Intervention de Alexis Corbière

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Je comprends la difficulté de l'exercice des propos liminaires, qui sont souvent de portée générale et qui peuvent générer des frustrations, dans la mesure où nous souhaiterions vous entendre aussi sur des sujets plus spécifiques.

Comme vous le savez, je porte un regard très critique sur ce texte. Si je partage l'idée selon laquelle son objectif nous rassemble tous, son contenu prête nécessairement à débat. À juste titre, vous avez relevé que la dernière partie du discours présidentiel des Mureaux – la nécessité d'une politique sociale, notamment dans les quartiers – était totalement absente de ce projet de loi. De mon point de vue, cela le déséquilibre encore plus.

De manière générale, quels sont vos constats en tant qu'organisations syndicales ? Pour ma part, je souhaiterais que nous partagions des faits. Je ressens une grande frustration depuis le lancement de ce débat, puisque les invités manquent souvent de temps pour en venir aux faits. À l'inverse, comme l'a souligné Mme Trigo, nous constatons que certains sujets pour lesquels nous manquons de données sont largement débattus. Concrètement, pouvez-vous nous remettre des chiffres ? Quelle est la dynamique de ces phénomènes ? Leur existence est indéniable, puisque l'on peut trouver de tout dans un pays de 66 millions d'habitants, mais de quoi parlons-nous précisément ? Au sein de vos organisations syndicales, constatez-vous une recrudescence des phénomènes dont nous parlons aujourd'hui ? Rencontrez-vous plus de salariés qui, en raison de leurs convictions spirituelles, ne respectent plus le règlement intérieur de leur entreprise ? Recevez-vous plus de témoignages de salariés confrontés à des usagers ou des collègues qui, en raison de leurs convictions spirituelles, se comportent mal ou ne leur disent plus bonjour ? Tous ces thèmes sont extrêmement présents dans l'actualité et les journaux, mais pouvez-vous nous faire part de vos constats ? Ce sujet m'intéresse particulièrement. Pouvons-nous disposer de faits ? S'agit-il d'un phénomène qui mérite que la puissance publique agisse ? S'agit-il d'un phénomène qui, somme toute, dans une longue histoire, a parfois existé, quitte à être moins prégnant sur le terrain que dans le débat public ? À l'inverse, s'agit-il d'un phénomène particulièrement inquiétant ?

J'en viens à l'article 4 du projet de loi, qui traite de la protection fonctionnelle. En tant qu'enseignant, je puis attester qu'il existe un scandale dans ce pays, puisque la protection fonctionnelle s'engage très difficilement, y compris pour des agents confrontés à des difficultés multiples. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de mieux informer les agents, qui ignorent parfois l'existence de ce dispositif ? Ne savent-ils pas que leur administration ou leur direction est en mesure de les aider à trouver un avocat et à prendre en charge les frais ? À cet égard, nous devons éviter l'écueil de la surenchère législative, a fortiori si l'objectif est de faire valoir un droit existant qui, pour de multiples raisons, n'est jamais mis en œuvre.

Ne constatez-vous pas également une confusion des sujets ? N'existe-t-il pas une confusion entre la nécessaire neutralité des services publics et ce qui est demandé aux usagers ? Parfois, j'ai entendu des personnes de bonne foi affirmer, dans des bureaux de poste, que le port du voile était interdit aux usagers, soi-disant au nom de la laïcité des services publics. Ces propos sont sans fondement. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire de former nos agents pour que chacun comprenne ce que signifie précisément la neutralité du service public et des agents ?

De la même manière, de quoi parlons-nous lorsque nous commentons des sondages sensationnalistes diffusés au sein du corps enseignant ? Le métier d'enseignant consiste justement à se confronter à des élèves qui, par définition, tiennent de nombreux propos confus. Notre métier est bien d'aller au contact et de les convaincre, et non de dénoncer ou d'en rabattre. Comme je l'indiquais précédemment, c'est bien le but du métier d'enseignant, étant entendu que nous sommes confrontés à des élèves qui, par le biais des réseaux sociaux et de la télévision, sont traversés de nombreuses idées.

En outre, en écho aux propos tenus par Mme Trigo s'agissant de l'article premier du projet de loi, quelles exigences sommes-nous en droit d'attendre des entreprises répondant à la commande publique ? Les entreprises sous-traitantes sont souvent extrêmement précaires. Que demandons-nous aux agents ? Dans quelle situation ? Ce point mérite d'être clarifié. De mon point de vue, l'existence ou l'absence de contact avec le public est déterminante. Quel est donc votre point de vue dans ce domaine ?

Enfin, comme nos collègues enseignants de Force Ouvrière l'ont rappelé à demi-mot, la loi de 1905 n'est pas respectée sur l'ensemble du territoire. Est-il encore normal d'accepter, en raison du concordat d'Alsace-Moselle, l'absence de cours d'éducation civique, l'existence de cours d'éducation religieuse, le financement du culte ? En tant qu'organisations syndicales, ne croyez-vous pas que nous devrions d'abord, pour défendre la laïcité, permettre à la loi de 1905 de s'appliquer sur l'ensemble du territoire ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.