Cette commission a réussi, dans un laps de temps contraint, à recueillir, pendant des dizaines d'heures d'audition, les avis d'un spectre très large d'acteurs et de personnalités, qui ont beaucoup éclairé les législateurs que nous sommes. Dans la diversité de leurs opinions et de leurs propositions, nul n'a remis en cause la nécessité de légiférer pour conforter les principes de la République. Ce texte répond à une attente dans le pays. Malgré le contexte sanitaire qui obsède, à juste titre, nos concitoyens, tout montre qu'ils sont très inquiets face au terrorisme islamiste et aux menaces de dislocation de notre communauté nationale.
Nous sommes moins de quatre mois après que le Président de la République a, aux Mureaux, fixé le cap face à l'une des principales menaces pesant sur la paix civile, qui opprime et qui tue en France, en Europe et dans le monde. Quelques jours plus tard, le terrorisme décapitait Samuel Paty pour avoir simplement fait son devoir d'éducateur à la liberté de conscience. Les parties civiles du procès Charlie Hebdo ont fait l'objet de menaces de mort. Nice a de nouveau été durement touchée. Vienne, la capitale de l'Autriche, a été frappée. Régulièrement, des États musulmans d'Afrique et d'Asie centrale subissent des massacres de masse perpétrés par les islamistes. Plus insidieusement, combien d'enseignants, d'élus, de policiers, de gendarmes, de pompiers, de médecins, de femmes ont la boule au ventre, se demandant s'ils ne vont pas devoir s'excuser de vivre en République sous l'égide du principe de laïcité, qui est la quintessence de la liberté ?
Ne perdons jamais de vue qu'à travers la complexité et l'extrême sensibilité des sujets qu'il traite, ce texte est fait pour armer démocratiquement, légalement tous ceux qui auront à mettre en œuvre ses dispositions ; sa réussite dépendra de son exécution volontaire. Il permettra à tous les acteurs des services publics et à ceux qui y concourent de mieux faire vivre le principe fondateur de notre République : le respect de la laïcité, de l'égalité et de la neutralité de l'État. À travers le contrat d'engagement républicain, il fournira l'occasion aux élus, aux associations, aux administrations publiques de construire ensemble la laïcité du quotidien et d'exprimer clairement ce que sont nos règles de vie commune dans une société démocratique, et l'égalité – pour reprendre la belle expression de la Convention européenne des droits de l'homme de 1953. Il s'attaque très volontairement au déferlement de haine et de harcèlement en ligne, ainsi qu'au e-djihad. Il fait honneur à notre statut de patrie des droits de l'homme en réprimant les phénomènes d'emprise et les pratiques attentatoires à l'intégrité et à la dignité de la personne. Il donne des moyens nouveaux aux cultes et à la justice pour combattre l'emprise du séparatisme sur des associations cultuelles et culturelles. Il remet l'école au cœur du village, pour tous les enfants, dans le respect des libertés fondamentales des familles, mais en agissant contre les zones d'ombre des écoles hors contrat et contre la déscolarisation d'enfants à des fins séparatistes, qui porte atteinte à leur intérêt supérieur.
Nous allons enrichir ce projet de loi – c'est notre rôle de législateur. Je pense en particulier à la nécessité de renforcer la protection et l'accompagnement des agents publics, en premier lieu des personnels de l'éducation, dans l'exercice de leurs missions, ainsi qu'à l'impérieuse nécessité de mettre en œuvre un vaste programme de formation de tous les agents publics et de tous les acteurs associatifs aux principes républicains et à la laïcité. Si l'adhésion à la République et à la laïcité a perdu du terrain face à ceux qui se sont promis de disloquer la société française, c'est bien entendu parce que grandit le sentiment d'impuissance à s'attaquer à la racine des multiples inégalités et discriminations qui minent l'avenir de millions de nos concitoyens et rongent des territoires entiers – et sans doute aurons-nous besoin de charpenter plus solidement les politiques de citoyenneté, de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, de prévention de la radicalisation, de lutte contre les ghettos et pour l'engagement citoyen et l'intégration. Mais c'est aussi parce qu'au fil du temps, nous avons cessé de faire de l'adhésion à une communauté de destin et du respect de ces principes un sujet cardinal de mobilisation populaire, que notre socle s'est fragilisé. Face à des offensives identitaires très structurées idéologiquement et politiquement, la République doit retrouver des appuis solides. Faisons-en sorte que ce texte y contribue !