Nous soutenons globalement les objectifs du projet de loi, même si l'examen des amendements nous offrira plusieurs occasions d'interroger l'opérationnalité et l'efficacité des dispositions envisagées.
Dans son discours prononcé aux Mureaux, le Président de la République a dressé un diagnostic lucide de ce qui a favorisé la propagation de menées séparatistes – mot qui a disparu du texte – dans notre pays. Elles ont pour litière les échecs de la République en matière d'éducation, d'intégration et d'accompagnement social ainsi que de réinsertion sociale. Cela n'a rien de neuf. En dresser le constat lucide aurait dû conduire à élaborer un texte accompagnant la destruction de cette litière, ce terreau fertile sur lequel poussent les intégrismes, principalement l'islamisme. Tel n'est pas le cas ; au nom de notre groupe, je le regrette. On peut toujours nous annoncer un prochain texte, l'encombrement législatif incite à nourrir de sérieux doutes sur la possibilité qu'il voie le jour au cours de cette législature.
Reste que nous pouvons soutenir certaines dispositions du présent texte : la nécessité de neutralité du service public, la protection des agents publics, la meilleure surveillance et la lutte contre les détournements de financement, qui ne sont pas acceptables. Comme ses prédécesseurs, le texte a vocation à s'appliquer à toutes les religions, mais il vise en premier lieu à combattre l'islamisme ; non pas la religion musulmane, mais un projet politique qui la dévoie pour imposer une autre forme d'organisation politique dans notre pays – la France a inventé la laïcité, elle est même le seul pays au monde à la pratiquer et à la défendre. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, nous sommes en présence d'un projet politique dévoyant une religion dont les fidèles sont les premières victimes. Le texte s'y attaque, notamment sous l'angle financier, qui est un enjeu lourd. Nous proposerons de compléter certaines dispositions, par exemple en faisant en sorte que chaque association relevant de la loi du 2 janvier 1907 ouvre un compte bancaire séparé, car il est trop facile, à l'heure actuelle, de collecter de l'argent pour le culte et de le transférer à des œuvres caritatives dont la visée n'est pas la seule charité.
À mon tour, je regrette que plusieurs amendements aient été victimes d'une interprétation extensive de l'article 45 de la Constitution. Tel est le cas, par exemple, de l'amendement CS1186, qui nous a été inspiré par les événements dramatiques de Dijon et de Décines. Il s'agit, si un groupe ethnique s'en prend à un autre, de faire en sorte qu'il soit sanctionné plus gravement que s'il s'agissait d'individus pris isolément. Il me semble que la création d'un tel délit est souhaitable. Je ne vois pas en quoi il diffère des autres dispositions renforçant le code pénal ou créant de nouvelles infractions, qui partagent la même philosophie.
L'enseignement est l'une de nos principales préoccupations. Nous estimons que les dispositions la concernant manquent leur cible. Dans certaines franges de la population, la volonté d'éloigner les enfants de l'école de la République se manifeste par le refus de tel ou tel enseignement au sein de l'enseignement public, par l'inscription dans des établissements d'enseignement hors contrat et, de façon manifestement plus occasionnelle, par l'instruction en famille, dont nous estimons qu'elle joue un rôle marginal dans cette affaire. Vous auriez dû vous intéresser bien davantage aux établissements d'enseignement hors contrat, comme nous l'avons fait lors de l'élaboration de la loi Gatel, dont les dispositions sont dorénavant insuffisantes, car le phénomène s'est étendu et se développe hors radar.
Au régime d'autorisation que vous envisagez pour l'instruction en famille (IEF), qui encourt un risque d'inconstitutionnalité, nous préférons un régime de déclaration assorti d'un contrôle effectif – l'élu de Seine-Saint-Denis que je suis y est très attaché, d'autant que le nombre de demandes progresse plus rapidement que le nombre de contrôles. Il serait paradoxal que les établissements d'enseignement hors contrat conservent un régime déclaratif, alors même qu'ils font rarement l'objet d'un contrôle, et que l'instruction en famille soit placée sous un régime d'autorisation préalable, dont on peut craindre qu'il fasse l'objet d'interprétations excessives. Les motifs de recours à l'IEF sont très limités. Ils ne reconnaissent pas le droit, pour un citoyen français, d'avoir un projet éducatif personnel pour son enfant, sans rapport avec aucune forme de religion ou d'intégrisme, et visant uniquement à lui permettre de s'accomplir et s'épanouir différemment. Un tel projet est autorisé pour les établissements d'enseignement hors contrat ; il n'y a pas de raison qu'il ne le soit pas dans le cadre de l'IEF.