Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du vendredi 15 janvier 2021 à 18h30

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La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Vendredi 15 janvier 2021

La séance est ouverte à dix-huit heures quarante.

La commission spéciale procède à l'audition de M. Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle, directeur de l'ouvrage « Les territoires conquis de l'islamisme ».

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Nous reprenons à présent pour la trente-quatrième et dernière audition en séance de la commission spéciale, sans compter les auditions conduites par les rapporteurs thématiques. Ce cycle représente plus de cinquante heures de réunion pour ces auditions, que nous avons voulues variées. Nous en aurons à nouveau l'illustration à présent avec la présence de M. Bernard Rougier, à qui je souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale et devant notre commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république. M. Rougier est professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle, et a notamment dirigé l'ouvrage Les Territoires conquis de l'islamisme, publié en début d'année 2020. J'imagine que ce travail assez récent a demandé beaucoup de temps et des recherches approfondies.

M. Rougier, vous avez également publié un livre sur le salafisme. Ces questions constituent la toile de fond de notre réflexion politique, qui a débouché sur la rédaction par le Gouvernement de ce projet de loi. Certaines de nos auditions portaient davantage sur le texte et son application future ; nous avons échangé à cette occasion avec des personnes directement concernées par l'application éventuelle de ces dispositions, si elles sont votées, mais également avec d'autres plus concernées par le contexte. Chacun s'est exprimé librement, soit sur le contenu du texte, soit sur ce que nous vivons actuellement en France et qui justifie aux yeux du Gouvernement et de la majorité l'adoption d'un texte contenant de nouvelles dispositions. Je vous laisse à présent la parole pour un propos introductif, qui sera suivi de questions de mes collègues des différents groupes politiques.

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les députés, mon propos introductif sera bref. Au travers de l'ouvrage Les Territoires conquis de l'islamisme, mon équipe et moi-même avons souhaité établir un diagnostic. Cette équipe réduite s'est attachée à travailler sur les quartiers populaires afin d'analyser les formes de discours et de pratiques diffusées dans ceux-ci, habités par des populations souvent originaires du Maghreb ou de l'Afrique subsaharienne.

Nous souhaitions éviter deux écueils qui, à mon sens, nous empêchent de disposer d'une bonne vision de la situation et d'établir un diagnostic aussi fidèle et juste que possible de la réalité sociale. La première posture à éviter est le déni, qui consiste à dire que rien ne se passe dans ces quartiers et que les attentats terroristes étaient produits par des loups solitaires. Nous avons essayé, au travers de notre démarche sociologique, de démontrer, en étudiant la socialisation d'individus, que ceux-ci avaient été influencés par telle structure, telle mosquée, tel discours, telle exposition à telle influence. Nous nous sommes ainsi efforcés de restituer le contexte sociologique. Le second écueil est l'hystérisation, la peur, l'accusation d'une société faisant face à une invasion islamique. Cette hystérisation a en effet souvent monopolisé le débat sur ce type de phénomène, notamment à l'extrême droite. Nous avons donc procédé de manière empirique pour comprendre, et en premier lieu savoir ce qu'il se passait.

Au travers de terrains choisis de manière aléatoire, nous avons identifié des écosystèmes cohérents, au sein desquels nous retrouvions les mêmes perceptions de la société française, ainsi qu'une salafisation de la prédication religieuse musulmane. Nous en avons recensé de très nombreux exemples.

Le salafisme est souvent défini comme le retour à l'islam des origines. Évidemment, personne ne sait à quoi ressemblait cet islam ; il s'agit donc d'une construction intellectuelle idéologique. Ce mouvement repose en outre essentiellement sur la tradition prophétique, c'est-à-dire les hadiths, paroles et comportement attribués au Prophète, mais en réalité reconstitués 150 ans après sa mort. L'un de ces hadiths très explicites porte en arabe le titre de « L'imitation de l'Occident ». Un hadith attribué au Prophète de l'islam indiquerait ainsi qu'en adhérant aux institutions de la société dans laquelle il vit, le croyant devient membre de ce peuple, et perdrait donc sa qualité de musulman. Nous avons constaté ce type de catégorisation dans la prédication et les conversations.

L'on retrouve également une littérature inspirée du salafisme, voire directement traduite de ce mouvement, dans la plupart des librairies islamiques. Le travail conduit par Anne-Laure Zwilling démontre ainsi que quantitativement, la littérature proposée dans ces librairies est essentiellement une littérature salafiste traduite. L'une des conclusions auxquelles nous avons abouti est celle d'une France traduite en catégories religieuses. Lors d'incidents, nous entendons souvent affirmer que tel ou tel jeune importe le conflit israélo-palestinien en France ; il ne s'agit pas ici uniquement de ce conflit, mais de l'importation en France de l'ensemble des catégories de classement, de jugement et de perception du salafisme, principalement saoudien ou moyen-oriental. Ainsi, la réalité institutionnelle et sociale française devient une réalité traduite.

Cette tendance est naturellement accompagnée par un mouvement d'apprentissage de l'arabe dans les mosquées, qui concerne à la fois la langue arabe et la religion dans sa version salafiste, rigoriste et littéraliste. En effet, les manuels d'apprentissage sont des ouvrages saoudiens, les exemples sont essentiellement pris dans le corpus des hadiths. En outre, en apprenant ainsi la langue arabe, l'on apprend aussi d'une certaine manière à se définir et à définir autrui.

Nous nous sommes attachés à essayer de comprendre les modes de diffusion de cette idéologie, les raisons de la salafisation d'une partie de la prédication en France, ainsi que la grande difficulté de ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce mouvement à l'affronter et à la dénoncer au plan local.

Les éléments d'explication sont très nombreux. Ce phénomène touche principalement la jeunesse, avec un vrai clivage générationnel entre l'islam des parents, du « bled », et celui des adolescents. D'une certaine manière, il s'agit d'une sorte de révolution adolescente, où des jeunes gens ont remis en cause la pratique religieuse de leurs parents, allant même jusqu'à déclarer qu'ils ne les considéraient même plus comme musulmans.

Que s'est-il passé pour arriver à ce résultat ? Je pense que comprendre cette évolution implique de prendre en compte la diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite au cours de la décennie 1990, après la guerre du Golfe de 1990-1991. En effet, le soutien à Saddam Hussein des opinions arabes et d'une population d'origine arabe en Europe, contre les émirats du Golfe, a entraîné de la part de l'Arabie Saoudite un effort de contrôle des populations qui lui étaient hostiles. Cet effort a pris la forme de construction de mosquées et de financements. En outre, la crise algérienne de la décennie noire des années 1990 s'est conclue en 1999 par une amnistie entre Abdelaziz Bouteflika et les éléments armés du groupe islamique armé (GIA). Il est intéressant de relever que la médiation entre le régime et les combattants a été accomplie par des membres de l'institution religieuse saoudienne, qui ont notamment intimé aux combattants de ne pas faire couler le sang en terre musulmane, les invitant donc à porter leurs actions terroristes plus au nord – donc en Italie, en Espagne, en France. Ces combattants devaient toutefois prendre des précautions : appeler au préalable la population à se convertir, éviter de toucher des populations civiles, etc. L'art de la rhétorique permet de fixer des conditions qui rendent l'action presque impossible, tout en décourageant les actions touchant les populations musulmanes et en appelant les terroristes à opérer plus au nord. De plus, en échange du renoncement au combat, une partie des acteurs issus de cet islamisme djihadiste radical a occupé des positions d'influence dans le champ culturel et religieux algérien. Du fait de l'intimité de la relation franco-algérienne, ces transactions ont aussi affecté une partie de la population française d'origine algérienne sur le territoire.

S'y ajoute la survalorisation du pèlerinage dans les mouvements salafistes. Le pèlerinage est l'un des piliers de l'islam, mais le salafisme préconise de le pratiquer à plusieurs reprises, voire plusieurs fois par an. Or, l'exposition à un certain type d'islam à La Mecque et à Médine a conduit des jeunes à revenir en France avec des catégories religieuses apprises dans la péninsule arabique, pour répandre ce qu'ils appellent « le véritable islam ». Nous avons en outre constaté au cours des années 1990 et jusqu'en 2011 une diplomatie, une invitation permanente, une vraie noria de plusieurs oulémas  docteurs de la loi  saoudiens ou non, mais dans tous les cas salafistes, dans les mosquées de France. Les jeunes sont également tentés par le prestige de l'acquisition d'un diplôme à l'université de Médine, celle-ci ayant joué un très grand rôle dans la propagation de cette forme d'islam dans les sociétés africaines, au Maghreb, en Europe, au sein du continent sud-asiatique, etc.

Plusieurs instruments et un contexte expliquent donc que cette révolution salafiste se soit imposée tant dans le monde musulman qu'auprès des personnes d'origine musulmane dans les sociétés européennes. Nous constatons un phénomène très classique en sociologie, qui remonte à la sociologie de la communication de Paul Lazarsfeld et même à Gabriel Tarde : vous avez d'autant plus de chances d'adopter cette croyance que celle-ci est confirmée par diverses sources d'autorité. Ainsi, si l'imam de quartier dénonce telle ou telle pratique ou considère que la femme, comme le dit un hadith, est « le combustible de l'enfer » et qu'elle doit toujours obéir à son mari, que cette conception est répétée par des camarades, des livres proposés par la librairie islamique, l'imam du bled et Google, un processus d'objectivation se met en place. Certains jeunes, en particulier, peuvent considérer que cette vision est l'islam.

Cette offensive idéologique s'opère dans un contexte particulier qui est celui du chômage de masse, de la désindustrialisation, ainsi que de la crise des instruments d'intégration – surtout à gauche – qui ont joué un rôle très important dans l'intégration des étrangers dans la société française. De plus, le contexte mondialisé, de crise sociale et économique que vous connaissez parfaitement, a facilité le travail de ces entrepreneurs, qui ont diffusé cette conception dans les quartiers pour resocialiser, en quelque sorte, une partie de la population qui était déscolarisée ou sans emploi. Ces acteurs ont des ressources et cherchent à conquérir de l'influence, des positions auprès de cette population.

J'ajouterais pour finir qu'il existe une sorte de consensus entre l'islamisme des régimes politiques du sud de la Méditerranée et l'islamisme d'opposition. Les uns et les autres étaient d'accord, au fond, pour éviter que cette population d'origine arabe ne devienne un vecteur de démocratisation du nord vers le sud. L'enfermer autant que possible dans une identité religieuse, conservatrice et littéraliste faisait donc aussi bien les affaires des gouvernements que des mouvements d'opposition.

Je pourrai développer au cours de la discussion la description des écosystèmes, les relations entre les différents acteurs, ainsi que les mouvements qui composent ce tissu associatif.

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Monsieur Rougier, votre thème de recherche concerne essentiellement l'infiltration des milieux islamistes dans les quartiers ; vous avez publié à ce propos deux ouvrages, Les Territoires conquis de l'islamisme, paru il y a un an en écho aux Territoires perdus de la République paru en 2002. L'écart de temps entre ces deux parutions démontre que la tendance actuelle n'est pas bonne. J'imagine qu'il y a là un symbole. Vous y démontrez comment ces réseaux se sont installés, comment le retrait des services publics a laissé des réseaux d'inspiration salafiste prendre le contrôle de ces quartiers au travers d'actions culturelles, sociales, mais aussi de l'occupation des lieux qui permettent aux gens de se rencontrer et qui imprègnent donc l'ensemble de la vie sociale, culturelle et spirituelle d'un quartier.

Au travers de ce texte, nous ne souhaitons pas uniquement répondre à cette problématique. Ainsi, le séminaire gouvernemental a répété hier que la dimension sociale serait traitée séparément au travers d'un texte relatif à l'égalité des chances et à la mixité. Le séparatisme ne se résume en outre pas uniquement au séparatisme islamiste. D'autres catégories de secteurs savent très bien le manier.

Pour autant, pour en revenir à votre thème de recherche, j'ai une question générale : pensez-vous que la cible est touchée par les mesures que nous prenons ? Pensez-vous que l'ambition de faciliter la vie des religions qui fonctionnent normalement dans notre pays correspond à un enjeu fort ? Enfin, j'ai le sentiment que lorsque nous aurons réussi à séparer le bon grain de l'ivraie en distinguant les associations qui respectent véritablement les principes de la République de celles qui se jouent des mots pour utiliser l'argent de la République contre elle-même, une compétition s'installera entre structures. Comment faire pour accompagner les structures qui devront prendre la place, pour aider un islam de progrès à se manifester, en particulier au travers des associations promues et dirigées par des femmes ?

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

À mon sens, l'idée de la loi suit un sens souhaitable, car elle fournit des outils qui permettront aux préfets et aux autres autorités publiques de desserrer l'étreinte islamiste sur les quartiers. Il s'agit, au fond, de restituer du pluralisme dans les quartiers, et non d'interdire. Certaines associations seront islamistes sans être terroristes, mais il doit à tout le moins exister une offre alternative, des espaces où l'on trouvera une autre expression, qu'elle soit religieuse ou sociale, non contrôlée ou imprégnée par l'islamisme.

En ce sens, l'enjeu de la loi est de restituer le pluralisme de la société civile dans les quartiers. Ainsi, si vous vous mettez à la place d'un jeune Français issu de l'immigration, lorsque vous traversez la rue Gabriel Péri, tout vous ramène à votre identité religieuse – commerces, inscriptions « hallal », magasins de mode islamique, oursons jouets qui répètent des formules religieuses, etc. Rien ne vous ramène à une identité citoyenne ou une identité exclusivement sportive. La politique des signes joue aussi un grand rôle dans le fait que l'on est interpellé essentiellement comme croyant et mis en demeure de se définir comme tel, avec une norme que l'on doit respecter sous peine d'être sanctionné par le contrôle social.

D'après moi, ces dispositifs de quartier, établis de manière plus ou moins concertée, mais qui produisent un effet intimidant, doivent être au moins concurrencés par d'autres formes associatives, d'autres possibilités d'expression, par exemple artistique. Il convient que l'État ait les outils pour limiter l'empreinte idéologique.

Je n'ai sans doute pas complètement répondu à votre question, mais à mon sens, la loi va dans le sens de la libération d'une population largement contrôlée. Le pire serait que par victimisation, les acteurs communautaires, communautaristes et islamistes s'emparent de ce segment pour en être le représentant face à ce qu'ils décriront – et qu'ils décrivent déjà sur les réseaux sociaux – comme une atteinte contre l'islam.

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La parole est à Mme Annie Genevard, qui intervient en visioconférence.

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Merci pour le travail que vous avez accompli, qui nous est très utile dans la réflexion que nous conduisons autour de ce projet de loi. Je souhaiterais revenir sur un point de votre ouvrage, où vous documentez assez précisément la question du maillage de l'espace local, que vous venez d'évoquer au travers des commerces communautaires.

Ce texte comprend deux dispositions qui interrogent la question de l'occupation territoriale. La première concerne la possibilité introduite pour les cultes de gérer et de tirer des ressources de la location d'immeubles de rapport dont ils seraient propriétaires. Ces immeubles ne seraient pas achetés, mais légués ou donnés. Les cultes nous ont indiqué qu'ils n'étaient pas demandeurs d'une telle disposition, mais qu'ils en seraient preneurs si nous la leur offrions. Le président du CFCM a annoncé qu'il souhaiterait que les cultes puissent acheter, et non simplement être bénéficiaires de dons d'immeubles qu'ils exploiteraient. Nous voyons bien qu'une telle disposition se révélerait défavorable, puisqu'elle accentuerait précisément l'occupation du territoire. Nous savons en effet que la possession foncière représente un avantage considérable. La deuxième disposition est de priver les maires du droit de préemption s'agissant des lieux de cultes. Je souhaiterais connaître votre position s'agissant de ces deux mesures, afin de savoir si selon vous, elles comportent les risques que j'imagine.

Ma deuxième question porte sur un autre sujet abordé dans votre ouvrage, qui est le vote communautaire lors des dernières élections municipales. Nous avons également constaté que lors des élections européennes, certains partis animés essentiellement par une vocation identitaire et religieuse ont réalisé des résultats à deux chiffres. Selon vous, le texte devrait-il comporter des dispositions obligeant les partis et groupements politiques à respecter non seulement les principes de souveraineté nationale et de démocratie, ce que garantit aujourd'hui la Constitution, mais également de laïcité ?

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Je crois que la connexion de Mme Genevard est interrompue. Je propose que M. Rougier réponde aux questions qui lui ont été adressées, avant de rendre la parole à Mme Genevard lorsqu'elle nous aura rejoints.

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Ma réponse portera essentiellement sur la deuxième question. Il n'y a pas eu de listes communautaires aux dernières élections, ce qui n'exclut pas le communautarisme. Celui-ci s'est en effet manifesté de manière beaucoup plus subtile dans un grand nombre de communes que nous avons étudiées. J'ai analysé ce phénomène, que j'ai repéré à Aubervilliers, à Saint-Denis, et in fine un peu partout.

Je ne sais pas comment le législateur peut lutter contre cette tendance. En effet, interdire les listes communautaires ne servirait probablement à rien, car le phénomène est plus subtil. Il se met en place au travers de listes qui ne sont pas communautaires, mais qui comprennent des personnalités communautaristes. La responsabilité des élus et des maires peut être invoquée dans ce cas. Nous constatons ce phénomène lorsque l'élection se traduit par des pratiques communautaristes, et il me semble que la loi comprend des dispositions permettant d'y répondre. Il me semble préférable d'agir en aval plutôt qu'en amont, car l'action en amont présente un risque pour les libertés publiques, si je comprends bien, alors que nous pouvons identifier clairement en aval les politiques clientélaires ou clientélistes, par exemple l'embauche de médiateurs urbains issus de tel ou tel quartier. L'analyse des rapports de la chambre régionale des comptes permet ainsi de constater clairement l'embauche de 200, 300 voire 400 médiateurs ou agents urbains après l'élection, l'octroi d'avantages, la location de salles pour des montants très modestes, etc. Nous voyons apparaître les mécanismes qui laissent transparaître un lien de clientèle et une transaction qui brise la citoyenneté.

Le drame de ce type de transactions est en effet qu'entre le système local et le quartier, celui qui ne veut pas être assimilé ni être sous l'emprise de ces associations ne peut exister en tant que citoyen. C'est extrêmement grave, et le rôle des préfets est d'avoir les outils et la vigilance pour alerter et sanctionner ce type de pratiques. Ce sont là les instruments que j'identifie pour lutter contre le clientélisme, le dénoncer et le rendre illégitime, tout en sachant que la politique locale implique toujours une part de transaction.

S'agissant de votre première question, je ne suis pas à la place du législateur et je n'ai pas d'avis sur ces dispositions techniques. J'imagine que la préemption des mairies peut être très utile pour maintenir un minimum de pluralisme, mais je ne sais pas quel était l'esprit des rédacteurs de cette mesure technique. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous apporter une réponse plus intéressante.

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Je vous présente mes excuses pour ce problème technique. M. Rougier, les dispositions techniques que vous évoquez feront partie du débat, mais il faudra bien que nous traitions un jour ou l'autre le sujet de l'occupation spatiale.

Ma dernière question portait sur les prisons, auxquelles vous consacrez un chapitre et que vous présentez comme un lieu particulièrement exposé à la radicalisation. Ce texte ne prévoit pas de dispositions relatives aux prisons ; selon vous, quelles seraient les actions à mettre en œuvre prioritairement pour éviter que les prisons deviennent des lieux de radicalisation, comme nous l'avons constaté ces dernières années ?

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

La prison est un enjeu fondamental, dont le problème porte sur la suroccupation. Il convient en effet d'isoler les détenus les plus dangereux, ce que nous essayons de faire au travers des quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER). Ce que je vais dire est horrible : nous avons créé le renseignement pénitentiaire pour essayer de mieux comprendre et d'analyser le phénomène, nous tentons de regrouper et de séparer les individus, mais cela n'a pas empêché la progression de la radicalisation au sein des détenus de droit commun. Ainsi, l'administration pénitentiaire recense désormais plus de 500 détenus qualifiés d'islamistes, contre environ 700 en 2015. Les répartir parmi les prisonniers de droit commun ouvre la voie au prosélytisme idéologique ; les regrouper revient à prendre le risque de constituer des noyaux durs qui se reverront une fois sortis de prison. Les solutions se trouvent entre ces deux positions, avec un suivi psychologique des intéressés.

Le problème est la persistance des téléphones portables en prison, en dépit de tous les efforts. La communication avec l'extérieur ne cesse jamais. Les prisons et les quartiers partagent en outre les mêmes mécanismes de diffusion et de sanction, bien que ceux-ci soient quasiment caricaturaux en milieu carcéral. Certains voient l'autorité dans la prison comme l'équivalent du policier dans le quartier. Les prisons concentrent également le mélange entre délinquance et religiosité observé dans les quartiers.

La solution passe par la construction de prisons. Or, vous connaissez mieux que moi l'état des ressources publiques. La construction de nouveaux établissements pénitentiaires n'est pas actuellement une priorité, mais c'est pourtant la seule solution. Il convient en outre d'améliorer la formation de ceux qui y travaillent et de mener un travail d'accompagnement pour isoler au maximum les détenus les plus dangereux. Or, jusqu'à présent, j'ai observé que tous les programmes et toutes les tentatives de déradicalisation au sein des prisons n'avaient que peu d'effet.

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Je suis député de Seine-Saint-Denis, après avoir été maire adjoint de Saint-Denis pendant vingt-cinq ans. Vous avez travaillé sur les quartiers, et notamment au sein de notre département. Bien évidemment, des phénomènes communautaires ou communautaristes se manifestent lors des élections ou dans l'exercice des responsabilités. Néanmoins, si vous connaissez bien la Seine-Saint-Denis, les plus grandes complaisances vis-à-vis du communautarisme ne se retrouvent pas du côté de l'échiquier politique vers lequel se tournent généralement les regards. Je pourrais en citer de nombreux exemples.

J'ai commencé ma carrière de militant au début des années 1980 à Saint-Denis et j'ai toujours entendu des leaders communautaires parler d'un vote musulman ; je constate toutefois qu'en dépit de ces affirmations, d'élection en élection, ce vote ne se manifeste pas. Il n'y a pas de vote musulman. La plupart des musulmans et personnes d'origine musulmane, dans ma ville ou mon département, se comportent comme tout le monde, avec des sensibilités plutôt de droite, de gauche, plutôt réformistes ou conservatrices. Les tentatives de candidats estampillés comme musulmans existent depuis une trentaine d'années et ont toujours été un échec.

Selon vous, une menace pèse-t-elle sur la République par le jeu d'une influence ou d'une pénétration, d'un entrisme de l'islam radical ou politique dans les institutions ? Il ne me semble pas que tel soit le cas. Je ne nie pas que des tentatives existent, mais il me semble que nos formations politiques, sur l'ensemble de l'arc républicain, y résistent plutôt bien.

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Vous avez raison : il n'existe pas de vote musulman en tant que tel, et il faut s'en réjouir. Heureusement, nos compatriotes d'ascendance musulmane ont encore une identification partisane ou des préférences qui peuvent passer par tous les partis de l'arc républicain, pour reprendre vos termes. J'ai toutefois observé aussi bien à gauche qu'à droite que lors des élections municipales, les listes comprennent des candidats placés là car on estime qu'ils recueilleront « les voix de la mosquée ». J'ai rencontré cela dans de nombreuses communes, pas seulement en Seine-Saint-Denis, mais également dans les Yvelines ou ailleurs. En ce sens, il s'agit d'une forme de communautarisme subtil, qui ne s'affiche pas en tant que tel en se présentant comme liste musulmane, mais qui va donner des avantages à un acteur communautaire influencé souvent par l'islamisme dans ses prédications. Ces mouvements distribuent très habilement les rôles et attribueront le rapport aux élus à quelqu'un de très urbain, tandis que la prédication, les cours de religion seront confiés à d'autres personnalités, beaucoup moins urbaines, avec un autre lexique et un autre vocabulaire.

Dans les transactions locales, la ressource supplémentaire tirée du vote fera qu'une partie des habitants comprendra très vite que pour obtenir un logement, un poste municipal, l'attribution d'un marché ou un rôle important dans le marché local, elle a intérêt à se rapprocher du réseau associatif religieux. Si nous pensons la citoyenneté comme un sentiment à la fois d'appartenance et d'engagement, c'est au niveau local qu'une forme de citoyenneté combinant un engagement et une appartenance islamique forts vis-à-vis du réseau religieux, de causes « musulmanes » (Rohingyas, Ouïgours, etc.) peut se construire, le niveau national étant relégué au deuxième ou au troisième plan. Ce phénomène est inquiétant : la consolidation de certains réseaux associatifs, la pression qu'ils sont en mesure d'exercer sur une partie des habitants, ainsi que l'intériorisation par ceux-ci de la puissance électorale du réseau. Si je vote et que je me rapproche du réseau associatif, j'aurais plus facilement accès à un logement, à des avantages ou à des ressources publiques. Nous avons rencontré ce phénomène et de nombreuses personnes nous l'ont évoqué – je n'ose pas citer les communes en question. Nombre de personnes nous ont dit : « J'ai remarqué que le logement était attribué rapidement à tel ou tel, parce qu'il est proche du président de l'association, qui lui-même a des transactions avec l'équipe municipale élue ».

Ce phénomène passe, à gauche et à droite, par des listes électorales qui sont de moins en moins cohérentes idéologiquement et politiquement, qui visent à permettre aux différents candidats de récolter autant de voix que possible, sur fond d'une abstention électorale souvent massive que vous connaissez mieux que moi. Dans ce contexte, les élections se décident à 50, 100 ou 200 voix, et les élus le sont avec 3 000 à 4 000 voix dans des communes de plus de 30 000 habitants. Nous constatons des différentiels très faibles de nombre de voix et la mise en place d'un lobby électoral et communautaire qui se renforce dans les élections municipales, qui exerce une force d'influence et de contrôle sur la population. Or, dans ce contexte, la citoyenneté s'arrête.

Donc, vous avez tout à fait raison : il n'existe pas de « vote musulman » caricatural, mais de l'associatif musulman, parfois islamiste, qui s'introduit à l'échelon électoral lors des élections municipales.

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Monsieur le professeur, j'introduirais ma question en citant trois exemples que vous connaissez bien, car je les tire de vos travaux, de ceux d'Hugo Micheron et de William Gasparini. Abdoullakh Anzorov, assassin de Samuel Paty, fréquentait une salle de sport, l'une des premières en France à être dans le viseur de l'État et placée sous tutelle. Amedy Coulibaly, terroriste de l'Hyper Cacher et de Montrouge, était un ancien coach sportif et appelait dans une vidéo, je cite : « les sportifs musulmans à défendre l'islam. » Les frères Clain, qui ont recruté de nombreux terroristes à Toulouse, dont Mohammed Merat, et qui étaient les voix de l'audio suite aux attentats de Paris et du Bataclan, tissaient depuis le début des années 2000 une toile dans le grand Mirail, à Toulouse ; une partie de leur stratégie reposait sur leur présence dans le monde sportif, avec notamment la création d'un club de basket pour recruter et l'aide apportée à des jeunes d'autres clubs sportifs en leur distribuant des sucreries après l'effort.

Loin d'être exhaustifs, ces exemples démontrent un lien aujourd'hui bien documenté entre sport, radicalisation religieuse et passage à l'acte. Le sport permet d'entrer en contact facilement et rapidement avec toute une jeunesse issue de l'immigration. Tout comme l'école, il est en France un très puissant vecteur d'émancipation et d'intégration citoyenne. Il n'est donc pas surprenant que des idéologues séparatistes islamistes attaquent ces deux secteurs plus particulièrement pour enrôler une partie de la jeunesse, l'empêcher de s'émanciper et utilisent le sport comme un levier symbolique, celui d'une puissance virile et violente fantasmée qui correspond à leur idéologie. Je n'ai pas besoin de prendre l'exemple des premières actions du FIS en Algérie, qui illustraient déjà à la fin des années 1980 et dans les années 1990 cette stratégie.

Ces deux points m'apparaissant fondamentaux, j'ai déposé des amendements au présent projet de loi pour veiller à une véritable neutralité dans le monde sportif. Outre cette plus grande neutralité dans le monde du sport et le retour aux valeurs de l'olympisme, quels sont, selon vous, les moyens que nous devrions mettre en œuvre au sein des fédérations pour veiller à ne plus appliquer la politique des trois singes décrite par Médéric Chapitaux, je cite : « ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire » ? Je vous remercie.

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Vous avez parfaitement raison quant à l'analyse de la pertinence du sport. Partout où il existe du lien social, les entrepreneurs religieux chercheront à l'exploiter pour gagner en influence et en adeptes. Nous l'avons observé partout, tant avec Hugo Micheron qu'avec Médéric Chapitaux, qui consacre sa thèse à cette question. Comment faire ? Il faut qu'il y ait des alertes, que ceux qui vont dans ces clubs puissent immédiatement intervenir dès qu'ils constatent l'absence de mixité, la diffusion d' anachid (des chants religieux a capella ) pendant les entraînements. Les fédérations peuvent mettre en place un numéro de téléphone, tout comme le ministre Jean-Michel Blanquer l'a fait pour l'Éducation nationale. Tout sujet doit donner lieu à une alerte immédiate, et ceux qui pratiquent le sport doivent être en mesure d'alerter sur la réalité.

Par ailleurs, rien ne serait plus dangereux que la multi-positionnalité, c'est-à-dire d'avoir un réseau associatif, voire des élus locaux qui sont d'anciens présidents ou des présidents actuels du club de foot, élus locaux, membres de l'association religieuse, etc. Dans ce cas, le système social enferme et bloque la citoyenneté et l'émancipation. Il convient donc de bien veiller à ce que le réseau ne soit pas transversal et ne puisse pas viser à la fois le culturel, le politique et le sportif. Des règles pourraient être introduites pour que la personne à la tête d'un club de sport ne soit pas un élu municipal, n'ait pas d'ambitions politiques au niveau local ou national, ce qui lui donnerait un instrument d'influence supplémentaire. C'est très difficile, car un certain nombre de prédicateurs utilisent volontiers les joueurs de football, notamment ceux de l'équipe de France ou d'un certain nombre de clubs, pour en faire des modèles communautaires. Ils jouent évidemment sur la fascination des jeunes pour les sportifs et en profitent pour diffuser un certain nombre de prescriptions religieuses. Il convient donc de mettre en place des instruments d'alerte pour vérifier que l'éthique sportive (égalité entre hommes et femmes, sens de l'effort) n'est pas mélangée avec d'autres types de courants, de propagande ou de diffusion, et que l'association est fidèle à son objet. Cela passera par des contrôles ; ceux qui les pratiquent doivent disposer d'un instrument de dénonciation, ou en tout cas d'alerte.

De manière plus globale, je dirais que l'effort doit être fait au niveau du renseignement territorial. Or, dans certains cas, je ne suis pas sûr que l'appareil d'État ait une très bonne connaissance du tissu associatif et militant local. Selon qui est l'entraîneur, son identité, son système d'attitudes, son passé, nous voyons bien s'il est capable d'influence et s'il se place lui-même dans une galaxie idéologique. C'est assez facile à savoir. Il convient donc de prescrire que ne peuvent assurer des responsabilités sportives que des personnes engagées dans l'idéal sportif et ne poursuivant pas un autre agenda.

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Merci beaucoup. Je me permets à mon tour une question : j'ai lu que vous vous interrogiez sur le fait de savoir si l'islamisme n'était pas en train de prendre le pouvoir sur l'islam en France. Il s'agit d'une question clé par rapport à la situation française, si l'on se place dans une perspective républicaine laïque où les religions ont toute leur place en France, mais où elles ne deviennent pas les vecteurs d'un projet et d'un militantisme politiques visant à créer des regroupements de personnes – y compris d'un point de vue géographique – qui essaient de faire valoir d'autres lois que les lois communes et qui font primer la loi de Dieu sur celles des hommes. Cela peut aussi avoir pour but de pénétrer la société, ou du moins certains de ses secteurs, avec des possibilités plus fortes dans certains territoires, afin de changer progressivement les lois.

Ainsi, nous avons constaté dans nos travaux la récurrence d'une contestation des lois communes, au nom pour certains de la religion. Il peut y avoir un but de changement en profondeur et nous voyons bien que les contestations de la laïcité et d'un certain nombre de dispositions se font sur l'ensemble de la loi. Il ne s'agit pas simplement de demander un régime particulier pour soi-même, mais d'imposer à l'ensemble de la société des dispositions revendiquées au nom d'un projet politique directement inspiré par la religion. De ce point de vue, la question de la radicalisation de certains pans de telle ou telle religion est clé ; ce n'est en effet pas le propre de la religion musulmane, mais ce phénomène peut y être plus important en pourcentage des croyants et des pratiquants. Au-delà de cela, une mainmise, une hégémonie culturelle ou dans le discours, voire même numérique quand elle est mise en œuvre par les gens les plus actifs, peut s'insinuer progressivement. Cela prend alors une autre dimension ; il ne s'agit plus simplement d'une marge, mais plutôt du cœur d'une « communauté », ou en tout cas de personnes ayant les mêmes croyances. Je souhaiterais vous entendre sur ce point.

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Vous avez absolument raison. Je pense qu'il y a de l'entrisme et qu'il ne s'agit pas seulement d'obtenir une communauté qui serait immunisée contre les lois de la République et qui garderait ses propres lois dans son entre-soi. Différents courants cherchent à exercer leur influence, notamment en passant des alliances avec la mouvance dite « décoloniale » pour disqualifier les institutions de la République, caricaturer l'État comme étant une institution organiquement raciste, discréditer la mémoire et la légitimité. Au travers d'institutions syndicales, politiques, locales, ils tentent de transformer la loi, ou en tout cas de dénoncer la laïcité comme un instrument d'oppression supprimant la liberté des individus et des groupes, cherchant à imposer un modèle et à lutter contre le pluralisme, le tout en s'appuyant sur les médias anglo-saxons.

Il s'agit d'une stratégie tout à fait consciente, que l'on retrouve en particulier chez les Frères musulmans. Je l'ai observée à travers certains journaux de journalistes « amis », dans des descriptions de certaines situations. Ils reviennent ensuite à des textes en anglais pour décrire la situation en France, avec la spécificité américaine et en entretenant le malentendu. En effet, en Amérique, l'État est vu comme la source du mal et la tradition américaine est de protéger la société contre l'État, alors que l'équation française est de protéger l'État contre la société. Avec Jean Bodin, la souveraineté et la loi civile, donc politique, mettent fin aux affrontements des protestants et des catholiques au nom de leurs croyances. La vraie valeur de la laïcité vient ainsi prendre racine dans la souveraineté, qui met fin aux guerres de religion. Ce discours, cette attitude américaine se combine avec la mouvance décoloniale très puissante au sein de certains campus américains, qui vient considérer que toute institution et tout savoir occidental est invalidé par la race de celui qui le produit. Cette tradition et ce mouvement idéologique se confondent pour discréditer le modèle institutionnel français.

La grande difficulté est qu'il existe à la fois des réseaux intellectuels, des intellectuels islamistes, un discours parfaitement rôdé sur les valeurs du libéralisme et de la démocratie culturelle, une mise en accusation systématique des institutions et du passé historique de la France relayée dans les quartiers par des dispositifs religieux, etc. C'est une vraie machine idéologique face à laquelle nous ne pouvons nous contenter, de manière incantatoire et faute de mieux, d'invoquer les valeurs de la République. Il faut naturellement le faire, mais en l'absence d'autres instruments de socialisation, d'engagement et de collectif, avec un sens de la mission aussi fort que ceux animés par une idéologie, le combat sera difficile.

L'histoire de la République comprend des collectifs, des syndicats, des luttes ouvrières, des utopies, des héros, mais tout cela n'existe pas dans les quartiers, où ce discours sur la laïcité apparaît comme une abstraction. Cette abstraction n'est pas parlante si elle n'est pas accompagnée de mécanismes, d'exemplarité, d'un engagement idéologique et collectif aussi puissant que dans l'autre camp. Il s'agit d'une grande difficulté, quasiment idéologique. Il faut un appareil d'État animé par le sens de la mission et la connaissance des enjeux au niveau de nos préfets, de nos élus. Je ne suis pas sûr que tel soit complètement le cas. Outre l'engagement républicain, il convient de gagner du temps, de montrer la possibilité d'ascension, de créer des collectifs qui fassent concurrence au collectif islamiste, de miser sur des personnalités charismatiques qui ne vendent pas un argumentaire religieux, d'identifier dans le tissu local sur qui s'appuyer et d'avoir un contrat de confiance avec ces acteurs. Encore une fois, il ne s'agit pas de faire disparaître ces réseaux islamistes, mais de les contenir et de permettre le pluralisme afin que la population d'origine étrangère et des quartiers ait au moins le choix.

Si ces dispositifs, qui demanderont de l'imagination, ne sont pas mis en place et que nous nous contentons du discours incantatoire, nous ne parviendrons pas à lutter contre ce phénomène. Comme vous l'indiquez, le terrain sera alors perdu d'avance face à ceux qui auront l'intelligence d'infiltrer des institutions existantes pour faire prévaloir une autre conception de la démocratie et subvertir progressivement le modèle républicain en avançant leurs valeurs de façon habile, comme ils essaient de le faire depuis longtemps dans le cas de l'école. C'est pour cette raison qu'il est très difficile de réagir face à cette forme d'alliance entre la mouvance décoloniale – qui s'étend bien au-delà des islamistes, qui touche des intellectuels et des politiques – et les plus intelligents des islamistes, probablement ceux qui ont le sens de la stratégie et qui jouissent de relations avec la Turquie. Cette alliance fonctionne puissamment dans l'enseignement supérieur, en particulier. Il est très difficile d'y réagir, car nous faisons face à une position défensive, à un discours d'universalisme abstrait. Même si ce mouvement est encore heureusement minoritaire, il faut trouver les moyens de le contrecarrer avec des méthodes plus efficaces que le simple rappel des valeurs de la République.

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J'ai deux questions complémentaires. La première est très en lien avec la loi ; vous évoquez un universalisme abstrait qui serait très insuffisant pour contrecarrer les discours promus par l'islamisme politique, qui s'insinuent dans la société et les quartiers. Nos services publics, quels qu'ils soient, résistent bien et sont fidèles à leurs principes de neutralité et de laïcité. Ne pensez-vous pas que le meilleur contrepoids concret, et non abstrait, reste la place et le rôle des services publics (école, police, santé, poste, loisirs, etc.), en nombre et efficaces, dans les quartiers ? Mon expérience d'élu de Saint-Denis très attaché aux principes républicains m'amène à toujours m'inquiéter lorsqu'un service public s'affaiblit dans un quartier.

Ma deuxième remarque relève de la curiosité ; je vous la soumets en tant que spécialiste de l'islam. Dans des villes comme la mienne, 90 % de l'immigration algérienne est kabyle et les trois quarts de l'immigration marocaine sont une immigration berbère. Il me semble que l'interprétation de l'islam au sein de ces communautés présente une moindre perméabilité au salafisme et à l'islam politique que dans d'autres. Est-ce également votre avis ?

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Il me semble que vous avez raison. Nous trouvons également des idéologiques d'origine kabyle ou berbère, dont un très connu, franco-marocain et très proche des thèses d'Al Qaida, qui publie énormément et qui a une certaine influence dans les milieux universitaires. Néanmoins, il est tout à fait vrai que les identités héritées du passé, la langue, la culture berbère, etc. constituent des obstacles. En Algérie, pendant la « décennie noire », la revendication berbère a été utilisée par le régime – après l'avoir largement réprimée – comme un rempart face à l'islamisme. Il est vrai que les identités héritées historiques, les liens d'ethnicité forts peuvent faire obstacle et représenter une force face à l'islamisme. Cela n'empêche pas l'existence d'islamistes dans ces milieux, mais tout ce qui relève de la réactivation de ces héritages peut faire largement barrage à ces mouvances. C'est notamment le cas, à Saint-Denis, d'éléments kabyles extrêmement laïques et tout à fait hostiles aux mouvements islamistes. La France a aussi utilisé cet outil, cette ressource pendant la période coloniale, ce qui nous expose au risque de s'exposer au reproche de réactiver de vieilles tactiques de contrôle colonial. Néanmoins, tous les éléments qui vont dans le sens d'une affirmation collective où le référent religieux n'occupe pas la place primordiale sont bons à prendre. En effet, le fait communautaire est tout à fait reconnu en France. Contrairement à la caricature anglo-saxonne, il est tout à fait possible d'assumer le fait communautaire et d'être citoyen, à partir du moment où ce fait communautaire ne vient pas contredire le modèle de citoyenneté. La République est une synthèse de tous ces éléments, dépassés au moins par l'adhésion au socle de valeurs communes. En ce sens, je suis largement d'accord avec vous. Pouvez-vous me rappeler votre première question ?

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Je faisais référence aux services publics comme meilleur contrepoids face à l'islamisme.

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Le risque est de voir des agents du service public radicalisés, car cette situation existe également. Au cours de notre enquête de terrain, nous avons en effet recueilli des témoignages concernant des agents publics municipaux qui ne se conformaient pas à la stricte neutralité. Cela nous a été raconté avec détail dans une commune d'Île-de-France, en mentionnant des agents représentant tel syndicat, arborant une barbe ou un Coran dans leur bureau. Dans certaines mosquées, des agents s'interpellent par « Salam aleykoum », « Salut sur toi, frère ». Nous ne sommes pas ici dans le lexique républicain.

Il faut évidemment assurer la présence de l'État, des services publics et leur qualité. Nous avons assisté à un recul de l'État faute de ressources publiques nécessaires. Cet enjeu nous dépasse, car nous savons que si nous avions le plein emploi, des ressources publiques, des agents, le phénomène islamiste serait moins vivace. Il est évident que nous faisons face à des acteurs intelligents qui ont des ressources, souvent tirées de l'extérieur, mais que ce n'est pas tout. S'y ajoute en effet la bonne foi du croyant. Ceux qui se rendent à la mosquée ne sont pas nécessairement idéologisés ; c'est l'offre qu'ils reçoivent qui risque d'en transformer un certain nombre.

Beaucoup d'entre eux déposent de bonne foi une partie de leur argent dans des quêtes réalisées à la sortie des mosquées, qui contribuent au financement de ces acteurs. Ainsi, le mouvement de construction des mosquées en France à partir des années 1980 émane de la demande légitime d'une population qui souhaite exercer son culte. Il a toutefois été pris en main par des réseaux qui avaient un autre but et qui ont exploité la bonne foi, l'incrédulité ou la naïveté d'une partie des croyants.

Vous avez raison s'agissant des services publics, mais certains agents peuvent être extrêmement influencés et devenir à leur tour des tenants de ces courants. Le principe de laïcité doit être mis en application et doublé d'une vigilance particulière des maires vis-à-vis de leur personnel municipal. Ces radicalisations sont faciles à repérer et la loi doit permettre de sanctionner ou de rappeler ces agents à la neutralité.

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Je n'ai pour le moment pas d'autre demande de parole. Je ne partage personnellement pas cette opinion répétée à l'infini du recul continu des services publics dans les quartiers en difficulté, les villes, nos communes en général. Tout d'abord, l'État continue à dépenser beaucoup d'argent pour faire vivre les services publics, notamment le service public de l'Éducation nationale, qui n'est pas en baisse, y compris lorsque les effectifs scolaires diminuent, mais également le service public de la santé. Nous pouvons considérer que ce dernier est insuffisant, mais nous n'avons jamais dépensé autant pour la santé, et ce n'est pas uniquement à cause de la crise Covid-19. L'État dépense également pour le service public de la police, de la sécurité. Nous avons débattu de statistiques s'agissant des efforts comparés ; l'effort est peut-être insuffisant à certains endroits, mais nous ne pouvons pas dire qu'il est totalement absent.

Les services publics locaux sont pour leur part assurés par les collectivités locales, qui ont plus ou moins de moyens, mais qui assurent et ont même développé des services publics. Ainsi, le service de la petite enfance a considérablement pris en ampleur pour accueillir des enfants dès leur plus jeune âge, notamment pour permettre à leurs parents de travailler. Vous connaissez nos débats politiques au sujet des services publics – et je passe ici les services publics des transports, qui se sont développés dans toutes les villes. Les seules villes qui ne le font pas sont celles où ont été élues, élection municipale après élection municipale, des équipes qui ne veulent rien faire en ce sens, ce qui est tout de même étonnant. De plus, ce sujet est du ressort intercommunal ; en Île-de-France, il est pris en charge par le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). Enfin, le logement social est lui aussi une forme de service public, extrêmement développé dans notre pays et qui continue à s'y étendre.

Nous avons entendu tout à l'heure Mmes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, deux journalistes auteurs d'un livre enquête sur la ville de Trappes. N'ayant pas la prétention de généraliser ce qu'elles ont vu à Trappes à toute la France, à toutes les villes de banlieue ou même à tous les quartiers présentant un fort taux de logement social, elles nous ont indiqué avoir souvent constaté une forme de résistance face aux dérives. L'école a vocation à faire exister cette ouverture d'esprit et cette défense des valeurs de la République. Cet enjeu républicain date de plus d'un siècle, car la problématique de l'école a été identifiée dès que la République a voulu s'ancrer en France, à l'origine face, et même contre l'Église catholique et son influence. Avant même la loi de 1905, souvent citée, la loi de 1881 pour l'école se plaçait dans cet esprit. Elle a quelque part été complétée par la loi de 1905 afin d'aller plus loin sur la question de la séparation entre l'éducation et la religion. Des compromis existent, puisqu'il existe des écoles confessionnelles sous contrat, mais cet enjeu a bien été identifié dès le début.

Vos études confirment-elles que l'école est un pôle où circule un discours autre que le discours religieux ? Bien entendu, il ne s'agit pas de l'engagement collectif tel que vous l'avez décrit et qu'évoquait au cours d'une précédente audition Mme Marie-George Buffet, collègue de Stéphane Peu, appartenant au même département, au même groupe et à la même famille politique. Je ne sais pas si Stéphane Peu a pu l'entendre, car il n'est pas possible d'assister à toutes les auditions. Mme Buffet racontait qu'en Seine-Saint-Denis existait aussi il y a plusieurs dizaines d'années une structuration par le travail, par le syndicalisme, parfois par le parti communiste, qui avait des liens très forts avec un syndicat, ainsi que par des associations. Trappes en est aussi un exemple.

L'école n'est pas un engagement, elle n'est pas composée de militants, mais elle occupe un temps important pour les enfants et les jeunes. Vous est-elle apparue comme un enjeu d'ampleur dans les territoires que vous avez étudiés ?

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Oui, elle m'est malheureusement apparue comme un lieu d'influence pour les islamistes, avec des effets de proximité. Ainsi, lorsque certaines mosquées, certaines associations ou certains lieux sont proches de collèges ou de lycées, ceux-ci deviennent une cible et tel professeur, tel type d'enseignement sont volontairement contrecarrés. Les mosquées contrôlées par tel ou tel groupe font un travail de contre-acculturation et de contre-savoir, affirmant que le savoir républicain est un savoir laïc donc impur, que la vérité relève d'autres conceptions tirées de la religion et qu'il faut lutter contre certains enseignements. Je vois donc l'école comme une cible de ces discours islamistes, tout comme l'université. De par mon expérience personnelle, je me souviens d'une étudiante qui me répondait que la théorie de l'évolution était mon point de vue et qu'elle avait le droit de ne pas y adhérer. Cette étudiante voilée, qui portait le djelbab, adhérait à une autre conception.

Nous voyons bien ici que le rôle de l'école est absolument nécessaire pour briser ce discours. Toutefois, l'islamisme est aussi une épistémologie, et non seulement un programme politique et un contrôle moral. Il comprend une forme de production du savoir. Ainsi, beaucoup de musulmans, y compris non islamistes, adhèrent à l'idée que le Coran est un texte scientifique, avec des découvertes scientifiques. Or, lorsque ces conceptions sont sacralisées, elles sont extrêmement difficiles à récuser. Le savoir d'épistémologie devient un lieu commun, et le remettre en cause revient à remettre en cause le groupe et l'appartenance à l'islam. La situation revient très difficile pour l'école, dont le rôle est évidemment nécessaire.

Nous voyons bien ici que l'école est l'extension de la République. En effet, la démocratie française repose sur un versant libéral et un versant républicain ; ce dernier ne peut pas se contenter d'une laïcité-neutralité, qui consiste à dire « C'est votre conception, j'en ai pour ma part une autre ». La laïcité s'appuie en effet sur une positivité, un ensemble de conquêtes scientifiques qu'il faut expliquer à l'école.

L'école défend une épistémologie scientifique. Elle ne peut se contenter de la neutralité des croyances, elle doit casser non la croyance, mais la prétention de la croyance à s'emparer de la science. Or, un vrai problème se fait jour lorsque l'on parle avec les professeurs. Il leur est en effet extrêmement difficile de déconstruire un discours idéologique qui fait le lien entre la croyance et la science. Dans ces conditions, le rôle de l'école et des professeurs devient littéralement héroïque, car ceux-ci doivent défaire un préjugé scientifique justifié par la religion. Ils doivent en quelque sorte être relayés par des familles, des structures associatives qui feront que ce discours ne sera pas uniquement celui du professeur, mais un discours encouragé par d'autres lieux collectifs et d'autres liens.

Comme Stéphane Peu le sait probablement mieux que moi, le problème est que nous sommes passés d'un progressisme émancipateur, universaliste dans les quartiers communistes, à un progressisme racialiste et différentialiste. Là où l'un intégrait, l'autre désintègre. Or, la transition entre ces deux formes de progressisme a pris place en une vingtaine d'années ; pour des raisons le plus souvent électoralistes, les tenants de la première forme se sont convertis à la deuxième selon le jeu des circonstances.

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Je souhaite prolonger les propos du président de Rugy, sans en débattre longuement ce soir, car il est trop tard pour cela. Je suis élu depuis plus de vingt ans, j'ai été maire d'Évry-Courcouronnes et j'ai habité Saint-Denis, où j'ai encore de la famille. Je connais bien Stéphane Peu ; lui et moi avons eu l'opportunité de voir comment se jouent sur une échelle de vingt ans ces évolutions, qui ne sont pas qu'épistémologiques.

Le président de Rugy et Stéphane Peu évoquaient la question des services publics. Selon vous, n'avons-nous pas nous-mêmes – dans notre immense diversité des républicains – péché par une sorte de croyance, peut-être un surmoi marxisant, considérant qu'en vérité, les services publics délivrent des prestations sociales, éducatives et culturelles dans un contexte sans cesse accru de consumérisme et de rapports individuels ? Dans ce contexte, la partie épistémologique de la République, ce perpétuel travail d'adhésion et de réadhésion à une communauté nationale dans le respect des parcours, des diversités, des origines et des communautés, n'a-t-elle pas été totalement délaissée ? Sans doute est-ce en partie lié au contexte de très grande crise démocratique, qui n'est pas que celle des institutions, mais qui touche à l'effondrement des appareils politiques et syndicaux, à leur substitution, ainsi qu'au fait que certaines associations ont une existence nationale et de moins en moins de réalité locale et territoriale, y compris de grandes associations d'éducation populaire.

Je n'espère pas que cette loi permette de retrouver les cellules du parti communiste, que j'ai moi-même connues, fréquentées et animées, ou la confédération nationale du logement, qui est l'un de mes premiers engagements – le tout premier étant d'avoir fait du porte-à-porte avec mon père, en 1959, pour faire signer la pétition du comité national d'action laïque contre la « loi Debré »... Pensez-vous toutefois qu'elle permettra d'assigner un rôle culturel à ce tissu, et non de service, de le réarmer démocratiquement ? Dans le cas contraire, nous ferons face à un partage infernal des rôles, et nous savons que ce ne sont pas les républicains qui gagneront.

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Bernard Rougier, professeur en sociologie à l'Université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle

Pour le dire vite, car nous sommes en fin de la semaine et nous sommes tous fatigués, cette loi est une première étape. Je pense que ceux qui l'ont conçue savent bien qu'elle ne résoudra pas toutes les difficultés, mais qu'elle pourra donner des premiers outils pour contrecarrer l'islamisme. Dans un deuxième temps, un effort devra être réalisé afin de donner des perspectives à ces populations, pas nécessairement par le biais d'une loi ou d'un effort réglementaire.

J'utilise ici le terme « ces populations » sans aucun mépris, car j'ai constaté qu'il existe une demande. Je n'ai ainsi rencontré aucune difficulté à composer mon équipe de recherche, qui était issue de ces mêmes quartiers. J'ai indiqué à ses membres que nous allions travailler sur l'islamisme et être accusés d'islamophobie, l'accusation ayant précisément pour rôle d'empêcher la distinction entre l'islamisme et l'islam. Étant eux-mêmes musulmans, je voulais qu'ils soient à l'aise avec cette problématique. Tous m'ont répondu qu'ils luttaient précisément contre ces acteurs qui, au nom de la foi, propagent des conceptions qu'ils n'acceptent pas. Je n'ai eu aucune difficulté à trouver ces personnes pour enquêter avec moi. J'ai réalisé ce travail à très petite échelle, mais je crois que si des perspectives sont offertes, la demande d'exercer pleinement sa citoyenneté et son appartenance à la France sera remplie. Pour ce faire, il est toutefois nécessaire que les mécanismes concrets qui empruntent à l'adversaire, mélangeant le cognitif et l'affectif dans de nouvelles formes collectives, puissent exister. Cela ne passera pas nécessairement par une loi. Cet effort demande de l'imagination et du travail, mais nous n'avons pas le choix.

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Merci beaucoup, nous nous arrêterons sur ces propos. Merci, M. Rougier, pour vos contributions à nos travaux et vos réponses à nos questions. Merci, chers collègues, pour votre participation jusqu'à cette heure tardive un vendredi.

Nous reprendrons lundi avec l'examen des articles et des amendements. J'ai décidé de repousser à dix-sept heures le début de notre commission, certains de nos collègues souhaitant se rendre à la cérémonie d'obsèques de notre ancienne collègue Marielle de Sarnez. La réunion de lundi commencera donc à dix-sept heures, se terminera à vingt heures puis reprendra à vingt et une heures trente. Nous observerons un rythme plus normal les jours suivants, quoiqu'intensif, car plus de 1 700 amendements ont été déposés. Tous n'ont pas encore été examinés au titre de leur recevabilité financière ou de l'article 45, mais leur nombre n'en reste pas moins suffisant pour nous occuper toute la semaine prochaine. Je vous souhaite un bon week-end.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du vendredi 15 janvier 2021 à 18 h 30

Présents. – M. Jean-Jacques Bridey, M. Francis Chouat, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, Mme Annie Genevard, Mme Florence Granjus, M. Ludovic Mendes, M. Stéphane Peu, M. François de Rugy, M. Guillaume Vuilletet