Intervention de Henri Peña-Ruiz

Réunion du vendredi 15 janvier 2021 à 15h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Henri Peña-Ruiz :

Je vais aller très vite. Les responsables politiques et les élus doivent, dans leur langage, incarner l'universalisme. Un langage universaliste est essentiel pour montrer que l'on ne stigmatise pas. Par exemple, parler de la loi sur le voile à propos de la loi de 2004 (je faisais partie de la commission Stasi) est un scandale. C'est la loi sur les signes religieux.

Un papa en kippa, pour parler comme certains responsables, serait aussi illégitime qu'un athée avec un t-shirt sur lequel il y aurait écrit « humaniste athée » ou « ni dieu, ni maître ». Il a le droit lui aussi de manifester. Je donne un exemple. À Bagnolet, où j'étais invité à parler de la laïcité dans un collège par la directrice du collège, une femme de confession musulmane vient me voir et me dit : « Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas encadrer des enfants avec mon voile ? » Je lui ai dit : « Madame, je vais tenter de dire pourquoi en prenant un autre exemple. Vous élevez votre enfant dans la confession musulmane. Seriez-vous contente que quelqu'un, avec le même droit que celui que vous revendiquez pour vous d'exprimer son particularisme spirituel, vienne avec un t-shirt sur lequel il y aurait écrit « humaniste athée » pour encadrer votre enfant, qui croit en Dieu du fait de sa famille ? » Elle m'a répondu que non. Je lui ai dit : « Voilà, vous avez compris. Il ne s'agit pas de stigmatiser une religion particulière. Ce n'est pas le voile en lui-même qui pose problème. Vous n'aimeriez peut-être pas un papa en kippa. Vous comprenez que vous ne devez pas faire aux autres ce que vous ne voulez pas subir vous-même ». Tel est le discours de l'universel. Je crois que c'est extrêmement important. Le Rassemblement national est différentialiste. La mouvance décoloniale est différentialiste. Nous, nous nous devons d'être universalistes.

Dernier point, je pense que l'État n'a pas à s'occuper de théologie. Il revient aux fidèles des religions de faire eux-mêmes le ménage chez eux, comme ont essayé de le faire les catholiques, les religions. Ce n'est pas à l'État de se comporter de façon paternaliste et concordataire en disant : « Voilà, je vais vous encourager à vous constituer en un islam de France. Je vais vous donner de l'argent pour que vous puissiez le faire de façon indépendante. » C'est le vieux préjugé de l'ancien régime : celui qui paie l'orchestre dicte la musique. Nous n'avons pas à entrer dans ce jeu-là.

En République, il n'est pas nécessaire de payer pour régler, car en République c'est par la loi et l'état de droit que l'on règle les comportements, non pas en tentant de les acheter. Quand l'imam Bouziane dans la grande mosquée de Lyon a appelé à battre des femmes adultères, il a été traîné en justice pour incitation à la violence. Voilà comment la République doit dissuader et sanctionner les atteintes à la loi commune. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la proposition qui consiste à doter les associations cultuelles d'immeubles de rapport. C'est une violation de la loi de 1905, surtout en cette époque où les services publics sont en pleine déshérence et font cruellement défaut dans les banlieues déshéritées. Pourquoi donner de l'argent aux cultuels ? C'est aux fidèles de pourvoir à leurs propres religions. Si le service public de santé est en bon état, un citoyen de confession musulmane qui entre à l'hôpital et qui reste dix jours grâce à la sécurité sociale créée par Ambroise Croizat, ministre communiste à la Libération, pourra se soigner. À 1 000 euros la journée, il économise 10 000 euros en 10 jours. S'il veut consacrer ces 10 000 euros à cotiser avec ses coreligionnaires, il le pourra d'autant plus que la République aura assuré ses responsabilités sociales.

Je m'arrête là par égard pour vous. J'avais encore bien des choses à dire. Pardonnez-moi d'avoir été un peu long.

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