J'ai beaucoup aimé votre maxime « aimer le débat, accepter la complexité », parce que nous sommes sur un sujet éminemment complexe, et « chérir la modération », parce que sans modération, nous n'avons aucune chance de nous comprendre et de faire avancer ce débat complexe.
Vous avez évoqué une minorité de musulmans qui passent à côté de l'intégration. Vous avez évoqué une minorité de jeunes non intégrés. Vous avez parlé d'un islamisme français, d'un islam identitaire, d'un déni de francité, ce qui m'a beaucoup marqué. Je note une inflexion sur ces sujets parmi nos compatriotes de tradition musulmane. Dans une enquête de l'Institut Jean Jaurès, il était fait état d'une adhésion à la loi de 1905 pour 88 % des Français, dont 87 % de Français de tradition musulmane, ce qui est considérable. Sur l'adhésion à la loi de 2004, les résultats étaient un peu différents, puisque 44 % de Français musulmans y adhèrent. Quant à l'adhésion à la loi de 2010 sur la prohibition du voile intégral, 88 % des Français l'approuvent, dont 60 % de Français musulmans. Sur l'étude encore plus récente de l'IFOP, sortie il y a peu de temps, 57 % de jeunes musulmans considèrent que la charia est plus importante que la loi de la République. Ce hiatus entre les jeunes et les moins jeunes musulmans est-il le fruit empoisonné de la tenaille identitaire tentant de mordre le mollet de Marianne ? Cette tenaille est constituée de deux mâchoires, la mâchoire lepéniste, qui s'est emparée de manière inattendue du terme de laïcité pour masquer sa xénophobie, et la mâchoire islamiste.
Le déni de francité est une tradition de l'extrême droite, mais la majorité des Français ne font pas de déni de francité. Nous appartenons à une génération considérant que les Français dont la famille est originaire de l'étranger et nés sur le sol français sont Français autant que vous. Je m'interroge sur le concept de « Français de souche ». Cela n'existe pas. Nous sommes tous de sang mêlé. Se radicaliser au nom d'un déni de francité qui serait porté par une minorité de nos concitoyens, n'est-ce pas être victime de la culture victimaire, qui commence à émerger dans notre pays et qui provient des universités d'Amérique du Nord ?
Enfin, vous avez indiqué qu'il fallait financer l'imamat. Vous avez précisé dans quelle situation se trouvent les imams en France. Je pose différemment la question soulevée par Alexis Corbière. Financer l'imamat ne revient-il pas à instaurer une forme de concordat ? Que préconisez-vous comme financement ? Je vous remercie.