Intervention de Benoît Teste

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) :

La question de l'équilibre du texte a déjà été soulevée lors des précédentes interventions liminaires. Partageant cette préoccupation, la FSU considère que le projet de loi est, à ce stade, déséquilibré, même si quelques dispositions prises isolément et séparément nous agréent. Ce texte contient différents éléments intéressants avec lesquels nous sommes en accord, mais nous pensons globalement qu'il risque de cibler et stigmatiser une pratique religieuse, alors que nous considérons impératif d'adopter, en toutes circonstances, une visée universaliste. Dans tous les textes ayant trait à ces questions de laïcité et de principes républicains, tout doit être équilibré, ce qui n'est pas le cas de ce projet de loi tel qu'il est aujourd'hui rédigé.

Par ailleurs, nous tenons à rappeler que ce texte touchera des équilibres fondamentaux et des lois fondamentales, ce qui est loin d'être négligeable. Je sais que vous en avez conscience, mais nous devons souligner que ce projet de loi touche à la loi de 1881 sur la liberté de presse, à la loi de 1901 sur les associations, à la loi de 1905 sur la laïcité, soit autant de lois résultant d'équilibres fragiles et de questions sensibles. Je ne dis pas que nous abordons ce sujet à la légère, mais nous devons veiller à ne pas ouvrir la boîte de Pandore.

Bien que nous soyons du côté des auditionnés, nous souhaitons tout de même vous adresser plusieurs questions sous forme d'interpellation. D'abord, nous nous inquiétons d'une possible procédure accélérée. J'ignore si cette procédure s'applique à ce texte, mais nous nous inquiétons – justement parce que les équilibres sont complexes – de possibles amendements qui pourraient être retenus pour modifier ce texte.

Je prendrai un seul exemple déjà évoqué ce jour, qui concerne l'extension du principe de neutralité aux missions de service public assumées par les entreprises privées. Globalement, ce principe nous agrée, et nous pensons effectivement judicieux d'étendre ce principe au cas par cas, dans certaines situations. Cela dit, veillons à ne pas rouvrir, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le débat sur les mères voilées accompagnant les sorties scolaires. D'aucuns prétendent, à l'appui de ce texte, que les mères voilées seraient en position de favoriser le prosélytisme religieux, ce qui n'est concrètement pas le cas dans l'immense majorité des sorties scolaires. Si nous réintroduisons ce débat à l'occasion de l'extension d'un principe qui nous semble de bonne politique, nous remettrons sur la place publique des questions sensibles et compliquées et des équilibres complexes. Sur le terrain, cette question est bien souvent réglée au cas par cas, par le professionnalisme des personnels, qui sont à même de juger si un risque de prosélytisme peut conduire à l'annulation de la participation de telle ou telle personne à la sortie scolaire. Nous tenions à vous en alerter.

Par ailleurs, je rappelle que la quasi-totalité des organisations syndicales présentes ce jour ont rédigé un texte commun suite aux attentats de 2015, qui s'intitule Vivre ensemble, travailler ensemble. Ce texte revient notamment sur le refus de tout prosélytisme, sur le refus des dérives comportementales excluantes et discriminatoires sur les lieux de travail, et nous retrouvons d'ailleurs un certain nombre d'éléments dans ce projet de loi. Cela dit, nous avions précisément veillé à l'équilibre du texte, dans la mesure où nous devions nécessairement viser le vivre ensemble.

Plus globalement, nous déplorons que ce texte soit marqué du sceau de l'interdit et de la pénalisation. Je reviendrai d'ailleurs, ultérieurement, sur les dispositions relatives à l'éducation.

Enfin, les modifications relatives au financement des associations cultuelles semblent traduire une dérive vers une pratique concordataire – régime de double autorisation, détermination par le préfet du caractère cultuel ou non d'une association – qui ne nous semble pas nécessaire et enviable en France.

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