Je parle de l'article premier de la Constitution, qui énumère les cinq caractéristiques de la République : indivisibilité, laïcité, caractère démocratique, caractère social, respect de l'égalité. Pour deux de ces caractéristiques, et dans l'article premier même, le constituant a considéré qu'il fallait considérer l'indivisibilité sous réserve de la décentralisation et l'égalité sous réserve de la parité. Le Conseil constitutionnel bloquait depuis longtemps toutes les réformes visant à assurer une meilleure représentation des femmes dans les instances démocratiques ou dans les entreprises. Je regrette un peu cette occasion manquée. Il manque un élément préalable, en quelque sorte, mais cette question sera peut-être ouverte ultérieurement à nouveau. Je l'espère.
Quant au contenu de la loi, je crois qu'il n'a échappé à personne, et en particulier au Conseil d'État, que ce texte est foisonnant. J'ai aimé cette formule subtile du Conseil d'État disant que « ce texte contient un grand nombre de mesures, d'objets divers intervenant dans des domaines variés. » Le Conseil d'État ne craint pas la répétition. En l'occurrence, on y trouve quatre titres, 51 articles. Vous êtes sept rapporteurs. Cette commission est ainsi extraordinaire à tous les sens du terme. Je ne reviens pas sur tous les sujets abordés. Nous aurons l'occasion d'y revenir pendant l'échange. Il est vrai que nous pourrions avoir un jugement négatif sur ce caractère foisonnant. Cela pourrait être une première impression, mais ce n'est pas du tout mon sentiment. Même si nous avons une certaine difficulté à percevoir la cohérence globale du texte, le sentiment inverse prédomine lorsqu'on lit les mesures proposées une par une.
Pourquoi avons-nous attendu aussi longtemps ? La plupart de ces dispositions sont utiles et ont peut-être été trop longtemps différées. Évidemment, nous pouvons regretter que des dispositions particulières n'aient pas été prises pour certains sujets spécifiques, comme l'hôpital ou les universités, même si les dispositions des deux premiers articles peuvent couvrir ces sujets. Nous pouvons aussi regretter que ces dispositions ne soient pas étendues à l'Outremer. Je pense à l'ordonnance de Charles X, datant de 1828, qui continue à s'appliquer à la Guyane. La collectivité territoriale continue à rémunérer les ministres du culte. Le Gouvernement a repoussé la réflexion à ce sujet.
Je souhaite conclure mon propos par une ultime remarque. Autant j'ai affirmé qu'il manquait une précision relative au principe de laïcité, autant je tiens à souligner que le caractère épars du dispositif prévu dans ce projet peut faire l'objet d'une seconde lecture, en particulier sur toutes les thématiques relatives à la laïcité. Je plaide depuis longtemps pour un code de la laïcité et pour une entreprise de codification en la matière. Je sais que le sujet a été un peu miné. C'est une vieille revendication de la Ligue de l'Enseignement. Depuis le début des années 2000, cette dernière réclame cette codification. Nicolas Sarkozy et Claude Guéant ont mis en place une série de mesures, ont créé une commission et ont fait publier un ouvrage à la Documentation française regroupant les textes sur la laïcité. Le débat a cependant été un peu « plombé » par le lien établi entre laïcité, identité et immigration. Sur le plan strictement juridique, la question de l'applicabilité, de l'accessibilité aux droits, qui fait écho à l'intelligibilité du droit, est un objectif de valeur constitutionnelle pour le Conseil constitutionnel. Ces objectifs paraissent plaider pour une codification de ces textes épars, déjà très fragmentés.
Lorsqu'on travaille sur la laïcité, on a l'impression d'être face à un droit de « broussailles », pour reprendre une expression chère à un professeur de droit international privé. La codification pourrait être un instrument de meilleure effectivité de ce droit.
J'ai ainsi formulé deux remarques. Ma première remarque concerne l'article premier de la Constitution, alors que ma seconde remarque, plus prospective, porte sur la question de la codification et de la nécessité de rassembler et de clarifier ces textes pour satisfaire à cet objectif d'accessibilité et d'intelligibilité du droit.