Intervention de Alexis Corbière

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Oui, des attaques ont eu lieu contre la Réplique ; oui, la Réplique est affaiblie dans plusieurs domaines. Dans un pays où près de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, où tant de violences sociales sont commises, elle est effectivement en danger.

Adopter un texte de loi sur le respect des principes républicains est une grande tâche. On peut agiter des thèmes par la voie médiatique – c'est la facilité –, mais, si l'on veut agir, il faut des constats partagés. S'il s'agit d'acter qu'une volonté forte existe dans notre pays que plus jamais aucun attentat, en l'occurrence du terrorisme islamiste, ne nous frappe, on peut dire que cette exigence existe. S'il s'agit d'agir sur le terreau du terrorisme, il faut aller plus loin et comprendre comment nous en sommes arrivés là. Au cours des nombreuses auditions, nous avons manqué de chiffres et de constats s'agissant des dynamiques sur lesquelles nous voulons légiférer – sont-elles résiduelles, en régression, en augmentation ? La seule augmentation des crimes qui ont eu lieu ne suffit pas.

Par exemple, quand ce texte prévoit de demander à l'ensemble des associations de respecter un contrat d'engagement dit républicain, et que la ministre Jacqueline Gourault estime que, dans la plupart des cas, il n'y a rien à redire sur les associations qui reçoivent des subventions, on se demande si la mesure n'est pas disproportionnée par rapport à l'objectif visé. Quand la Défenseure des droits dit que ce texte comporte des risques d'atteintes à nombre de libertés fondamentales, il y a de quoi s'interroger. Quand les représentants du MEDEF, que vous écoutez généralement, disent n'avoir rien demandé ni rien à signaler sur la radicalité en entreprise, ou que l'arsenal législatif leur paraît suffisant, il faudrait peut-être les entendre. L'ensemble des organisations syndicales de salariés ont estimé que la loi suffisait et qu'elles n'apporteraient pas leur soutien au texte. Quant aux associations philosophiques que nous avons entendues, elles ne se sont pas totalement reconnues dans le détail des articles que vous présentez. Certes, nous avons travaillé d'arrache-pied sur ce projet de loi, mais c'est sans commune mesure avec la loi du 9 décembre 1905, à laquelle chacun se réfère et qui avait demandé deux ans de travaux.

Vouloir comprendre n'est pas excuser, c'est être efficace. Puisqu'il s'agit de s'en prendre notamment au séparatisme d'origine islamiste, je ne suis pas d'accord pour commencer ces travaux comme M. le ministre de l'intérieur l'a fait, en disant que l'islamisme politique a fait une OPA sur l'islam de France. La responsable du service central du renseignement territorial nous a bien indiqué que, dans 96 % des lieux de culte musulman, il n'y a aucun problème. Cette formule ramassée me semble donc inutile.

Sans revenir sur l'utilisation abusive de l'article 45, je regrette que certaines de nos propositions aient été censurées. En particulier, si l'on veut défendre la loi de 1905, on doit l'appliquer dans l'ensemble du territoire : ce texte doit donc abroger le Concordat d'Alsace-Moselle, qui constitue un privilège pour près de 3 millions de nos concitoyens et coûte chaque année 60 millions d'euros. Rien ne justifie cette singularité ! Nous demandons la suppression des avantages fiscaux qui financent le culte : c'est cela la laïcité au sens de l'article 2 de la loi de 1905. Bien que les services fiscaux soient incapables de l'établir précisément, ces avantages représentent sans doute plusieurs centaines de millions d'euros. La loi de 1905, selon laquelle la République ne reconnaît aucun culte, doit nous interdire toute volonté de nous immiscer dans l'organisation des cultes. Ils doivent sans aucun doute respecter la loi, mais ce n'est pas à nous de dire comment ils doivent s'organiser.

Les associations ne doivent pas subir une suspicion généralisée. Celles qui contreviennent à la loi doivent être sanctionnées, mais en aucune manière leur comportement ne peut amener à considérer que toutes doivent se plier à respecter un contrat d'engagement républicain, dont d'ailleurs nous, législateurs, n'avons pas connaissance.

Pour ce qui est de l'école, l'école publique est le cœur de tout ; il faut la réinvestir. Elle est en danger, mise en concurrence avec l'école privée – sous contrat ou hors contrat –, que nous finançons. La loi Debré de 1959 coûte tout de même 10 milliards d'euros au contribuable et, dernièrement, la loi pour une école de la confiance, dite loi Blanquer, occasionne des surcoûts aux communes pour financer l'école privée. Dans ce domaine aussi, nous devons renforcer les contrôles. Nous devons également garantir à l'ensemble de nos fonctionnaires l'assurance de la protection fonctionnelle, qui n'est pas appliquée lorsqu'ils sont en danger.

Le discours du Président de la République aux Mureaux portait la promesse d'une action en faveur des quartiers reconnus comme relégués et visés par nombre de menaces. Déjà en 2015, le Premier ministre avait considéré qu'il existait un « apartheid territorial, social, ethnique ». À son tour, Emmanuel Macron a dénoncé une « ghettoïsation » que la République a laissé faire. Mais tout cela est complètement absent du texte. Tous les amendements que nous avions présentés pour casser cette ségrégation sociale et remettre en cause le séparatisme des riches, l'un étant la conséquence de l'autre, ne pourront pas être discutés.

Tout cela fait que le projet de loi rate sa cible ; il généralise la suspicion, remet en cause la bonne compréhension de la loi de 1905 et ne donne pas véritablement les moyens de lutter contre le terrorisme aux services, tels les renseignements, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) ou la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), qui permettraient d'être efficace face à des comportements que nous ne pouvons tolérer.

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