Intervention de Cyril Chabanier

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Cyril Chabanier, président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) :

Mon propos se concentrera sur les articles ayant un impact direct ou indirect sur le monde du travail et les travailleurs.

Pour la CFTC, l'intention de ce texte est plutôt légitime, et nous sommes plutôt en accord avec une grande partie des articles qu'il contient. Néanmoins, je prendrai plusieurs exemples pour souligner qu'il existe, d'une part, des articles avec lesquels nous sommes en accord et dont nous partageons le contenu et, d'autre part, des articles qui nous paraissent aller dans le bon sens, mais pour lesquels des précisions sont attendues afin d'en éviter les effets pervers. Enfin, je partagerai avec vous quelques critiques sur le manque d'équilibre de ce texte.

Parmi les mesures que nous estimons positives, je pense d'abord aux ajustements juridiques que ce projet de loi introduit à juste raison, notamment au sujet des discours de haine par la voie numérique et de la meilleure protection des agents publics. Ces aspects relèvent du périmètre de la sécurité publique, qu'il est nécessaire de renforcer pour lutter contre les violences et toute forme de terrorisme.

Trois exemples viennent étayer mon propos : l'article 3 élargissant le fichier recensant les auteurs d'actes terroristes aux individus faisant l'apologie du terrorisme ; les articles 4 et 5, qui renforcent la protection des agents de l'État en créant une nouvelle infraction, à savoir le fait d'user de menaces ou de violences ou de commettre tout autre acte d'intimidation ; les articles 18 et 20, qui concernent la haine sur Internet et la mise en place de trois nouveaux outils, dont le nouveau délit sanctionnant la diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne l'exposant à différentes menaces.

Au travers de ces trois exemples, nous parlons de la protection de la vie privée et de ses principaux attributs, à savoir la protection du domicile et de l'intimité des personnes, qui est un droit fondamental pour la CFTC. Ces articles visent l'ensemble de nos concitoyens, et plus particulièrement les travailleurs : enseignants, forces de l'ordre, soit des catégories pour lesquelles des mesures de protection sont aujourd'hui nécessaires. La CFTC est donc plutôt favorable à ce renforcement de droits fondamentaux.

D'autres mesures que nous qualifions de plutôt positives demandent des précisions pour en éviter les effets pervers. Je pense notamment à l'article premier traitant de l'extension du principe de neutralité aux organismes de droit privé ou de droit public participant à l'exécution de services publics, qui concerne également des catégories d'organismes privés ou publics auxquels la loi entend confier l'exécution d'une mission de service public. Au même titre que les articles que j'ai précédemment cités, nous accueillons ce premier article d'un œil plutôt favorable, dans la mesure où il vise des situations parfois vécues comme incertaines et non sécurisantes pour les travailleurs concernés. Dès lors qu'il s'agit d'exercer des missions de service public, nous pouvons entendre qu'il existe un certain parallélisme des formes avec la fonction publique, étant entendu que c'est la mission – plus que le statut de droit public ou de droit privé – qui doit primer.

Cela dit, nous alertons sur le risque de manque de précision. S'agit-il d'imposer une neutralité à tout intervenant ou utilisateur de ces espaces ? Le respect des principes de neutralité et de laïcité doit-il directement s'appliquer aux salariés, aux contractuels, aux occasionnels ? Est-ce pareillement valable pour les usagers ? Des précisions sont donc attendues pour savoir qui serait concerné par quelle disposition. Pour notre part, nous plaidons plutôt pour une définition légale d'un espace ou d'une mission de service public. À défaut de précision, le texte pourrait conduire à une conflictualisation des relations sociales ou professionnelles, là où le bon sens ou les régulations – mais aussi parfois la jurisprudence – produisent un certain équilibre.

Notre approche est quelque peu similaire pour l'article 6 dédié au contrat d'engagement républicain, pour lequel nous sommes en attente de précisions, à commencer par un énoncé précis d'exemples d'infractions.

Enfin, nous considérons nécessaire de rééquilibrer le texte. En l'état, ce projet de loi pourrait être perçu comme essentiellement répressif, ce qui nous pose problème. Dans son discours, le Président de la République avait tracé une voie d'équilibre en abordant la question de l'intégration, de l'égalité des chances, de la lutte contre les discriminations. Or le texte n'aborde pas véritablement ces volets. Au contraire, il désigne explicitement ou implicitement certaines catégories de nos concitoyens. Il s'en dégage une impression d'ensemble alimentant les soupçons des uns vis-à-vis des autres, alors qu'un texte plus équilibré en matière de droits et de devoirs aurait pu renforcer le désir d'appartenir à une communauté sociale et de vivre ensemble que nous ne retrouvons pas – du moins pas suffisamment – dans ce texte.

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