Dans un premier temps, je répondrai partiellement aux interrogations des députés relatives à la déclinaison des premiers articles du projet de loi au sein de la fonction publique. Comme l'ont souligné mes camarades des autres organisations, nous ne constatons pas de recrudescence des agressions. Rappelons d'ailleurs que la direction générale de l'administration de la fonction publique (DGAFP) publie tous les ans des chiffres au périmètre de la fonction publique d'État, qui montrent que le phénomène demeure stable. En tout cas, nos organisations ne relèvent aucune montée particulière. Naturellement, les affaires dramatiques comme celle ayant conduit à la mort de Samuel Paty sont extrêmement médiatisées et affectent, de fait, l'activité, le travail et parfois même les comportements des agents sur le terrain.
Globalement, ces premiers articles ont un sens, pas nécessairement du point de vue de la laïcité, mais du point de vue du Gouvernement. En effet, sans ces articles, l'on ne pourra pas décliner la loi de transformation de la fonction publique, laquelle entérine la privatisation accrue des missions de service public, promeut le remplacement des fonctionnaires par des contractuels, et prévoit même la possibilité d'externalisation totale des missions de service public, avec détachement d'office des fonctionnaires – c'est une nouvelle position statutaire inédite – dans les entreprises recevant la délégation de service public. Naturellement, il va de soi que ces entreprises embaucheront parallèlement des salariés de droit privé pour mieux fonctionner. De fait, de notre point de vue, ces premiers articles ont pour objet d'assurer, conformément à la volonté politique affichée depuis une décennie, l'externalisation des missions de service public.
À ce titre, il est logique que l'entreprise récupérant la délégation puisse attester qu'elle respecte certaines valeurs, étant entendu que l'obligation de neutralité faisait jusqu'ici défaut au sein du secteur privé. Avec cette nouvelle loi, les valeurs de laïcité et de neutralité se trouveront appliquées au titre du contrat d'engagement républicain. Nous pouvons toutefois nous interroger sur la manière, pour les employeurs, de vérifier la bonne tenue de ces engagements. Quoi qu'il en soit, l'on ne peut nier que ces articles permettront de faciliter l'application de la loi de transformation de la fonction publique et de préparer l'externalisation des missions de service public.
D'aucuns ont souligné que les agressions étaient sans doute plus marquées dans certains secteurs, comme celui de la santé. D'une certaine manière, il est logique, même si nous pouvons évidemment le regretter, que les agressions soient plus nombreuses dans les secteurs où les agents sont en contact permanent avec le public, a fortiori lorsque ce public est en détresse. Les risques de conflit sont plus nombreux à l'hôpital qu'au sein de l'administration fiscale, puisqu'un contribuable qui paie ses impôts par internet ne peut s'en prendre qu'à son écran.
En tout état de cause, je tiens à répéter que les premiers articles de ce projet de loi visent uniquement, de notre point de vue, à faciliter la privatisation des missions de service public.
Si le privé dispose d'un Guide du fait religieux en entreprise depuis 2016, le secteur public bénéficie des droits, obligations et garanties du statut général des fonctionnaires. En outre, la circulaire du 15 mars 2017 édictée par la ministre de la Fonction publique apporte des précisions sur le respect du principe de laïcité au sein de la fonction publique. Nous disposons déjà de tous les outils législatifs et réglementaires en la matière.
Concernant spécifiquement la protection fonctionnelle, nous sommes malheureusement très loin du compte, eu égard aux différentes tragédies – assassinat de Samuel Paty, assassinat d'un couple de policiers à Magnanville – survenues ces dernières années ; sans compter les violences sexistes. Nous ne pouvons pas nous opposer à la protection fonctionnelle, et ce n'est pas le sujet. Néanmoins, deux éléments doivent être pris en compte lorsqu'un agent subit une agression. D'abord, nous constatons clairement un dysfonctionnement de la ligne hiérarchique, ce qui signifie que de nombreux progrès sont encore possibles en matière de management ; il ne s'agit pas d'un problème législatif ou réglementaire, mais plutôt d'un problème de formation. Par ailleurs, de notre point de vue, il serait essentiel que l'employeur public porte plainte aux côtés de l'agent. Si nous nous sommes abstenus lors du vote du texte en Conseil commun de la fonction publique, c'est parce que nous estimions que le texte était insuffisant. De fait, il serait regrettable que le Parlement ne profite pas de ce texte pour garantir que chaque agent se sente soutenu par le dépôt de plainte conjoint de son employeur. Accorder une protection fonctionnelle et prendre en charge les frais d'avocat ne suffit pas, même si cela décharge l'agent de soucis pécuniaires.