Intervention de Benoît Teste

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) :

Je partage totalement les propos de Mme Trigo. La difficulté de mesurer le phénomène est loin d'être négligeable. M. Diard faisait référence à un sondage montrant l'autocensure des enseignants, qu'il serait effectivement intéressant d'étudier. Cela dit, je tiens à rappeler la question posée par le sondage : « Afin d'éviter de possibles incidents provoqués par certains élèves, vous est-il déjà arrivé de vous autocensurer dans vos enseignements ? ». Dans ce cadre, s'autocensurer peut recouvrir diverses réalités, comme des contraintes intolérables ou des renoncements, mais aussi des choix pédagogiques parfaitement réfléchis et assumés. Quelles réalités recouvre ce sondage ? Le chiffre de 19 % n'en dit rien.

S'agissant de la mesure des phénomènes, nous n'observons pas d'augmentation. Le nombre d'atteintes à la laïcité demeure stable, et tous les chiffres montrent que le phénomène demeure marginal si l'on considère le nombre total d'élèves. Le phénomène est toutefois inquiétant et pas si marginal si l'on considère que les faits rapportés sont relativement graves. Dès lors que le fait est attesté, la gravité l'est également. Nous pouvons donc considérer que ce phénomène n'affiche pas – d'après ce que nous pouvons en juger – une dynamique d'amplification exponentielle, mais qu'il ne s'inscrit pas non plus dans une dynamique de régression. Le phénomène stagne à un niveau élevé, ce qui nécessite l'adoption de mesures importantes.

Comme cela vient d'être rappelé, la mise en œuvre de la protection fonctionnelle des agents publics demeure problématique. Le dispositif est mal connu et n'est pas systématiquement activé. Plutôt que de créer un nouveau délit, il convient d'organiser, dans un certain nombre de cas, la protection des agents. À cet égard, la perspective que la menace soit identifiée comme un délit (à l'article 4) interroge sur le délit d'intention, qui est très difficile à évaluer, d'autant plus que les actes d'intimidation sont déjà sanctionnés par la loi. Quoi qu'il en soit, la création d'un nouveau délit spécifique de menace ne nous semble pas être de nature à renforcer la protection fonctionnelle. La question posée n'appelle nullement l'adoption de nouvelles dispositions législatives.

Concernant l'enseignement hors contrat, la problématique principale a trait au contrôle, de la même manière que pour l'enseignement à domicile. Aujourd'hui, le contrôle renforcé n'est pas réalisé, et très peu d'inspecteurs sont disponibles pour mesurer les acquis et les progrès des élèves scolarisés dans le hors contrat ou à domicile. Dans ce contexte, nous ne serions guères favorables à l'extension, au hors contrat, des formations normalement destinées aux enseignants du public, dans la mesure où la charge risquerait d'en incomber à l'institution publique. De notre point de vue, l'urgence doit être le renforcement de la formation des enseignants du public.

L'article imposant aux associations de signer un contrat d'engagement républicain nous interroge fortement. À ce stade, nous ignorons si les syndicats sont ou non concernés, sachant que l'article du projet de loi renvoie les modalités d'application et de contrôle à un décret en Conseil d'État. En outre, cette disposition induit, en creux, que les associations ne demandant pas de subventions pourraient se permettre des entorses aux principes républicains. Nous questionnons donc l'angle de la subvention retenu pour ces contrats. Plus largement, nous pouvons redouter un risque de mise au pas idéologique. Par exemple, une association antimilitariste serait-elle considérée comme une association antirépublicaine ? En tout état de cause, nous nous interrogeons sur les associations qui pourraient pâtir de ces nouvelles dispositions.

Enfin, quid du lien entre l'article 18 du présent projet de loi et l'article 24 de la proposition de loi de sécurité globale ? L'intention du Gouvernement est-elle de réintroduire, dans ce projet de loi, les dispositions écartées de la proposition de loi de sécurité globale ?

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