Intervention de Nathalie Verdeil

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT) :

Mme Buffet a posé une question essentielle concernant l'extension du principe de neutralité aux salariés de droit privé. Je partage entièrement la position de FO s'agissant du danger que représente l'affaiblissement des services publics, sur lequel je ne reviendrai pas, puisque je l'ai déjà évoqué dans mon propos liminaire. Je rappellerai toutefois que cet affaiblissement constitue également un véritable danger de remise en cause des valeurs de la République, puisque le service public et le statut des agents sont garants – au moins en partie – de la cohésion sociale et du pacte social dans notre pays.

Au-delà de la définition même du service public, cette extension du principe de neutralité pose un certain nombre de questions, à commencer par le risque d'imposer une obligation de neutralité à des agents éloignés d'une mission de service public, à des agents n'ayant jamais de contacts avec les usagers ou à des agents ignorant qu'ils y sont soumis. Dans les grandes entreprises délégataires de service public, l'on peut aisément trouver des salariés qui n'y sont pas du tout confrontés, alors que la neutralité s'applique à tous les agents de la fonction publique, qu'ils soient ou non en contact direct avec le public. Pour nous, cet article premier n'est pas assez précis sur son périmètre d'application, d'autant que la sanction d'un salarié de droit privé pourrait éventuellement conduire au licenciement, alors que la neutralité imposée est avant tout considérée comme une protection des agents de droit public.

Pour illustrer le débat sur le contrat d'engagement républicain et son utilité, je me permettrai d'évoquer une situation qui a récemment été portée à ma connaissance. Vendredi dernier, j'ai été contactée par la secrétaire générale d'une union locale de la CGT d'une collectivité, qui s'attèle actuellement à constituer son dossier de subvention. Même si nous ne nous inscrivons pas nécessairement dans ce contexte au niveau national, nous disposons de déclinaisons territoriales – unions locales ou union départementales – qui, pour certaines, ont encore accès à des subventions de collectivités. Or la collectivité que je viens de citer – peut-être y en a-t-il d'autres – se réfugie derrière un projet de loi gouvernemental pour demander à l'union locale de la CGT de signer non pas un contrat d'engagement républicain, puisqu'il n'est pas encore en place, mais une charte ou un texte. La CGT n'est pas tant gênée par le contenu du texte que par le fait qu'il soit demandé à une organisation syndicale – quelle qu'elle soit – de « montrer patte blanche ». Compte tenu de l'ancienneté de notre organisation, notamment au plan local, il me semble que nos camarades n'ont rien à prouver de ce côté, d'autant plus que les statuts de toutes les organisations de la CGT sont parfaitement clairs.

Il nous paraît donc dénué de sens de se réfugier derrière un nouveau texte, puisque ce type de demande est souvent vécu comme un soupçon. Rappelons d'ailleurs que la loi de 1901 prévoit, d'une part, la liberté d'association, mais également, dans sans son article 3, qu'une association ne doit pas être contraire aux lois et ne doit pas avoir pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement. De fait, ce contrat d'engagement est surabondant et ne se justifie pas, d'autant plus qu'il risquerait de porter un coup aux lois fondamentales sur la liberté d'association déjà citées par mes camarades. Nous ne prétendons pas que les problèmes n'existent pas. Nous rappelons seulement que les collectivités disposent déjà d'un cadre législatif et de moyens pour agir.

Concernant l'ampleur des phénomènes constatés, sur lesquels nous avons été interpellés à maintes reprises, il serait préférable de disposer de données viables et d'un constat partagé sur lequel nous pourrions nous appuyer pour légiférer. Comme le soulignait précédemment Mme Trigo, est-il véritablement nécessaire de légiférer sur les sujets à l'ordre du jour ? Il me semble que c'est la question à laquelle nous devons prioritairement répondre.

Depuis la publication du Guide du fait religieux en entreprise, dont je vous distribuerai ultérieurement quelques exemplaires, nous avons noué des contacts plus rapprochés avec les syndicats de salariés des entreprises privées. Je ne dirais pas que les problèmes n'existent pas, mais que tout dépend des communautés de travail et des collectifs de travail, ainsi que de la présence, dans ces collectifs de travail et dans ces entreprises, de communautés parfois plus fortes les unes que les autres, avec parfois l'instauration de pratiques particulières. Cela dit, la plupart du temps, ces difficultés sont régies soit par les règlements intérieurs, soit par de bonnes pratiques. Hormis quelques cas exceptionnels, nous n'avons pas constaté, au sein de l'entreprise, un accroissement exponentiel des phénomènes liés à des pratiques religieuses ou à des prosélytismes religieux. Tâchons donc de ne pas légiférer ou de réagir à chaud sous le coup de l'émotion, a fortiori lorsque l'on touche à des sujets sensibles induisant la remise en cause de certaines libertés.

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