Intervention de Bernard Rougier

Réunion du vendredi 15 janvier 2021 à 18h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle :

Vous avez parfaitement raison quant à l'analyse de la pertinence du sport. Partout où il existe du lien social, les entrepreneurs religieux chercheront à l'exploiter pour gagner en influence et en adeptes. Nous l'avons observé partout, tant avec Hugo Micheron qu'avec Médéric Chapitaux, qui consacre sa thèse à cette question. Comment faire ? Il faut qu'il y ait des alertes, que ceux qui vont dans ces clubs puissent immédiatement intervenir dès qu'ils constatent l'absence de mixité, la diffusion d' anachid (des chants religieux a capella ) pendant les entraînements. Les fédérations peuvent mettre en place un numéro de téléphone, tout comme le ministre Jean-Michel Blanquer l'a fait pour l'Éducation nationale. Tout sujet doit donner lieu à une alerte immédiate, et ceux qui pratiquent le sport doivent être en mesure d'alerter sur la réalité.

Par ailleurs, rien ne serait plus dangereux que la multi-positionnalité, c'est-à-dire d'avoir un réseau associatif, voire des élus locaux qui sont d'anciens présidents ou des présidents actuels du club de foot, élus locaux, membres de l'association religieuse, etc. Dans ce cas, le système social enferme et bloque la citoyenneté et l'émancipation. Il convient donc de bien veiller à ce que le réseau ne soit pas transversal et ne puisse pas viser à la fois le culturel, le politique et le sportif. Des règles pourraient être introduites pour que la personne à la tête d'un club de sport ne soit pas un élu municipal, n'ait pas d'ambitions politiques au niveau local ou national, ce qui lui donnerait un instrument d'influence supplémentaire. C'est très difficile, car un certain nombre de prédicateurs utilisent volontiers les joueurs de football, notamment ceux de l'équipe de France ou d'un certain nombre de clubs, pour en faire des modèles communautaires. Ils jouent évidemment sur la fascination des jeunes pour les sportifs et en profitent pour diffuser un certain nombre de prescriptions religieuses. Il convient donc de mettre en place des instruments d'alerte pour vérifier que l'éthique sportive (égalité entre hommes et femmes, sens de l'effort) n'est pas mélangée avec d'autres types de courants, de propagande ou de diffusion, et que l'association est fidèle à son objet. Cela passera par des contrôles ; ceux qui les pratiquent doivent disposer d'un instrument de dénonciation, ou en tout cas d'alerte.

De manière plus globale, je dirais que l'effort doit être fait au niveau du renseignement territorial. Or, dans certains cas, je ne suis pas sûr que l'appareil d'État ait une très bonne connaissance du tissu associatif et militant local. Selon qui est l'entraîneur, son identité, son système d'attitudes, son passé, nous voyons bien s'il est capable d'influence et s'il se place lui-même dans une galaxie idéologique. C'est assez facile à savoir. Il convient donc de prescrire que ne peuvent assurer des responsabilités sportives que des personnes engagées dans l'idéal sportif et ne poursuivant pas un autre agenda.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.