Merci beaucoup. Je me permets à mon tour une question : j'ai lu que vous vous interrogiez sur le fait de savoir si l'islamisme n'était pas en train de prendre le pouvoir sur l'islam en France. Il s'agit d'une question clé par rapport à la situation française, si l'on se place dans une perspective républicaine laïque où les religions ont toute leur place en France, mais où elles ne deviennent pas les vecteurs d'un projet et d'un militantisme politiques visant à créer des regroupements de personnes – y compris d'un point de vue géographique – qui essaient de faire valoir d'autres lois que les lois communes et qui font primer la loi de Dieu sur celles des hommes. Cela peut aussi avoir pour but de pénétrer la société, ou du moins certains de ses secteurs, avec des possibilités plus fortes dans certains territoires, afin de changer progressivement les lois.
Ainsi, nous avons constaté dans nos travaux la récurrence d'une contestation des lois communes, au nom pour certains de la religion. Il peut y avoir un but de changement en profondeur et nous voyons bien que les contestations de la laïcité et d'un certain nombre de dispositions se font sur l'ensemble de la loi. Il ne s'agit pas simplement de demander un régime particulier pour soi-même, mais d'imposer à l'ensemble de la société des dispositions revendiquées au nom d'un projet politique directement inspiré par la religion. De ce point de vue, la question de la radicalisation de certains pans de telle ou telle religion est clé ; ce n'est en effet pas le propre de la religion musulmane, mais ce phénomène peut y être plus important en pourcentage des croyants et des pratiquants. Au-delà de cela, une mainmise, une hégémonie culturelle ou dans le discours, voire même numérique quand elle est mise en œuvre par les gens les plus actifs, peut s'insinuer progressivement. Cela prend alors une autre dimension ; il ne s'agit plus simplement d'une marge, mais plutôt du cœur d'une « communauté », ou en tout cas de personnes ayant les mêmes croyances. Je souhaiterais vous entendre sur ce point.