Ce débat a lieu entre nous parce qu'il a lieu dans la société. Il doit être apaisé, certes, mais pas simplifié : la simplification, c'est l'intempérance, monsieur Ciotti, et sur des sujets aussi complexes, rien n'est pire. Il m'a semblé que certains aspects de vos propos faisaient polémique. Nous voulons traiter ce sujet sans polémique, froidement, et très fermement.
Il a été question des majorités qui ont agi, en 2004 ou 2010 : ont-elles réglementé l'usage du voile dans l'enseignement supérieur ? Non. En effet, le rapport Stasi de 2003 est très clair sur ce sujet, et d'une certaine façon assez définitif. L'objet du débat, rappelle-t-il, ce sont des personnes majeures, comme nous, à l'Assemblée nationale, qui sont capables d'exercer leur savoir critique, et ce dans un lieu de liberté, comme le disait Pierre-Yves Bournazel – la liberté du savoir, du savoir critique. Pour reprendre la discussion d'hier soir, madame Genevard, le voile, en tant que tel, est-il un signe de repli communautaire ? De séparatisme ? D'appartenance à l'islam radical ou politique ? La réponse est non. En revanche, devons-nous lutter de toutes nos forces contre celles et ceux qui font acte de prosélytisme et considèrent que leurs valeurs doivent dominer les principes de la République, ces principes mêmes que nous voulons conforter avec ce projet de loi ? Oui. C'est notre objectif.
Sommes-nous dénués de moyens ? Non. Tous les exemples cités par Éric Diard sont prévus par la loi. Une étudiante qui porte le voile intégral à l'université, comme dans tout l'espace public d'ailleurs, tombe sous le coup de la loi de 2010. Des actes de prosélytisme qui portent atteinte au bon fonctionnement du service public sont condamnables, et seront sanctionnés. Le rapport Stasi recommandait que chaque université se dote d'un règlement intérieur, traitant notamment de ces questions : les universités en disposent maintenant, et cette police des universités, si j'ose dire, doit s'exercer. Bref, nous ne sommes pas dénués de moyens et la seule question qui vaille est donc celle qu'a posée Charles de Courson : faut-il légiférer sur cette question ? Nous en parlions hier soir à propos des collaborateurs occasionnels du service public. Je crois qu'il ne faut pas légiférer plus que ce qui a déjà été fait. Ce serait un acte de division, ce serait dénier à des êtres majeurs la liberté essentielle de faire part, à l'université, de leur opinion philosophique, politique ou religieuse. Car c'est cela aussi, le savoir critique et la confrontation des savoirs.
Il n'est donc pas question d'inaction, de laxisme. La majorité présidentielle ne regarde pas passer les difficultés sans vouloir agir : c'est l'objet même de ce texte. Mais acter l'interdiction d'un signe religieux à l'université, c'est simplement contrevenir aux règles de l'université et c'est je crois diviser profondément notre pays. Or nous, monsieur Ciotti, voulons au contraire le rassembler, autour des principes de la République.