Intervention de Charles de Courson

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Les articles de ce projet de loi permettront-ils, conformément à son titre initial et à son exposé des motifs, de conforter les principes républicains et de lutter contre les séparatismes ? Le texte se veut ambitieux ; le Gouvernement et la majorité veulent en faire un marqueur politique – en témoigne le grand nombre de ministres auditionnés et de ceux présents aujourd'hui.

Nous formons le vœu de parvenir à dépassionner le débat, hystérisé par certaines de ses thématiques. Le projet de loi touche, en effet, à de très nombreux sujets – service public, ordre public, enseignement, associations ou exercice du culte. Il modifie plusieurs de nos lois emblématiques, notamment la loi sur la liberté de la presse de 1881 et la loi de séparation des Églises et de l'État, de 1905. Il touche à de nombreuses libertés fondamentales, telles que la liberté d'enseigner, la liberté d'association, la liberté de culte, la liberté de communication.

Nous pensons, comme le Gouvernement, que l'islam radical, ou plutôt le fondamentalisme islamique, constitue une menace importante pour notre société. Nous partageons la volonté affichée de s'y attaquer et de réaffirmer notre attachement collectif au principe fondamental de la laïcité. C'est dans cet état d'esprit que nous avons entamé l'examen du texte. Cependant, la lecture détaillée des articles ainsi que les auditions nous ont amenés à réviser ce jugement. En l'état, le texte nous semble rater sa cible : censé viser l'islam radical, ou plutôt le fondamentalisme islamique, il rendra surtout la vie plus compliquée à un nombre considérable de parents, d'associations, de croyants de diverses religions, qui sont tous de bons républicains, qui respectent les règles de la République et qui n'ont rien à voir avec le fanatisme visé.

Les articles de ce texte peuvent être répartis en trois catégories : ceux qui apportent une réelle amélioration à l'état du droit ; ceux qui seraient acceptables sous réserve d'amendements significatifs ; ceux qui sont dangereux, soit qu'ils sont attentatoires aux libertés fondamentales, soit qu'ils sont inutiles, car déjà couverts par le droit existant, soit qu'ils sont inapplicables.

Nous approuvons les mesures prises pour protéger les fonctionnaires et celles visant à rendre plus effectif le principe de neutralité du service public. Nous regrettons néanmoins que le périmètre d'application de ces mesures ne soit pas défini de façon suffisamment précise – des amendements y pourvoiront. Il en va de même pour le concept de contrat d'engagement républicain. Mais la République n'est pas un contrat : il faut parler d'engagement à respecter les principes républicains.

D'autres articles, dont nous partageons l'ambition, paraissent parfois inutiles car déjà couverts par le droit existant. Ils relèvent de l'incantatoire, de l'affichage, et contribuent à une prolifération législative qui, in fine, affaiblit la loi. Au chapitre consacré à la dignité de la personne humaine, par exemple, tous les notaires nous disent que les mécanismes de pension réservataire sont totalement inapplicables. S'agissant des pensions de réversion pour les épouses de polygames étrangers, le texte prévoit que le dispositif sera appliqué dans le respect des engagements internationaux de la France, qui prévoient le partage, c'est-à-dire exactement l'inverse – il y en a quatorze et le Gouvernement ne veut pas les dénoncer. Cela est impossible et contribuera à créer des contentieux internationaux sans fin ! De même, des sanctions sont prévues à l'encontre des médecins ayant délivré de pseudo-certificats de virginité pour protéger des jeunes femmes. Or, Mme Dubré-Chirat l'a rappelé, ce sont les personnes qui forcent les femmes à demander de tels certificats qui doivent être sanctionnées.

Certains articles semblent attentatoires aux libertés fondamentales. Sont concernées la plupart des mesures relatives aux associations, notamment l'article 6 qui traite de l'exercice du culte, l'article 21 portant sur l'enseignement en famille et l'article 18, relatif à la lutte contre la haine en ligne. Ces dispositions ont fait l'objet d'échanges au sein de notre groupe, notamment ces trois articles.

Nombre d'articles consacrés à l'exercice des cultes créeront des lourdeurs administratives et comptables coûteuses pour l'ensemble des associations cultuelles, et dégraderont ainsi l'attractivité de la loi de 1905, malgré la possibilité de détenir des immeubles de rapport, soit l'exact inverse de l'objectif affiché par le présent projet de loi.

Une quatrième catégorie pourrait regrouper ce que le texte ne contient pas. Conformément au discours des Mureaux du 2 octobre 2020 du Président de la République, nous aurions attendu d'un texte ambitionnant de conforter les principes républicains des mesures visant, par exemple, à favoriser l'éducation à la laïcité, souvent mal comprise, l'intégration en matière d'emploi ou la mixité sociale dans le logement. De tout cela, il n'est pas question. Votre texte se veut répressif quand il aurait dû être équilibré par un volet éducatif, économique et social.

Dans un tout autre registre, la question des prisons, cruciale dans la lutte contre l'islam radical, ou plutôt le fondamentalisme islamique, n'est pas traitée. Quant aux moyens, ils ne sont jamais évoqués alors que c'est bien souvent ce qui manque avant tout, plutôt qu'un nouvel arsenal juridique.

En conclusion, à la différence de la loi de 1905, qui était une loi libérale, d'équilibre, faite de compromis, votre texte est, en l'état, déséquilibré, et tombe souvent dans des dispositions liberticides.

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