Intervention de Émilie Trigo

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Émilie Trigo :

A défaut de répondre à l'ensemble des questions qui nous ont été adressées, je m'attacherai à réagiir sur quelques points saillants.

D'abord, je partage la position de M. Corbière, qui est le seul à expliquer que la protection fonctionnelle existe déjà. C'est d'ailleurs l'idée que je me suis efforcée d'exprimer dans mon propos introductif, lorsque je questionnais la nécessité de promulguer une loi pour traiter les sujets qui nous occupent. Ne serait-il pas plus judicieux de faire appliquer des dispositions existantes mal appliquées ou méconnues ? Dans ce domaine, je partage ce qui a été exprimé par certains d'entre vous. L'UNSA soutiendra toutes les dispositions permettant de faciliter et de simplifier la protection fonctionnelle des agents, en lien avec l'avis favorable rendu par l'UNSA-Fonction publique en Conseil commun de la fonction publique. Pour autant, nous ne sommes pas certains que cette loi en soit le meilleur vecteur, dans la mesure où le code général de la fonction publique contient déjà des dispositions non appliquées ou mal appliquées.

Je relierai ce premier point aux nombreuses questions relatives à la formation. Faut-il accorder, aux enseignants des établissements privés sous contrat, le même droit à la formation que les enseignants du public ? Je ne peux pas me prononcer en défaveur de la formation de ces enseignants, qui font également face à des élèves en classe. Cela dit, la problématique de base concerne bien la formation des enseignants du public. L'UNSA-Éducation et le SE-UNSA demandent depuis longtemps la mise en œuvre d'un important plan de formation, étant entendu que les enseignants, à qui il est demandé de gérer la question de la laïcité à l'école, n'y sont pas formés dans le cadre de leur formation initiale – ou alors très peu, avec une intervention magistrale d'une heure – ou de leur formation continue. Nous ne nous opposons pas à l'homogénéisation des formations pour l'ensemble des enseignants, mais il convient d'abord de présenter un ambitieux plan de formation pour les enseignants du public, notamment sur ces sujets de laïcité et de valeurs et principes de la République.

M. Diard se demandait s'il ne serait pas préférable de revenir à des cours magistraux d'éducation civique et morale. De mon point de vue, il serait totalement inapproprié qu'un cadre législatif entrave la liberté pédagogique des enseignants. Laissons les enseignants faire leur travail comme ils l'entendent. Après l'assassinat de Samuel Paty, d'aucuns ont tenté de s'immiscer dans la manière de délivrer les cours. Laissons leur liberté pédagogique aux enseignants. Il n'appartient à personne, au sein de cette commission, de décider si les enseignants doivent donner des cours magistraux ou organiser des débats.

M. Diard citait également les résultats d'un sondage IFOP que je ne sais comment interpréter, sachant que ce sondage a été réalisé dans la foulée des hommages à Samuel Paty, avec les conséquences que vous connaissez. Rappelons-nous toutefois que ce terrible assassinat est survenu le jour des vacances scolaires. Par la suite, les élèves ont profité de quinze jours entre le drame et l'hommage pour se construire des argumentaires solides. Ces argumentaires étaient très majoritairement faux, mais les élèves ont pu échanger entre eux sur les réseaux sociaux pour les élaborer. Pendant ce temps, les enseignants ont été totalement abandonnés et laissés seuls durant deux semaines, parce que nous étions en période de vacances. Le lundi matin, beaucoup ont appris les modalités de l'hommage par la télévision. In fine, les enseignants ont été abandonnés à leur sort pour gérer le sujet alors que les élèves s'étaient créé, en communauté, des imaginaires réels ou supposés. Nous en revenons d'ailleurs à la question de la formation. Certains enseignants – souvent d'histoire-géographie – se sentent souvent plus solides pour aborder ces sujets, mais d'autres enseignants se sentent beaucoup plus fragiles sur l'appropriation de ces concepts et principes. Pourtant, nous les laissons seuls pour gérer ces questionnements avec leurs élèves. J'insisterai donc sur la formation des enseignants, plutôt que de s'immiscer dans leur enseignement.

Beaucoup d'entre vous nous ont interrogés sur notre perception du climat en entreprise. Je vous mentirais si j'affirmais que les tensions n'existent pas. Néanmoins, les tensions sont-elles plus nombreuses qu'auparavant ? N'en parlons-nous pas davantage parce que tout le monde en parle ? Pour établir un parallèle avec une autre thématique, j'ignore si la recrudescence de la haine anti-LGBT s'explique par une augmentation des crimes ou par une exposition médiatique renforcée. Cela dit, quel que soit le sujet, cette libération de la parole est bienvenue, puisque cela nous permettra d'aborder et de régler les sujets. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas certaine que les tensions relatives à la laïcité en entreprise soient plus nombreuses qu'auparavant. Ce qui est certain, c'est que nous en parlons davantage, et que les managers en entreprise se sentent en difficulté pour répondre à ces questionnements, comme en témoignent certains ouvrages et certains avis rendus depuis 2013 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la CNCDH ou l'Observatoire de la laïcité.

Dans ce domaine, il nous appartient, en tant qu'organisations syndicales, de former nos salariés, nos représentants syndicaux et nos dirigeants pour leur faciliter la tâche. La religion est un sujet de discussion particulièrement crispant, qui génère un véritable malaise. C'est la raison pour laquelle l'UNSA a déployé des formations de lutte contre toutes les discriminations, dont les discriminations à motif religieux, qui doivent être réglées au même titre que toutes les autres discriminations. Lorsque nous parvenons à décrisper le sujet, nous constatons que les tensions s'apaisent et que les problèmes se font plus rares.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.