Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Gérald Darmanin, ministre :

C'est un débat extrêmement intéressant, même s'il commence à devenir un peu redondant depuis hier. Cela montre que la parole est libre dans cette commission, que l'on y débat de tous les sujets, et le Gouvernement le fait bien volontiers.

Il est bien question du voile, pas d'autre chose. Et ce voile cache trois autres débats, que nous ne réglerons pas maintenant – bien malin, qui pourrait le faire.

D'abord, vos amendements proposent une redéfinition de la laïcité. Ce que vous défendez n'est pas la laïcité française telle qu'elle résulte du compromis d'Aristide Briand et qui repose sur la neutralité des agents du service public et de l'État, la pluralité religieuse et la liberté de culte. Vous êtes libres de défendre qu'elle doit aussi inclure la neutralité de l'espace public, mais alors il ne s'agit pas de faire respecter les principes de la République, il s'agit de les modifier. La laïcité qui prévaut depuis 115 ans, l'intégralité de la jurisprudence la définit par les trois éléments que j'ai cités, parmi lesquels la pluralité religieuse vient d'encore plus loin, puisqu'elle existait avant la République, depuis que le gallicanisme est arrivé sur le territoire national, au XIVe siècle.

Ce voile cache un deuxième débat qui ne dit pas son nom. Au fond, vous n'êtes pas opposés au voile en général, et M. Corbière n'a pas tort dans sa démonstration – un peu absurde, il faut bien l'avouer. Soit nous débattons de l'expression des opinions religieuses et de la neutralité nécessaire ; c'est la laïcité. Soit nous débattons, non pas de la compatibilité de la religion avec le pouvoir politique – cela nous amènerait trop loin et j'imagine que nombre d'entre vous considèrent que la question ne se pose plus pour les catholiques, les protestants ou les juifs – mais de la compatibilité de l'islam et de son expression publique avec la République. Certaines positions politiques défendent que l'islam, intrinsèquement, n'est pas compatible avec la République. Je crois profondément que l'islam est compatible, à la condition d'une importante sécularisation et d'efforts de la part de l'État et des croyants. Mais si l'on considère qu'une religion et son expression n'est pas compatible avec la République, parce qu'elle représente un danger à chaque fois qu'elle se montre, je comprends certaines prises de position, mais M. Corbière a raison de poser la question des écoles sous contrat confessionnelles.

M. Ciotti ne cite qu'une partie du bilan de Nicolas Sarkozy, qui a aussi accordé des conventions à des écoles sous contrat musulmanes. C'est lui qui a donné son accord à l'ouverture du lycée Averroès et du groupe scolaire musulman de Lyon, où les jeunes filles ont le droit d'être voilées. Si vous considérez que c'est absolument incompatible avec la construction d'un citoyen, indépendamment de votre opinion favorable à l'école libre – disons plutôt privée pour ne pas choquer les plus laïcs d'entre vous –, alors il faut distinguer entre les religions. Ce débat n'est pas médiocre, il est soulevé par une partie de nos concitoyens ; mais nous pensons être fidèles aux principes de neutralité, de pluralité et de liberté de culte qui définissent la laïcité, et que la République ne doit distinguer aucun culte.

Enfin, madame Genevard, vous avez dit une bêtise. Il n'est pas interdit à une maman qui porte un foulard ou un papa qui porte une kippa d'entrer dans une école publique.

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