Intervention de Henri Peña-Ruiz

Réunion du vendredi 15 janvier 2021 à 15h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Henri Peña-Ruiz :

Pardonnez-moi, Mme la Députée, de répondre de façon elliptique et schématique, parce que je ne veux pas abuser du temps. La difficulté de faire valoir un principe n'est pas une objection contre ce principe. De nombreuses choses sont très difficiles. À l'époque où on croyait que les esclaves étaient naturellement inférieurs aux hommes, lorsqu'un esclave comme Spartacus revendique la liberté de l'homme et dit « moi, je vaux l'empereur romain », c'est très difficile. On les a éduqués de telle façon qu'ils croient que ça va être éternellement l'esclavage, fondé sur la nature. Mais ce n'est pas une raison.

Aujourd'hui, je réponds aussi pour ceux qui disent qu'il est difficile de distinguer l'homme de sa croyance. Il ne faut pas sous-estimer les hommes. Quand un homme croit, il doit savoir qu'il croit. La capacité de distance à soi est une propriété de l'humanité. Il faut arrêter d'être compassionnel et de dire « si vous attaquez sa religion, vous attaquez son être. » Ce n'est pas vrai. On a une religion, on a un athéisme, mais on n'est pas sa religion. L'important est de respecter la personne du croyant, mais ça n'exige pas, ça n'entraîne pas que l'on doive respecter sa conviction. De la même façon, l'important est la personne de l'athée, mais ça n'entraîne pas d'accepter son athéisme. Voltaire le disait très bien : « Je ne suis pas d'accord avec vous, mais vous devez avoir le droit de dire ce que vous dites, et moi j'ai le droit de vous critiquer. » Soyons voltairiens. Il faut arrêter avec cette confusion compassionnelle et presque méprisante, ou condescendante, qui consiste à dire que parce que les personnes sont par ailleurs dans la misère ou connaissent des conditions difficiles, elles sont incapables de distance par rapport à leurs convictions.

Si vous dites qu'un être peut être confondu avec sa conviction, vous entérinez le fanatisme. Montaigne dit à ce propos qu'il faut toujours « distinguer la peau de la chemise ». Ce qu'il appelle la chemise est le rôle social, le vêtement. Il était maire de Bordeaux, mais voulait que l'on sache qu'il y a deux personnes bien distinctes : le maire de Bordeaux et Montaigne.

Je suis d'accord avec vous dans le constat qu'il est nécessaire de produire une régulation sur les réseaux sociaux, mais je ne vois pas en quoi ce constat, Mme la Députée, change la donne. Que ce soit par des réseaux sociaux, des écrits ou par des interventions orales, il faut garder clairement ce principe de bon sens : un être ne doit pas être confondu avec sa conviction. Personnellement, je serai partisan d'une révision constitutionnelle. L'article 1er se termine par : « La République respecte toutes les croyances. » Cette formulation n'est pas bonne. Il faudrait dire : « La République respecte en chacun et en chacune la liberté de croire ou de ne pas croire. » Ce qui est respectable est la personne.

Les réseaux sociaux sont prompts à diffamer. J'en ai été victime très douloureusement il y a deux ans. Moi qui ai lutté toute ma vie contre le racisme me suis fait accuser de racisme parce que je dis que la phobie éprouvée à l'égard d'une religion ou de l'athéisme n'est pas un propos raciste. Que la critique de la religion ne fasse pas plaisir à l'adepte, je le conçois. Mais cela n'est pas une raison pour faire un procès. J'ai milité au parti communiste. Je me suis fait traiter de stalinien parce que j'étais au PC. Je disais à ceux qui faisaient l'amalgame qu'ils n'avaient pas le droit. Mais je n'ai pas fait de procès pour autant. Il convient de ramener le sujet à des choses raisonnables et sensées. Pardon de m'exprimer un peu brutalement, mais il est important de rappeler ces choses.

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