Je crois surtout qu'il y a quelque chose d'assez peu cohérent dans tout cela. Nous verrons bien ce que fera le Sénat, et notamment le président Larcher, qui travaille depuis longtemps à ces questions et qui je crois n'a pas les mêmes positions que le groupe LR à l'Assemblée nationale, si j'ai bien compris ce qu'il a dit dans un excellent entretien avec Marcel Gauchet. Bref, il y a plusieurs courants à droite, comme à gauche, ce qui est parfaitement normal. Il ne faut pas penser qu'une certaine droite, et elle seulement, serait capable de sauver la République. C'est plus compliqué, et c'est bien normal : la relation entre le temporel et le spirituel, entre les âmes et le citoyen, est compliquée.
Vous m'avez bien cité, monsieur Ciotti : la question du voile à l'université pose celle du prosélytisme. Beaucoup de choses posent question, il est normal de les aborder, cela ne veut pas dire qu'on doit les interdire. Quant à votre parallèle avec l'école, il n'est pas bon, puisqu'il s'agit d'adultes d'un côté et d'enfants de l'autre. Il y a d'ailleurs quelque chose qui ne va pas, si vous considérez que le fait qu'il y ait de plus en plus de signes ostensibles religieux, et singulièrement de voiles, montre que les textes ne permettent pas de lutter contre les formes de communautarisation, puisque c'est ce que vous dénoncez.
À ce propos, madame Genevard, défendre l'école et le collège confessionnels, comme vous l'avez fait à l'occasion d'amendements, c'est partir du principe qu'ils ne sont pas incompatibles avec la République, sauf à considérer que ce ne devraient être que des établissements catholiques, ce qui n'est pas votre cas. C'est aussi défendre le port du voile dans les écoles sous contrat. Le lycée Averroès de Lille, un autre près de Lyon, sont deux établissements sous contrat avec l'éducation nationale, et créés tous les deux sous Nicolas Sarkozy, pas sous un horrible gouvernement de gauche. Les défendre, c'est accepter que les jeunes filles portent des foulards au collège et au lycée de la République. Si vous ne proposez pas la fin de l'enseignement libre, ce qui serait un retournement de situation improbable, c'est qu'il n'y a pas d'incompatibilité de nature entre le fait de croire en quelque chose, même en-dessous de la majorité, et le fait de pouvoir être un bon citoyen.
La laïcité elle-même n'est pas l'imposition de la neutralité. Elle a toujours recouvert trois choses, les trois mêmes depuis 1905 : la neutralité des agents du service public, la liberté de culte, qui est garantie constitutionnellement, et la pluralité religieuse, autrement dit l'altérité. C'est là la victoire de Briand sur tous les autres : l'acceptation de la pluralité. La République ne reconnaît aucun culte et même la religion catholique, majoritaire en 1905, n'est pas reconnue juridiquement comme telle.
Vous allez un peu vite en besogne, monsieur Bournazel, en disant que ce n'est pas à nous de nous adapter aux lois de l'islam. Vous avez parfaitement raison, mais personne ne propose cela. Personne ne veut obliger toutes les jeunes filles de France à porter un voile à l'université – car ce serait cela, s'adapter à la loi de l'islam.