Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • culte
  • laïcité
  • séparatisme
  • terrorisme

La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Lundi 18 janvier 2021

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

La commission spéciale commence l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République (n° 3649 rect.) (M. Florent Boudié, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre I du titre II, Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre I du titre Ier, M. Éric Poulliat, rapporteur pour le chapitre II du titre Ier, Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, Mme Laetitia Avia, rapporteure pour le chapitre IV du titre Ier, Mme Anne Brugnera, rapporteure pour le chapitre V du titre Ier, M. Sacha Houlié, rapporteur pour les chapitres II et III du titre II, et pour les titres III et IV) : discussion générale et examen des articles.

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Madame, messieurs les ministres, soyez les bienvenus devant notre commission spéciale, qui entame la deuxième phase de ses travaux après celle des auditions, qui a été riche et éclairante. Nous avons conduit trente-quatre auditions, pour un total de cinquante heures, sans compter celles qui ont été menées directement par le rapporteur général ou les rapporteurs thématiques.

La discussion générale par laquelle nous ouvrirons cette deuxième phase suivra les mêmes règles qu'en séance publique. Nous entendrons les ministres, puis le rapporteur général et les rapporteurs thématiques, pour une durée de trois minutes, et les orateurs des groupes, pour cinq minutes. S'il nous reste du temps, nous pourrons entendre quelques collègues supplémentaires, pour des interventions n'excédant pas une minute.

Certains collègues ayant tenu, sur les réseaux sociaux et dans les médias, des propos souvent assez éloignés de la réalité, j'aimerais donner quelques explications au sujet des irrecevabilités. À la date limite de dépôt, jeudi, 1878 amendements étaient déposés ; 286 ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de notre Constitution, soit 15 % du total. Cela n'a rien d'exceptionnel : ce taux était de 18 % sur le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, de 16 % sur le projet de loi Énergie et climat, que j'ai défendu en tant que ministre et de 13 % sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. Nous sommes donc dans la moyenne. Quant à l'article 40 de la Constitution, c'est au président de la commission des finances qu'il revient de l'appliquer ; or, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, celui-ci appartient à l'opposition. La recevabilité des amendements ne relève donc pas du débat politique mais de l'application de notre Constitution.

Des journalistes m'ont demandé si l'on pouvait, sur un sujet aussi important, s'en remettre aux fonctionnaires de l'Assemblée nationale. Je tiens tout d'abord à remercier ces fonctionnaires pour leur travail de très grande qualité, mais j'ajoute que c'est bien moi, en tant que président de la commission spéciale, qui décide in fine de la recevabilité des amendements – cela m'a d'ailleurs beaucoup occupé ce week-end. J'assume pleinement les décisions prises et je rappelle que l'objet de l'article 45 est d'éviter que l'examen d'un texte de loi n'aboutisse à le modifier totalement : il convient que les amendements aient un lien, direct ou indirect, avec les sujets abordés dans le texte. La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel est très claire sur ce point.

Pour éviter les procès d'intention, je précise que l'irrecevabilité a frappé des amendements de tous les groupes, à l'exception de celui de la Gauche démocrate et républicaine.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie d'avoir déjà consacré beaucoup de temps au projet de loi que je viens vous présenter, avec Mme Marlène Schiappa et tout le Gouvernement, au nom du Premier ministre.

Le sujet est extrêmement important : la République est attaquée et il est légitime qu'elle prenne des mesures pour se défendre. Elle est attaquée par le terrorisme, et les gouvernements précédents, quelle que soit leur couleur politique, ont donné des armes judiciaires et administratives pour intervenir. Elle est attaquée aussi par ce qui fait le terreau du terrorisme, ce que le Président de la République a appelé les « séparatismes ». Le plus dangereux, celui qu'il faut combattre aujourd'hui, c'est le séparatisme islamiste, mais il y en a d'autres, dont nous aurons sans doute à parler plus tard – comme nos prédécesseurs, nous faisons une loi pas seulement pour maintenant, mais aussi pour l'avenir.

De fait, ce projet de loi est présenté 115 ans, jour pour jour, après la loi de séparation des Églises et de l'État, qui a mis fin au Concordat. Il trouve son origine dans le discours prononcé par le Président de la République aux Mureaux. Un très grand travail de concertation avait déjà été engagé par mes prédécesseurs, Gérard Collomb et Christophe Castaner, que je tiens à saluer, et nous l'avons poursuivi. Vous y avez pris part, mesdames et messieurs les députés, en menant des auditions aussi longues que passionnantes.

Ce texte vise, non pas à modifier, mais à conforter les principes de la République, car nous sommes persuadés qu'ils constituent, et singulièrement la laïcité, le meilleur remède aux attaques contre celle-ci. Il s'agit de renforcer le principe de neutralité, composante essentielle de la laïcité – ainsi que le rappellent constamment la jurisprudence, le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel et le Parlement –, pour le service public et ceux qui y concourent, mais il n'est pas question de changer ce principe et de l'appliquer aux usagers du service public. Il s'agit également de renforcer le principe d'égalité, notamment entre les femmes et les hommes, mais aussi celui de liberté, parce que la liberté de conscience et la liberté de culte sont une composante de la laïcité et parce que les religions concourent à l'état d'apaisement d'une république.

Ce n'est pas une loi contre quoi que ce soit ; c'est une loi pour la République. À ce titre, elle prévoit un renforcement sans précédent de la police des cultes et de leur gestion ainsi que le renforcement de l'ordre public, déjà inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et sans lequel la liberté ne serait qu'un vain mot.

L'objet du projet de loi n'est pas de régler des questions relevant du dogme ou de l'action de telle ou telle église : la République ne reconnaît aucun culte. Elle peut certes discuter avec eux mais, depuis 1905, elle ne s'occupe d'aucun d'eux en particulier. Le propos est de lutter contre les séparatismes et surtout de nous défendre contre l'islamisme politique, qui veut englober l'islam, particulièrement en France. N'oublions pas que les premières victimes de l'islamisme à travers le monde sont les musulmans. Au passage, je tiens à saluer la signature d'une charte des principes de l'islam de France, qui est intervenue ce matin en présence du Président de la République. Je vous ai fait parvenir ce document dès sa signature.

Nous vous présentons donc un texte à la fois de liberté – d'association, de culte, de conscience – et d'autorité, assumée par le Gouvernement afin de faire respecter les principes de la République qui fondent la nation française et qui perdureront, espérons-le, pendant des siècles.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Je suis ravie d'être avec vous ce soir, pour commencer l'examen en commission spéciale du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Comme l'a rappelé Gérald Darmanin, nous l'avons présenté en conseil des ministres le 9 décembre, à l'occasion des 115 ans de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l'État. Il est le fruit de larges consultations, conduites par plusieurs ministères avec la société civile, les partis politiques, les représentants des cultes, les intellectuels et les associations philosophiques. Vous avez vous‑mêmes, mesdames, messieurs les députés, mené de nombreuses et fructueuses auditions.

L'objectif du texte est clair : défendre nos valeurs et la promesse républicaine de liberté et d'émancipation. Avant d'évoquer plus particulièrement les mesures relatives au droit des associations et à la dignité humaine, je tiens à rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui sont engagés dans la vie associative et qui font vivre au quotidien nos territoires et nos communes. Ce dynamisme et ces richesses, dans des domaines aussi variés que le sport, les loisirs, la culture ou les arts, sont un singularisme dont nous pouvons être fiers en France. Cet engagement est porteur de sens, parce qu'il s'inscrit dans le ciment républicain. C'est pourquoi nous avons voulu rappeler la souveraineté absolue des principes de la République sur tout autre système normatif.

Cela passe par la neutralité des services publics, mais aussi par un meilleur encadrement des activités associatives, afin d'empêcher qu'y prospèrent les discours et les pratiques contraires aux valeurs de la République – c'est l'objet des articles 6 et 7 du projet de loi. Nous ne voulons pas qu'un seul euro d'argent public aille aux ennemis de la République. Toute association sollicitant une subvention publique, sous quelque forme que ce soit, devra désormais signer un contrat d'engagement républicain, par lequel elle s'engage à respecter les valeurs de la République. Parce que ce contrat doit être le fruit d'une élaboration conjointe, avec le ministre de l'intérieur, nous avons décidé qu'il ferait l'objet d'un décret en Conseil d'État. Les consultations se poursuivent avec les associations, grâce à Sarah El Haïry, ainsi qu'avec les associations représentant les élus, par le biais de Jacqueline Gourault. Je remercie d'ores et déjà celles et ceux qui se sont engagés dans cette démarche.

Nous introduisons, avec ce contrat, un mécanisme de suspension ou de rétrocession de la subvention versée, qui suscite quelques inquiétudes. Mais je veux vous rassurer : notre objectif est d'éviter tout amalgame entre les associations qui participent de l'offre républicaine et celles, minoritaires, qui diffusent insidieusement des valeurs contraires aux principes républicains, comme nous avons pu le mesurer grâce aux travaux des cellules de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR).

Le respect des principes de la République, c'est aussi celui de la dignité humaine et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Les idéologies séparatistes attaquent en premier lieu les femmes en voulant décider à leur place ce qu'elles ont le droit de faire ou de ne pas faire. C'est pourquoi l'article 13 du projet de loi permet de mieux veiller à l'égalité de traitement entre les héritiers ; les articles 14 et 15 prévoient une réserve générale de polygamie pour la délivrance d'un document de séjour ; l'article 16 pose l'interdiction aux professionnels de santé d'établir des certificats de virginité ; l'article 17 renforce la lutte contre les mariages forcés.

Enfin, le Gouvernement a déposé des amendements pour renforcer le pilotage de la promotion et de la défense de la laïcité, y compris au sein de l'appareil d'État. Vos propres amendements nous donneront l'occasion d'aborder de nombreux autres sujets ; c'est là toute la richesse du travail parlementaire. L'objectif du projet de loi est bien de lutter contre toutes les formes de séparatisme qui gangrènent notre société et de conforter les principes de la République.

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Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports

Je suis très heureux d'être avec vous à un moment aussi important du processus législatif. Les volets relatifs à l'éducation, aux associations et au sport de ce projet de loi viennent conforter le respect des principes de la République. L'enjeu au cœur de ce texte est connu de tous : la lutte contre le séparatisme. Personne ne doute que c'est à l'école que les choses commencent. Les articles concernant l'éducation, la jeunesse et les sports sont complémentaires d'un travail législatif ancien et posent un jalon important dans un processus qui a commencé il y a plusieurs années. Ainsi, la loi Gatel permet de s'opposer avec efficacité à l'ouverture de certaines écoles privées hors contrat. Plusieurs dispositions de la loi pour une école de la confiance sont également utiles dans ce cadre, notamment l'interdiction du prosélytisme aux abords des établissements.

Ici, il s'agit de supprimer certains angles morts dans le domaine scolaire. Une disposition a beaucoup attiré l'attention, celle relative à l'instruction en famille. Elle représente, à mes yeux, une étape importante dans la définition du cadre de la liberté d'enseignement, qui, comme les autres, a besoin d'être définie. Mieux définir les libertés contribue à les renforcer. C'est pourquoi l'instruction en famille a besoin, d'une part, d'être définie et, d'autre part, que son cadre le soit également. Nous ne sommes pas restés sourds aux différentes objections qui nous ont été faites, notamment par les associations qui la défendent. Aussi plusieurs phases de discussion ont–elles été menées. Le dialogue avec le Conseil d'État nous a permis de trouver un premier point d'équilibre permettant de définir un régime d'exception au système déclaratif et d'autorisation que nous avons proposé. Évidemment, cela n'a pas mis un terme au dialogue en cours. Nous avons entendu plusieurs préoccupations, notamment sur la date de mise en œuvre de la loi et sur la question de la prise en compte du projet pédagogique au titre du quatrième motif d'accès à l'instruction en famille. Sur ces deux points, le texte est encore susceptible d'évoluer.

Mais nous ne devons pas perdre de vue l'esprit initial du texte, qui est celui du discours des Mureaux du Président de la République. Nous devons lutter contre un phénomène qui a pris beaucoup d'ampleur, même s'il reste difficile à mesurer : il y a des angles morts de la République dans certains territoires. Certains voient dans l'existence de structures clandestines une fatalité. Ce n'est pas le cas à nos yeux. Nous devons nous donner tous les outils pour les combattre. Dans les structures clandestines que nous avons démantelées avec le ministre de l'intérieur, plus de la moitié des élèves relevaient officiellement l'instruction en famille.

Par ailleurs, le dispositif dispense un message très simple, qui est d'actualité en pleine crise épidémique : l'école, c'est bon pour les enfants. J'entends trop de discours qui relativisent l'importance du rôle de l'école. Il y aura toujours des arguments pour rechercher plus d'exceptions, mais ne perdons pas de vue le but initial : l'intérêt supérieur de l'enfant. Si ce texte vise à défendre les valeurs de la République, il s'agit aussi de défendre les droits de l'enfant, ce qui explique que l'expression « intérêt supérieur de l'enfant » y apparaisse à plusieurs reprises. L'enfant n'appartient à personne. C'est son intérêt supérieur qui doit être regardé pour chacune des dispositions que nous prenons.

Vous avez tous à l'esprit les autres mesures du texte, notamment celle relative à la fermeture des écoles hors contrat qui ne répondent pas aux valeurs de la République. Le dialogue se poursuivra. Il est déjà bien engagé – je vous en remercie – et permet de façonner le texte dans un sens qui préserve toutes les libertés.

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éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, ministre de la justice

Je suis ravi et fier d'être ici pour vous présenter le projet de loi. Notre présence à quatre aujourd'hui, à cinq demain, signe et témoigne de notre volonté de traiter du sujet du séparatisme dans sa globalité : d'abord, par la transmission des valeurs républicaines à l'école ; ensuite, par la prévention des infractions à visée séparatiste ; enfin, par la sanction pénale. Je voudrais vous exposer très brièvement les dispositions portées au nom du ministère de la justice.

L'article 3, sur lequel nous avons travaillé avec Gérald Darmanin, concerne le fameux fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infraction terroriste, dit FIJAIT. Il nous semble nécessaire qu'y soient inclus les noms, non seulement des personnes ayant été condamnées pour des infractions en lien avec des activités terroristes, mais aussi de celles qui l'ont été pour apologie du terrorisme. Ce fichier est notamment utile lorsque les services de l'État souhaitent recruter une personne, pour qu'ils puissent vérifier que le loup n'entre pas dans la bergerie.

L'article 4 renforce la protection des personnes exerçant des missions de service public contre ceux qui, par des comportements violents ou menaçants, souhaitent porter atteinte aux valeurs de la République. Bien sûr, les menaces existent déjà dans le code pénal. Mais menacer un gardien de piscine municipale pour obtenir de lui des choses qui n'ont rien à voir avec les valeurs de la République, notamment l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est une infraction qui doit être spécifique et, partant, spécifiquement condamnée. Il faut savoir de quoi l'on parle et ce que l'on veut.

Concernant la haine en ligne, le ministère de la justice s'est directement inspiré de la malheureuse affaire du professeur Samuel Paty. Nous avons regardé comment il aurait été possible de judiciariser plus vite. Il y avait un trou dans la raquette, comme disent les sportifs – une expression que je déteste mais qui est très explicite. Toute une bulle mortifère s'est mise en place qui a abouti à l'assassinat du professeur. C'est cela que nous voulons judiciariser. Ce texte aura – nous le verrons dans nos débats, dont je ne doute pas un instant de la richesse – une véritable utilité.

Le but de cette nouvelle infraction est de sanctionner celui ou celle qui mettrait en danger une personne en diffusant des informations d'identification tenant à sa vie privée, quand bien même cette diffusion ne serait pas suivie de conséquences – c'est l'élément intentionnel qui nous a mobilisés. Je suis d'ailleurs favorable à l'amendement que Laetitia Avia défendra sur ce point : il importe de préciser qu'il s'agit d'un risque que « l'auteur ne pouvait ignorer ». Le parquet de Paris, entre autres, a indiqué que cela pourrait présenter des difficultés sur le terrain probatoire. Certes, mais la même réalité vaut pour toutes les infractions : c'est au ministère public de rapporter la preuve. C'est très bien ainsi et, de ce point de vue, rien ne doit changer.

L'article 19 traite de ce qu'il convient d'appeler les sites miroirs. Notre collègue Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, le défendra devant vous. La question comporte une dimension nationale, mais aussi internationale, particulièrement européenne.

Enfin, l'article 20 permet d'attraire, en comparution immédiate, devant la juridiction correctionnelle les haineux du quotidien qui se lovent dans la loi de 1881. Celle-ci a pour objet de protéger les journalistes et, d'une façon très large, la presse, certainement pas ceux qui utilisent les réseaux sociaux pour y répandre la haine. Après avoir consulté longuement les journalistes, les patrons de presse, les syndicats et les avocats spécialisés dans ce domaine, nous avons décidé de ne pas toucher à la loi de 1881, qui est totémique et consensuelle, mais de créer des dispositions dans le code de procédure pénale, tout en précisant que les journalistes ne pourraient en aucune façon être jugés sur leur fondement, car les responsables en cascade sont exclus du champ de l'article. Le Conseil d'État a confirmé que la rédaction proposée exonérait les journalistes et les patrons de presse.

Ce texte, mes collègues l'ont dit, est une loi de liberté, un mot qui, par les temps qui courent, tend à voir son sens complètement dévoyé. Ainsi l'obligation de port du masque deviendrait-elle « liberticide », comme d'autres mesures au gré desquelles l'on voit surgir tous azimuts des spécialistes de la question. Moi, j'affirme, et j'aurai l'honneur de vous le démontrer, que c'est une loi de liberté, et une loi importante. D'ailleurs, à chaque fois que l'on rappelle les valeurs de la République, on rappelle les valeurs de la liberté.

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C'est effectivement un texte de liberté, car il vise à protéger nos libertés publiques contre les dérives du repli communautaire, les dérives dites séparatistes. Il s'agit de protéger la liberté de conscience et la liberté de culte, et de conforter les principes qui organisent et structurent la République.

L'objet du texte est de lutter contre les dérives partout où elles se produisent. Ces phénomènes s'introduisent aussi bien par le biais des services publics, notamment locaux, que des associations, des établissements scolaires, de la haine en ligne ou encore de l'organisation des cultes. Nous souhaitons y apporter des réponses fermes, mais aussi équilibrées. Pour ce faire, nous nous sommes attachés à objectiver les choses. C'est tout le travail que nous avons fait depuis le 17 décembre, à travers une centaine d'auditions de grande qualité, menées aussi bien par la commission spéciale dans son ensemble que par les rapporteurs thématiques. Certains sujets très techniques ont nécessité d'entrer dans le détail – je pense aux immeubles de rapport ou encore à la déclaration de qualité cultuelle des associations, question centrale qui sera abordée au titre II. Chaque fois, nous avons analysé le droit existant pour voir dans quelle mesure le projet de loi le modifie : pour débattre raisonnablement de ces questions, il fallait commencer par les objectiver.

Nous avons aussi cherché à faire en sorte que la loi puisse être effectivement appliquée, ce qui supposait de veiller à ce que certains articles soient bien compris – vous avez souligné, monsieur le ministre de l'éducation nationale, les inquiétudes qui se sont fait jour concernant l'instruction en famille.

Tel est, mes chers collègues, l'état d'esprit des rapporteurs au moment où la commission spéciale entame son travail de discussion : à la fois tenir l'objectif de fermeté que poursuit le texte et chercher des points d'équilibre. Car notre conviction – largement partagée, me semble-t-il – est que la loi ne sera un outil efficace pour la puissance publique que si l'ensemble des acteurs concernés s'approprie ceux que nous créons à leur bénéfice, dont l'objectif, encore une fois, est de conforter les principes de la République.

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Il m'appartient de vous présenter succinctement les dispositions du chapitre Ier du projet de loi, qui concerne les services publics et comporte cinq articles.

L'article 1er poursuit deux objets : imposer aux délégataires de service public le respect des principes d'égalité, de neutralité et de laïcité qui prévalent dans l'administration en transposant les solutions dégagées par la jurisprudence, et renforcer l'effectivité de ces principes en garantissant aux personnes publiques des voies de droit leur permettant de s'assurer de leur respect. Les principales questions qui se poseront à la commission concerneront le champ précis d'application de ces principes.

L'article 2 a pour objet d'inclure dans le champ de la procédure dite du déféré accéléré les actes des collectivités territoriales qui portent gravement atteinte au principe de neutralité des services publics. Cette procédure permet au préfet d'obtenir du président du tribunal administratif, dans les quarante-huit heures suivant la saisine, une décision de suspension de l'acte déféré. La rédaction de cet article, qui a très largement tenu compte de l'avis du Conseil d'État, apparaît désormais équilibrée.

L'article 3, relatif au FIJAIT, prévoit, d'une part, d'inscrire de plein droit dans ce fichier les condamnations pour infractions terroristes, sauf décision contraire et motivée, et, d'autre part, d'élargir les inscriptions aux infractions de provocation au terrorisme et d'apologie du terrorisme, tout en faisant bénéficier ces inscriptions élargies d'un régime plus doux que celui qui est réservé aux condamnations pour les infractions matérielles de terrorisme. Je déposerai deux amendements : le premier pour aligner les décisions d'irresponsabilité pénale sur le régime général des décisions de condamnation ; le second pour imposer aux auteurs de provocation au terrorisme ou d'apologie du terrorisme les obligations déclaratives de domicile et de voyage pendant cinq ou trois ans, selon qu'ils sont majeurs ou mineurs.

L'article 4 crée un nouveau délit consistant à user de menaces ou intimidations contre les agents qui concourent au service public afin d'obtenir, pour soi-même ou pour autrui, une exemption ou une application différenciée des règles du service public. Je proposerai deux amendements. Le premier consiste à exclure de l'article 433-3 du code pénal les faits qui sont couverts par ce nouveau délit. Le second a pour objet d'autoriser l'administration ou son délégataire à porter plainte en cas de commission de ce délit à l'encontre de l'un de ses agents. Je crois beaucoup à cette mesure, qui me semble être un bon signal.

L'article 5 élargit le champ de la protection fonctionnelle des agents publics : les violences physiques et les menaces s'ajoutent à la liste des atteintes personnelles pouvant être signalées à l'employeur. Je propose deux amendements : le premier pour étendre le champ de la procédure de signalement à tout acte d'intimidation, par cohérence avec l'article 4 ; le second pour consacrer l'engagement de mesures d'urgence dans les cas les plus graves, même en l'absence de demande formelle de l'agent.

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Le chapitre II du titre Ier comprend les dispositions relatives aux associations, piliers de notre pacte républicain, ainsi que l'a rappelé le Président de la République dans son discours des Mureaux. J'ajoute qu'elles participent à rendre concrète la promesse républicaine en encourageant l'émancipation, en protégeant les plus fragiles et en faisant vivre les valeurs et principes qui font de nous ce que nous sommes. Force est toutefois de constater que certaines associations déploient des stratégies assumées d'endoctrinement ou sont la cible des séparatismes. Les associations doivent unir la nation et non la fracturer. Dans leur grande majorité, elles s'attachent à respecter la République et ses principes, et, en retour, méritent notre respect. C'est protéger les associations et leur statut si particulier que de garantir leur liberté.

Les articles 6 à 8 visent à garantir le respect des principes républicains par les associations, ainsi qu'à offrir les moyens à la puissance publique de stopper les agissements d'une association qui menacerait gravement l'ordre public et nuirait au vivre ensemble. Pour ce faire, le texte crée un contrat d'engagement républicain, que s'engagerait à respecter toute association demandant une subvention publique ou en bénéficiant. L'objectif est simple : pas 1 euro d'argent public ne doit contribuer au financement d'une association qui ne respecterait pas les grands principes de la République. Le respect de ce contrat serait également une nouvelle condition pour l'obtention d'un agrément. L'article 8 vise, quant à lui, à compléter le régime permettant de dissoudre des associations, dans le but de permettre une plus grande effectivité de l'action publique. Ces mesures forment un ensemble cohérent. Elles sont de nature à éviter qu'une association ne dévoie son rôle civique et citoyen par des agissements qui porteraient atteinte aux principes qui nous rassemblent.

Les articles 9 à 12 constituent un second bloc, relatif au financement des associations et, plus généralement, des organismes sans but lucratif. Ils reposent sur l'idée selon laquelle l'argent public ne doit pas permettre de financer des activités séparatistes ou contraires aux principes de la République. Le texte prévoit le renforcement des contrôles sur les fonds de dotation et sur les organismes bénéficiaires de dons ouvrant droit à une réduction d'impôt. Il prévoit, en outre, la suspension des avantages fiscaux accordés aux organismes condamnés définitivement pour des infractions faisant peser une menace grave sur la société.

Pour ma part, je m'attacherai principalement à renforcer l'efficacité du contrat d'engagement républicain, à garantir la cohérence de l'action publique face à des associations qui s'inscrivent en rupture avec nos principes et à valoriser celles qui font vivre la République. Il ne s'agit en aucune façon d'exprimer de la défiance vis-à-vis des associations, que je salue pour leur participation à la concrétisation de la promesse républicaine, mais bien de combattre les individus qui utilisent ce bel outil démocratique à des fins séparatistes et de protéger les associations contre de tels agissements.

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Les articles 13 à 17, dont je suis la rapporteure, sont relatifs à l'application de la réserve héréditaire pour protéger les droits des héritiers, au renforcement de la lutte contre la polygamie dans le cadre de la délivrance des titres de séjour et du versement des pensions de réversion, à l'interdiction des certificats de virginité, ainsi qu'au renforcement de la lutte contre les mariages forcés et frauduleux. L'ensemble de ces articles relève d'un même chapitre intitulé « Dispositions relatives à la dignité de la personne humaine ». Pour ma part, je considère plus cohérent avec le contenu des articles de faire référence au respect des droits des personnes et à l'égalité entre les hommes et les femmes ; j'ai déposé un amendement en ce sens.

Par ailleurs, s'agissant des dispositions relatives à la lutte contre la polygamie, il m'apparaît essentiel qu'un accompagnement soit prévu pour les conjointes des ressortissants en état de polygamie, dès lors que leur titre de séjour leur est retiré automatiquement en même temps que celui de leur conjoint. L'épouse subit la violence de la polygamie. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à ce que la situation du conjoint d'un étranger dont le titre de séjour est retiré pour polygamie fasse l'objet d'un examen individuel. Les associations devront se mobiliser pour accompagner ces femmes, souvent victimes collatérales, de même que celles qui se verront retirer leur pension de réversion. En outre, il apparaît indispensable de renégocier l'ensemble des conventions internationales qui autorisent le partage de la pension de réversion entre toutes les épouses.

Pour ce qui concerne l'interdiction des certificats de virginité, je suis très favorable à ce que l'entourage de la jeune femme qui la pousse à demander un tel certificat fasse également l'objet de poursuites pénales. Nous travaillons avec les ministres concernés à la rédaction d'un amendement en ce sens.

Enfin, pour lutter efficacement contre les mariages frauduleux et forcés, il est impératif de doter les officiers d'état civil d'outils communs – trame pour conduire l'entretien en couple, puis individuellement –, afin de leur permettre de détecter des signes de non-consentement d'une des personnes concernées.

Nous souhaitons aborder ces discussions dans un esprit positif et constructif.

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Assurer le respect des principes de la République est un combat qui doit être mené en tout lieu, y compris dans l'espace numérique. Tel est l'objet du chapitre IV de ce projet de loi. Il ressort de nos auditions que tous nos interlocuteurs – représentants des cultes et des courants philosophiques, sociologues, historiens, associations d'élus – s'accordent sur le besoin de réguler internet et de lutter contre les dérives sur les réseaux sociaux.

La lutte doit viser l'exacerbation des discours de haine à laquelle peuvent se livrer des personnes cachées derrière un écran et des pseudonymes, donnant des coups de canif quotidiens à notre pacte républicain ; la facilité qu'internet procure à ceux qui, dans le but de nuire à autrui, lancent, en toute impunité, de véritables fatwas numériques – nous avons une pensée très forte pour Samuel Paty et ses proches ; internet comme lieu de radicalisation de la jeunesse, particulièrement vulnérable aux stratégies d'endoctrinement et d'embrigadement numériques. Nous devons agir en sanctionnant les pourvoyeurs de haine et en régulant les plateformes numériques, pour protéger chacun et chacune dans l'espace numérique.

Le texte proposé par le Gouvernement comporte trois dispositifs. Le premier crée un délit de mise en danger de la vie d'autrui par la divulgation d'informations personnelles sur internet. Il signifie que l'on ne peut pas mettre une cible impunément dans le dos de quelqu'un. Ce délit apportera une réponse au calvaire que vivent de nombreuses jeunes filles et des jeunes LGBT – lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres –, régulièrement victimes de ces pratiques. Il nous faudra préciser les éléments de caractérisation de ce délit ; nous ferons une proposition en ce sens.

Le deuxième dispositif vise à mieux lutter contre les sites miroirs répliquant les sites interdits par la justice. Ces sites extrémistes sont souvent tenus par des racistes antisémites homophobes et suprémacistes blancs, dont je tairai le nom.

L'objet du troisième dispositif est de contrer l'impunité que procure le temps numérique, auquel les procédures doivent être adaptées par leur rapidité. Je salue la proposition de faire passer en comparution immédiate les pourvoyeurs de haine, qui ne relèvent aucunement des protections dues à la presse.

Pour que ces dispositifs soient complets, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la régulation des plateformes, qui sont les principaux outils des dérives. Avec le Gouvernement, nous avons déposé un amendement visant à soumettre les plateformes à des obligations de diligence et de transparence, sous la supervision du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). L'actualité récente nous le rappelle, les plateformes ne peuvent plus détourner le regard et doivent être encadrées par des lois. C'est ce que nous vous proposons ici, sous l'impulsion de la Commission européenne.

Nous ne serons peut-être pas d'accord sur tous les moyens à mettre en œuvre, mais j'espère que nous partagerons tous le sentiment de l'urgence et de la nécessité d'agir. Nous le devons à Samuel Paty, à Mila, à Miss Provence et à tant d'autres victimes quotidiennes de cette haine.

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J'ai l'honneur d'être rapporteure des articles relatifs à l'éducation et au sport. La vingtaine d'auditions que j'ai menées a démontré l'importance de ces sujets pour de nombreux Français. La présence de ces dispositions dans le projet de loi a tout son sens compte tenu de leur étroite relation avec la transmission des principes de la République.

L'article 21 du projet de loi a pour objet d'encadrer l'instruction en famille, pour la prémunir contre certaines dérives qui ont pu être observées. Il s'agit, en la dotant d'un cadre précis, de garantir qu'elle s'exerce dans des conditions permettant la qualité de l'instruction de l'enfant, mais surtout le respect de son intérêt supérieur, qui doit primer en toute circonstance. Les articles 22 et 23 renforcent le contrôle des établissements d'enseignement privé hors contrat, notamment s'agissant de leur financement et de leurs personnels, pour veiller à la sécurité des élèves et à la qualité de l'enseignement qui leur est dispensé. L'article 24 conditionne la passation du contrat avec l'État à une vérification plus approfondie de la capacité de l'établissement privé à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l'enseignement public. Enfin, l'article 25 modifie le cadre d'exercice des associations sportives et des fédérations pour garantir le plein respect et la promotion de l'éthique du sport.

S'agissant de l'instruction en famille, je défendrai plusieurs amendements tendant à faire de l'intérêt supérieur de l'enfant le motif primant sur tous les autres et à supprimer la mention des convictions religieuses, philosophiques ou politiques des parents ; à préciser les cas dans lesquels l'autorisation pourra être délivrée pour une durée supérieure à un an ; à indiquer de manière claire que le silence de l'administration vaut accord à l'issue d'un délai de deux mois ; à inscrire plusieurs précisions visant à garantir le caractère opérationnel du dispositif. Je proposerai également plusieurs mesures pour lutter contre la déscolarisation et l'évitement scolaire, qui affectent en particulier les enfants instruits en famille et en établissements hors contrat. Ceux-là peuvent sortir du radar de l'État et sont parfois dans des situations préoccupantes. Je forme le vœu que nous parvenions à un dispositif véritablement équilibré, de nature à assurer la pleine prise en compte des droits de l'enfant, qui doivent être notre boussole.

S'agissant du sport, nous pourrons également enrichir le texte pour donner aux associations et aux fédérations sportives la place qu'elles souhaitent prendre, et que certaines assument déjà, en matière de promotion des principes républicains et de protection des sportifs, dont de nombreux mineurs.

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La laïcité, c'est d'abord la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer un culte ou pas. On la trouve dans cette phrase de Condorcet : « Nous ne demandons pas que les hommes pensent comme nous ; mais nous désirons qu'ils apprennent à penser d'après eux-mêmes ». Elle est l'esprit de la loi de 1905, un esprit libéral qui a guidé les travaux d'Aristide Briand et selon lequel tout ce qui n'est pas interdit est par principe autorisé, et ce qui est interdit l'est dans un but d'intérêt général : la sauvegarde de l'ordre public.

La laïcité est également de nature contractuelle, et certaines dispositions du projet de loi, comme celle créant le contrat d'engagement républicain, le rappellent. J'emprunterai donc au lexique du droit des contrats pour présenter les dispositions relatives à la police des cultes. Il y a tout d'abord les « clauses noires », celles qui ont pour objet de lutter contre le terrorisme. Ce texte n'en comporte pas directement puisque ces dispositions relèvent soit de la loi de 1955 relative à l'état d'urgence, soit de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, que nous avons adoptée au début du quinquennat.

Viennent ensuite les « clauses blanches », les plus libérales, instituant toutefois un régime déclaratoire, avec des obligations administratives ou comptables nouvelles pour les associations : certification des comptes, obligation de tenir des comptes séparés pour les financements provenant de l'étranger, établissement d'une liste des lieux de culte. Des moyens sont donnés à l'administration en cas d'infraction, ainsi que le droit de s'opposer à des financements étrangers. Le but recherché est celui de la transparence.

Les « clauses grises », c'est la principale novation de ce texte, visent à moderniser les dispositions de la loi de 1905 devenues obsolètes, dans le but de tenir les prêcheurs de haine éloignés des lieux de culte et des associations qui en ont la charge, et pour prescrire des sanctions efficaces et proportionnées.

En conservant l'essentiel de cette construction, et à la lumière des auditions que nous avons conduites, je souhaite que nous discutions de la possibilité d'élargir le contrôle des financements étrangers aux associations relevant de la loi de 1901 lorsque ces financements proviennent d'États tiers à l'Union européenne. Je proposerai l'alignement des peines prévues au titre de la police des cultes en cas d'incitation à la haine ou à la violence sur celles de la loi de 1881 sur la liberté de la presse : il y va de la clarté de la réponse pénale, comme l'indique le Conseil d'État dans son avis.

Je proposerai également le prononcé plus systématique de la peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les lieux de culte, lorsque ces infractions ont été commises en lien avec les cultes.

Il conviendrait de fixer à trois mois la durée maximale de la fermeture des lieux de culte introduite par l'article 44 du projet de loi ; elle serait non renouvelable, sauf en cas d'éléments nouveaux.

Enfin, il serait nécessaire de préciser le régime d'opposition dans le but de protéger les collaborateurs des banques qui auront à l'exercer, d'exonérer les établissements de leur responsabilité puisqu'ils agiront sur ordre de l'administration, et de garantir l'effectivité du droit nouveau en appliquant le blocage aux paiements par chèque et par carte bancaire.

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Cette commission a réussi, dans un laps de temps contraint, à recueillir, pendant des dizaines d'heures d'audition, les avis d'un spectre très large d'acteurs et de personnalités, qui ont beaucoup éclairé les législateurs que nous sommes. Dans la diversité de leurs opinions et de leurs propositions, nul n'a remis en cause la nécessité de légiférer pour conforter les principes de la République. Ce texte répond à une attente dans le pays. Malgré le contexte sanitaire qui obsède, à juste titre, nos concitoyens, tout montre qu'ils sont très inquiets face au terrorisme islamiste et aux menaces de dislocation de notre communauté nationale.

Nous sommes moins de quatre mois après que le Président de la République a, aux Mureaux, fixé le cap face à l'une des principales menaces pesant sur la paix civile, qui opprime et qui tue en France, en Europe et dans le monde. Quelques jours plus tard, le terrorisme décapitait Samuel Paty pour avoir simplement fait son devoir d'éducateur à la liberté de conscience. Les parties civiles du procès Charlie Hebdo ont fait l'objet de menaces de mort. Nice a de nouveau été durement touchée. Vienne, la capitale de l'Autriche, a été frappée. Régulièrement, des États musulmans d'Afrique et d'Asie centrale subissent des massacres de masse perpétrés par les islamistes. Plus insidieusement, combien d'enseignants, d'élus, de policiers, de gendarmes, de pompiers, de médecins, de femmes ont la boule au ventre, se demandant s'ils ne vont pas devoir s'excuser de vivre en République sous l'égide du principe de laïcité, qui est la quintessence de la liberté ?

Ne perdons jamais de vue qu'à travers la complexité et l'extrême sensibilité des sujets qu'il traite, ce texte est fait pour armer démocratiquement, légalement tous ceux qui auront à mettre en œuvre ses dispositions ; sa réussite dépendra de son exécution volontaire. Il permettra à tous les acteurs des services publics et à ceux qui y concourent de mieux faire vivre le principe fondateur de notre République : le respect de la laïcité, de l'égalité et de la neutralité de l'État. À travers le contrat d'engagement républicain, il fournira l'occasion aux élus, aux associations, aux administrations publiques de construire ensemble la laïcité du quotidien et d'exprimer clairement ce que sont nos règles de vie commune dans une société démocratique, et l'égalité – pour reprendre la belle expression de la Convention européenne des droits de l'homme de 1953. Il s'attaque très volontairement au déferlement de haine et de harcèlement en ligne, ainsi qu'au e-djihad. Il fait honneur à notre statut de patrie des droits de l'homme en réprimant les phénomènes d'emprise et les pratiques attentatoires à l'intégrité et à la dignité de la personne. Il donne des moyens nouveaux aux cultes et à la justice pour combattre l'emprise du séparatisme sur des associations cultuelles et culturelles. Il remet l'école au cœur du village, pour tous les enfants, dans le respect des libertés fondamentales des familles, mais en agissant contre les zones d'ombre des écoles hors contrat et contre la déscolarisation d'enfants à des fins séparatistes, qui porte atteinte à leur intérêt supérieur.

Nous allons enrichir ce projet de loi – c'est notre rôle de législateur. Je pense en particulier à la nécessité de renforcer la protection et l'accompagnement des agents publics, en premier lieu des personnels de l'éducation, dans l'exercice de leurs missions, ainsi qu'à l'impérieuse nécessité de mettre en œuvre un vaste programme de formation de tous les agents publics et de tous les acteurs associatifs aux principes républicains et à la laïcité. Si l'adhésion à la République et à la laïcité a perdu du terrain face à ceux qui se sont promis de disloquer la société française, c'est bien entendu parce que grandit le sentiment d'impuissance à s'attaquer à la racine des multiples inégalités et discriminations qui minent l'avenir de millions de nos concitoyens et rongent des territoires entiers – et sans doute aurons-nous besoin de charpenter plus solidement les politiques de citoyenneté, de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, de prévention de la radicalisation, de lutte contre les ghettos et pour l'engagement citoyen et l'intégration. Mais c'est aussi parce qu'au fil du temps, nous avons cessé de faire de l'adhésion à une communauté de destin et du respect de ces principes un sujet cardinal de mobilisation populaire, que notre socle s'est fragilisé. Face à des offensives identitaires très structurées idéologiquement et politiquement, la République doit retrouver des appuis solides. Faisons-en sorte que ce texte y contribue !

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Presque toutes les personnes que nous avons auditionnées ont souligné l'urgence dans laquelle se trouve notre pays, confronté à un danger majeur. Si nous en avons connu d'autres dans notre histoire, celui-ci est d'une nature particulièrement grave, tant l'islamisme radical s'est enraciné au point de menacer les principes mêmes de notre République.

Ces principes, le présent projet de loi affirme vouloir les conforter. Le groupe Les Républicains partage cette volonté et entend apporter sa contribution. Je voudrais à ce sujet rappeler qu'à l'Assemblée, il n'y a pas de débat interdit. Nous entendons bien introduire dans la discussion parlementaire des sujets comme le port du voile, dont la propagation exponentielle vise à imposer une autre norme sociale, que l'immense majorité des femmes de notre pays refuse, ou la question migratoire – vous n'en voulez pas, alors que nul ne peut raisonnablement nier qu'elle a un lien étroit avec la propagation de cette idéologie. Nous reviendrons donc sur ces questions. Nous sommes particulièrement choqués par l'usage, que nous jugeons politique, de l'article 45 de la Constitution : je rappelle qu'en sa rédaction actuelle, adoptée en 2008 à l'initiative du Président Nicolas Sarkozy, un amendement est recevable dès lors qu'il présente un lien « même indirect » avec le texte examiné.

Pour nous, ce texte ne va pas assez loin. Les propositions utiles, nous les approuverons ; celles que nous jugeons trop faibles, nous les amenderons. Quant à celle que nous jugeons mauvaises, nous les combattrons – car contrairement à ce que certains membres du Gouvernement ont pu déclarer récemment, c'est là l'essence de la fonction parlementaire.

Je laisse Éric Diard compléter cette prise de parole au nom du groupe Les Républicains.

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Ce projet de loi se sera fait attendre ! Voilà longtemps que divers groupes cherchent à faire vaciller de l'intérieur notre République ; à chaque fois, on a apporté une réponse au coup par coup, en réaction à l'actualité. Pourtant, dès le début du mandat, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme avait fourni l'occasion de prendre le problème de la radicalisation à bras-le-corps. Il y a un an, en janvier 2020, fut déposée la proposition de loi relative à la sécurité globale, que nous avons adoptée en première lecture il y a deux mois : cela aurait pu être, là encore, l'occasion d'intégrer des dispositions relatives à la lutte contre la radicalisation, mais on nous a répondu que ce n'était pas le sujet du texte étudié, alors que la radicalisation est l'un des ferments du terrorisme. Si, en février 2020, dans son discours de Mulhouse, le Président de la République a souligné la nécessité de protéger la liberté contre le séparatisme islamiste, il a fallu attendre le discours des Mureaux, en octobre dernier, pour savoir quand nous pourrions discuter de ce texte.

Et alors que nous en commençons enfin l'examen, voilà que nous assistons à une série de renoncements. Les articles concernant la mixité sociale ont été supprimés de l'avant-projet. Rien n'est prévu pour reprendre en main les territoires oubliés de la République, contrairement à ce que le Président de la République avait annoncé dans son discours des Mureaux. Le Gouvernement a également renoncé à l'idée d'obliger les associations gérant un lieu de culte à s'inscrire dans le régime spécifique de la loi de 1905. Le rapporteur général a même affirmé en audition, vendredi dernier, que ce texte ne traitait pas de la radicalisation – comment traiter du séparatisme si l'on occulte la radicalisation ? Enfin, certains services publics ne font l'objet d'aucun article ; je pense notamment aux hôpitaux, aux universités et aux prisons.

En outre, monsieur le président, vous avez fait une lecture restrictive de l'article 45 de la Constitution. Je n'en prendrai qu'un exemple : le développement d'enquêtes administratives dans certains secteurs publics a systématiquement été rejeté, même lorsqu'elles concernaient l'éducation, alors que celle-ci fait l'objet d'un chapitre entier du projet de loi et que de telles enquêtes ont été préconisées tant par le rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation que j'ai rédigé avec mon collègue Éric Poulliat que par la commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris le jeudi 3 octobre 2019, dont le rapporteur général du présent projet de loi était le rapporteur.

Je pense qu'il convient que nous profitions de ces débats pour enrichir le texte afin de le rendre pleinement efficace contre les menaces qui pèsent sur notre République. Pour répondre aux levées de boucliers de ceux qui protestent contre les restrictions de nos libertés, je dirai qu'il faut garder à l'esprit qu'il y a dans ce pays des personnes qui usent de nos libertés pour nous en priver.

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Le titre même du texte dont nous commençons aujourd'hui l'examen – projet de loi renforçant le respect des principes de la République – indique l'étendue de ce que nous avons à reconquérir. Notre réussite ne dépendra pas uniquement de ce texte.

Dire qu'il faut respecter des principes, c'est reconnaître implicitement leur affaiblissement ; c'est aussi rappeler que la République, comme la démocratie, doit avoir constamment le souci de sa propre pédagogie, pour convaincre plutôt que contraindre, provoquer l'adhésion plutôt que forcer. Cette recherche du plébiscite de tous les jours est un défi permanent pour un régime politique qui place au plus haut de ses ambitions la liberté et l'égalité de tous ses concitoyens, et qui ne tient que parce qu'il se donne les moyens d'accéder à cet idéal. Si l'on n'a pas conscience de la fragilité de l'édifice démocratique et républicain, on ne peut mesurer les menaces qui le guettent. Il faut pourtant avoir conscience que la démocratie est une exception dans la longue histoire des hommes.

Parmi ses principes, il en est un qui est, à notre sens, au-dessus des autres. Il s'agit de la séparation du temporel et du spirituel, résumée dans cette simple phrase : « La loi protège la foi et l'absence de foi […] et la foi ne fait pas la loi ». Or ce principe est depuis trop longtemps attaqué par ceux qui n'ont d'autre but que d'imposer leur loi à une société démocratique. Ces menaces, nous les connaissons : il s'agit de la radicalité religieuse, en particulier de l'intégrisme, du communautarisme qui en découle et qui conduit à s'affranchir progressivement de toutes les règles de la vie en société, du rejet des lois républicaines, de l'affaiblissement de l'école et de la liberté associative, le tout amplifié par la caisse de résonance offerte par les réseaux sociaux.

Notre pays ne connaît que trop ces déchirements et la République doit rester ferme sur ses principes. C'est déjà ce qu'affirmait en 2003 la commission Stasi au sujet de la laïcité. Rester ferme, ce n'est pas se laisser convaincre par ceux qui affirment que la laïcité serait discriminante, un outil du pouvoir pour limiter la volonté ou la liberté, voire une arme tournée contre une partie de la population ; elle est tout le contraire. Il y a une réponse ferme à apporter.

Si ce projet de loi y contribue par de nombreuses mesures que nous aurons largement le temps de discuter, il existe un autre type de réponse, tout aussi essentiel, qui est de tenir la promesse républicaine d'offrir à chacun les moyens de son propre avenir. Je souhaite que, tout au long de nos débats, nous ne perdions pas de vue cette double obligation : donner les moyens à la République de se défendre et permettre à tous d'accomplir cet idéal. Cela passera notamment par l'accompagnement des élus locaux et des collectivités territoriales, qui sont confrontés très directement et quotidiennement aux pratiques séparatistes, et qui se trouvent souvent démunis pour lutter contre elles. De même, nous devons veiller au renforcement des principes contenus dans la loi du 9 décembre 1905 relatifs au fonctionnement des associations cultuelles et des lieux de culte. Nous devons aussi étendre le principe de neutralité, qui, en de multiples endroits, est mis à mal.

Il nous faudra progresser sur plusieurs points. Il convient d'abord d'affirmer l'obligation pour l'administration de porter plainte lorsqu'elle a connaissance de menaces ou d'actes de violence ou d'intimidation envers l'un de ses agents, ainsi que l'obligation pour les associations bénéficiant d'une subvention publique de s'engager à promouvoir les principes énoncés dans le contrat d'engagement républicain et l'obligation pour l'intégralité de leurs membres, qu'ils soient bénévoles ou non, de respecter le principe de neutralité lorsque leurs activités s'adressent à des mineurs. S'agissant plus spécifiquement de l'instruction en famille, nous proposons un régime d'autorisation adossé à une déclaration préalable, ce qui aurait l'avantage de protéger cette liberté tout en renforçant le suivi des enfants, garantissant ainsi la qualité de l'enseignement. Enfin, afin de lutter plus efficacement contre la haine en ligne, nous proposons la réécriture de l'article 18, afin de préciser les catégories juridiques visées et d'élargir le dispositif aux mineurs, premières victimes des campagnes de harcèlement sur internet, ainsi que le blocage des sites dits miroirs qui relaient des contenus haineux ou font l'apologie du terrorisme.

En conclusion, le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés a la ferme intention de rappeler que nous devons œuvrer collectivement afin de trouver les voies et les moyens de la concorde nationale, et qu'il convient pour cela de réaffirmer que la loi est la même pour tous. Nous devons faire en sorte de porter au plus haut la liberté, la conscience et la responsabilité de chacun d'entre nous.

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Je ferai trois observations au nom du groupe Socialistes et apparentés.

Une observation de forme, pour commencer : bien que ce texte touche à nos libertés fondamentales et aux droits garantis par la Constitution, son étude d'impact est très sommaire, ce qui complique considérablement l'analyse objective que nous devons faire de ses dispositions – le Conseil d'État l'a d'ailleurs noté. Et ce n'est pas le court exposé des motifs qui pourra éclairer le législateur. L'impression de précipitation est encore accrue par le choix de la procédure accélérée et du temps législatif programmé pour l'examen en séance publique. Plusieurs années ont été nécessaires à nos prédécesseurs pour construire les œuvres législatives que nous sommes appelés à revisiter. Ce projet de loi exige une grande attention et une grande prudence, afin de trouver les bons équilibres ; nous ne sommes pas convaincus que ce soit le cas, en particulier s'agissant de la liberté d'association et de la liberté de culte.

Une remarque de fond, ensuite : l'effroyable assassinat de Samuel Paty n'est pas, hélas ! le premier crime commis en France au nom du fondamentalisme islamiste. Celui-ci n'est pas la religion musulmane. Il s'inscrit dans un engrenage de barbarie, que nous combattons, notamment par le rappel constant que ces actes d'une violence insoutenable ne devront pas, ne pourront pas avoir raison de nos modes de vie et de nos libertés, qu'au contraire ils confortent. Ainsi, le respect des principes de la République ne se négocie pas ; il ne peut faire l'objet d'un contrat, au surplus limité dans le texte aux associations sollicitant une subvention publique. Respecter les principes de la République – puisque telle est l'ambition du texte –, c'est d'abord faire vivre une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, qui lutte contre les discriminations, organise la mixité sociale à l'école ainsi que dans l'habitat, et assure l'égal accès de tous aux soins et à la culture. Rien n'est dit, à ce sujet, dans le texte.

Troisième remarque, notre groupe soutiendra certaines dispositions du texte, mais nous avons de sérieux doutes, de façon générale, sur son efficacité et son utilité. Fallait-il modifier les lois du 1er juillet 1901, du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907 ? Fallait-il y ajouter des incriminations pénales ? Peut-être. Dès lors, il s'agit de s'interroger, plutôt que sur le renforcement de l'arsenal pénal, sur l'efficacité de la sanction des infractions visées. Comment faire en sorte que le dépôt d'une plainte assure à la victime d'être rapidement protégée des violences ou des menaces qu'elle dénonce ? Dans son avis, le Conseil d'État préconise la prudence, ayant constaté que les libertés d'expression, d'opinion et de culte sont convoquées, et que les multiples contraintes nouvelles sont de nature à remettre en question l'équilibre législatif en la matière. Tel est notamment le cas de l'article 6, relatif au contrat d'engagement républicain, ainsi que des articles 27 et 33. Nous ne soutiendrons pas des contraintes inutiles, dès lors qu'elles sont sans effet sur l'idéologie mortifère que nous combattons et constituent finalement une intrusion dans une sphère de liberté.

Enfin, le texte est dépourvu de dispositions positives en miroir des dispositions de contrôle, lesquelles finissent par faire naître le soupçon et l'inquiétude. Trop d'amendements visant à corriger le texte en ce sens ont été rejetés, sur la base de l'article 45 de la Constitution. Nous pensons notamment à la formation à la citoyenneté, à la déradicalisation dans les prisons, à la mixité sociale dans l'habitat et à l'école. Notre demande d'un rapport à ce sujet a également été rejetée. Ce dont la République a le plus besoin, c'est d'une politique généreuse et constante pour faire vivre ses valeurs. C'est à l'aune de ces exigences que nous débattrons du texte.

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M. le Garde des Sceaux a fait remarquer le nombre élevé de ministres présents aujourd'hui pour signifier l'importance du texte. Les membres du groupe Agir ensemble partagent ce sentiment. Il s'inscrit comme tel dans la législature, à la suite de plusieurs autres relatifs à l'éducation, à la rénovation urbaine, à la réforme de la justice et de la police, et précédemment à un volet législatif relatif à la mixité sociale. Surtout, ce texte est important car il traite de la cohésion de notre pays et de notre avenir collectif, sous l'angle d'un sujet éminemment sensible : le risque séparatiste, c'est-à-dire le danger qu'une partie de la communauté nationale fasse sécession pour embrasser un destin alternatif.

Ce sujet est périlleux et appelle, à ce titre, un débat digne et responsable. Il est grave aussi ; le déni et l'inertie ne rendraient pas service au pays, et l'exagération répressive remettrait en cause la démocratie libérale et sociale, à laquelle chacun ici est attachée, comme l'est l'État de droit. Il y va de la liberté de nos compatriotes, quelle que soit leur religion, à qui nous avons le devoir de garantir l'application des principes républicains. Il fallait trouver des solutions fermes et procéder avec discernement – être fermement raisonnable, en somme. Nous avons le sentiment que ce texte, qui n'a pas de précédent, est audacieux, équilibré et proportionné, sans perdre de vue ce qui est en jeu : la cohésion de la société et la protection des libertés fondamentales de nos compatriotes, que seul le principe de laïcité peut garantir.

Les dispositions relatives à la neutralité du service public et celles visant à lutter contre les dérives des organismes de droit privé chargés d'une mission de service public nous semblent de bon aloi et pleines de discernement. L'encadrement des activités associatives, par le contrôle de l'accès aux dotations publiques et le contrat d'engagement républicain, est nécessaire, comme le sont les dispositions relatives à la dignité de la personne humaine. En matière d'éducation, les propositions suggèrent une réflexion sérieuse, pleine de bon sens et bien avancée. Au lendemain du drame que nous avons vécu, combattre la haine en ligne nous apparaît tout à fait pertinent et souhaitable, compte tenu du déferlement de haine dont les réseaux numériques, cette vie tristement virtuelle, accablent notre société. Enfin, le financement des associations à objet cultuel et la police des cultes font l'objet de dispositions que nous considérons également comme importantes et louables.

Globalement, le groupe Agir ensemble est très favorable au projet de loi. Sur plusieurs points, nous présenterons des amendements, les uns pour le rendre un peu plus répressif et dissuasif, les autres pour lui donner un caractère un peu plus préventif – des dispositions relatives à la formation renforcées nous semblent particulièrement indispensables à la cohésion nationale. Chacun de nos membres conservera la liberté de se déterminer sur des points susceptibles de faire débat à la marge, selon ses convictions profondes. En tant que porte-parole, Pierre-Yves Bournazel et moi-même nous attacherons à contribuer à la dignité de ce débat majeur pour le pays, au cours duquel nous serons probablement attentivement regardés et écoutés, et sans aucun doute évalués collectivement.

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Nous soutenons globalement les objectifs du projet de loi, même si l'examen des amendements nous offrira plusieurs occasions d'interroger l'opérationnalité et l'efficacité des dispositions envisagées.

Dans son discours prononcé aux Mureaux, le Président de la République a dressé un diagnostic lucide de ce qui a favorisé la propagation de menées séparatistes – mot qui a disparu du texte – dans notre pays. Elles ont pour litière les échecs de la République en matière d'éducation, d'intégration et d'accompagnement social ainsi que de réinsertion sociale. Cela n'a rien de neuf. En dresser le constat lucide aurait dû conduire à élaborer un texte accompagnant la destruction de cette litière, ce terreau fertile sur lequel poussent les intégrismes, principalement l'islamisme. Tel n'est pas le cas ; au nom de notre groupe, je le regrette. On peut toujours nous annoncer un prochain texte, l'encombrement législatif incite à nourrir de sérieux doutes sur la possibilité qu'il voie le jour au cours de cette législature.

Reste que nous pouvons soutenir certaines dispositions du présent texte : la nécessité de neutralité du service public, la protection des agents publics, la meilleure surveillance et la lutte contre les détournements de financement, qui ne sont pas acceptables. Comme ses prédécesseurs, le texte a vocation à s'appliquer à toutes les religions, mais il vise en premier lieu à combattre l'islamisme ; non pas la religion musulmane, mais un projet politique qui la dévoie pour imposer une autre forme d'organisation politique dans notre pays – la France a inventé la laïcité, elle est même le seul pays au monde à la pratiquer et à la défendre. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, nous sommes en présence d'un projet politique dévoyant une religion dont les fidèles sont les premières victimes. Le texte s'y attaque, notamment sous l'angle financier, qui est un enjeu lourd. Nous proposerons de compléter certaines dispositions, par exemple en faisant en sorte que chaque association relevant de la loi du 2 janvier 1907 ouvre un compte bancaire séparé, car il est trop facile, à l'heure actuelle, de collecter de l'argent pour le culte et de le transférer à des œuvres caritatives dont la visée n'est pas la seule charité.

À mon tour, je regrette que plusieurs amendements aient été victimes d'une interprétation extensive de l'article 45 de la Constitution. Tel est le cas, par exemple, de l'amendement CS1186, qui nous a été inspiré par les événements dramatiques de Dijon et de Décines. Il s'agit, si un groupe ethnique s'en prend à un autre, de faire en sorte qu'il soit sanctionné plus gravement que s'il s'agissait d'individus pris isolément. Il me semble que la création d'un tel délit est souhaitable. Je ne vois pas en quoi il diffère des autres dispositions renforçant le code pénal ou créant de nouvelles infractions, qui partagent la même philosophie.

L'enseignement est l'une de nos principales préoccupations. Nous estimons que les dispositions la concernant manquent leur cible. Dans certaines franges de la population, la volonté d'éloigner les enfants de l'école de la République se manifeste par le refus de tel ou tel enseignement au sein de l'enseignement public, par l'inscription dans des établissements d'enseignement hors contrat et, de façon manifestement plus occasionnelle, par l'instruction en famille, dont nous estimons qu'elle joue un rôle marginal dans cette affaire. Vous auriez dû vous intéresser bien davantage aux établissements d'enseignement hors contrat, comme nous l'avons fait lors de l'élaboration de la loi Gatel, dont les dispositions sont dorénavant insuffisantes, car le phénomène s'est étendu et se développe hors radar.

Au régime d'autorisation que vous envisagez pour l'instruction en famille (IEF), qui encourt un risque d'inconstitutionnalité, nous préférons un régime de déclaration assorti d'un contrôle effectif – l'élu de Seine-Saint-Denis que je suis y est très attaché, d'autant que le nombre de demandes progresse plus rapidement que le nombre de contrôles. Il serait paradoxal que les établissements d'enseignement hors contrat conservent un régime déclaratif, alors même qu'ils font rarement l'objet d'un contrôle, et que l'instruction en famille soit placée sous un régime d'autorisation préalable, dont on peut craindre qu'il fasse l'objet d'interprétations excessives. Les motifs de recours à l'IEF sont très limités. Ils ne reconnaissent pas le droit, pour un citoyen français, d'avoir un projet éducatif personnel pour son enfant, sans rapport avec aucune forme de religion ou d'intégrisme, et visant uniquement à lui permettre de s'accomplir et s'épanouir différemment. Un tel projet est autorisé pour les établissements d'enseignement hors contrat ; il n'y a pas de raison qu'il ne le soit pas dans le cadre de l'IEF.

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Les articles de ce projet de loi permettront-ils, conformément à son titre initial et à son exposé des motifs, de conforter les principes républicains et de lutter contre les séparatismes ? Le texte se veut ambitieux ; le Gouvernement et la majorité veulent en faire un marqueur politique – en témoigne le grand nombre de ministres auditionnés et de ceux présents aujourd'hui.

Nous formons le vœu de parvenir à dépassionner le débat, hystérisé par certaines de ses thématiques. Le projet de loi touche, en effet, à de très nombreux sujets – service public, ordre public, enseignement, associations ou exercice du culte. Il modifie plusieurs de nos lois emblématiques, notamment la loi sur la liberté de la presse de 1881 et la loi de séparation des Églises et de l'État, de 1905. Il touche à de nombreuses libertés fondamentales, telles que la liberté d'enseigner, la liberté d'association, la liberté de culte, la liberté de communication.

Nous pensons, comme le Gouvernement, que l'islam radical, ou plutôt le fondamentalisme islamique, constitue une menace importante pour notre société. Nous partageons la volonté affichée de s'y attaquer et de réaffirmer notre attachement collectif au principe fondamental de la laïcité. C'est dans cet état d'esprit que nous avons entamé l'examen du texte. Cependant, la lecture détaillée des articles ainsi que les auditions nous ont amenés à réviser ce jugement. En l'état, le texte nous semble rater sa cible : censé viser l'islam radical, ou plutôt le fondamentalisme islamique, il rendra surtout la vie plus compliquée à un nombre considérable de parents, d'associations, de croyants de diverses religions, qui sont tous de bons républicains, qui respectent les règles de la République et qui n'ont rien à voir avec le fanatisme visé.

Les articles de ce texte peuvent être répartis en trois catégories : ceux qui apportent une réelle amélioration à l'état du droit ; ceux qui seraient acceptables sous réserve d'amendements significatifs ; ceux qui sont dangereux, soit qu'ils sont attentatoires aux libertés fondamentales, soit qu'ils sont inutiles, car déjà couverts par le droit existant, soit qu'ils sont inapplicables.

Nous approuvons les mesures prises pour protéger les fonctionnaires et celles visant à rendre plus effectif le principe de neutralité du service public. Nous regrettons néanmoins que le périmètre d'application de ces mesures ne soit pas défini de façon suffisamment précise – des amendements y pourvoiront. Il en va de même pour le concept de contrat d'engagement républicain. Mais la République n'est pas un contrat : il faut parler d'engagement à respecter les principes républicains.

D'autres articles, dont nous partageons l'ambition, paraissent parfois inutiles car déjà couverts par le droit existant. Ils relèvent de l'incantatoire, de l'affichage, et contribuent à une prolifération législative qui, in fine, affaiblit la loi. Au chapitre consacré à la dignité de la personne humaine, par exemple, tous les notaires nous disent que les mécanismes de pension réservataire sont totalement inapplicables. S'agissant des pensions de réversion pour les épouses de polygames étrangers, le texte prévoit que le dispositif sera appliqué dans le respect des engagements internationaux de la France, qui prévoient le partage, c'est-à-dire exactement l'inverse – il y en a quatorze et le Gouvernement ne veut pas les dénoncer. Cela est impossible et contribuera à créer des contentieux internationaux sans fin ! De même, des sanctions sont prévues à l'encontre des médecins ayant délivré de pseudo-certificats de virginité pour protéger des jeunes femmes. Or, Mme Dubré-Chirat l'a rappelé, ce sont les personnes qui forcent les femmes à demander de tels certificats qui doivent être sanctionnées.

Certains articles semblent attentatoires aux libertés fondamentales. Sont concernées la plupart des mesures relatives aux associations, notamment l'article 6 qui traite de l'exercice du culte, l'article 21 portant sur l'enseignement en famille et l'article 18, relatif à la lutte contre la haine en ligne. Ces dispositions ont fait l'objet d'échanges au sein de notre groupe, notamment ces trois articles.

Nombre d'articles consacrés à l'exercice des cultes créeront des lourdeurs administratives et comptables coûteuses pour l'ensemble des associations cultuelles, et dégraderont ainsi l'attractivité de la loi de 1905, malgré la possibilité de détenir des immeubles de rapport, soit l'exact inverse de l'objectif affiché par le présent projet de loi.

Une quatrième catégorie pourrait regrouper ce que le texte ne contient pas. Conformément au discours des Mureaux du 2 octobre 2020 du Président de la République, nous aurions attendu d'un texte ambitionnant de conforter les principes républicains des mesures visant, par exemple, à favoriser l'éducation à la laïcité, souvent mal comprise, l'intégration en matière d'emploi ou la mixité sociale dans le logement. De tout cela, il n'est pas question. Votre texte se veut répressif quand il aurait dû être équilibré par un volet éducatif, économique et social.

Dans un tout autre registre, la question des prisons, cruciale dans la lutte contre l'islam radical, ou plutôt le fondamentalisme islamique, n'est pas traitée. Quant aux moyens, ils ne sont jamais évoqués alors que c'est bien souvent ce qui manque avant tout, plutôt qu'un nouvel arsenal juridique.

En conclusion, à la différence de la loi de 1905, qui était une loi libérale, d'équilibre, faite de compromis, votre texte est, en l'état, déséquilibré, et tombe souvent dans des dispositions liberticides.

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Oui, des attaques ont eu lieu contre la Réplique ; oui, la Réplique est affaiblie dans plusieurs domaines. Dans un pays où près de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, où tant de violences sociales sont commises, elle est effectivement en danger.

Adopter un texte de loi sur le respect des principes républicains est une grande tâche. On peut agiter des thèmes par la voie médiatique – c'est la facilité –, mais, si l'on veut agir, il faut des constats partagés. S'il s'agit d'acter qu'une volonté forte existe dans notre pays que plus jamais aucun attentat, en l'occurrence du terrorisme islamiste, ne nous frappe, on peut dire que cette exigence existe. S'il s'agit d'agir sur le terreau du terrorisme, il faut aller plus loin et comprendre comment nous en sommes arrivés là. Au cours des nombreuses auditions, nous avons manqué de chiffres et de constats s'agissant des dynamiques sur lesquelles nous voulons légiférer – sont-elles résiduelles, en régression, en augmentation ? La seule augmentation des crimes qui ont eu lieu ne suffit pas.

Par exemple, quand ce texte prévoit de demander à l'ensemble des associations de respecter un contrat d'engagement dit républicain, et que la ministre Jacqueline Gourault estime que, dans la plupart des cas, il n'y a rien à redire sur les associations qui reçoivent des subventions, on se demande si la mesure n'est pas disproportionnée par rapport à l'objectif visé. Quand la Défenseure des droits dit que ce texte comporte des risques d'atteintes à nombre de libertés fondamentales, il y a de quoi s'interroger. Quand les représentants du MEDEF, que vous écoutez généralement, disent n'avoir rien demandé ni rien à signaler sur la radicalité en entreprise, ou que l'arsenal législatif leur paraît suffisant, il faudrait peut-être les entendre. L'ensemble des organisations syndicales de salariés ont estimé que la loi suffisait et qu'elles n'apporteraient pas leur soutien au texte. Quant aux associations philosophiques que nous avons entendues, elles ne se sont pas totalement reconnues dans le détail des articles que vous présentez. Certes, nous avons travaillé d'arrache-pied sur ce projet de loi, mais c'est sans commune mesure avec la loi du 9 décembre 1905, à laquelle chacun se réfère et qui avait demandé deux ans de travaux.

Vouloir comprendre n'est pas excuser, c'est être efficace. Puisqu'il s'agit de s'en prendre notamment au séparatisme d'origine islamiste, je ne suis pas d'accord pour commencer ces travaux comme M. le ministre de l'intérieur l'a fait, en disant que l'islamisme politique a fait une OPA sur l'islam de France. La responsable du service central du renseignement territorial nous a bien indiqué que, dans 96 % des lieux de culte musulman, il n'y a aucun problème. Cette formule ramassée me semble donc inutile.

Sans revenir sur l'utilisation abusive de l'article 45, je regrette que certaines de nos propositions aient été censurées. En particulier, si l'on veut défendre la loi de 1905, on doit l'appliquer dans l'ensemble du territoire : ce texte doit donc abroger le Concordat d'Alsace-Moselle, qui constitue un privilège pour près de 3 millions de nos concitoyens et coûte chaque année 60 millions d'euros. Rien ne justifie cette singularité ! Nous demandons la suppression des avantages fiscaux qui financent le culte : c'est cela la laïcité au sens de l'article 2 de la loi de 1905. Bien que les services fiscaux soient incapables de l'établir précisément, ces avantages représentent sans doute plusieurs centaines de millions d'euros. La loi de 1905, selon laquelle la République ne reconnaît aucun culte, doit nous interdire toute volonté de nous immiscer dans l'organisation des cultes. Ils doivent sans aucun doute respecter la loi, mais ce n'est pas à nous de dire comment ils doivent s'organiser.

Les associations ne doivent pas subir une suspicion généralisée. Celles qui contreviennent à la loi doivent être sanctionnées, mais en aucune manière leur comportement ne peut amener à considérer que toutes doivent se plier à respecter un contrat d'engagement républicain, dont d'ailleurs nous, législateurs, n'avons pas connaissance.

Pour ce qui est de l'école, l'école publique est le cœur de tout ; il faut la réinvestir. Elle est en danger, mise en concurrence avec l'école privée – sous contrat ou hors contrat –, que nous finançons. La loi Debré de 1959 coûte tout de même 10 milliards d'euros au contribuable et, dernièrement, la loi pour une école de la confiance, dite loi Blanquer, occasionne des surcoûts aux communes pour financer l'école privée. Dans ce domaine aussi, nous devons renforcer les contrôles. Nous devons également garantir à l'ensemble de nos fonctionnaires l'assurance de la protection fonctionnelle, qui n'est pas appliquée lorsqu'ils sont en danger.

Le discours du Président de la République aux Mureaux portait la promesse d'une action en faveur des quartiers reconnus comme relégués et visés par nombre de menaces. Déjà en 2015, le Premier ministre avait considéré qu'il existait un « apartheid territorial, social, ethnique ». À son tour, Emmanuel Macron a dénoncé une « ghettoïsation » que la République a laissé faire. Mais tout cela est complètement absent du texte. Tous les amendements que nous avions présentés pour casser cette ségrégation sociale et remettre en cause le séparatisme des riches, l'un étant la conséquence de l'autre, ne pourront pas être discutés.

Tout cela fait que le projet de loi rate sa cible ; il généralise la suspicion, remet en cause la bonne compréhension de la loi de 1905 et ne donne pas véritablement les moyens de lutter contre le terrorisme aux services, tels les renseignements, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) ou la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), qui permettraient d'être efficace face à des comportements que nous ne pouvons tolérer.

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Pour être opérant, ce projet de loi aurait besoin de traiter en même temps du renforcement de la place de l'État, d'un service public réarmé dans l'ensemble du territoire, de la mixité sociale et de la lutte contre les inégalités qui sapent notre cohésion sociale. Sans politique sociale ambitieuse, sans avancée de la démocratie, nous ne pourrons lutter pleinement contre l'atomisation de la société et l'anomie sociale.

Ce texte est cependant nécessaire. Nous devons nous en emparer pleinement pour construire ensemble des dispositifs efficaces, et lutter contre les graves dérives qui frappent douloureusement notre pays, tout en étant respectueux des droits et des libertés des individus. Je suis persuadée que nos débats se dérouleront dans un esprit serein, sans stigmatisation de nos compatriotes de confession musulmane, qui ne demandent qu'à vivre sereinement au sein de notre République, dans le respect de ses principes.

Oui, il y a nécessité d'agir contre les extrémismes religieux, contre les prêcheurs de haine, les manipulateurs en tout genre, que ce soit à travers l'islam radical ou toute autre pratique allant à l'encontre de nos principes et de nos lois. Il n'y a pas lieu de toucher à la loi de 1905, qui reste d'une profonde modernité et qui, par son équilibre, garantit cette articulation si délicate entre principes de même valeur. Nous ne souhaitons pas de loi concordataire.

Dans un souci d'efficacité, pour que cette loi remplisse son objectif de lutte contre tous les séparatismes, nous soutiendrons les dispositions relatives à la neutralité du service public, à la dignité humaine et à l'école. S'agissant de la dignité humaine, la lutte contre la polygamie, les mariages forcés ou les certificats de virginité est un impératif. La loi doit les interdire expressément. J'alerte cependant sur le fait que, tels qu'ils sont rédigés, certains articles pourraient avoir des conséquences indirectes, en particulier sur le statut des femmes étrangères. Je me réjouis donc de l'amendement de Mme la rapporteure Dubré-Chirat.

Les dispositions concernant l'école, en particulier l'obligation scolaire, vont dans le bon sens. Comme ma famille politique, je crois profondément que l'intérêt supérieur de l'enfant commande qu'il aille à l'école de la République, à laquelle je suis très attachée. La rédaction actuelle de l'article, instaurant un régime d'autorisation préalable, nous apparaît équilibrée. Nous nous assurerons par voie d'amendement que les critères d'acceptation de la dérogation et la collégialité de la décision sont harmonisés dans le territoire. Nous sommes également favorables à un renforcement strict du contrôle des écoles hors contrat, car de nombreuses dérives ont été constatées. Du reste, nous nous interrogeons sur la pertinence de conserver de telles structures en France.

Je suis plus réservée à propos des dispositifs concernant les associations et les fédérations sportives, en particulier s'agissant du contrat d'engagement républicain.

Tout d'abord, je vois un paradoxe à renforcer les contrôles visant le monde associatif, ce qui jette sur celui-ci une sorte de suspicion généralisée, alors que l'État se repose de plus en plus sur les associations pour mener des politiques publiques là où les services publics se sont désengagés. Les associations assurent un lien social indispensable et participent ainsi grandement à la cohésion du pays. Si on leur impose de nouvelles obligations, l'État doit aussi se montrer à la hauteur de leur engagement et prendre ses responsabilités pour lutter contre la fragmentation de notre société. Un contrat se signe au moins à deux ; or, ici, seules les associations et fédérations souscrivent des engagements, que la plupart honorent déjà au quotidien. Dire cela n'est pas méconnaître les difficultés que posent certaines associations aux influences néfastes.

Ensuite, le fait de contractualiser à propos de principes fondamentaux suscite l'interrogation. Quels moyens de contrôle les associations et les fédérations auront-elles ? En outre, dans le texte actuel, la laïcité ne fait pas partie des principes républicains inscrits au contrat : c'est incompréhensible.

Enfin, nous ne savons pas comment le contrat sera rédigé, ni même s'il y en aura plusieurs, selon le type d'association. Or nous, législateurs et législatrices, ne pouvons avancer ainsi à l'aveugle : ce n'est pas normal. Nous ne voterons donc pas la disposition tant que nous ne connaîtrons pas le contenu du contrat ou des contrats.

Nous sommes, en outre, réservés, pour des raisons que nous développerons au cours des débats, à propos des articles 18 et 20.

Nous espérons être entendus en défendant nos amendements, avec pour fil conducteur toute la loi de 1905.

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Jean-Michel Blanquer, ministre

Sur certains points, nos interventions liminaires permettent de répondre aux questions soulevées.

Pour le reste, je commencerai par une remarque générale que m'inspire l'affirmation du président Lagarde, selon laquelle la laïcité n'existerait qu'en France. Je veux contrer factuellement et philosophiquement cette affirmation. S'agissant des faits, d'autres pays que le nôtre, fort heureusement, consacrent la laïcité, dont, jusqu'à une date récente, la Turquie, mais aussi l'Uruguay, notamment. Si je le rappelle, ce n'est pas seulement pour le plaisir d'un débat historique et géopolitique, mais pour souligner que nous devons avoir une vision offensive et fière de la laïcité. La laïcité n'est pas un concept à la française, désuet, en déshérence, comme beaucoup de forces à l'échelle internationale – et, parfois, nationale – tentent de nous le faire croire. Bien au contraire, c'est une clé pour le XXIe siècle, et ce pour beaucoup de sociétés, sinon pour toutes, que ce soit sous ce nom ou sous un autre, car peu importe ici la sémantique : ce qui compte, c'est le sens qu'on lui attribue, c'est-à-dire l'égalité des êtres humains sur cette planète et dans chaque société. C'est un aspect majeur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ce n'est pas, je le répète, un petit sujet à la française, mais l'objet de grands combats philosophiques et politiques. Ne le perdons pas de vue lorsque nous débattons.

Sur ce point, l'approche du Gouvernement, que l'on perçoit dans le discours du Président aux Mureaux, est ainsi l'héritière de la philosophie des Lumières, ce dont nous sommes fiers. L'enjeu existe non seulement en France, mais aussi à l'échelle européenne, comme on l'a vu lors de l'assassinat du professeur Samuel Paty. J'ai, pour ma part, travaillé à ce que plusieurs pays d'Europe nous manifestent très clairement leur solidarité, notamment par des minutes de silence, et mes débats avec mes homologues européens confirment que le principe de laïcité, loin d'être une particularité française un peu bizarre, les intéresse tous parce que tous sont confrontés au communautarisme. Nous sommes adeptes non pas du système à l'américaine, mais du système républicain dont nous avons la chance d'être les héritiers.

Ce point est essentiel, car il se retrouve dans tout ce que nous avons à dire à ce sujet, qu'il s'agisse de l'école ou d'autres domaines.

Anne Brugnera a détaillé les évolutions qui lui semblent souhaitables à la lumière de la réflexion collective que le texte a suscitée. Sans entrer moi-même dans les détails, je répète que nous sommes ouverts à la plupart de ces propositions, parce que notre approche est équilibrée, contrairement à ce qu'ont estimé M. de Courson et M. Corbière et que le texte est le fruit d'un véritable dialogue. Il ne faudrait pas modifier le sens du discours des Mureaux ou l'élan initial que celui-ci traduisait à petites touches et qu'on finisse par perdre cet élan et par déséquilibrer vraiment l'ensemble.

Voici ce que cela signifie concernant les sujets relevant de ma compétence. Être équilibré, c'est équilibrer la dimension sociale et la dimension régalienne. Mais nous ne prétendons pas que le présent projet de loi soit l'alpha et l'oméga de ce qu'il y a à dire sur l'ensemble des sujets sociaux et sociétaux. Bien sûr, nous devons marcher sur deux jambes, tout le monde en est d'accord, mais le volet social ne figure pas nécessairement dans ce projet de loi et ne relève pas nécessairement du domaine législatif. Ainsi, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone d'éducation prioritaire est une mesure sociale, qui conforte la République, dans l'esprit de ce que plusieurs d'entre vous, dont Mme Marie-George Buffet à l'instant, viennent de réclamer ; mais elle n'a pas attendu ce projet de loi pour exister. Au total, ce serait un peu facile de s'opposer au texte au motif qu'il ne résout pas tous nos problèmes sociaux. Nous devons travailler sur ces sujets, nous l'avons fait et nous continuerons à le faire, au niveau législatif ou infra-législatif. Il se trouve que la jambe que nous vous présentons, si je puis dire, est plutôt régalienne ; nous l'assumons.

On nous dit aussi que nous manquerions la cible. Je ne le crois pas, mais c'est à vous de nous aider à ne pas le faire : à trop critiquer le texte, à trop vouloir l'édulcorer, c'est en effet le risque auquel on l'expose. Manquer la cible, cela signifie qu'il y aurait des balles perdues : les libertés de personnes non visées par la loi seraient atteintes. Ce n'est évidemment pas le but et je ne crois pas que ce soit le cas. Nos exigences en matière scolaire sont parfaitement proportionnées et permettent de mettre en œuvre les principes républicains. Il est normal de considérer que l'éducation n'est pas une question ordinaire et qu'elle n'autorise pas l'anarchie dans l'exercice de la liberté.

À cet égard, j'aimerais remercier Marie-George Buffet de ses propos, fidèles à ses principes et à son positionnement politique. L'enjeu de l'école républicaine a trait, depuis ses débuts, aux droits de l'enfant : faire ce que l'on veut en considérant que l'on est propriétaire des enfants, c'est violer les principes républicains. Cela vaut de l'islamisme radical, mais cela peut aussi valoir des sectes, citées à juste titre par M. Corbière. En la matière, le régime d'autorisation sera un progrès certain.

M. le président Lagarde nous reprochait de ne parler que de l'instruction en famille là où il faudrait se soucier davantage de l'enseignement hors contrat. En réalité, quatre problèmes se posent, tous abordés dans le travail législatif accompli au cours du quinquennat.

Premièrement, notre capacité à identifier les enfants sur un territoire donné. C'est un domaine dans lequel nous souhaitons progresser ; il n'est pas normal que des enfants passent sous les radars. On retrouve ici l'enjeu social : si l'on veut repérer les enfants, c'est pour leur appliquer à la fois des politiques sociales et des politiques éducatives. C'est donc dans l'intérêt des enfants que cela doit être fait.

Deuxièmement, le hors contrat. Comme vous l'avez souligné vous-même, monsieur Lagarde, nous n'avons pas été inactifs en la matière. Deux questions se posent : la régulation des ouvertures et les fermetures. Sur le premier point, la loi Gatel a eu d'excellents résultats, dont je suis l'agent quant à l'exécution. Nous sommes désormais beaucoup plus efficaces lorsqu'il s'agit d'empêcher l'ouverture d'écoles hors contrat dont le projet ne correspondrait pas aux valeurs de la République. Nous avons ainsi pu le faire lors des deux dernières rentrées scolaires. C'est un progrès.

Sur le second point, j'ai été le premier à considérer que la loi Gatel était insuffisante. Voilà pourquoi le présent texte inclut une très importante disposition relative à la fermeture des écoles hors contrat. Elle est sans doute occultée dans les débats, qui se focalisent sur l'instruction en famille ; ce n'est pas une raison pour la méconnaître. Désormais, nous pourrons distinguer le hors contrat « normal », qui a tout à fait droit de cité en France, pays de liberté, du hors contrat problématique, qui ne doit pas exister. On pouvait dire avant 2017 qu'il était plus facile d'ouvrir une école qu'un bar en France ; en 2022, ce ne sera plus vrai – cela l'est déjà beaucoup moins qu'auparavant depuis la loi Gatel.

Enfin, l'instruction en famille. Il est exact que nous raterions la cible en ne parlant que d'elle, mais ce que le projet de loi en dit ne fait que compléter les autres aspects que je viens d'énumérer.

Je le répète, tout n'est pas dans cette loi, soit que des dispositions aient déjà été prises avant elle, soit que certains éléments relèvent du niveau infra-législatif.

Ce que je peux dire du volet éducation, jeunesse et sports du projet de loi vaut également des autres domaines, comme le confirmeront certainement mes collègues : il s'agit d'un texte équilibré, complémentaire d'autres dispositions, recherchant l'efficacité face aux diagnostics que la plupart d'entre vous ont dressés et à propos desquels nous sommes d'accord.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Je répondrai très brièvement aux différentes interventions, car les amendements nous donneront l'occasion d'échanger sur chacun des sujets.

Je constate qu'à une ou deux exceptions près, tous les groupes représentés à l'Assemblée nationale estiment que ce texte pose des questions légitimes dans un contexte qui appelle une réponse politique forte de l'État. À la possible exception du groupe La France insoumise, bien que son représentant ne l'ait pas formalisé, aucun groupe n'a déclaré d'emblée qu'il voterait contre ce projet de loi. Il est intéressant de constater, alors que l'on annonçait une grande fracture, que ce texte ne suscite pas d'opposition de principe au début de la discussion – certains groupes ont annoncé qu'ils jugeraient en fonction du déroulement des débats. C'est assez rare pour être souligné, surtout s'agissant d'un texte aussi médiatique. J'en remercie chacune et chacun d'entre vous ; cela souligne le travail qui a été réalisé par le Gouvernement et par votre commission spéciale. Le Gouvernement aborde une question compliquée avec des idées simples, et il acceptera volontiers des amendements, d'où qu'ils viennent, avec l'intérêt général à l'esprit.

Certains ont reproché à ce texte de ne pas aborder l'immigration, le logement social, la mixité, la politique de la ville ou les conventions internationales de la France. Je concède bien volontiers qu'il ne s'agit pas d'une déclaration de politique générale : ce texte se rapporte à son intitulé et aux annonces du Président de la République. Le discours des Mureaux constitue un ensemble cohérent : le présent projet de loi en reprend une partie, certes importante, mais elle sera complétée. Il existe à coup sûr un lien entre les séparatismes et le fait d'avoir entassé – il n'y a pas d'autre mot – des populations. En tant que maire d'une commune qui connaît ces difficultés, j'ai constaté que la politique de peuplement, l'absence de mixité sociale, les difficultés économiques et l'urbanisme contribuent aux séparatismes. On peut aussi y voir un lien avec les difficultés internationales et les questions qui relèvent de l'immigration. Cependant, nous ne posons pas dans des termes d'égalité immigration et non-mixité sociale, et séparatisme. Les choses sont plus complexes, et ce texte ne résume pas la politique du Gouvernement. Selon un beau proverbe africain, il faut tout un village pour élever un enfant ; il faut sans doute toute une politique publique pour mettre fin à ces problèmes si importants et si longtemps éloignés du regard du grand public et du législateur.

Tandis que certains critiques estiment que ce texte est très urgent, d'autres demandent pourquoi nous l'étudions avec une telle précipitation. La vérité est sans doute au milieu : ni urgence absolue ni lenteur excessive. Nous nous hâtons lentement mais sûrement, sachant que nous touchons d'une main tremblante des libertés fondamentales particulièrement surveillées par nos concitoyens. Le bonheur de la démocratie est de combattre ceux qui l'attaquent avec ses propres armes, ce qui est plus difficile.

Quelques-uns ont déclaré que ce texte portait atteinte à des libertés fondamentales. J'ai exercé un mandat de député, je suis ministre depuis bientôt trois ans et demi : jamais je n'ai vu un avis du Conseil d'État souligner à ce point le travail réalisé par le Gouvernement, qui a corrigé sa copie sur presque tous les points soulevés. C'est à remarquer, le Gouvernement n'a pas été sourd aux remarques du Conseil d'État. Et je m'inscris en faux contre la remarque de la députée du groupe socialiste : l'étude d'impact, longue de 403 pages, est très complète. Je remercie tous ceux qui y ont longuement travaillé.

Je suivrai une grande partie des propositions des rapporteurs Laurence Vichnievsky et Sacha Houlié. Le Gouvernement est prêt à modifier un certain nombre de dispositions, en bonne intelligence avec la Haute Assemblée, avec laquelle nous avons eu des relations en amont de la présentation du texte. Je remercie son président pour son attitude extrêmement constructive, même s'il reste l'homme de conviction que nous connaissons.

Monsieur Diard, je ne partage pas votre avis selon lequel les hôpitaux et les prisons sont exclus de ce texte. Les services publics concernent tout le monde ; ce texte ne s'adresse pas à une religion, mais à tous les cultes, et il porte sur tous les services publics. Le délit de séparatisme s'appliquera à tous les agents publics. Quand un homme refusera de se faire soigner par une femme, il sera évidemment coupable du délit que nous créons. La neutralité s'applique dans tous les champs du service public, pas simplement en ce qui concerne les collectivités locales.

Vous avez beaucoup travaillé avec le député Poulliat sur le sujet extrêmement important de la radicalisation. Ce texte ne prévoit pas de mesures se rapportant au renseignement contre le terrorisme et la radicalisation. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir en séance publique avec le rapporteur général.

Mme Untermaier a distingué les points sur lesquels elle était d'accord de ceux qui soulèvent des questions au sein de son groupe. Nous tâcherons de la rassurer, mes collègues du Gouvernement et moi. Comme M. Lagarde et M. de Courson, elle estime que la cible est manquée. Nous pensons, au contraire, que les mesures prévues sont très efficaces. Si nos débats démontraient que ce n'est pas le cas, le Gouvernement les retirera.

Monsieur Corbière, c'est bien la première fois que vous appelez à entendre le MEDEF ! J'assume parfois de ne pas écouter le patronat : nous avons choisi de ne pas insérer de dispositions modifiant le code du travail. La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'État établit déjà que le règlement intérieur d'une entreprise peut imposer les principes de laïcité et de neutralité. Les représentants des entreprises et les syndicats nous ont fait savoir qu'ils n'avaient pas besoin de dispositions particulières ; nous les avons écoutés sur ce point. Nous ne considérons pas que le MEDEF a nécessairement son mot à dire sur l'organisation du service public et le statut de ses agents. Peut-être est-ce un point de différence entre nous.

Nous ne partageons pas votre volonté d'interdire le Concordat en Alsace-Moselle – vous auriez pu ajouter quelques territoires ultramarins. Nous respectons l'histoire de la République, ce qui ne veut pas dire que nous n'appliquons pas, dans les régimes concordataires, des dispositions qui relèvent de la police du culte. Mais nous les insérons dans le droit local, en parfait respect de l'histoire de France. Il suffit de se promener en Alsace-Moselle pour constater que le principe de laïcité, même s'il n'y est pas régi par les mêmes règles, est évidemment vécu de la même façon.

De manière intéressante, vous expliquez que nous nous en prenons trop aux cultes et vous proposez immédiatement après de supprimer l'exonération fiscale dont ils bénéficient. Certes, cette mesure rapporterait beaucoup d'argent aux pouvoirs publics, mais elle nous semble disproportionnée et serait sans doute contraire aux principes mêmes de la République – un avis du Conseil d'État est explicite à ce sujet. Mais cette position est conforme à celle que vous avez toujours adoptée. Je vous trouve moins cohérent quand vous demandez plus de moyens pour les services de renseignement : lorsque nous avons débattu du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, je n'ai pas eu l'impression que votre groupe était prêt à améliorer leurs ressources. Et dans les trois budgets que j'ai présentés, il n'a pas voté les crédits sur ce chapitre.

Je me permets de vous corriger lorsque vous citez la cheffe d'un service de renseignement – il y en a plusieurs – en disant que 96 % des lieux de culte musulman ne posent aucun problème. Ce chiffre est absolument faux. Dans les lieux de culte, et singulièrement ceux qui relèvent du culte musulman, l'intensité de la menace liée au terrorisme a beaucoup baissé, ainsi que le travail de l'islamisme. Mais baisser d'intensité ne signifie pas disparaître. L'islamisme politique s'insère dans la société par les associations, dans le secteur sportif, dans les écoles, par internet. Il existe aussi, malheureusement, dans les lieux de culte. Je ne sais pas si vous partagerez l'avis des dirigeants du culte musulman qui ont signé la charte des principes de l'islam de France ce matin. Ils condamnent très clairement le salafisme, les Frères musulmans et le tabligh. De nombreux lieux de culte se propagent – déclarés ou non – et sans relever directement du terrorisme, ils en constituent le terreau.

J'appelle votre attention sur l'article 44 du projet de loi, validé par le Conseil d'État, qui permettra d'ordonner, sous l'autorité du juge, la fermeture de lieux de culte sans se fonder sur les règles applicables aux établissements recevant du public ou en lien avec la lutte contre le terrorisme. En l'état du droit, en dehors de ces situations, le ministre de l'intérieur ne peut pas décider de la fermeture de lieux de culte qui constituent pourtant des lieux de radicalisation avérés. Cette disposition est évidemment nécessaire.

Tous les intervenants se disent attachés à l'équilibre trouvé en 1905. J'ai relu les débats parlementaires de l'époque : l'unanimité n'était pas de mise, y compris au sein de la société civile. La loi de 1905 fait suite au compromis trouvé en 1901 ; à peine votée – et difficilement, car très contestée –, elle a été modifiée dès 1906, et le Parlement s'est réuni pour voter ce qui deviendra la loi de 1907, qui fournit la base légale aux associations diocésaines. Il aura fallu attendre qu'Aristide Briand devienne ministre des cultes et Clemenceau ministre de l'intérieur pour qu'ils décident conjointement de ne pas appliquer des dispositions qu'ils avaient pourtant poussées, l'un au Sénat, l'autre à l'Assemblée. Il faut l'avoir à l'esprit lorsque l'on évoque l'unanimité à propos de la loi de 1905, qui a été modifiée vingt et une fois, dont deux fois sous cette législature. Nous pouvons en préserver l'esprit, les principes, les premiers articles, auxquels nous sommes extrêmement attachés et que nul ne souhaite modifier. Notre travail est de chercher la plus large majorité possible sans perdre la force de l'autorité et de l'intérêt général.

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éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux

Dans une période aussi anxiogène, difficile que celle que nous vivons, la parole publique doit être parcimonieuse, notamment quand elle évoque les grands principes. Avez-vous remarqué à quel point ce qui vient de l'État est immédiatement suspect aux yeux de certains, et le rapport particulier que certains autres entretiennent avec la verticalité du pouvoir, tout cela encouragé par quelques-uns ? On essaye de passer par une entreprise privée pour répertorier les personnes qui doivent être vaccinées ? C'est du « fichage » ! Ces propos font peur aux gens.

Ici, nous parlons de liberté, de séparatisme ou de valeurs de la République. Je remercie la très grande majorité d'entre vous qui s'est exprimée avec beaucoup d'intelligence et de modération, et dans un esprit de concertation alors même que nos débats n'ont pas encore commencé. Il a fallu – je le redoutais – que l'on entende le mot : « liberticide ». Posture ! Entraver la liberté d'un haineux qui menace la petite Mila, je ne trouve pas cela liberticide ; je trouve cela normal. Entraver la liberté de ceux qui menacent nos fonctionnaires pour obtenir l'application d'autres règles que celle de la République, ce n'est pas liberticide.

Nous protégeons quelques belles libertés. Marlène Schiappa défendra le consentement éclairé. La liberté d'aimer qui l'on veut, ce n'est pas rien ! Cette petite qui a été tondue car elle avait commis l'infraction suprême d'aimer un homme qui n'était pas de la religion de sa famille, oui, nous la protégeons ! Je n'ai pas honte d'aller dans ce sens et je ne me considère pas comme liberticide. Il faut arrêter de se gargariser de mots ; la liberté mérite autre chose que cela.

Le fait que ce texte ne traite pas de la radicalisation ni de la déradicalisation dans les prisons ne signifie pas que nous ne nous intéressons pas ou que nous ne travaillons pas sur ce sujet. Je viens de constituer un groupe de travail, auquel participent notamment les magistrats du pôle antiterroriste du tribunal judiciaire de Paris, pour réfléchir et agir sur cette question très importante. Comme l'a rappelé Gérald Darmanin, notre projet de loi s'intéresse à ce qui se passe en prison, de même qu'il s'intéresse à ce qui se passe dans les hôpitaux, dans les écoles et partout ailleurs.

Vous souhaitez, madame Florennes, que l'administration puisse déposer une plainte en lieu et place de l'agent public victime d'agression. Vous avez raison, car les victimes ont parfois peur, à juste titre d'ailleurs – l'actualité récente nous l'a malheureusement montré. Je suis donc tout à fait favorable à ce que l'administration se substitue à l'agent lors du dépôt de la plainte.

Nous n'avons pas évoqué les cas où la haine vise les mineurs, que nous devons absolument protéger. Je propose de faire de cette situation une circonstance aggravante de l'infraction.

Certains ont regretté que nous n'abordions pas la question du voile. Je n'en dirai que quelques mots. Ce projet de loi est un texte de principes. Le port du voile peut traduire un asservissement, mais il peut aussi résulter d'un choix. Si nous engagions cette discussion maintenant, nous nous enliserions dans des débats qui ont déjà eu lieu. Après son discours des Mureaux, le Président de la République a répondu à certaines questions posées par des journalistes, et il a alors affirmé très clairement que le sujet du voile ne serait pas évoqué dans ce texte. Si nous nous mettions à discuter des tenues vestimentaires et de tout ce qui peut distinguer les uns et les autres dans la pratique de leur foi, alors nous sortirions de ce texte et nous nous perdrions. Ce beau projet de loi doit être consensuel : les clivages politiciens doivent être dépassés au profit d'une avancée commune pour les valeurs de notre République.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Le contrat d'engagement républicain est élaboré en lien avec les élus et les associations – je sais que cela tient à cœur à M. Poulliat, rapporteur thématique, à Mme Florennes et à d'autres députés. Si nous ne disposons pas encore, à l'heure actuelle, du texte de ce contrat, c'est justement parce qu'il est en cours de rédaction. Nous voulons qu'il s'organise autour de grands principes comme la liberté de conscience, la liberté d'association, l'égalité entre les femmes et les hommes, la non-discrimination, la fraternité, la prévention de la haine et de la violence, le respect de la dignité humaine et le respect de la légalité et de l'ordre public. Nous rédigeons donc ce texte avec les associations et les élus locaux, qui ont été nombreux, dans tous les partis politiques – je pense en particulier à des élus Les Républicains ou du Parti socialiste –, à mener une action courageuse dans ce domaine. Je suis allée soutenir le maire de Montpellier, M. Delafosse, qui a souhaité mettre en place une telle charte et a été attaqué en justice par un certain nombre d'organisations. Pour soutenir ces maires et ces élus locaux qui sont en première ligne, il nous semble important d'intégrer ce dispositif dans le projet de loi. Comme nous nous y sommes engagés, avec le ministre de l'intérieur, nous présenterons le texte du contrat d'engagement républicain aux députés membres de la commission spéciale dès qu'il sera rédigé, afin qu'ils puissent le découvrir, en débattre et proposer des amendements avant la discussion du projet de loi en séance publique.

Monsieur Corbière, je partage totalement votre objectif s'agissant de PHAROS. Avec Gérald Darmanin, nous avons d'ailleurs annoncé le renforcement de cette plateforme et son ouverture sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre – cet accès permanent est déjà effectif et les nouveaux policiers affectés à PHAROS sont d'ores et déjà en poste. Pour la première fois depuis plusieurs années, nous avons d'ailleurs réuni le groupe de contact permanent, auquel participent les patrons des différents réseaux sociaux, afin d'améliorer et de fluidifier la communication entre PHAROS et ces derniers.

Le ministre de l'intérieur et moi-même saluons la grande qualité du travail accompli par les rapporteurs, tant sur le fond que sur la précision juridique des dispositions de ce projet de loi. Nous examinerons leurs amendements avec beaucoup de bienveillance ; je pense notamment à la fusion entre agrément et contrat d'engagement républicain, qui permettrait de simplifier les procédures et de rassurer le monde associatif, mais également à des modifications sémantiques visant à améliorer la qualité juridique du texte. Par ailleurs, madame Dubré-Chirat, nous avons bien entendu votre alerte concernant les femmes victimes d'une situation de polygamie, et nous avons engagé un travail d'action publique sur ce sujet parallèlement à ce projet de loi.

Un grand nombre d'entre vous ont exprimé le souhait de mieux défendre la laïcité dans l'appareil d'État et l'administration. Ce texte ne poursuit pas qu'une ambition immédiate : il a vocation à transformer durablement, de façon pérenne, la manière dont la laïcité est respectée et défendue dans l'appareil d'État. C'est pourquoi le Gouvernement soutiendra deux amendements visant, d'une part, à désigner des référents laïcité dans tous les services publics, afin d'assurer un véritable maillage de l'administration et une communication effective en la matière, et, d'autre part, à mettre en place une formation obligatoire à la laïcité destinée à l'ensemble des agents publics, comme plusieurs d'entre vous l'ont souhaité. Je vois dans ces deux amendements fondamentaux une illustration tant du travail commun entre le Gouvernement et les parlementaires que de notre volonté collective de transformer les choses en profondeur et de veiller à l'application concrète des principes énoncés dans les textes que nous votons. L'administration doit être au service des valeurs de la République française, au premier rang desquelles figure la laïcité.

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Je tiens à préciser qu'aucune loi n'a jamais été votée en France contre le voile : la loi adoptée en 2004 visait à interdire les signes ostentatoires à l'école. Il existe, par ailleurs, une jurisprudence du Conseil d'État sur la neutralité des services publics, à laquelle l'article 1er du présent texte donne force de loi en l'étendant à tout organisme exerçant des missions de service public, même s'il s'agit d'une entreprise privée ou d'une association. Les amendements déposés sur cet article et portant sur les signes religieux, y compris le voile, ont bien sûr été déclarés recevables. Je tenais à apporter cette précision, car j'ai lu dans les médias et sur Twitter que j'aurais censuré les amendements sur le voile. Vous pensez bien que cela n'aurait aucun fondement juridique !

Nous n'écrivons pas une loi sur les associations cultuelles musulmanes, mais un texte de portée générale, qui concerne, par exemple, les associations cultuelles, les signes ostentatoires et la neutralité du service public. Le projet de loi comporte un article relatif au service public, qui s'applique non seulement aux agents du service public, mais aussi à toute personne exerçant des missions de service public ; il mentionne également les usagers du service public. Tous les amendements portant sur ces sujets ont bien sûr été jugés recevables, y compris s'ils expriment une préoccupation à propos de la question du voile, dont nous savons bien qu'elle existe tant chez nos concitoyens et que chez un certain nombre de nos collègues.

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Après l'horrible décapitation de Samuel Paty et le cruel assassinat de croyants catholiques à Nice, il était grand temps de prendre à bras-le-corps la lutte contre l'islamisme. Je voudrais donc d'abord saluer ce texte indispensable – je ne reviendrai pas sur les éléments positifs qu'il comporte et que nous soutiendrons.

Pour autant, comme je l'ai souvent dit lors des auditions, ce projet de loi ne va pas assez loin. D'abord, il ne nomme pas l'ennemi : l'islamisme politique, radical et séparatiste. Résultat, il suscite des dommages collatéraux pour la liberté d'exercice des cultes, la liberté d'association et la liberté d'instruction. Vous voulez conforter les principes républicains en restreignant nos libertés et nos droits fondamentaux : c'est un véritable paradoxe pour un texte de liberté, ainsi que l'a qualifié le ministre de l'intérieur.

Par ailleurs, vous abusez de l'interprétation de l'article 45 de la Constitution pour museler un petit peu le débat sur le respect des principes républicains par les partis politiques ou encore sur la place des symboles de la République tels que le drapeau ou l'hymne national à l'école. Ma question est simple : avez-vous peur de fracturer la majorité en abordant ces questions fondamentales dans la lutte contre l'islamisme radical pour protéger les Français ?

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Il ressort de l'avis du Conseil d'État comme des auditions menées par notre commission que le projet de loi confortant le respect des principes de la République alourdit certaines contraintes administratives auxquelles sont assujetties les associations cultuelles et mixtes. Je pense notamment à la déclaration de qualité cultuelle en préfecture, à renouveler tous les cinq ans, ou encore aux nouvelles règles relatives au financement des cultes, comme la certification des comptes annuels par un commissaire aux comptes en cas de financements étrangers. Je soutiens totalement cette mesure mais j'estime, avec d'autres, que le seuil financier envisagé n'est pas le bon et va grandement compliquer la tâche de petits lieux de culte aux faibles moyens humains et matériels. Certes, les obligations créées par ce texte sont en partie compensées par des avantages nouveaux accordés aux associations cultuelles, tels que l'assouplissement de la condition relative au nombre minimal de membres requis pour constituer une association de ce type. Cependant, serait-il possible de prendre en compte ces doléances exprimées par les représentants de quasiment tous les cultes ?

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Nous aurions aimé qu'une place un peu plus large soit accordée à la formation à la laïcité et à la lutte contre les séparatismes, à destination tant du monde associatif que des élus locaux. Nos amendements sur ce thème ont été jugés irrecevables, mais qu'en pense le Gouvernement ?

Monsieur le ministre de l'intérieur, aux termes de l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, les employés et sous-traitants des entreprises de transport public de personnes ou de marchandises dangereuses soumises à l'obligation d'adopter un plan de sûreté font l'objet, lors de leur recrutement, d'un criblage par le Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS). N'aurait-il pas été judicieux d'étendre cette mesure à d'autres secteurs tels que l'éducation et la santé ?

Enfin, nous aurions pu rendre inéligible tout candidat inscrit au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), dès lors que le préfet apporterait la preuve objective que ce candidat présente un risque avéré pour l'ordre public. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette proposition ?

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Il y aurait tant à dire après les réponses des ministres, notamment celle du garde des sceaux… Nous souhaitons fixer un cadre républicain, sans immixtion dans l'organisation des cultes. Les représentants de certains d'entre eux ont regretté, lors des auditions, que les changements prévus par ce texte concernent leur organisation.

Les ministres ont évoqué un texte de liberté. Elle prévaudrait pour tout le monde, peut-être, mais pas pour le Parlement, compte tenu de la manière dont la majorité, en particulier la présidence de cette commission, utilise l'article 45 de la Constitution. Par ailleurs, ce texte sacrifierait la liberté fondamentale de l'instruction. L'intérêt supérieur de l'enfant a été évoqué mais aucune disposition n'est prévue, malheureusement, en ce qui concerne l'école publique. Dans quelle mesure seriez-vous ouverts à des propositions sur ce point ?

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Le discours prononcé par le Président de la République aux Mureaux, le 2 octobre dernier, a fixé le cap et montré la voie à suivre pour réaffirmer et faire vivre nos principes républicains. Le Gouvernement a su traduire cela, en grande partie, en actes : qu'il en soit remercié. Néanmoins, il faudra consacrer encore du temps, sous cette législature, à certains sujets, comme l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations.

Ce texte tend à instaurer des protections pour notre République mais aussi pour l'exercice des cultes, la vie associative et les services publics. Les oppositions et certains médias ne voyant dans le projet de loi que des contraintes, pouvez-vous nous dire, madame et messieurs les ministres, quels moyens seront mis en œuvre pour rendre effectives ces mesures protectrices ?

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La lutte contre les dangers du séparatisme est un combat qui demande du courage, de la responsabilité, du discernement et un esprit d'équilibre. Je salue l'engagement du Gouvernement dans ce combat long et difficile contre toute forme de radicalisation. Il faut s'inscrire dans une logique opérationnelle de diffusion de nos principes intangibles de laïcité, de liberté, d'égalité et d'unité.

Les associations jouent un rôle majeur en matière d'éducation, de solidarité, d'inclusion et d'animation auprès de la population. À travers leurs missions, elles assument une responsabilité éminente dans la transmission des principes de la République. Le groupe Agir ensemble est attaché à ce que le contrat d'engagement républicain soit assorti d'une mesure complémentaire qui rendrait obligatoire la formation des cadres associatifs à la laïcité et à la lutte contre les discriminations. Ce serait un levier décisif pour la transformation de notre société. Le Gouvernement est-il favorable à une telle mesure ?

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Y aura-t-il, madame la ministre, un contrat d'engagement républicain unique ou un contrat type par catégorie d'associations – sportives, culturelles ou encore sociales ?

Par ailleurs, le Gouvernement va-t-il dénoncer les quatorze conventions bilatérales de sécurité sociale qui prévoient un partage des pensions de réversion des étrangers polygames ayant travaillé en France ?

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Je voulais interroger le ministre de l'éducation nationale sur un grand absent : le renforcement de l'école publique, qui est un creuset pour le respect des principes républicains.

Monsieur le ministre de l'intérieur, j'ai repris tout à l'heure les propos de Mme Rolland, qui est responsable du renseignement territorial : elle a indiqué, lors d'une audition, que moins d'une centaine des 2 400 ou 2 500 lieux de culte posaient problème. Vous venez de dire que ce chiffre était faux : c'est une illustration, me semble-t-il, de la difficulté concernant le partage des constats et des chiffres. Si les éléments qui nous ont été donnés lors de nos auditions, menées au pas de charge, sont contestés par le ministre, cela devient un peu compliqué !

Je me souviens, monsieur le garde des sceaux, de propos extrêmement forts que vous avez tenus lorsque vous étiez avocat : vous avez déclaré que si un homme, même le pire d'entre eux – vous défendiez alors l'auteur d'un attentat –, était accusé sans preuves, les terroristes gagneraient. Je suis pour que l'on soit efficace contre eux, mais aussi pour que l'on avance sur la base de constats et d'éléments réels, et non pas d'une série d'impressions qui conduisent à des choses blessantes. Lorsqu'on veut changer le statut des associations cultuelles, notamment la Fédération protestante, alors qu'elle n'a rien à voir avec ce texte, je considère qu'on introduit dans le débat des restrictions de libertés qui sont totalement à côté du sujet.

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Le combat contre le séparatisme, on l'a bien compris, ne se mènera pas que dans les lieux de culte. L'islam politique s'est déployé sur internet depuis de nombreuses années. Nous sommes très heureux de voir arriver, grâce à ce texte, une régulation des réseaux sociaux qui est, bien sûr, indispensable. À notre avis, néanmoins, elle ne sera pas suffisante. Nous utilisons les réseaux sociaux depuis dix ou vingt ans. Mais avions-nous tous en tête, à notre première connexion ou à chaque fois que nous nous sommes connectés, l'enfermement algorithmique, la dépendance aux likes et aux écrans, et tout ce qu'implique l'économie de l'attention s'agissant de la haine en ligne ? La prévention et l'éducation sont les pendants nécessaires de la régulation. Les enfants doivent être sensibilisés dès le plus jeune âge aux bons usages d'internet et ils doivent ensuite poursuivre cet apprentissage au collège. Les gendarmes et les policiers arrivent à sensibiliser près d'un quart des enfants d'une classe d'âge. Le groupe La République en marche, uni derrière ce texte et le Gouvernement, défendra un amendement tendant à généraliser ce type de formation.

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Le Président de la République a dit aux Mureaux, le 2 octobre dernier, que le problème était le séparatisme islamiste. C'était un point de départ intéressant mais il n'en est pas question à l'arrivée, ou peu. La référence qui figurait dans le titre du projet de loi a même été gommée. Exit, donc, le séparatisme, mais aussi tous ses ferments, notamment le premier d'entre eux, qui est le monde carcéral. J'ai déposé plusieurs amendements à la loi de 2009, qui prévoyait un encellulement individuel afin d'éviter l'endoctrinement en groupe, mais ils ont malheureusement été déclarés irrecevables.

À quoi sert un texte qui évite l'essentiel ? Nous avons été noyés sous une avalanche d'auditions pour donner l'apparence d'une ouverture, tout cela pour en arriver à une sorte de débat limitatif. Je pensais que ce texte pouvait nous rassembler autour des valeurs de la République. Or un rassemblement, monsieur le garde des sceaux, se construit : cela ne se décrète pas. Ce texte tiède est sacrifié sur l'autel d'un juridisme strict et dévoyé concernant l'article 45 de la Constitution : nos amendements ont un lien direct ou indirect avec le projet de loi.

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Nous n'allons pas reprendre ce débat indéfiniment…

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Ce projet de loi, que nous étions nombreux à attendre, nous permettra de garantir le renforcement des principes républicains. Je tiens notamment à saluer la volonté du Gouvernement de faire de la protection de l'enfance un pilier du texte.

Le projet de loi protégera l'ensemble de nos concitoyens sans jamais stigmatiser une partie de la population. Les seuls qui doivent se sentir concernés sont les prêcheurs de haine, ceux qui militent pour la chute de la République, qui souhaitent imposer un mode de vie à une population. Tous ceux qui voudront, à partir de ce texte, tenir des propos stigmatisants ou reposant sur des amalgames trouveront sur leur route des défenseurs de la République, qui n'accepteront jamais la mise à l'index d'une partie de nos concitoyens, lesquels sont souvent, d'ailleurs, les premières victimes du séparatisme.

Notre seul et unique objectif, avec ce projet de loi, est de faire société en recréant une appartenance collective à notre nation, qui s'est effritée au fil de discours fracturants, tenus aussi bien par des partisans d'idéologies nauséabondes que par une partie de la classe politique. Je nous souhaite de débattre sereinement de ce projet de loi. Pour nos concitoyens, pour la République et pour l'histoire de France, soyons à la hauteur !

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Je veux m'inscrire en faux contre l'idée qu'une grande concertation aurait eu lieu. Les représentants des milieux associatifs, éducatifs ou cultuels que nous avons auditionnés ont très souvent regretté le manque de concertation avant le dépôt du texte.

Le projet de loi souffre d'un double défaut. Il ne va pas assez loin sur un point : la lutte contre l'islamisme radical. On peut regretter que les amendements déposés à ce sujet aient été refusés en application de l'article 45 de la Constitution. Mais c'est aussi un texte qui va trop loin : il comporte des mesures de portée générale qui s'appliqueront à tout le monde et causeront des dommages collatéraux en s'attaquant à des libertés – d'expression, d'association, d'enseignement et de culte. Des associations et des citoyens qui ne demandent rien seront concernés par ce texte, qui compliquera leur vie. On peut aussi le regretter.

Voilà autant de raisons, monsieur le ministre de l'intérieur, pour lesquelles nous nous opposerons à ce texte.

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Ce sera une loi de liberté, comme cela a été souvent dit ce soir. Ce sera aussi un texte qui protège. Comme l'affirmait Lacordaire, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». La loi protège. Celle de 1905, qui a établi une liberté absolue de conscience, a apporté une protection à tous – aux athées, aux agnostiques, aux chrétiens, aux juifs et aux musulmans. Nous devons poursuivre cette œuvre législative de nature protectrice en rendant juste et parfaite l'obligation de neutralité dans la sphère du service public. Je défendrai des propositions en ce sens par voie d'amendements.

Auparavant, pour la clarté de nos débats, monsieur le ministre de l'intérieur, j'aimerais comprendre à qui fait référence l'article 1er du projet de loi lorsqu'il est question, à propos de ceux à qui l'obligation de neutralité doit être étendue, de personnes sur lesquelles un organisme public ou de droit privé participant à l'exécution d'une mission de service public exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Permettez-moi de citer les débats relatifs à la loi de 2004, qui a interdit le voile, ou plutôt, pardonnez-moi, les signes religieux ostensibles à l'école. « Un seul exemple : demain, le port du voile sera interdit mais celui du keffieh sera autorisé. Pourtant, le keffieh peut apparaître en particulier par les jeunes juifs, comme un signe d'agression. Je m'inquiète aussi pour l'intégration. Si là est la grande affaire, est-il bien raisonnable de commencer par stigmatiser et exclure ? Autant il faut combattre fermement toutes les formes de communautarisme, autant ce serait une erreur de voir dans toute expression d'une identité l'affirmation d'un quelconque communautarisme. Il n'y a d'ailleurs communautarisme que lorsqu'une communauté agresse les autres. [...] Le grand défi républicain réside désormais dans la sécularisation de l'islam ». Voilà ce que disait Marc Le Fur à l'époque.

S'agissant des divisions, je rappelle que vingt-neuf députés du groupe UMP n'ont pas voté le texte de 2004, pour des raisons d'ailleurs tout à fait compréhensibles qui tiennent à la liberté et à la culture politique. Je pourrais également citer d'autres parlementaires aujourd'hui dans vos rangs. Il y a, et c'est bien normal, des discussions politiques importantes au sein des groupes Les Républicains (LR), La République en marche, MODEM et d'autres encore. Il ne faut pas caricaturer : dire que nous n'avons pas prévu telle disposition parce que nous aurions peur de diviser la majorité, c'est faire peu de cas du débat politique. Êtes-vous tous d'accord, au sein du groupe LR, sur l'instruction à domicile ? J'ai vu qu'il y avait des différences notables entre M. Diard et Mme Genevard, comme entre certains députés LR qui disent qu'ils voteront le texte, quoi qu'il arrive, et d'autres qui déclarent qu'ils verront bien, ces différences étant, je le répète, bien normales…

Je rappelle également, cette fois au groupe socialiste, qu'en 2004 M. Glavany disait être contre la disposition présentée par le Gouvernement – c'était sous la présidence de Jacques Chirac –, parce qu'il trouvait que les députés UMP avaient la laïcité honteuse. Ils visaient les signes religieux « ostensibles » alors que le groupe socialiste demandait qu'il soit question des signes « visibles ». Il est peut-être vrai que la laïcité est avant tout une loi et une aspiration de gauche.

Je souhaiterais que l'on évite les arguments de tribune, qui sont faciles. Je pourrais également citer d'autres personnes…

Il est normal d'avoir des débats politiques et philosophiques sur des textes aussi importants. Le garde des sceaux a eu raison de rappeler que tout n'était pas si évident a priori. Je crois que nous pouvons avoir un débat serein en évitant de nous jeter à la figure des anathèmes, de nous accuser de lâcheté ou d'autoritarisme.

M. Breton, qui est entré dans le vif du sujet alors que d'autres ont évoqué la forme plutôt que le fond, a reproché au texte d'être à la fois trop mou et trop dur. Vous auriez sans doute aimé, monsieur Breton, que nous présentions un texte pour le culte musulman, ad hominem, en quelque sorte – c'est ce que je comprends de vos propos. Cela aurait été absolument contraire aux principes de la République, de notre Constitution et de la loi de séparation entre les Églises et l'État. Nous n'avons donc pas fait ce choix. D'autres pays l'ont fait mais, pour notre part, comme l'ont très bien dit le Garde des Sceaux et le ministre de l'éducation, nous souhaitons un texte qui s'adresse à tout le monde. Vous l'avez souligné, monsieur le président, la loi est l'expression de la volonté générale, elle s'applique d'une façon générale, et non pas en particulier. C'est un point très important : nous n'avons pas voulu faire une entorse considérable au principe de laïcité qui est celui de notre République. Elle ne nie pas certaines religions pour en reconnaître une autre. Tout le combat de l'État français, sous la monarchie, sous l'empire et sous les républiques a été de ne pas reconnaître un culte en particulier. Vous avez le droit d'avoir la position qui est la vôtre, mais elle est foncièrement contraire aux principes républicains. On comprend donc mieux pourquoi vous vous opposez à ce texte, qui vise à les renforcer.

Monsieur Corbière, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. La directrice des renseignements territoriaux a eu raison de vous indiquer – j'ai lu avec attention le compte rendu de son audition – que quatre-vingt-neuf lieux posaient problème, car tel est le cas aux termes de la loi actuelle. Mais le projet de loi que nous vous soumettons a pour objet d'identifier, entre les deux catégories que constituent, d'une part, les lieux qui ne posent aucun problème et, d'autre part, ceux qui ont un lien avec le terrorisme, une cible politique : le séparatisme ou l'islamisme politique. Ainsi, demain, en tant que ministre de l'intérieur, je demanderai aux services de renseignement de travailler, non plus seulement sur la question du terrorisme, mais aussi sur celle du séparatisme. Des critères me permettront de classer un certain nombre de lieux de culte dans cette dernière catégorie, qui n'a pas forcément un lien direct avec le terrorisme – même si, nous l'avons vu, ce lien était évident dans le cas de l'assassinat de Samuel Paty. Longtemps, beaucoup ont pensé que l'islamisme politique était certes condamnable, mais n'était pas de même nature que le terrorisme. La force de ce texte est de considérer qu'il existe entre ces deux phénomènes une différence de degré et non de nature.

Parmi les lieux de culte qui posent problème du point de vue du ministère de l'intérieur – ce qui exige des vérifications complexes –, on dénombre, outre les 89 mosquées jugées inquiétantes pour la République – soit 91 moins 2, puisque nous en avons exclu certaines de la liste de celles que nous soupçonnions –, 147 lieux de culte classés « fréristes », c'est-à-dire appartenant au mouvement des Frères musulmans, dont 18 écoles – que la loi ne nous permet pas de fermer –, 136 lieux classés salafistes, dont 7 écoles de la même mouvance, et 200 lieux de culte – 150 selon le bureau central des cultes – de la mouvance tabligh, dont je rappelle qu'elle est actuellement représentée au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM). Nous parvenons donc à un total de plus de 400 lieux de culte sur environ 2 400 : cela ne fait pas 4 %. La réponse de la patronne des RT est fondée, et c'est normal, sur la loi actuelle ; celle du ministre de l'intérieur que je suis sur l'objectif politique que je me fixe.

Nous voulons avoir les moyens de contrôler ces lieux de culte, mais il ne s'agit pas de les fermer pour les fermer : si nous n'avons aucune preuve que nos soupçons sont avérés, nous ne les fermons pas. Ainsi, sur les dix-huit mosquées qui avaient été considérées comme très dangereuses, neuf ont été fermées ; les neuf autres ne l'ont pas été, car nous n'en avions pas les moyens, et je me refuse à sanctionner un délit d'opinion. En tout état de cause, s'agissant des chiffres, nous n'avons rien à cacher.

Monsieur Cormier-Bouligeon, nous aborderons ce soir l'examen de l'article 1er. Nous pourrions discuter à l'envi de la définition du service public, mais nous nous en tenons aux éléments suivants : est un service public, soit ce que la loi désigne comme tel, soit les missions exercées par des fonctionnaires relevant du statut de la fonction publique et des personnels y concourant : apprentis, stagiaires, agents publics titulaires d'un contrat de droit privé – soit 20 % des agents publics – ainsi que tous les personnels d'une entreprise exerçant une délégation de service public ou relevant du code des marchés publics s'ils participent directement à l'exécution du service public – je pense aux transports publics, aux piscines… C'est un point essentiel.

Monsieur Rudigoz, jusqu'à présent, est considéré comme un lieu de culte un lieu où l'on exerce habituellement un culte. Ainsi, certains d'entre eux ne relèvent d'aucune structure juridique – ils peuvent être cachés, cela arrive, dans des halls d'immeuble ou des caves. Nous revenons sur ce paradigme historique, et le Conseil d'État accepte cette nouvelle définition : dorénavant, sera considéré comme un lieu de culte un lieu gouverné par une structure juridique ayant pour objet d'exploiter ce culte. Cela change tout ! Nous préférons que cette structure juridique soit une association loi de 1905, mais ce pourra être une association loi de 1901, avec des contraintes supplémentaires. Ce point est très important.

Dès lors, nous devons opter pour un régime de déclaration ou d'autorisation – jusqu'à présent, le ministère de l'intérieur délivrait un rescrit dont la durée était d'environ cinq ans. Nous souhaitions un régime d'autorisation. Le Conseil d'État, estimant que nous allions très loin, accepte que nous imposions l'existence d'une association pour chaque lieu de culte mais recommande que nous options pour un régime de déclaration. Nous l'avons suivi, en proposant une déclaration qui devra intervenir tous les cinq ans pour que nous ayons les moyens d'exercer un contrôle.

J'ai indiqué aux représentants des cultes protestant, catholique, musulman et juif que notre objectif n'était pas d'empêcher l'existence de lieux de culte qui respectent totalement les principes de la République et ses attendus. Nous allons donc proposer, avec le rapporteur, un amendement afin qu'une déclaration tacite, reconductible, suffise lorsque ces associations sont anciennes et que nous n'avons rien à leur reprocher. La mosquée de Paris, par exemple, construite en 1920 grâce au budget du Parlement, indépendamment de la loi de séparation des églises et de l'État, en fait partie. Il s'agit de prendre en considération, non pas des thèmes ou des religions, mais l'histoire, ce qui n'empêchera pas l'État d'exercer son contrôle. Nous allons proposer cette simplification, car j'ai bien compris la préoccupation de ceux qui pensent que nous ratons la cible.

En ce qui concerne la certification des comptes, j'ai indiqué aux représentants des cultes que nous ne renoncerions pas à imposer l'obligation de déclarer les sommes perçues de l'étranger lorsqu'elles excèdent 10 000 euros par an, l'État devant pouvoir s'opposer au versement d'argent provenant de l'étranger, quels que soient le culte et le montant. En revanche, je comprends que l'on souhaite que nous revenions sur le seuil de 10 000 euros qui déclenche l'intervention d'un commissaire aux comptes, notamment pour les associations loi de 1905. De fait, certains lieux de culte perçoivent parfois 10 000 ou 15 000 euros pour réaliser des travaux, par exemple ; s'ils doivent rémunérer un commissaire aux comptes, ils ne pourront plus réaliser ces travaux, de sorte que cette règle porterait atteinte à la liberté de culte. J'ai donc accédé à cette demande et déposé un amendement qui prévoit que, pour les associations loi de 1905, et uniquement pour celles-là, nous ne reviendrons pas sur le seuil qui déclenche l'intervention d'un commissaire aux comptes et qui est actuellement de 153 000 euros. En revanche, pour les associations loi de 1901, je proposerai que l'on maintienne le seuil prévu. Nous souhaitons, en effet, que les lieux de culte relevant d'une association loi de 1901 migrent vers des associations loi de 1905 ; nous faisons donc en sorte que le régime des premières soit plus contraignant que celui des secondes. La loi n'a pas été faite pour satisfaire la technocratie, mais pour embêter ceux qui nous embêtent.

Monsieur Vigier, vous souhaitez que les candidats fichés S ne puissent pas être éligibles. Tout d'abord, ce fichier n'a pas de lien avec les atteintes à l'ordre public : il s'agit d'un fichier de signalement. Au demeurant, nombre de personnes ne savent pas qu'elles figurent dans ce fichier, et c'est heureux car, si elles le savaient, elles adopteraient un autre comportement et, M. le garde des sceaux et moi-même, nous ne pourrions pas intervenir. Par conséquent, si vous souhaitez que certaines personnes soient inéligibles, mieux vaut vous appuyer sur le FIJAIT, qui regroupe des personnes condamnées ou mises en examen. En outre, il arrive qu'une personne fasse l'objet d'une fiche S, non pas parce que nous nous intéressons à elle mais parce que nous nous intéressons aux personnes avec lesquelles elle est en contact. Du reste, les islamistes sont minoritaires parmi les 22 000 fichés S, qui regroupent également des personnes appartenant à l'ultradroite, à l'ultragauche ou des militants très violents. Nous aurons l'occasion d'y revenir – je vous fais là une ouverture.

Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Le contrat d'engagement républicain sera unique : il ne peut pas être décliné secteur par secteur, car les principes de la République sont les mêmes partout. Cependant, nous ferons en sorte – des travaux sont en cours sur ce point – que les associations agréées n'aient pas à souscrire un double engagement. Par ailleurs, j'ai entendu dire que les consultations n'étaient pas suffisamment abouties : je le confirme, puisqu'elles sont toujours en cours.

Enfin, nous partageons l'objectif des députés qui ont déposé des amendements visant à améliorer la formation à la laïcité. C'est, du reste, l'objet de deux amendements du Gouvernement concernant l'administration. Nous discuterons du point de savoir si cette formation doit faire l'objet d'une recommandation ou d'une obligation. Il ne me paraît pas opportun d'entrer dans le détail d'une obligation de formation s'agissant des non-fonctionnaires, mais nous en débattrons. En tout cas, ces deux amendements du Gouvernement ont pour objet de donner à chacun les moyens de mieux se former aux questions de la laïcité et de la lutte contre l'islamisme.

La séance est levée à vingt heures quinze.

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 16 heures

Présents. – Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Benassaya, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Xavier Breton, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, M. Francis Chouat, M. Éric Ciotti, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, Mme Isabelle Florennes, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Yves Hemedinger, M. Sacha Houlié, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Anne-Christine Lang, M. Guillaume Larrivé, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, M. Olivier Marleix, M. Jean-Paul Mattei, M. Ludovic Mendes, M. Frédéric Petit, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Bruno Questel, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vichnievsky, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - Mme Emmanuelle Ménard, Mme Stéphanie Rist