protection du domicile et de l'intimité des personnes, qui est un droit fondamental pour la CFTC. Ces articles visent l'ensemble de nos concitoyens, et plus particulièrement les travailleurs : enseignants, forces de l'ordre, soit des catégories pour lesquelles des mesures de protection sont aujourd'hui nécessaires. La CFTC est donc plutôt favorable à ce renforcement de droits fondamentaux.

D'autres mesures que nous qualifions de plutôt positives demandent des précisions pour en éviter les effets pervers. Je pense notamment à l'article premier traitant de l'extension du principe de neutralité aux organismes de droit privé ou de droit public participant à l'exécution de services publics, qui concerne également des catégories d'organismes privés ou publics auxquels la loi entend confier l'exécution d'une mission de service public. Au même titre que les articles que j'ai précédemment cités, nous accueillons ce premier article d'un œil plutôt favorable, dans la mesure où il vise des situations parfois vécues comme incertaines et non sécurisantes pour les travailleurs concernés. Dès lors qu'il s'agit d'exercer des missions de service public, nous pouvons entendre qu'il existe un certain parallélisme des formes avec la fonction publique, étant entendu que c'est la mission – plus que le statut de droit public ou de droit privé – qui doit primer.

Cela dit, nous alertons sur le risque de manque de précision. S'agit-il d'imposer une neutralité à tout intervenant ou utilisateur de ces espaces ? Le respect des principes de neutralité et de laïcité doit-il directement s'appliquer aux salariés, aux contractuels, aux occasionnels ? Est-ce pareillement valable pour les usagers ? Des précisions sont donc attendues pour savoir qui serait concerné par quelle disposition. Pour notre part, nous plaidons plutôt pour une définition légale d'un espace ou d'une mission de service public. À défaut de précision, le texte pourrait conduire à une conflictualisation des relations sociales ou professionnelles, là où le bon sens ou les régulations – mais aussi parfois la jurisprudence – produisent un certain équilibre.

Notre approche est quelque peu similaire pour l'article 6 dédié au contrat d'engagement républicain, pour lequel nous sommes en attente de précisions, à commencer par un énoncé précis d'exemples d'infractions.

Enfin, nous considérons nécessaire de rééquilibrer le texte. En l'état, ce projet de loi pourrait être perçu comme essentiellement répressif, ce qui nous pose problème. Dans son discours, le Président de la République avait tracé une voie d'équilibre en abordant la question de l'intégration, de l'égalité des chances, de la lutte contre les discriminations. Or le texte n'aborde pas véritablement ces volets. Au contraire, il désigne explicitement ou implicitement certaines catégories de nos concitoyens. Il s'en dégage une impression d'ensemble alimentant les soupçons des uns vis-à-vis des autres, alors qu'un texte plus équilibré en matière de droits et de devoirs aurait pu renforcer le désir d'appartenir à une communauté sociale et de vivre ensemble que nous ne retrouvons pas – du moins pas suffisamment – dans ce texte.

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Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU)

La question de l'équilibre du texte a déjà été soulevée lors des précédentes interventions liminaires. Partageant cette préoccupation, la FSU considère que le projet de loi est, à ce stade, déséquilibré, même si quelques dispositions prises isolément et séparément nous agréent. Ce texte contient différents éléments intéressants avec lesquels nous sommes en accord, mais nous pensons globalement qu'il risque de cibler et stigmatiser une pratique religieuse, alors que nous considérons impératif d'adopter, en toutes circonstances, une visée universaliste. Dans tous les textes ayant trait à ces questions de laïcité et de principes républicains, tout doit être équilibré, ce qui n'est pas le cas de ce projet de loi tel qu'il est aujourd'hui rédigé.

Par ailleurs, nous tenons à rappeler que ce texte touchera des équilibres fondamentaux et des lois fondamentales, ce qui est loin d'être négligeable. Je sais que vous en avez conscience, mais nous devons souligner que ce projet de loi touche à la loi de 1881 sur la liberté de presse, à la loi de 1901 sur les associations, à la loi de 1905 sur la laïcité, soit autant de lois résultant d'équilibres fragiles et de questions sensibles. Je ne dis pas que nous abordons ce sujet à la légère, mais nous devons veiller à ne pas ouvrir la boîte de Pandore.

Bien que nous soyons du côté des auditionnés, nous souhaitons tout de même vous adresser plusieurs questions sous forme d'interpellation. D'abord, nous nous inquiétons d'une possible procédure accélérée. J'ignore si cette procédure s'applique à ce texte, mais nous nous inquiétons – justement parce que les équilibres sont complexes – de possibles amendements qui pourraient être retenus pour modifier ce texte.

Je prendrai un seul exemple déjà évoqué ce jour, qui concerne l'extension du principe de neutralité aux missions de service public assumées par les entreprises privées. Globalement, ce principe nous agrée, et nous pensons effectivement judicieux d'étendre ce principe au cas par cas, dans certaines situations. Cela dit, veillons à ne pas rouvrir, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le débat sur les mères voilées accompagnant les sorties scolaires. D'aucuns prétendent, à l'appui de ce texte, que les mères voilées seraient en position de favoriser le prosélytisme religieux, ce qui n'est concrètement pas le cas dans l'immense majorité des sorties scolaires. Si nous réintroduisons ce débat à l'occasion de l'extension d'un principe qui nous semble de bonne politique, nous remettrons sur la place publique des questions sensibles et compliquées et des équilibres complexes. Sur le terrain, cette question est bien souvent réglée au cas par cas, par le professionnalisme des personnels, qui sont à même de juger si un risque de prosélytisme peut conduire à l'annulation de la participation de telle ou telle personne à la sortie scolaire. Nous tenions à vous en alerter.

Par ailleurs, je rappelle que la quasi-totalité des organisations syndicales présentes ce jour ont rédigé un texte commun suite aux attentats de 2015, qui s'intitule Vivre ensemble, travailler ensemble. Ce texte revient notamment sur le refus de tout prosélytisme, sur le refus des dérives comportementales excluantes et discriminatoires sur les lieux de travail, et nous retrouvons d'ailleurs un certain nombre d'éléments dans ce projet de loi. Cela dit, nous avions précisément veillé à l'équilibre du texte, dans la mesure où nous devions nécessairement viser le vivre ensemble.

Plus globalement, nous déplorons que ce texte soit marqué du sceau de l'interdit et de la pénalisation. Je reviendrai d'ailleurs, ultérieurement, sur les dispositions relatives à l'éducation.

Enfin, les modifications relatives au financement des associations cultuelles semblent traduire une dérive vers une pratique concordataire – régime de double autorisation, détermination par le préfet du caractère cultuel ou non d'une association – qui ne nous semble pas nécessaire et enviable en France.

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Vous avez parfaitement le droit de poser des questions, même si nous avons surtout vocation à vous entendre. D'ailleurs, je suppose que nos collègues députés prendront la parole pour partager à la fois des questions et des prises de position.

Pour faire suite à votre interpellation relative à la procédure accélérée, je me permettrai un bref rappel sur la procédure parlementaire, sur laquelle nous ne faisons jamais assez de pédagogie. Le caractère accéléré de la procédure parlementaire ne garantit nullement une adoption du texte dans un délai très court. Cette procédure autorise seulement, une fois que l'Assemblée et le Sénat ont procédé à un premier examen du texte, à réunir une commission mixte paritaire composée de députés et de sénateurs. S'ils s'accordent sur un texte, celui-ci est soumis au vote des deux chambres dans les mêmes termes. À défaut d'accord, la procédure habituelle suit son cours, avec une navette susceptible de mener à trois lectures du texte au sein de chaque chambre. En outre, dans la mesure où l'examen en commission vaut désormais lecture, ce ne sont pas moins de six lectures qui sont susceptibles d'être engagées. Nous prenons donc le temps de débattre des textes et de les examiner de près.

Comme vous le savez, notre commission examinera, la semaine prochaine, les amendements proposés sur ce projet de loi. Le texte sera ensuite porté à l'examen dans l'Hémicycle durant les deux premières semaines du mois de février.

Enfin, je rappellerai que nous avons souhaité élargir cette audition à d'autres organisations syndicales de salariés que les cinq organisations syndicales représentatives au niveau national, ce qui explique d'ailleurs votre présence ce jour. Comme nous en avons discuté au sein du bureau de la commission, nous avons souhaité que la FSU et l'UNSA puissent être associées à cette audition, dans la mesure où vous êtes particulièrement représentées parmi les fonctionnaires et les agents publics. C'est la raison pour laquelle sept organisations syndicales sont présentes ce matin, avec qui nous prenons le temps d'échanger.

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Émilie Trigo, secrétaire nationale de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA)

L'UNSA reviendra d'abord sur le contexte entourant ce projet de loi. Comme certains camarades l'ont déjà rappelé, ce projet de loi fait suite au discours des Mureaux, dans lequel le Président de la République s'attaquait au séparatisme islamiste, à l'islamisme radical, à l'islam radical, soit autant de termes que nous retrouvons dans l'exposé des motifs et dans l'étude d'impact, au sein desquels figurent les notions d'entrisme communautariste d'inspiration islamiste, de confrérie des Frères musulmans, d'arabo‑salafisme. In fine, aucun de ces termes n'apparaît dans le projet de loi. D'une certaine manière, c'est peut-être très positif en termes de stigmatisation. Néanmoins, le projet de loi semble avoir oublié tout un pan des annonces formulées à l'occasion du discours du 2 octobre, à savoir la recherche de cohésion sociale.

À l'UNSA, nous partageons bien évidemment l'intention qui consiste à lutter contre tous les séparatismes, notamment l'islam politique qui vise la destruction de la République et des démocraties. Il en existe d'autres, mais celui-ci doit tous nous rassembler et souder la communauté nationale autour d'un combat commun. Par ailleurs, dans la mesure où nous devons surtout éviter l'écueil de l'amalgame entre islam et islam politique, ce combat doit rassembler tous les républicains, dont les musulmans qui, dans une très large majorité, vivent leur religion en paix en France – il est important de le rappeler. Cette bataille pour la République, l'UNSA y participera. Si nous ne sommes pas, par principe, opposés à ce projet de loi, nous tenons à partager avec vous quelques interrogations, regrets et points de vigilance.

Nous questionnons d'abord la nécessité même d'un projet de loi pour régler les questions qui nous animent. Bien que le discours du 2 octobre ait été prononcé avant l'assassinat dont fut victime notre collègue Samuel Paty, devons-nous adopter des lois dans un contexte encore largement occupé par l'émotion plus que légitime suscitée par celui-ci ?

Par ailleurs, malgré les explications de M. de Rugy, nous regrettons le choix de soumettre un projet de loi touchant la laïcité à une procédure accélérée, considérant qu'il serait préférable de laisser un temps suffisant permettant des débats sereins et apaisés sur un sujet déchaînant traditionnellement les passions.

Nous en appelons également à la vigilance s'agissant de certains articles, à commencer par l'article premier relatif aux services publics et au principe de neutralité. Évidemment, pour l'UNSA, le principe de neutralité des services publics est la règle à respecter. Veillons toutefois à ne pas étendre ce principe plus largement qu'il ne doit l'être, les collaborateurs occasionnels du service public, les personnes participant à une activité d'intérêt général ou un organisme reconnu d'utilité publique n'y étant pas toujours soumis, ce qui est très satisfaisant. Dans la mesure où mes collègues de la FSU se sont déjà exprimés à ce sujet, je ne reviendrai pas sur le débat – pourtant tranché par le Conseil d'État en 2013 – relatif aux parents accompagnateurs de sorties scolaires, que nous ne devons surtout pas rouvrir. J'aborderai en revanche la question suivante : qu'est-il prévu pour les entreprises dont seule une partie des activités relève du service public ? Le régime de neutralité s'applique alors aux employés, en fonction de leurs missions. Comment procéder pour l'appliquer à long terme ?

Concernant les articles 4 et 5 sur la protection des agents publics, je rappellerai que l'UNSA Fonction publique a rendu un avis favorable lors de la présentation de cet article au Conseil commun de la fonction publique. Je m'abstiendrai d'y revenir plus longuement.

Abordons à présent le sujet de l'école. Pour l'UNSA, sa fédération de l'Éducation et son syndicat des enseignants, l'instruction obligatoire à trois ans est une bonne mesure. La limitation prévue pour l'instruction en famille l'était également, mais le nombre déjà très élargi de cas dérogatoires laisse penser que cette mesure n'entraînera finalement que peu de changements, ce qui est dommageable. En effet, l'UNSA considère qu'une autorisation préalable sur projet pédagogique serait le minimum pour pouvoir élargir les motifs dérogatoires à l'instruction en famille. À cet égard, nous tenons à vous alerter sur les enfants en situation de handicap. S'il est évident qu'il doit s'agir d'un motif dérogatoire, n'oublions pas que l'école doit jouer son rôle d'inclusion, ce qui nécessite de donner des moyens de formation au personnel, mais également du personnel ; je pense ainsi aux problématiques d'assistantes de vie scolaire (AVS) manquantes dans les écoles, sachant que de nombreuses familles font le choix de l'école publique pour leurs enfants en situation de handicap.

S'agissant des établissements privés hors contrat, si la loi prévoit de renforcer l'arsenal juridique pour fermer des écoles, elle laisse toujours leur ouverture à un simple régime de déclaration, et non d'autorisation préalable.

Plus généralement, nous considérons que ce projet de loi manque de dispositions en faveur de la mixité sociale, de la lutte contre les discriminations. Nous pouvons notamment regretter que le volet relatif au logement présent dans la première version du texte ait disparu. Le texte manque également de dispositions relatives à la formation des enseignants. L'école ne doit pas seulement faire vivre la laïcité, elle doit aussi la transmettre. Or plus de 90 % des enseignants n'ont reçu aucune formation sur la laïcité et les principes républicains.

Un autre point de vigilance concerne l'article relatif à l'interdiction des certificats de virginité. Sans remettre en cause le bien-fondé de l'intention, l'UNSA considère qu'il s'agit d'une pratique anecdotique, au point que nous ne parvenons pas à trouver de données chiffrées. De fait, nous nous interrogeons sur le bien-fondé d'une inscription dans la loi. Bien souvent, il s'agit de certificats de complaisance délivrés par des médecins dans le but de protéger des jeunes filles qui en font la demande. L'inscription de ce sujet dans la loi interroge donc sur les effets contreproductifs qu'elle pourrait engendrer.

En conclusion, je rappellerai que la laïcité est synonyme de liberté, et qu'elle ne doit pas devenir une source ou une liste d'interdits. Si le texte actuel ne casse pas encore – malgré quelques critiques – l'équilibre de la loi de 1905, nous serons très prudents et attentifs à ce que le débat et les amendements ne viennent pas rompre cet équilibre.

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Je débuterai mon intervention par deux remarques, avant de vous adresser une question de portée générale, sachant que les rapporteurs thématiques vous questionneront sur leurs chapitres respectifs.

Certains d'entre vous ont relevé la très grande variété de mesures et dispositifs visés par ce projet de loi. Le terme de « fourre-tout » a même été employé. Or vous devez comprendre que la volonté du Gouvernement – nous en débattrons dans les prochaines semaines en commission puis en séance publique – est d'essayer de traiter ces phénomènes de replis communautaires, parfois nommés séparatismes, partout où ils s'introduisent, qu'ils visent ou non une religion en particulier – j'y reviendrai ultérieurement. C'est ce caractère multidimensionnel qui justifie une grande part de la variété des dispositions proposées.

En effet, l'introduction de ces phénomènes peut s'effectuer dans les services publics, et notamment dans les services publics locaux. Elle peut aussi s'opérer par le biais du tissu associatif, ce qui explique notre tentative d'apporter un certain nombre de réponses par rapport au tissu associatif. Parfois, ces phénomènes sont introduits dans la scolarisation, y compris lorsqu'elle s'effectue en famille, ce qui nous amène à introduire cette dimension. Parfois, ils se traduisent par des pratiques coutumières, évidemment minoritaires, comme avec la polygamie et les certificats de virginité. Parfois, ces phénomènes s'observent dans l'organisation des cultes, qui repose sur la loi de 1905. À cet égard, je rappellerai que la loi de 1905 n'est pas qu'un texte de liberté, puisque son article premier conditionne la liberté de conscience et la garantie de l'exercice public du culte au respect de l'ordre public.

Pourquoi le terme « islamisme » ne figure-t-il pas dans ce texte ? Il me semble que c'est tout l'honneur de ce texte de ne pas le mentionner, d'abord pour des raisons évidentes de constitutionnalité, puisqu'un texte qui ciblerait une communauté ou une religion en particulier ne passerait pas les fourches caudines de la législation des libertés fondamentales. C'est un choix politique que nous assumons. Ce texte vise l'ensemble des radicalités, dans toute leur diversité, même si nous savons que l'une d'entre elles pose particulièrement un certain nombre de difficultés, que ce soit en France ou dans d'autres pays. De fait, les conditions sociales ne sont pas simplement françaises.

J'en arrive à mes deux questions. L'audition des organisations syndicales de salariés doit nous permettre de savoir si, de votre point de vue, ces phénomènes sont constatés dans les secteurs que vous représentez – le secteur public et le secteur privé. Engendrent-ils des difficultés quotidiennes dans l'exercice des missions de service public, ou dans le secteur privé hors champ public ? Existe-t-il des difficultés concrètes justifiant une protection et une appréhension particulières de la puissance publique et du législateur ? L'article premier et l'article 4 du projet de loi répondent-ils – du moins partiellement – à ces préoccupations ? Sont-ils de nature à atteindre l'objectif que nous nous efforçons de nous fixer ?

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En tant que rapporteure thématique pour le chapitre traitant de l'éducation et du sport, j'ai bien noté les propos de certains d'entre vous sur la scolarité obligatoire et l'instruction en famille. L'article 21 du projet de loi prévoit effectivement, pour l'instruction en famille, de passer d'un dispositif avec déclaration préalable à un dispositif avec autorisation préalable. J'ai bien pris note des remarques de l'UNSA à ce sujet.

Je souhaite également formuler une remarque sur l'école inclusive. Je partage les propos de Mme Trigo, puisque le handicap constitue effectivement un motif pour l'éducation en famille. Cela dit, nous travaillons déjà depuis plusieurs années sur l'école inclusive, mais aussi sur l'école attractive, et je puis vous garantir que nous saurons redoubler d'efforts.

Ma question porte sur une interpellation qui m'a été adressée dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, qui a trait à la formation des enseignants du privé sous contrat, qui sont des agents publics et qui réclament les mêmes formations que leurs collègues du public. Quel est votre point de vue sur cette proposition d'unification de la formation des enseignants ?

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De vos interventions, je retiens un constat paradoxal que nous avons aussi entendu lors d'autres auditions. D'un côté, le texte paraît très répressif. De l'autre, l'on regrette qu'il ne soit pas assez protecteur. Comme l'a rappelé le rapporteur général, il s'agit bien de viser l'ensemble des séparatismes, des communautarismes et des radicalités, afin que les agents du service public – qu'ils soient de statut privé ou de statut public – soient, avant toute chose, protégés des agressions dont ils peuvent faire l'objet. Malheureusement, l'actualité nous rappelle constamment que c'est bien trop souvent le cas.

Par ailleurs, le projet de loi rappelle aussi les exigences attendues de toute personne représentant la puissance publique par rapport au devoir de neutralité et au devoir de laïcité. À ce titre, et cela ne vous étonnera pas, je considère que ce texte est équilibré. La référence constante et fondée au discours présidentiel des Mureaux n'implique pas, a contrario, que ce texte soit l'alpha et l'oméga de la transcription législative des propos du Président de la République. En ce moment même, un séminaire gouvernemental doit aborder un autre pilier. Des engagements ont été pris, et des paroles fortes ont été entendues. De fait, le vivre ensemble ne se résume pas à la laïcité, puisqu'il dépend également de la cohésion sociale, de l'équilibre que nous devons trouver en matière de mixité et de l'équilibre que nous devons trouver au sein de notre société.

Dans le cas présent, ce projet de loi vise au respect des principes de la République et à leur accompagnement. À cet égard, l'exigence formulée à l'égard des associations peut paraître anodine. D'une certaine manière, nous demandons simplement aux associations percevant de l'argent public de confirmer qu'elles respectent les principes républicains. Il est préférable de l'affirmer haut et fort, d'autant que certaines associations utilisent l'argent public pour combattre la République, dans une logique séparatiste.

Mes questions porteront sur ceux qui représentent et agissent au nom de la puissance publique vis-à-vis du public. Ce projet de loi permettra-t-il, selon vous, d'atteindre la cible d'un phénomène qui existe ? Disposez-vous d'éléments pour le quantifier ? Savez-vous si de nombreux agents sont confrontés, dans leur action quotidienne, à des difficultés liées à des attitudes séparatistes, ou du moins communautaristes ? J'ai pu assister à un échange entre la ministre de la Fonction publique et des hauts fonctionnaires, mais il serait souhaitable de connaître le point de vue des agents en contact avec le public. Par ailleurs, comment pouvons-nous procéder pour mieux accompagner ces agents dans leur appréhension de la laïcité, pour les former à sa défense et à sa mise en œuvre et pour les former aux réactions face aux comportements visant à la combattre ?

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Mes questions s'adresseront surtout à Mme Trigo. En préambule, je tiens à préciser que nous sommes tous d'accord sur un point : le plus grand adversaire et ennemi des musulmans, c'est le fondamentalisme, ce fondamentalisme qui leur fait du mal. Vous pouvez penser que ce texte vise particulièrement le séparatisme et la radicalisation islamistes, parce qu'ils sont très prégnants, mais le texte est bien de portée générale. En effet, comme l'ont rappelé certains collègues, il existe d'autres séparatismes, d'autres radicalismes, qui sont malheureusement, je le crains, amenés à se développer dans les prochaines années.

Avec Éric Poulliat, j'ai été rapporteur d'une mission sur les services publics face à la radicalisation. À ce titre, nous nous étions particulièrement penchés sur l'Éducation nationale. Nous avions constaté qu'il existait un avant et un après 2015, année des attentats, et que les informations relatives à la radicalisation avaient tendance à bien remonter, grâce aux référents laïcité et aux enseignants, qui jouaient plutôt bien le jeu – pardonnez-moi l'expression. La problématique des atteintes à la laïcité et du prosélytisme demeurait toutefois prégnante. Malheureusement, la tragédie de la mort de Samuel Paty nous l'a rappelé avec brutalité. Le ministre de l'Éducation nationale avait d'abord recensé quatre-cents atteintes à l'hommage à Samuel Paty, avant d'en dénombrer plutôt huit-cents trois semaines plus tard. La semaine dernière, un sondage révélateur de l'Institut français d'opinion publique (IFOP) soulignait que plus de 40 % des enseignants s'étaient déjà autocensurés, tandis que 19 % d'entre eux ont fait état de troubles à l'occasion de l'hommage à Samuel Paty. Je suppose donc que nous sommes bien au-delà de huit-cents perturbations. Le sujet semble particulièrement problématique, d'autant plus avec cette volonté « de ne pas faire de vagues ». Pour ma part, j'ai l'impression que les enseignants ne se sentent pas toujours soutenus par la hiérarchie, comme en témoigne l'exemple du professeur lyonnais dont nous avons entendu parler la semaine dernière. Ma question est donc simple : que faire pour que la hiérarchie s'engage auprès des enseignants ?

Ma seconde question concerne les cours d'éducation civique et morale, qui ont été mis en place en 2015. Il ne s'agit pas d'un cours magistral, mais d'un cours structuré autour de débats, qui peuvent parfois poser des difficultés, comme nous l'avons vu avec la tragédie vécue par Samuel Paty et la récente affaire de ce professeur lyonnais. Ne serait-il donc pas souhaitable de revenir à un cours magistral ? Il me semble qu'il appartient aux enseignants de transmettre les éléments en matière d'enseignement civique et moral. N'est-ce pas fondamental de votre point de vue ?

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Nous avons tous en partage la République. Comme l'a souligné Éric Diard, nos concitoyens constatent – je n'ai d'ailleurs pas entendu une seule voix dissonante dans vos propos – des reculs de la laïcité, qui nous imposent d'agir. Vous considérez que ce texte est trop à charge et trop répressif. Que manque-t-il donc pour que ce principe de laïcité soit restauré, sachant que certains fondamentalistes – le mot a été prononcé – s'opposent à cette République que nous avons tous en partage ?

Ma seconde question concerne la protection des personnels de la fonction publique. Vous savez très bien que certains sont empêchés d'exercer leurs missions. Je pense notamment à certains enseignants, mais aussi aux professionnels de santé, qui sont parfois dans l'incapacité d'assumer leurs missions formidables. J'emploie ces mots à dessein, considérant leur résonnance particulière dans le contexte actuel. Considérez-vous que ce texte apporte une véritable avancée ? Certains personnels n'osent pas porter plainte lorsqu'ils sont empêchés dans l'exercice de leur mission, pour différents motifs. Avec ce texte, leurs chefs de service pourront porter plainte. Pensez-vous qu'ils doivent obligatoirement le faire ?

Ma troisième question s'adresse à M. Frédéric Sève, selon qui la promesse républicaine doit être au cœur de l'action, mais est insuffisamment représentée dans ce projet de loi. Nous nous retrouvons parfaitement sur ce sujet. De votre point de vue, comment cette promesse républicaine s'incarne-t-elle ? À qui la confier ? Devons-nous la confier à des collectivités territoriales ou à des associations ? Comment la faire vivre, sous quelles conditions et quelles en sont les acceptions ? Ce sujet me semble particulièrement important.

Ma quatrième et dernière question porte sur le principe de neutralité. J'ai bien entendu les remarques de M. Teste, qui soulignait que cette extension du principe de neutralité à tous les acteurs publics et délégataires de service public ne concernerait pas que quelques territoires ou quelques bâtiments publics comme les écoles ou les mairies. Nous savons que cette neutralité doit aussi s'exercer pleinement dans certains territoires, sans empêcher les mères de famille d'accompagner certains déplacements. À vos yeux, le texte est-il équilibré sur cette extension de la neutralité fortement réclamée par les élus locaux ?

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Vous avez raison, me semble-t-il, d'affirmer que ce texte est d'abord répressif et qu'il manque de mesures positives. Très largement, les mesures positives échappent aux parlementaires, puisqu'elles impliquent généralement des financements. Or l'article 40 de la Constitution ne nous permet pas de déposer des amendements de cette nature.

La procédure accélérée, que vous avez eu raison d'évoquer, est quasiment devenue une procédure de droit commun. Nous avions déjà engagé cette réflexion lors du précédent quinquennat, en considérant qu'elle devait nous accorder davantage de temps pour la préparation des textes. En l'occurrence, il me semble que ce texte est important et mérite un long temps de préparation. Je vous remercie de l'avoir relevé.

Pour terminer ce propos introductif, et au risque de vous étonner, je rappellerai que notre groupe parlementaire est hostile à un régime d'autorisation en matière d'instruction et d'enseignement, de par le caractère fondamental et constitutionnel de cette liberté.

Ma première question porte sur l'article 6, qui instaure un contrat d'engagement républicain pour toute association sollicitant une subvention. Vous considérez-vous, en tant qu'organisations syndicales, concernées par ce dispositif ? Si tel était le cas, comment accepteriez-vous l'idée d'avoir à passer un tel contrat, qui vous renverrait à l'idée implicite que vous ne vous soumettriez pas aux règles républicaines ?

Ma deuxième question porte sur l'article 18, qui fait suite au drame subi par l'enseignant Samuel Paty, et sur l'article 14 relatif à la protection des agents publics, qui apporte également une réponse à cette problématique. Il me semble nécessaire de mêler les deux articles pour garantir une lecture complète de la réponse qu'entend donner le Gouvernement à cette situation tragique. Considérez-vous que le dispositif prévu dans le texte répond au constat dressé par ce drame et rend possible son évitement ? Pensez-vous que la réactivité à un dépôt de plainte devrait être encadrée dans ce texte de loi ? L'employeur devrait-il, selon vous, être lié au dépôt de plainte d'un agent public ? Enfin, la protection fonctionnelle de l'agent public actuellement consacrée dans les textes vous paraît-elle suffisante ou doit-elle être également complétée ?

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Le projet de loi traite de nombreuses questions sur le service public et les délégataires de service public. Son article premier relatif à la neutralité touche d'ailleurs une grande partie des salariés des entreprises délégataire de service public. Cette obligation de neutralité existe déjà dans la jurisprudence, que la loi ne fait que confirmer clairement. Comment cette obligation est-elle aujourd'hui appliquée et interprétée sur le terrain ? Induit-elle des difficultés ? Pensez-vous que ce premier article apportera davantage de clarté et de facilité pour le positionnement des salariés et des entreprises ? Il me semble qu'il leur serait plus facile de faire respecter la loi plutôt que des jurisprudences toujours soumises à interprétations.

Depuis la « loi El-Khomri », les entreprises peuvent inscrire le principe de neutralité dans leur règlement intérieur. Disposez-vous de retours sur ce point ? Avez-vous constaté des tensions ? Cela s'est-il généralisé ou cela demeure-t-il exceptionnel ? Certains secteurs sont-ils plus particulièrement visés que d'autres ? Existe-il, a contrario, des secteurs dans lesquels ce principe serait mieux appliqué ? Quel pourrait être, de votre point de vue, votre rôle dans la prévention de la radicalisation au travail et dans la détection des comportements à risques ? Les syndicats ont-ils suivi des formations en la matière ? Je sais que des collectivités locales et des entreprises s'efforcent de s'y préparer, ce qui n'est pas simple, puisque le phénomène est totalement nouveau pour la plupart des organisations et collectivités existantes.

Enfin, dans la mesure où l'obligation de scolarisation ne prévoit que peu de dérogations, quelle est votre approche de ce sujet et quelles en seront les conséquences concrètes ?

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Toutes les organisations syndicales bénéficient de subventions publiques. Si le texte est voté en l'état, il leur faudrait, en application de l'article 6, signer un contrat d'engagement républicain pour continuer d'en percevoir. Or plusieurs d'entre vous ont formulé des remarques intéressantes à ce sujet. Peut-on véritablement parler de contrat ? La République est-elle un contrat ? De mon point de vue, la République ne repose pas sur un contrat, mais sur une adhésion à des principes républicains. En l'état, l'on nous a expliqué qu'il s'agirait d'un contrat type, avec en pratique onze principes à respecter. Pouvez-vous préciser votre point de vue dans ce domaine ?

Par ailleurs, que pensez-vous des restrictions apportées à la liberté d'enseignement par plusieurs articles de ce projet de loi ? Je pense notamment à l'instruction en famille, pour laquelle il est prévu de passer d'un système de déclaration à un système plus restrictif d'autorisation. Pour des motifs philosophiques, politiques ou religieux, nous interdisons à des familles d'avoir accès à l'instruction en famille. Que pensez-vous de ces dispositions ?

Comme vous l'avez quasiment tous relevé, le texte ne comporte aucun volet économique et social visant à améliorer l'insertion de nos concitoyens vivant en marge de la communauté nationale. Quels volets législatifs souhaiteriez-vous voir intégrés dans ce texte ?

Enfin, l'une d'entre vous a soulevé le problème des certificats de virginité, ou plutôt des pseudo-certificats de virginité. Pensez-vous que la sanction doit toucher le médecin, ou les personnes qui ont contraint une femme à demander la délivrance d'un tel certificat ?

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Je comprends la difficulté de l'exercice des propos liminaires, qui sont souvent de portée générale et qui peuvent générer des frustrations, dans la mesure où nous souhaiterions vous entendre aussi sur des sujets plus spécifiques.

Comme vous le savez, je porte un regard très critique sur ce texte. Si je partage l'idée selon laquelle son objectif nous rassemble tous, son contenu prête nécessairement à débat. À juste titre, vous avez relevé que la dernière partie du discours présidentiel des Mureaux – la nécessité d'une politique sociale, notamment dans les quartiers – était totalement absente de ce projet de loi. De mon point de vue, cela le déséquilibre encore plus.

De manière générale, quels sont vos constats en tant qu'organisations syndicales ? Pour ma part, je souhaiterais que nous partagions des faits. Je ressens une grande frustration depuis le lancement de ce débat, puisque les invités manquent souvent de temps pour en venir aux faits. À l'inverse, comme l'a souligné Mme Trigo, nous constatons que certains sujets pour lesquels nous manquons de données sont largement débattus. Concrètement, pouvez-vous nous remettre des chiffres ? Quelle est la dynamique de ces phénomènes ? Leur existence est indéniable, puisque l'on peut trouver de tout dans un pays de 66 millions d'habitants, mais de quoi parlons-nous précisément ? Au sein de vos organisations syndicales, constatez-vous une recrudescence des phénomènes dont nous parlons aujourd'hui ? Rencontrez-vous plus de salariés qui, en raison de leurs convictions spirituelles, ne respectent plus le règlement intérieur de leur entreprise ? Recevez-vous plus de témoignages de salariés confrontés à des usagers ou des collègues qui, en raison de leurs convictions spirituelles, se comportent mal ou ne leur disent plus bonjour ? Tous ces thèmes sont extrêmement présents dans l'actualité et les journaux, mais pouvez-vous nous faire part de vos constats ? Ce sujet m'intéresse particulièrement. Pouvons-nous disposer de faits ? S'agit-il d'un phénomène qui mérite que la puissance publique agisse ? S'agit-il d'un phénomène qui, somme toute, dans une longue histoire, a parfois existé, quitte à être moins prégnant sur le terrain que dans le débat public ? À l'inverse, s'agit-il d'un phénomène particulièrement inquiétant ?

J'en viens à l'article 4 du projet de loi, qui traite de la protection fonctionnelle. En tant qu'enseignant, je puis attester qu'il existe un scandale dans ce pays, puisque la protection fonctionnelle s'engage très difficilement, y compris pour des agents confrontés à des difficultés multiples. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de mieux informer les agents, qui ignorent parfois l'existence de ce dispositif ? Ne savent-ils pas que leur administration ou leur direction est en mesure de les aider à trouver un avocat et à prendre en charge les frais ? À cet égard, nous devons éviter l'écueil de la surenchère législative, a fortiori si l'objectif est de faire valoir un droit existant qui, pour de multiples raisons, n'est jamais mis en œuvre.

Ne constatez-vous pas également une confusion des sujets ? N'existe-t-il pas une confusion entre la nécessaire neutralité des services publics et ce qui est demandé aux usagers ? Parfois, j'ai entendu des personnes de bonne foi affirmer, dans des bureaux de poste, que le port du voile était interdit aux usagers, soi-disant au nom de la laïcité des services publics. Ces propos sont sans fondement. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de former nos agents pour que chacun comprenne ce que signifie précisément la neutralité du service public et des agents ?

De la même manière, de quoi parlons-nous lorsque nous commentons des sondages sensationnalistes diffusés au sein du corps enseignant ? Le métier d'enseignant consiste justement à se confronter à des élèves qui, par définition, tiennent de nombreux propos confus. Notre métier est bien d'aller au contact et de les convaincre, et non de dénoncer ou d'en rabattre. Comme je l'indiquais précédemment, c'est bien le but du métier d'enseignant, étant entendu que nous sommes confrontés à des élèves qui, par le biais des réseaux sociaux et de la télévision, sont traversés de nombreuses idées.

En outre, en écho aux propos tenus par Mme Trigo s'agissant de l'article premier du projet de loi, quelles exigences sommes-nous en droit d'attendre des entreprises répondant à la commande publique ? Les entreprises sous-traitantes sont souvent extrêmement précaires. Que demandons-nous aux agents ? Dans quelle situation ? Ce point mérite d'être clarifié. De mon point de vue, l'existence ou l'absence de contact avec le public est déterminante. Quel est donc votre point de vue dans ce domaine ?

Enfin, comme nos collègues enseignants de Force Ouvrière l'ont rappelé à demi-mot, la loi de 1905 n'est pas respectée sur l'ensemble du territoire. Est-il encore normal d'accepter, en raison du concordat d'Alsace-Moselle, l'absence de cours d'éducation civique, l'existence de cours d'éducation religieuse, le financement du culte ? En tant qu'organisations syndicales, ne croyez-vous pas que nous devrions d'abord, pour défendre la laïcité, permettre à la loi de 1905 de s'appliquer sur l'ensemble du territoire ?

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Nous partageons le même sentiment d'urgence de se mobiliser contre tous ceux qui s'en prennent aux principes de la République. Face aux délits et aux attaques menées contre la République, la loi doit prévoir des sanctions. Néanmoins, vous soulignez toutes et tous que la loi est déséquilibrée, et je partage totalement votre point de vue. La loi devrait introduire de nouveaux droits pour les femmes et les hommes vivant dans notre pays. Par ailleurs, des politiques devraient également être mises en œuvre pour favoriser la cohésion sociale par la mixité sociale, l'égalité des droits et l'égalité des chances. C'est le défi qui nous attend pour les prochaines semaines.

Je reviendrai d'abord sur l'article premier, qui se propose – et j'y suis favorable – d'élargir le principe de neutralité du service public aux entreprises délégataires de service public. Quelles en seront toutefois les conséquences pour les salariés de ces entreprises ? Les entreprises dépourvues de charte relative à la neutralité déplaceront-elles des personnels pour obtenir une délégation de service public ? Quelles sanctions les employeurs pourraient-ils mettre en œuvre vis-à-vis de leur personnel ? Nous devons nécessairement creuser les conséquences de cette décision – que je partage – d'élargir l'obligation de neutralité, notamment pour déterminer la manière d'assurer la protection des salariés concernés.

J'observe aussi, avec étonnement, que le contrat d'engagement républicain rappelle l'ensemble des principes de la République, dont celui de la laïcité. J'espère donc que le débat permettra de remédier à cette absence quelque peu surprenante. Par ailleurs, en tant que dirigeants d'organisations syndicales, estimez-vous nécessaire d'engager, au sein des organisations, un débat sur l'utilité de ce contrat ? Signer un contrat au niveau d'une direction nationale d'association ne suffit pas, encore faut-il que ce contrat – pour qu'il soit un tant soit peu utile – vive à l'intérieur de l'organisation. Pensez-vous donc qu'il soit possible d'en débattre ?

En lien avec la scolarité obligatoire dès trois ans, je suis favorable à l'instauration d'une autorisation préalable pour le régime dérogatoire. Comme l'a souligné Mme Trigo, de nombreux motifs de dérogation existaient jusqu'ici. D'après vous, quelles seraient les quelques dérogations nécessaires pour que la scolarité obligatoire dès trois ans ne soit pas détournée par la multiplication des dérogations ?

S'agissant enfin du certificat de virginité, je répéterai les propos de notre collègue Alexis Corbière, à savoir que nous manquons de données chiffrées sur l'ampleur du phénomène, ce qui est aussi le cas pour les mariages forcés. Pour autant, ne nous voilons pas la face : le phénomène existe. Faut-il donc élargir la sanction aux personnes mettant les jeunes femmes sous pression pour obtenir ces certificats ? Est-il nécessaire d'aggraver les sanctions déjà prévues à l'encontre des médecins ? J'entends que de nombreux médecins délivrent des certificats de complaisance pour aider les jeunes filles, mais cela n'encourage-t-il pas parallèlement la pratique ?

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En tant que représentants des syndicats de salariés, constatez-vous une recrudescence des conflits relatifs à la neutralité religieuse sur le lieu de travail, dans le secteur public ou dans le secteur privé, entre salariés ou entre salariés et employeurs ? Ma question s'entend à double sens, puisqu'elle porte à la fois sur les conflits qui impliqueraient des salariés refusant l'obligation de neutralité religieuse et sur les conflits qui impliqueraient des salariés déplorant la non-application de cette neutralité et l'imposition de pratiques religieuses sur le lieu de travail. Par définition, nous manquons également de données chiffrées dans ce domaine, mais nous savons que le phénomène existe. Nous savons que certains prient parfois sur leur lieu de travail, et que certaines pratiques religieuses sont susceptibles de perturber le déroulement d'une journée de travail, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Que ressentez-vous donc s'agissant de la conflictualité autour de ces questions ?

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Émilie Trigo

A défaut de répondre à l'ensemble des questions qui nous ont été adressées, je m'attacherai à réagiir sur quelques points saillants.

D'abord, je partage la position de M. Corbière, qui est le seul à expliquer que la protection fonctionnelle existe déjà. C'est d'ailleurs l'idée que je me suis efforcée d'exprimer dans mon propos introductif, lorsque je questionnais la nécessité de promulguer une loi pour traiter les sujets qui nous occupent. Ne serait-il pas plus judicieux de faire appliquer des dispositions existantes mal appliquées ou méconnues ? Dans ce domaine, je partage ce qui a été exprimé par certains d'entre vous. L'UNSA soutiendra toutes les dispositions permettant de faciliter et de simplifier la protection fonctionnelle des agents, en lien avec l'avis favorable rendu par l'UNSA-Fonction publique en Conseil commun de la fonction publique. Pour autant, nous ne sommes pas certains que cette loi en soit le meilleur vecteur, dans la mesure où le code général de la fonction publique contient déjà des dispositions non appliquées ou mal appliquées.

Je relierai ce premier point aux nombreuses questions relatives à la formation. Faut-il accorder, aux enseignants des établissements privés sous contrat, le même droit à la formation que les enseignants du public ? Je ne peux pas me prononcer en défaveur de la formation de ces enseignants, qui font également face à des élèves en classe. Cela dit, la problématique de base concerne bien la formation des enseignants du public. L'UNSA-Éducation et le SE-UNSA demandent depuis longtemps la mise en œuvre d'un important plan de formation, étant entendu que les enseignants, à qui il est demandé de gérer la question de la laïcité à l'école, n'y sont pas formés dans le cadre de leur formation initiale – ou alors très peu, avec une intervention magistrale d'une heure – ou de leur formation continue. Nous ne nous opposons pas à l'homogénéisation des formations pour l'ensemble des enseignants, mais il convient d'abord de présenter un ambitieux plan de formation pour les enseignants du public, notamment sur ces sujets de laïcité et de valeurs et principes de la République.

M. Diard se demandait s'il ne serait pas préférable de revenir à des cours magistraux d'éducation civique et morale. De mon point de vue, il serait totalement inapproprié qu'un cadre législatif entrave la liberté pédagogique des enseignants. Laissons les enseignants faire leur travail comme ils l'entendent. Après l'assassinat de Samuel Paty, d'aucuns ont tenté de s'immiscer dans la manière de délivrer les cours. Laissons leur liberté pédagogique aux enseignants. Il n'appartient à personne, au sein de cette commission, de décider si les enseignants doivent donner des cours magistraux ou organiser des débats.

M. Diard citait également les résultats d'un sondage IFOP que je ne sais comment interpréter, sachant que ce sondage a été réalisé dans la foulée des hommages à Samuel Paty, avec les conséquences que vous connaissez. Rappelons-nous toutefois que ce terrible assassinat est survenu le jour des vacances scolaires. Par la suite, les élèves ont profité de quinze jours entre le drame et l'hommage pour se construire des argumentaires solides. Ces argumentaires étaient très majoritairement faux, mais les élèves ont pu échanger entre eux sur les réseaux sociaux pour les élaborer. Pendant ce temps, les enseignants ont été totalement abandonnés et laissés seuls durant deux semaines, parce que nous étions en période de vacances. Le lundi matin, beaucoup ont appris les modalités de l'hommage par la télévision. In fine, les enseignants ont été abandonnés à leur sort pour gérer le sujet alors que les élèves s'étaient créé, en communauté, des imaginaires réels ou supposés. Nous en revenons d'ailleurs à la question de la formation. Certains enseignants – souvent d'histoire-géographie – se sentent souvent plus solides pour aborder ces sujets, mais d'autres enseignants se sentent beaucoup plus fragiles sur l'appropriation de ces concepts et principes. Pourtant, nous les laissons seuls pour gérer ces questionnements avec leurs élèves. J'insisterai donc sur la formation des enseignants, plutôt que de s'immiscer dans leur enseignement.

Beaucoup d'entre vous nous ont interrogés sur notre perception du climat en entreprise. Je vous mentirais si j'affirmais que les tensions n'existent pas. Néanmoins, les tensions sont-elles plus nombreuses qu'auparavant ? N'en parlons-nous pas davantage parce que tout le monde en parle ? Pour établir un parallèle avec une autre thématique, j'ignore si la recrudescence de la haine anti-LGBT s'explique par une augmentation des crimes ou par une exposition médiatique renforcée. Cela dit, quel que soit le sujet, cette libération de la parole est bienvenue, puisque cela nous permettra d'aborder et de régler les sujets. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas certaine que les tensions relatives à la laïcité en entreprise soient plus nombreuses qu'auparavant. Ce qui est certain, c'est que nous en parlons davantage, et que les managers en entreprise se sentent en difficulté pour répondre à ces questionnements, comme en témoignent certains ouvrages et certains avis rendus depuis 2013 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la CNCDH ou l'Observatoire de la laïcité.

Dans ce domaine, il nous appartient, en tant qu'organisations syndicales, de former nos salariés, nos représentants syndicaux et nos dirigeants pour leur faciliter la tâche. La religion est un sujet de discussion particulièrement crispant, qui génère un véritable malaise. C'est la raison pour laquelle l'UNSA a déployé des formations de lutte contre toutes les discriminations, dont les discriminations à motif religieux, qui doivent être réglées au même titre que toutes les autres discriminations. Lorsque nous parvenons à décrisper le sujet, nous constatons que les tensions s'apaisent et que les problèmes se font plus rares.

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Avant d'écouter nos autres invités, je précise que vous avez tout à fait la possibilité de compléter vos interventions par des écrits, qui seront diffusés à l'ensemble des membres de la commission, mais aussi à tout député intéressé.

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Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU)

Je partage totalement les propos de Mme Trigo. La difficulté de mesurer le phénomène est loin d'être négligeable. M. Diard faisait référence à un sondage montrant l'autocensure des enseignants, qu'il serait effectivement intéressant d'étudier. Cela dit, je tiens à rappeler la question posée par le sondage : « Afin d'éviter de possibles incidents provoqués par certains élèves, vous est-il déjà arrivé de vous autocensurer dans vos enseignements ? ». Dans ce cadre, s'autocensurer peut recouvrir diverses réalités, comme des contraintes intolérables ou des renoncements, mais aussi des choix pédagogiques parfaitement réfléchis et assumés. Quelles réalités recouvre ce sondage ? Le chiffre de 19 % n'en dit rien.

S'agissant de la mesure des phénomènes, nous n'observons pas d'augmentation. Le nombre d'atteintes à la laïcité demeure stable, et tous les chiffres montrent que le phénomène demeure marginal si l'on considère le nombre total d'élèves. Le phénomène est toutefois inquiétant et pas si marginal si l'on considère que les faits rapportés sont relativement graves. Dès lors que le fait est attesté, la gravité l'est également. Nous pouvons donc considérer que ce phénomène n'affiche pas – d'après ce que nous pouvons en juger – une dynamique d'amplification exponentielle, mais qu'il ne s'inscrit pas non plus dans une dynamique de régression. Le phénomène stagne à un niveau élevé, ce qui nécessite l'adoption de mesures importantes.

Comme cela vient d'être rappelé, la mise en œuvre de la protection fonctionnelle des agents publics demeure problématique. Le dispositif est mal connu et n'est pas systématiquement activé. Plutôt que de créer un nouveau délit, il convient d'organiser, dans un certain nombre de cas, la protection des agents. À cet égard, la perspective que la menace soit identifiée comme un délit (à l'article 4) interroge sur le délit d'intention, qui est très difficile à évaluer, d'autant plus que les actes d'intimidation sont déjà sanctionnés par la loi. Quoi qu'il en soit, la création d'un nouveau délit spécifique de menace ne nous semble pas être de nature à renforcer la protection fonctionnelle. La question posée n'appelle nullement l'adoption de nouvelles dispositions législatives.

Concernant l'enseignement hors contrat, la problématique principale a trait au contrôle, de la même manière que pour l'enseignement à domicile. Aujourd'hui, le contrôle renforcé n'est pas réalisé, et très peu d'inspecteurs sont disponibles pour mesurer les acquis et les progrès des élèves scolarisés dans le hors contrat ou à domicile. Dans ce contexte, nous ne serions guères favorables à l'extension, au hors contrat, des formations normalement destinées aux enseignants du public, dans la mesure où la charge risquerait d'en incomber à l'institution publique. De notre point de vue, l'urgence doit être le renforcement de la formation des enseignants du public.

L'article imposant aux associations de signer un contrat d'engagement républicain nous interroge fortement. À ce stade, nous ignorons si les syndicats sont ou non concernés, sachant que l'article du projet de loi renvoie les modalités d'application et de contrôle à un décret en Conseil d'État. En outre, cette disposition induit, en creux, que les associations ne demandant pas de subventions pourraient se permettre des entorses aux principes républicains. Nous questionnons donc l'angle de la subvention retenu pour ces contrats. Plus largement, nous pouvons redouter un risque de mise au pas idéologique. Par exemple, une association antimilitariste serait-elle considérée comme une association antirépublicaine ? En tout état de cause, nous nous interrogeons sur les associations qui pourraient pâtir de ces nouvelles dispositions.

Enfin, quid du lien entre l'article 18 du présent projet de loi et l'article 24 de la proposition de loi de sécurité globale ? L'intention du Gouvernement est-elle de réintroduire, dans ce projet de loi, les dispositions écartées de la proposition de loi de sécurité globale ?

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Dans la mesure où nos auditions sont retransmises par La Chaîne Parlementaire, je ne peux pas laisser dire que l'article 6 introduirait une mise au pas idéologique. Celui-ci est en effet rédigé comme suit : « Toute association qui sollicite l'octroi d'une subvention […] s'engage, par un contrat d'engagement républicain, à respecter les principes de liberté, d'égalité, notamment entre les hommes et les femmes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l'ordre public. ». Les alinéas suivants concernent l'application de ce principe, qui pourra bien sûr être modifié dans le cadre des débats de l'Assemblée. Néanmoins, à ce stade, le contenu de l'article 6 est bien celui que je viens de détailler.

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Cyril Chabanier, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

La question posée par M. Corbière s'agissant de la récurrence des faits m'intéresse particulièrement, puisque je suis statisticien et sondeur de métier. Je suis donc bien placé pour savoir que les sondages et les statistiques doivent, malgré les enseignements que nous pouvons en tirer, être considérés avec précaution. Cela dit, je suis incapable de préciser si l'augmentation du nombre de retours aux organisations syndicales résulte d'une recrudescence des faits ou de leur place accrue dans le débat public. Il nous est également difficile de quantifier ces phénomènes. En revanche, je m'inquiète de constater que les faits, lorsqu'ils se produisent, sont de plus en plus violents. J'ignore si les actes sont plus nombreux qu'auparavant, mais leur violence est assurément plus forte. Il en est d'ailleurs de même pour toute une partie des incivilités, indépendamment de ce projet de loi. Quoi qu'il soit, cela suffit pour susciter un certain nombre d'inquiétudes et d'interrogations.

S'agissant de la formation des enseignants, je serais plutôt favorable à l'idée que les enseignants du privé hors contrat bénéficient d'une formation relativement similaire à celle dispensée à leurs homologues de la fonction publique.

J'en profite pour vous alerter sur le contenu de l'article 22, qui place quasiment sur le même plan les établissements d'enseignement illégalement ouverts et les établissements d'enseignement privés hors contrat. Convenez qu'il ne s'agit pas tout à fait du même sujet. Parmi les établissements privés hors contrat, nous distinguons deux catégories : les établissements qui ne génèrent aucun motif d'inquiétude ; les établissements qui sont source d'inquiétudes. Dans les premiers, nous retrouvons toute une série d'établissements hors contrat qui suivent plus ou moins les mêmes lignes que les établissements sous contrat. Dans les seconds, nous retrouvons toute une série d'établissements hors contrat et « hors radar », si vous me pardonnez l'expression. Peut-être devrions-nous porter une attention particulière à ces établissements, sans placer sur le même plan le privé hors contrat et les établissements illégalement ouverts.

Concernant l'autocensure, j'ignore qui, dans cette salle, ne s'est jamais autocensuré. En tant que président de syndicat, je ne suis pas certain qu'il ne me soit jamais arrivé de m'autocensurer.

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Dans le cas présent, le sondage évoqué par Éric Diard portait bien sur l'autocensure des enseignants vis-à-vis de leurs enseignements, et non de leurs convictions personnelles.

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Cyril Chabanier, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Je l'avais bien compris, mais je tenais à souligner, par ce propos, que la question de l'autocensure était particulièrement compliquée à aborder.

Dans la continuité, M. Diard s'interrogeait sur l'éventuel intérêt de revenir à des cours magistraux d'éducation civique et morale, en lieu et place des débats et des prises de parole. Comme ma collègue l'a précédemment souligné, il me paraît nécessaire de laisser toute liberté pédagogique aux enseignants. Cela dit, si l'on en vient à considérer que le débat est devenu un problème, j'aurais presque envie de dire que nous avons déjà perdu. En tout état de cause, cela serait source d'inquiétude. Je comprends la question, mais si la réponse se borne à mettre fin au débat pour le remplacer par un cours magistral, nous avons déjà perdu.

Par ailleurs, vous comprendrez que notre organisation syndicale n'a guère l'habitude de s'interroger sur les certificats de virginité et sur les destinataires des sanctions. De mon point de vue, il me semblerait raisonnable de punir les personnes faisant pression sur les jeunes femmes pour qu'elles présentent de tels certificats, mais également les médecins, qui ne peuvent être totalement exempts. Je vous avoue qu'il s'agit davantage d'une conviction personnelle que d'une conviction de notre syndicat, puisque nous n'avons pas traité ce sujet.

Enfin, je ne relève aucune mauvaise intention dans le contenu de l'article 6, dont le président de la commission vient de donner lecture. Néanmoins, l'on ne peut pas considérer que la sauvegarde de l'ordre public soit une notion d'une extrême clarté. Je n'ai aucun doute sur les bonnes intentions du Gouvernement, mais nous ne pouvons pas non plus écarter le risque que des personnes moins bien intentionnées interprètent cette notion d'une manière plus inquiétante. De notre point de vue, cette formulation relativement floue nous fait craindre que la contestation de certaines politiques publiques ne soit demain jugée par un décisionnaire moins conciliant, qui pourrait s'opposer à l'attribution de subsides financiers au nom de la remise en cause de l'ordre établi. Il me semble d'ailleurs que le risque est encore plus avéré pour certaines formes d'engagement, en particulier dans le domaine de l'exclusion et de l'accueil de l'étranger.

J'établirai d'ailleurs un parallèle avec un décret récemment publié, qui prévoit la possibilité de ficher des personnes pour appartenance syndicale, décret contre lequel nous avons été nombreux – notamment avec nos collègues de FO et d'autres – à réagir. Comprenez que la quasi-concomitance de ce décret – qui prévoit le fichage pour appartenance syndicale – et de ce projet de loi – qui demeure flou sur la notion de sauvegarde de l'ordre public – soit source d'inquiétudes. Bien entendu, je n'ai aucun doute sur les intentions du présent gouvernement, mais nous ne pouvons pas présumer des intentions des futurs gouvernants. En tout état de cause, ce sujet pose un certain nombre de questions méritant des clarifications. D'ailleurs, dans mon propos liminaire, je proposais de dresser une liste d'exemples précis d'infractions pour lever nos doutes en la matière.

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Gérard Mardiné, secrétaire général de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Rappelons d'abord qu'il existe un Guide du fait religieux en entreprise, dont la première édition remonte, à ma connaissance, à la fin de l'année 2016. Les organisations syndicales avaient été concertées au titre de ce guide, qui est toujours accessible, dans sa dernière version datée de 2018, sur le site internet du ministère du Travail. Il s'agit probablement d'un outil que nous pourrions réactualiser et remettre au débat pour nous mettre en cohérence avec la situation telle qu'elle est aujourd'hui perçue. Quoi qu'il en soit, je confirme que les salariés de l'encadrement sont parfois confrontés à ces situations de fait religieux en entreprise, qu'ils doivent parfois gérer, puisque ce n'est pas nécessairement la direction générale qui gère ce type de problème au quotidien.

En matière de fréquence et de volume des faits signalés, mes collègues ont déjà expliqué qu'il était très difficile de produire des données chiffrées. En revanche, nous disposons d'exemples concrets. Notre syndicat de sapeurs-pompiers reçoit parfois des tweets très provocants, ce qui est très mal compris par les principaux intéressés, qui consacrent tout de même leur vie à l'assistance aux populations. Ceci étant dit, il est très difficile de produire une évaluation quantitative des faits, d'autant que les réseaux sociaux permettent une interaction qui n'existait pas auparavant. J'estime néanmoins nécessaire de traiter cette violence, qu'elle soit verbale ou physique dans certains cas.

Concernant les organisations syndicales, je rappelle que nous répondons à un titre particulier du code du travail, ainsi qu'à de nombreuses exigences, qui vont du respect des valeurs républicaines à la transparence financière. Nous nous plions naturellement à ces exigences, qui sont tout à fait légitimes. D'aucuns ont rappelé que nous touchions des subventions. Or c'est bien parce que nous remplissons une mission d'intérêt public – nous sommes sollicités pour des travaux de négociation interprofessionnels – que nous sommes financés par une contribution publique, gérée par l'Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN). Il ne s'agit pas d'une subvention lambda susceptible d'être demandée par n'importe quelle association. En tout état de cause, nous sommes tous très attachés à ces valeurs républicaines, qui sont probablement reprises dans tous nos statuts. Je suis donc convaincu que nous n'avons aucune inquiétude à nourrir dans ce domaine.

Au plan juridique, il me paraît bienvenu que le corpus législatif intègre la jurisprudence pour clarifier certaines situations. À cet égard, nous sommes favorables à l'article premier et à l'article 4 du projet de loi. Néanmoins, comment ces articles seront-ils déclinés en pratique pour ne pas revêtir un caractère trop liberticide ? Comment garantir que la réponse demeure proportionnée au problème identifié ? Il va de soi que nous devons protéger nos collègues du service public ou exerçant une délégation de service public. Pour les entreprises privées, il conviendra certainement de revoir certains chapitres du Guide du fait religieux en entreprise.

Mon a priori sur le contrat d'engagement républicain est plutôt favorable, dans la mesure où il est toujours préférable d'expliciter des éléments qui demeurent implicites tant qu'ils ne sont pas mentionnés. Cela dit, comme je l'ai déjà indiqué, les sanctions devraient seulement faire suite à un irrespect manifeste et visible des principes républicains, et non à des entorses mineures, dans une logique de proportionnalité.

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Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires FO

Dans un premier temps, je répondrai partiellement aux interrogations des députés relatives à la déclinaison des premiers articles du projet de loi au sein de la fonction publique. Comme l'ont souligné mes camarades des autres organisations, nous ne constatons pas de recrudescence des agressions. Rappelons d'ailleurs que la direction générale de l'administration de la fonction publique (DGAFP) publie tous les ans des chiffres au périmètre de la fonction publique d'État, qui montrent que le phénomène demeure stable. En tout cas, nos organisations ne relèvent aucune montée particulière. Naturellement, les affaires dramatiques comme celle ayant conduit à la mort de Samuel Paty sont extrêmement médiatisées et affectent, de fait, l'activité, le travail et parfois même les comportements des agents sur le terrain.

Globalement, ces premiers articles ont un sens, pas nécessairement du point de vue de la laïcité, mais du point de vue du Gouvernement. En effet, sans ces articles, l'on ne pourra pas décliner la loi de transformation de la fonction publique, laquelle entérine la privatisation accrue des missions de service public, promeut le remplacement des fonctionnaires par des contractuels, et prévoit même la possibilité d'externalisation totale des missions de service public, avec détachement d'office des fonctionnaires – c'est une nouvelle position statutaire inédite – dans les entreprises recevant la délégation de service public. Naturellement, il va de soi que ces entreprises embaucheront parallèlement des salariés de droit privé pour mieux fonctionner. De fait, de notre point de vue, ces premiers articles ont pour objet d'assurer, conformément à la volonté politique affichée depuis une décennie, l'externalisation des missions de service public.

À ce titre, il est logique que l'entreprise récupérant la délégation puisse attester qu'elle respecte certaines valeurs, étant entendu que l'obligation de neutralité faisait jusqu'ici défaut au sein du secteur privé. Avec cette nouvelle loi, les valeurs de laïcité et de neutralité se trouveront appliquées au titre du contrat d'engagement républicain. Nous pouvons toutefois nous interroger sur la manière, pour les employeurs, de vérifier la bonne tenue de ces engagements. Quoi qu'il en soit, l'on ne peut nier que ces articles permettront de faciliter l'application de la loi de transformation de la fonction publique et de préparer l'externalisation des missions de service public.

D'aucuns ont souligné que les agressions étaient sans doute plus marquées dans certains secteurs, comme celui de la santé. D'une certaine manière, il est logique, même si nous pouvons évidemment le regretter, que les agressions soient plus nombreuses dans les secteurs où les agents sont en contact permanent avec le public, a fortiori lorsque ce public est en détresse. Les risques de conflit sont plus nombreux à l'hôpital qu'au sein de l'administration fiscale, puisqu'un contribuable qui paie ses impôts par internet ne peut s'en prendre qu'à son écran.

En tout état de cause, je tiens à répéter que les premiers articles de ce projet de loi visent uniquement, de notre point de vue, à faciliter la privatisation des missions de service public.

Si le privé dispose d'un Guide du fait religieux en entreprise depuis 2016, le secteur public bénéficie des droits, obligations et garanties du statut général des fonctionnaires. En outre, la circulaire du 15 mars 2017 édictée par la ministre de la Fonction publique apporte des précisions sur le respect du principe de laïcité au sein de la fonction publique. Nous disposons déjà de tous les outils législatifs et réglementaires en la matière.

Concernant spécifiquement la protection fonctionnelle, nous sommes malheureusement très loin du compte, eu égard aux différentes tragédies – assassinat de Samuel Paty, assassinat d'un couple de policiers à Magnanville – survenues ces dernières années ; sans compter les violences sexistes. Nous ne pouvons pas nous opposer à la protection fonctionnelle, et ce n'est pas le sujet. Néanmoins, deux éléments doivent être pris en compte lorsqu'un agent subit une agression. D'abord, nous constatons clairement un dysfonctionnement de la ligne hiérarchique, ce qui signifie que de nombreux progrès sont encore possibles en matière de management ; il ne s'agit pas d'un problème législatif ou réglementaire, mais plutôt d'un problème de formation. Par ailleurs, de notre point de vue, il serait essentiel que l'employeur public porte plainte aux côtés de l'agent. Si nous nous sommes abstenus lors du vote du texte en Conseil commun de la fonction publique, c'est parce que nous estimions que le texte était insuffisant. De fait, il serait regrettable que le Parlement ne profite pas de ce texte pour garantir que chaque agent se sente soutenu par le dépôt de plainte conjoint de son employeur. Accorder une protection fonctionnelle et prendre en charge les frais d'avocat ne suffit pas, même si cela décharge l'agent de soucis pécuniaires.

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Roxane Idoudi, secrétaire confédérale en charge du développement de l'organisation de Force ouvrière (FO)

Comme l'a relevé mon camarade, tout agent public ou tout salarié doit, dans l'exercice de son emploi, être protégé contre toutes les menaces et atteintes, en particulier contre la désignation à la vindicte sur internet et les réseaux sociaux. Pour autant, si l'on élargit le débat au-delà de la fonction publique, cette nécessité ne peut conduire à porter atteinte à la liberté d'information de la presse. Dans ce contexte, FO s'interroge sur les conséquences de la rédaction de l'article 18 et note que d'autres pistes présentées comme plus efficaces quant à l'objectif affiché ont été suggérées, tel que le complément à la loi de 1881 relatif à l'incitation et à la provocation.

S'agissant des articles 19 et 20, FO soutient qu'ils ne doivent déroger en rien aux dispositions préservant la liberté d'informer et la liberté de la presse, conformément aux lois existantes. Parallèlement, FO souligne la question prioritaire des moyens et de la justice.

Concernant enfin l'article 31 du chapitre 5, FO renvoie à sa position générale sur la priorité à l'instruction publique dans le cadre du service public de l'Éducation nationale, auquel seul doivent être dédiés les fonds publics, qu'elle estime par ailleurs aujourd'hui insuffisants pour assurer pleinement le droit à l'éducation.

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Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT)

Mme Buffet a posé une question essentielle concernant l'extension du principe de neutralité aux salariés de droit privé. Je partage entièrement la position de FO s'agissant du danger que représente l'affaiblissement des services publics, sur lequel je ne reviendrai pas, puisque je l'ai déjà évoqué dans mon propos liminaire. Je rappellerai toutefois que cet affaiblissement constitue également un véritable danger de remise en cause des valeurs de la République, puisque le service public et le statut des agents sont garants – au moins en partie – de la cohésion sociale et du pacte social dans notre pays.

Au-delà de la définition même du service public, cette extension du principe de neutralité pose un certain nombre de questions, à commencer par le risque d'imposer une obligation de neutralité à des agents éloignés d'une mission de service public, à des agents n'ayant jamais de contacts avec les usagers ou à des agents ignorant qu'ils y sont soumis. Dans les grandes entreprises délégataires de service public, l'on peut aisément trouver des salariés qui n'y sont pas du tout confrontés, alors que la neutralité s'applique à tous les agents de la fonction publique, qu'ils soient ou non en contact direct avec le public. Pour nous, cet article premier n'est pas assez précis sur son périmètre d'application, d'autant que la sanction d'un salarié de droit privé pourrait éventuellement conduire au licenciement, alors que la neutralité imposée est avant tout considérée comme une protection des agents de droit public.

Pour illustrer le débat sur le contrat d'engagement républicain et son utilité, je me permettrai d'évoquer une situation qui a récemment été portée à ma connaissance. Vendredi dernier, j'ai été contactée par la secrétaire générale d'une union locale de la CGT d'une collectivité, qui s'attèle actuellement à constituer son dossier de subvention. Même si nous ne nous inscrivons pas nécessairement dans ce contexte au niveau national, nous disposons de déclinaisons territoriales – unions locales ou union départementales – qui, pour certaines, ont encore accès à des subventions de collectivités. Or la collectivité que je viens de citer – peut-être y en a-t-il d'autres – se réfugie derrière un projet de loi gouvernemental pour demander à l'union locale de la CGT de signer non pas un contrat d'engagement républicain, puisqu'il n'est pas encore en place, mais une charte ou un texte. La CGT n'est pas tant gênée par le contenu du texte que par le fait qu'il soit demandé à une organisation syndicale – quelle qu'elle soit – de « montrer patte blanche ». Compte tenu de l'ancienneté de notre organisation, notamment au plan local, il me semble que nos camarades n'ont rien à prouver de ce côté, d'autant plus que les statuts de toutes les organisations de la CGT sont parfaitement clairs.

Il nous paraît donc dénué de sens de se réfugier derrière un nouveau texte, puisque ce type de demande est souvent vécu comme un soupçon. Rappelons d'ailleurs que la loi de 1901 prévoit, d'une part, la liberté d'association, mais également, dans sans son article 3, qu'une association ne doit pas être contraire aux lois et ne doit pas avoir pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement. De fait, ce contrat d'engagement est surabondant et ne se justifie pas, d'autant plus qu'il risquerait de porter un coup aux lois fondamentales sur la liberté d'association déjà citées par mes camarades. Nous ne prétendons pas que les problèmes n'existent pas. Nous rappelons seulement que les collectivités disposent déjà d'un cadre législatif et de moyens pour agir.

Concernant l'ampleur des phénomènes constatés, sur lesquels nous avons été interpellés à maintes reprises, il serait préférable de disposer de données viables et d'un constat partagé sur lequel nous pourrions nous appuyer pour légiférer. Comme le soulignait précédemment Mme Trigo, est-il véritablement nécessaire de légiférer sur les sujets à l'ordre du jour ? Il me semble que c'est la question à laquelle nous devons prioritairement répondre.

Depuis la publication du Guide du fait religieux en entreprise, dont je vous distribuerai ultérieurement quelques exemplaires, nous avons noué des contacts plus rapprochés avec les syndicats de salariés des entreprises privées. Je ne dirais pas que les problèmes n'existent pas, mais que tout dépend des communautés de travail et des collectifs de travail, ainsi que de la présence, dans ces collectifs de travail et dans ces entreprises, de communautés parfois plus fortes les unes que les autres, avec parfois l'instauration de pratiques particulières. Cela dit, la plupart du temps, ces difficultés sont régies soit par les règlements intérieurs, soit par de bonnes pratiques. Hormis quelques cas exceptionnels, nous n'avons pas constaté, au sein de l'entreprise, un accroissement exponentiel des phénomènes liés à des pratiques religieuses ou à des prosélytismes religieux. Tâchons donc de ne pas légiférer ou de réagir à chaud sous le coup de l'émotion, a fortiori lorsque l'on touche à des sujets sensibles induisant la remise en cause de certaines libertés.

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Frédéric Sève

En préambule, je remercie mes camarades qui ont déjà répondu à de nombreuses questions, ce qui allègera quelque peu ma tâche.

Je reviendrai d'abord sur les interrogations formulées par M. de Courson. La CFDT tire la très grande majorité de ses ressources des cotisations de ses adhérents. J'ignore d'ailleurs si toutes les autres dotations peuvent être qualifiées de subventions. Pour rappel, jusqu'à une époque récente, la représentativité des organisations syndicales au niveau national était fondée sur la référence à une attitude républicaine durant les heures sombres de notre histoire. Nous avons nous-mêmes souhaité abandonner ce type de référence, en adoptant en 2008 une position commune selon laquelle la représentativité syndicale – et notamment sa légitimité à percevoir des fonds – devait être objectivée et reposer sur des éléments tangibles ne relevant pas de la logique d'appréciation. De fait, si nous devons nous référer à l'histoire syndicale, nous devrions retenir cette nouvelle approche, car nous avons toujours intérêt à objectiver les éléments. À cet égard, comme mes collègues l'ont signalé, je doute que la redondance par rapport à l'existant soit pertinente. En tout état de cause, se référer à des principes moraux – sans connotation péjorative – n'est pas toujours aidant. Mieux vaut nous référer à des éléments aussi objectifs et factuels que possible.

Concernant l'aspect quantitatif des faits, la réponse imparfaite ou insatisfaisante que nous avons formulée ne résulte pas seulement d'une carence statistique ou d'une absence de renseignements. Elle tient surtout à la nature de ce que nous nous efforçons de mesurer. Nous est-il demandé de préciser si nous avons connaissance de salariés porteurs de revendications liées à une pratique religieuse ? Nous est-il demandé si nous avons connaissance de cas où cette revendication pose difficulté et génère des conflits ? Ces revendications revêtent-elles un caractère sectaire ou séparatiste ? De mon point de vue, la difficulté tient principalement du mélange des genres dans cette volonté de recensement des faits. Néanmoins, ce n'est pas parce que les faits problématiques sont rares – je ne suis pas en mesure de les compter, mais nous savons qu'ils existent – qu'ils ne sont pas graves. Nous devons pouvoir donner toute sa mesure au traitement de ces problèmes, sachant que leur rareté ou leur caractère minoritaire n'enlève rien à leur gravité, surtout au plan local. Le meurtre de Samuel Paty incarne typiquement le genre de fait à la fois extrêmement rare – heureusement – et extrêmement grave.

Dans ce contexte, il me paraît problématique de vouloir traiter de manière très générale, en recourant à la loi, des problèmes de nature particulière ou ponctuelle. La réponse est souvent mal ajustée, dans la mesure où la diversité de ces situations appelle des réponses différentes. En lien avec le déséquilibre que nous pointions du doigt, tout ne relève pas de la loi, puisque la qualité de la réponse réside dans la capacité à répondre de manière localisée et spécifique à un problème particulier. Je m'abstiendrai d'en dire plus à ce sujet.

L'on nous a demandé comment aider les agents et les salariés, et de manière générale les travailleurs. En premier lieu, il me paraît nécessaire de ne pas hystériser cette question et de ne pas lui accorder une trop grande dimension politicienne, sachant que ce sont les agents qui, in fine, devront assumer les tensions autour de ce sujet. J'attire d'ailleurs votre attention sur le fait que les travailleurs doivent être en capacité d'accomplir leurs missions sans se sentir obligés de devoir arbitrer entre leur vocation professionnelle et le respect de la loi. Le législateur doit impérativement veiller à cette dimension, pour que les travailleurs ne soient pas contraints de résoudre quotidiennement les contradictions dont nous avons fait état. Tâchons d'alléger leur fardeau dans ce domaine, sachant que la question se pose dans de nombreux secteurs, et plus particulièrement au sein du secteur éducatif.

De ce point de vue, en matière de laïcité, nous savons qu'il existe une question particulière au périmètre de l'Éducation nationale. Un adulte en position éducative ne peut se contenter d'adopter une attitude répressive et rigide. Pour éduquer, il convient d'accepter l'erreur. Tâchons donc de ne pas faire peser une contradiction insurmontable sur le dos de nos enseignants.

J'en profite pour signaler que je revendiquais professionnellement l'autocensure dans mon ancien métier d'enseignant, y compris sur mes opinions personnelles. L'on ne profite pas de sa chaire professorale pour diffuser ses opinions personnelles. De fait, l'attitude professionnelle de l'enseignant suppose une certaine autocensure, qui est bien sûr guidée par l'éducation, et qui ne porte pas sur les principes républicains. En tout état de cause, veillons à ne pas charger inutilement nos agents avec des contradictions et à ne pas empêcher l'exercice le plus serein possible des métiers de l'éducation, de la santé, de la sécurité, etc.

Enfin, si l'on m'interroge sur ma conception de la promesse républicaine, deux éléments me viennent à l'esprit. La République, c'est bien sûr la loi, mais ce ne peut être seulement la loi. La promesse républicaine, c'est aussi la protection sociale, cette promesse que tout le monde tient à tout le monde. Il ne s'agit pas seulement d'une conception structurelle descendante, mais également d'une conception horizontale de la République. Qui doit porter cette promesse ? De mon point de vue, tout le monde doit la porter, et notamment les corps intermédiaires. Si la République n'est pas la chose publique portée en commun, la promesse républicaine ne peut en aucun cas être tenue.

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Je me permettrai d'apporter quelques éléments de clarification suite à cette deuxième vague de prise de parole.

Je reviendrai d'abord sur les questions de la CGT et de FO s'agissant du périmètre d'application de l'obligation de neutralité. Comme nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, il s'agit bien, pour l'espace de neutralité, de graver des éléments jurisprudentiels dans le marbre de la loi. De fait, les questions que vous avez soulevées doivent aussi être adressées à la Cour de cassation – eu égard à son arrêt de 2013 – et au Conseil d'État – eu égard à son arrêt de 2007. Pour notre part, nous considérons qu'il n'est pas totalement inutile de faire remonter, dans la hiérarchie des normes, ce qui relève aujourd'hui de la seule jurisprudence, sachant qu'il existe également, au-delà de la symbolique, un enjeu d'applicabilité. Vos questions sont légitimes, mais elles valent déjà, d'une certaine manière, pour le droit existant.

Par ailleurs, j'ignore si les premiers articles du projet de loi ont vocation à anticiper sur la loi de transformation de la fonction publique. Depuis une quarantaine d'années, les modes de gestion des services publics ont considérablement évolué et se sont considérablement complexifiés. Si l'on se place à l'échelle d'une collectivité locale, la gestion des services d'assainissements ou de collecte des déchets – qui sont aujourd'hui beaucoup plus performants – a nécessité de passer d'un système de régie directe à un système de délégation de service public. Il existe ainsi de nouveaux espaces – que la jurisprudence s'est efforcée de combler – en termes de neutralité des agents chargés de l'exécution d'une mission de service public. Il me semblait important d'apporter cette précision.

Enfin, je comprends que certains termes du projet de loi puissent faire débat, y compris au sein de notre commission, qui en débattra à partir de la semaine prochaine. Néanmoins, certains mots ont, en droit, une valeur qui n'est pas celle du langage courant. Dans le langage courant, l'intimidation se prête à plusieurs acceptions. En droit, sa définition est très normée. De même, lorsque l'on parle de menace, aucune intentionnalité n'est à prouver, puisque l'usage de la menace est ressenti par la personne qui en est la cible. Le drame subi par Samuel Paty montre d'ailleurs que la menace est réelle. De la même manière, la notion d'ordre public est l'une des notions les plus précises du droit administratif. Il s'agit même d'un pilier du droit administratif, qui est cité dans toutes les jurisprudences, et qui figure également à l'article premier de la loi de 1905, qui dispose que la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes sous réserve des restrictions de l'ordre public. Vous avez certes raison, comme plusieurs collègues députés ont pu le souligner, d'attirer l'attention sur le terme « sauvegarde », qui mérite peut-être d'être modifié. Néanmoins, la notion d'ordre public n'est pas une notion qui peut être évoquée à la légère. Elle repose sur des critères extrêmement précis et demeure sous le contrôle du juge.

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Je souhaitais initialement vous interroger sur la manière dont vous vous étiez emparés du sondage IFOP commandité par la Fondation Jean Jaurès, mais mes collègues ont largement abordé ce sujet. Je constate que vous ne partagez pas, in fine, les constats dressés par ce sondage, puisque vous ne relevez pas d'augmentation significative des faits, qui sont pourtant assez précis dans ce sondage. Je m'abstiendrai toutefois de revenir sur ce sujet.

Ma première question s'adresse plutôt à la FSU, qui fédère les infirmières scolaires. Avez-vous pu interroger vos collègues du Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé (SNICS) sur ce projet de loi ? Dans la mesure où les infirmières sont souvent le premier recours des jeunes filles, ont-elles signalé des inquiétudes quant aux pressions qui pourraient être exercées à leur encontre s'agissant des mariages forcés, des certificats de virginité ou autres menaces diverses ?

Par ailleurs, la FSU a déclaré que cette loi constituait un danger pour la République et la laïcité. Sauf erreur de ma part, il me semble que la FSU n'avait pas voté en faveur de la loi de 2004 soumise à l'avis du CESE. À cet égard, avez-vous eu connaissance d'infractions à la neutralité politique dans les établissements scolaires ?

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Je souhaite revenir sur votre interprétation de l'article 6, et notamment sur le contrat d'engagement républicain, qui suscite une gêne chez certains d'entre vous, quand d'autres rappellent que des dispositions analogues existent déjà en l'état. Ne pensez-vous pas que ce contrat pourrait être un élément facilitateur dès lors qu'il serait porté à la connaissance de vos adhérents, permettant ainsi de mieux répercuter cette obligation ? S'il est vrai que ce contrat reprend les grands principes républicains tels que définis par l'article premier de la Constitution, ne doit-il pas être considéré comme un élément pédagogique rappelant le cadre de fonctionnement de vos organisations ? Ne l'imaginez-vous pas comme un élément positif structurant la relation entre les organisations signataires et leurs membres, sachant que vous avez pris des engagements dont le non-respect n'est pas sans conséquence ?

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Frédéric Sève

Je répondrai d'abord à la question relative aux infirmières scolaires, dont certaines sont adhérentes de notre organisation. Comme nous le précisions précédemment s'agissant des signalements de faits, nous savons qu'un certain nombre de cas existent. Cela dit, la question essentielle ne porte pas tant sur l'aspect quantitatif que sur la gravité des problèmes et sur la capacité à y répondre à la juste mesure.

Vous nous demandez si le contrat républicain ne pourrait pas être considéré comme un outil pédagogique entre les organisations syndicales et leurs adhérents. Je m'excuse d'être direct, mais nous n'en avons pas besoin. Nos statuts font d'ores et déjà référence à des valeurs, que je crois pouvoir qualifier sans difficulté de républicaines. Ce travail s'effectue déjà sans passer par un quelconque contrat républicain, qui me paraît redondant. C'est la critique essentielle que je formule à l'égard de ce dispositif.

Plus généralement, il me paraît nécessaire de déterminer les objectifs à atteindre par le biais de la loi. Je reviendrai brièvement sur le sujet de la laïcité, sur lequel je me suis jusqu'ici peu exprimé. Je ne voudrais pas que l'on croie que je m'oppose au débat sur la laïcité. Nous devrions même en débattre régulièrement, considérant son aspect extrêmement problématique. À cet égard, nous en débattons depuis la promulgation de la loi de 1905. Il est donc salutaire que la société continue de débattre de la laïcité. Toutefois, je n'estime pas nécessaire de légiférer constamment dans ce domaine. Mon reproche ne s'adresse pas spécifiquement à ce projet de loi, qui couvre également bien d'autres sujets. Néanmoins, même s'il est salutaire de débattre régulièrement de la laïcité, de l'ajuster en permanence et de se la réapproprier en permanence, il me paraît nécessaire, pour citer Montesquieu, de n'approcher les principes de la laïcité « que d'une main tremblante ».

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Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT)

Je partage tout à fait les propos de M. Sève, à commencer par sa position relative au contrat d'engagement républicain. Notre organisation dispose déjà de statuts, d'une charte de vie et de règlements intérieurs, qui sont parfaitement connus de nos adhérents, puisque ces documents leur sont communiqués lors de leur adhésion. Nous disposons même de principes de sanctions, qui ont été parfois médiatisés, mais qui touchent finalement très peu au fait religieux, puisqu'ils sont essentiellement déclenchés pour des problèmes de discrimination ou de violence autres. En tout état de cause, nous avons l'habitude de gérer ces difficultés en interne.

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Roxane Idoudi, secrétaire confédérale en charge du développement de l'organisation de Force ouvrière (FO)

L'essentiel de notre position tient à l'importance de la réhabilitation du rôle de la fonction publique, des services publics, de leurs statuts, des statuts de leurs agents et de leurs moyens. C'est absolument déterminant. À cet égard, nous pouvons nous interroger sur l'effectivité de certaines dispositions de ce projet de loi.

Les statuts de FO prévoient déjà une indépendance à l'égard de toute obédience, qu'elle soit politique, religieuse ou autre. Ce sujet n'appelle aucun débat. Nous n'avons donc pas de preuves supplémentaires à apporter sur ce que nous sommes et ce que nous représentons. Nos adhérents et nos militants le savent pertinemment et nous rejoignent d'ailleurs – entre autres motifs – pour cette raison.

Nous avons rappelé nos propositions de principe sur d'autres aspects plus généraux. Nous vous en remettrons une version écrite à l'issue de la séance. FO suivra étroitement les débats qui s'organiseront au sein de diverses enceintes, étant entendu que la discussion n'est pas terminée. Elle se poursuivra notamment au sein de la CNCDH, qui rendra son avis sur le sujet. En tout état de cause, nous demeurerons vigilants face à tout risque d'atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés démocratiques.

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Gérard Mardiné, secrétaire général de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

Si l'on se place dans l'optique des associations de portée générale, et non dans l'optique des organisations syndicales, il ne me semble pas inutile d'expliciter, via un contrat d'engagement républicain, des éléments qui demeuraient jusqu'ici implicites. En tout cas, notre organisation n'y est pas opposée. En revanche, comme je l'indiquais précédemment, je considère que seul l'irrespect manifeste des principes en question devrait pouvoir être retenu pour fonder la sanction des manquements. Le détail du texte nous en apprendra davantage dans ce domaine.

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Cyril Chabanier, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Je partage les propos de M. Sève sur l'inutilité, pour les organisations syndicales, de signer un contrat d'engagement républicain, considérant que nos statuts sont déjà suffisamment explicites sur le respect des principes républicains. Cela dit, ce dispositif peut être bienvenu pour d'autres associations. D'ailleurs, j'ai bien précisé que je n'étais pas opposé à l'article 6 du projet de loi, qui me semble plutôt aller dans le bon sens, avec l'objectif d'expliciter des éléments qui demeuraient jusqu'ici implicites. En revanche, malgré les précisions apportées par le rapporteur général, je déplore le flou entourant la formule « sauvegarde de l'ordre public », sachant que c'est évidemment le terme « sauvegarde » qui appelle un certain nombre de précisions et qui risque de poser difficulté.

Sur l'aspect quantitatif, nous n'avons pas nécessairement précisé que les chiffres n'étaient pas en augmentation. Nous avons souligné que le phénomène était difficile à quantifier, et que nous ignorions si celui-ci tendait à augmenter ou à être davantage exposé.

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Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU)

Ce débat sur les chiffres montre qu'une étude d'impact du projet de loi serait intéressante, afin d'objectiver la situation, même si cette audition y concourt.

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Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU)

Je l'ignorais. Je lirai donc avec attention cette étude d'impact.

En écho à l'interpellation de Mme Lang, je tiens à souligner que je n'ai jamais voulu dire que FSU considérait que ce projet de loi mettait la République en danger.

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Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU)

Ai-je réellement parlé de « mise en danger de la République » ?

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Vous avez déclaré que ce projet de loi était dangereux pour la République et la laïcité.

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Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU)

Vous me donnez tout de même l'occasion de rectifier. Selon nous, en l'état, ce projet de loi pose davantage de problèmes qu'il n'en résout, puisqu'il risque de susciter des clivages alors que nous avons besoin d'apaisement. Cela ne vaut pas pour tous les articles du texte, puisque j'ai souligné que certaines dispositions nous agréaient. Néanmoins, globalement, nous avons l'impression que ce projet de loi penche plutôt du côté des mesures répressives que des mesures qui, par exemple, nous paraîtraient nécessaires pour renforcer l'école publique sur l'ensemble du territoire. Autrement dit, de nombreuses mesures positives nous semblent absentes de ce projet de loi.

Les retours des infirmières scolaires sont concordants avec mes précédents propos, à savoir qu'il existe un haut niveau de préoccupation, de nombreuses personnes venant les consulter pour des problématiques liées aux pressions des familles. Ces personnes trouvent dans l'espace scolaire un espace pour être écoutées et conseillées en toute discrétion, avec le bénéfice de neutralité de l'infirmière scolaire. Les retours que nous avons collectés témoignent d'un appel à renforcer ce travail, notamment en zones d'éducation prioritaire, où les infirmières manquent de temps pour gérer l'ensemble des sollicitations des élèves. Cet indicateur nous permet d'établir que la problématique est aujourd'hui importante, bien que les infirmières s'efforcent d'y faire face.

Enfin, si nous avions effectivement manifesté notre opposition à la loi de 2004, nous avions adopté une position équilibrée, avant d'approuver l'équilibre finalement trouvé. Aujourd'hui, la question semble tranchée, à la fois dans la loi et dans son application. D'ailleurs, nous notons que la contestation s'est amenuisée, et que les atteintes à la laïcité sont moins nombreuses, puisque de moins en moins d'élèves souhaitent continuer à porter le voile. Nous en appelons toutefois à la prudence et à ne pas rouvrir, par exemple, le débat sur le voile à l'université. Cela ne nous semblerait guère raisonnable, sachant que l'équilibre qui a été trouvé nous paraît relativement satisfaisant.

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Émilie Trigo

L'UNSA est la plus jeune organisation syndicale présente autour de cette table, mais aussi dans le paysage français. À notre création, nous nous sommes dotés d'une charte des valeurs dans laquelle figure la laïcité, qui fait partie des fondements de l'UNSA. Nous ne rencontrons aucune difficulté à faire respecter ces valeurs. Les problèmes sont rares, et nous n'hésitons pas, de manière exceptionnelle, à désaffilier une organisation – je rappelle que nous ne sommes pas une confédération, mais une union de syndicats autonomes – si le problème se pose. Nous avons déjà recouru à cette sanction, pour des motifs tout autres que le fait religieux, mais nous n'aurions aucune difficulté à agir en ce sens pour ce motif.

En conclusion, et comme je l'indiquais dans mon propos introductif, nous ne devons pas oublier que la laïcité est synonyme de liberté. Peut-être convient-il d'en débattre, mais nous devons surtout la transmettre, puisque les débats de 1905 et l'équilibre auquel nous sommes parvenus nous convient bien. Je ne suis pas certaine qu'il soit pertinent de rouvrir ces débats, même si nous devons nécessairement faire acte de transmission. En revanche, il me paraît dangereux de légiférer à nouveau sur le sujet. Je me sens donc le devoir de vous inciter à la prudence vis-à-vis des amendements que vous serez amenés à examiner la semaine prochaine, et que vous serez amenés à adopter le cas échéant.

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Merci à tous pour votre participation à ces auditions. Pour élargir le débat et vous inviter à une réflexion intégrant un recul historique, je vous renvoie vers l'article intitulé « Grèves saintes ou grèves ouvrières ? Le "problème musulman" dans les conflits de l'automobile, 1982-1983 », rédigé par Vincent Gay et publié dans la revue Genèses en 2015. Vous constaterez que ces préoccupations étaient déjà présentes dans le débat public à cette époque et qu'elles ont fait l'objet de polémiques très virulentes, sur fond de concurrence syndicale au sein des usines Citroën d'Aulnay et Talbot de Poissy, même si le soufflé était ensuite retombé. Si vous avez le temps, je vous incite à lire cet article tout à fait nuancé, qui éclaire nos débats contemporains sur le traitement de ces questions au sein du monde du travail.

La séance est levée à douze heures cinq

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9 heures 30

Présents. – M. Saïd Ahamada, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, M. Francis Chouat, M. Alexis Corbière, M. François Cormier‑Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré‑Chirat, Mme Isabelle Florennes, M. Sacha Houlié, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet