Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Pour être opérant, ce projet de loi aurait besoin de traiter en même temps du renforcement de la place de l'État, d'un service public réarmé dans l'ensemble du territoire, de la mixité sociale et de la lutte contre les inégalités qui sapent notre cohésion sociale. Sans politique sociale ambitieuse, sans avancée de la démocratie, nous ne pourrons lutter pleinement contre l'atomisation de la société et l'anomie sociale.

Ce texte est cependant nécessaire. Nous devons nous en emparer pleinement pour construire ensemble des dispositifs efficaces, et lutter contre les graves dérives qui frappent douloureusement notre pays, tout en étant respectueux des droits et des libertés des individus. Je suis persuadée que nos débats se dérouleront dans un esprit serein, sans stigmatisation de nos compatriotes de confession musulmane, qui ne demandent qu'à vivre sereinement au sein de notre République, dans le respect de ses principes.

Oui, il y a nécessité d'agir contre les extrémismes religieux, contre les prêcheurs de haine, les manipulateurs en tout genre, que ce soit à travers l'islam radical ou toute autre pratique allant à l'encontre de nos principes et de nos lois. Il n'y a pas lieu de toucher à la loi de 1905, qui reste d'une profonde modernité et qui, par son équilibre, garantit cette articulation si délicate entre principes de même valeur. Nous ne souhaitons pas de loi concordataire.

Dans un souci d'efficacité, pour que cette loi remplisse son objectif de lutte contre tous les séparatismes, nous soutiendrons les dispositions relatives à la neutralité du service public, à la dignité humaine et à l'école. S'agissant de la dignité humaine, la lutte contre la polygamie, les mariages forcés ou les certificats de virginité est un impératif. La loi doit les interdire expressément. J'alerte cependant sur le fait que, tels qu'ils sont rédigés, certains articles pourraient avoir des conséquences indirectes, en particulier sur le statut des femmes étrangères. Je me réjouis donc de l'amendement de Mme la rapporteure Dubré-Chirat.

Les dispositions concernant l'école, en particulier l'obligation scolaire, vont dans le bon sens. Comme ma famille politique, je crois profondément que l'intérêt supérieur de l'enfant commande qu'il aille à l'école de la République, à laquelle je suis très attachée. La rédaction actuelle de l'article, instaurant un régime d'autorisation préalable, nous apparaît équilibrée. Nous nous assurerons par voie d'amendement que les critères d'acceptation de la dérogation et la collégialité de la décision sont harmonisés dans le territoire. Nous sommes également favorables à un renforcement strict du contrôle des écoles hors contrat, car de nombreuses dérives ont été constatées. Du reste, nous nous interrogeons sur la pertinence de conserver de telles structures en France.

Je suis plus réservée à propos des dispositifs concernant les associations et les fédérations sportives, en particulier s'agissant du contrat d'engagement républicain.

Tout d'abord, je vois un paradoxe à renforcer les contrôles visant le monde associatif, ce qui jette sur celui-ci une sorte de suspicion généralisée, alors que l'État se repose de plus en plus sur les associations pour mener des politiques publiques là où les services publics se sont désengagés. Les associations assurent un lien social indispensable et participent ainsi grandement à la cohésion du pays. Si on leur impose de nouvelles obligations, l'État doit aussi se montrer à la hauteur de leur engagement et prendre ses responsabilités pour lutter contre la fragmentation de notre société. Un contrat se signe au moins à deux ; or, ici, seules les associations et fédérations souscrivent des engagements, que la plupart honorent déjà au quotidien. Dire cela n'est pas méconnaître les difficultés que posent certaines associations aux influences néfastes.

Ensuite, le fait de contractualiser à propos de principes fondamentaux suscite l'interrogation. Quels moyens de contrôle les associations et les fédérations auront-elles ? En outre, dans le texte actuel, la laïcité ne fait pas partie des principes républicains inscrits au contrat : c'est incompréhensible.

Enfin, nous ne savons pas comment le contrat sera rédigé, ni même s'il y en aura plusieurs, selon le type d'association. Or nous, législateurs et législatrices, ne pouvons avancer ainsi à l'aveugle : ce n'est pas normal. Nous ne voterons donc pas la disposition tant que nous ne connaîtrons pas le contenu du contrat ou des contrats.

Nous sommes, en outre, réservés, pour des raisons que nous développerons au cours des débats, à propos des articles 18 et 20.

Nous espérons être entendus en défendant nos amendements, avec pour fil conducteur toute la loi de 1905.

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