Le débat n'est pas tronqué : nous parlons en effet du voile depuis quasiment vingt-quatre heures. M. Pupponi a bien résumé la situation à son propos en évoquant une part de liberté et une autre de provocation ou d'entrisme – je ne l'ignore pas. C'est vrai aussi dans certains établissements universitaires.
En tout cas, le débat est plus compliqué que tel que vous l'avez présenté car, à la différence de la France, la Turquie n'a pas de Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont l'article 10 dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses […] ». À coup sûr également, nous nous adressons à des adultes, et non à des citoyens en construction, c'est-à-dire à des enfants, ce qui rend le parallèle avec l'interdiction des signes religieux ostentatoires à l'école hasardeux.
Sans entrer dans un autre débat visant à déterminer si le voile répond à une prescription religieuse, peut-on limiter la liberté d'expression et d'opinion des adultes, même religieuse, à l'université, pour des motifs soit d'ordre public, dont le législateur a usé pour interdire la burqa, soit pour d'autres, relevant de la lutte contre le séparatisme ? Le fait que ce soit à l'université constitue une « circonstance aggravante ». La liberté d'enseignement des professeurs d'université, comme la liberté d'expression des parlementaires, est d'ailleurs particulièrement consacrée par le droit constitutionnel. Le motif de troubles à l'ordre public tel que l'entend la jurisprudence administrative ne peut être invoqué. Mais la question reste ouverte s'agissant de la lutte contre le séparatisme.
À coup sûr cependant, une telle disposition ne relève pas de la loi ordinaire. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que l'article 1er de la Constitution, permettraient d'interdire à toute personne d'imposer le port d'un vêtement religieux quelque part, en raison de la liberté absolue en la matière, mais n'autoriseraient pas le retrait d'une expression, même religieuse, quand bien même celle-ci nous gênerait. Comme je l'ai dit hier, la gêne ne doit pas forcément inspirer la loi.
S'ils lancent un débat politique, de tels amendements encourent la censure du Conseil constitutionnel. Du reste, personne n'a jamais osé inscrire dans la loi les dispositions de la circulaire Chatel sur les mamans accompagnatrices de sorties scolaires dans l'enseignement public. Le ministre de l'éducation de l'époque avait indiqué qu'il faudrait sans doute modifier la Constitution pour le faire.
C'est donc pour des raisons tant de forme que de fond que le Gouvernement est défavorable aux amendements.