Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 21h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • laïcité
  • neutralité
  • religieuse
  • serment

La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Mardi 19 janvier 2021

La séance est ouverte à 21 heures.

La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République (n° 3649 rect.) (M. Florent Boudié, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre I du titre II, Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre I du titre Ier, M. Éric Poulliat, rapporteur pour le chapitre II du titre Ier, Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, Mme Laetitia Avia, rapporteure pour le chapitre IV du titre Ier, Mme Anne Brugnera, rapporteure pour le chapitre V du titre Ier, M. Sacha Houlié, rapporteur pour les chapitres II et III du titre II, et pour les titres III et IV).

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Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen des articles du projet de loi.

Après l'article 1er (suite)

La commission examine en discussion commune les amendements CS1536 de M. François Cormier-Bouligeon, CS1625 de M. Pierre Henriet et CS1387 de M. Éric Diard.

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Après les débats enflammés de cet après-midi, revenons à plus de mesure et au droit.

En ce qui concerne le service public, trois catégories sont traditionnellement reconnues par la doctrine : les agents, les usagers et les tiers. Une quatrième catégorie juridique, celle des collaborateurs occasionnels, se dessine au fil de l'évolution des usages et de la jurisprudence. Cette catégorie, issue de la théorie dite fonctionnelle, est fondée sur la nature de la mission effectuée.

Je pourrais citer, par exemple, l'arrêt Commune de Saint-Priest-la-Plaine du Conseil d'État du 22 novembre 1946. On évoque aussi, en la matière, une étude du Conseil d'État de 2013, mais ce n'est précisément qu'une étude, descriptive – même si certains pensent qu'elle constitue une incitation à légiférer. C'est notamment l'avis du professeur de droit public Ferdinand Mélin-Soucramanien, que nous avons auditionné la semaine dernière.

C'est au législateur de forger la loi. L'amendement CS1536 vise à créer cette quatrième catégorie – des collaborateurs occasionnels du service public – et à faire porter sur eux une obligation de neutralité. On a dit hier que cette catégorie n'avait pas d'existence juridique : créons-la.

Il existe actuellement une insécurité juridique : les agents du service public ne savent pas toujours si tel signe ou tel vêtement est prosélytique ou non, et l'interprétation peut varier selon les chefs d'établissement et les régions, au risque de créer des inégalités entre les territoires. Nous devons absolument clarifier la situation, en rendant neutre toute la sphère du service public. Cet amendement le permettra.

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Je ferai une observation qui ne vous est pas particulièrement destinée, monsieur Cormier-Bouligeon – vous avez d'ailleurs strictement respecté votre temps de parole. Je fais en sorte que les débats qui paraissent manifestement importants à toutes et tous puissent se dérouler sans que l'on applique strictement la règle permettant à deux orateurs de s'exprimer en réponse à la rapporteure et au ministre. Je pense qu'il est sain que notre commission puisse consacrer un peu plus de temps à certains sujets, mais nous ne pourrons évidemment pas le faire pour tous les amendements. S'agissant de cette série, une partie du débat – la plus grande partie, même – a déjà eu lieu hier. Je vous demanderai donc de vous en tenir à la présentation des amendements et aux réponses à la rapporteure et au ministre.

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La participation à l'exécution d'un service public ne saurait constituer une opportunité de faire du prosélytisme, qu'il soit religieux, philosophique ou politique, je pense que nous pouvons tous en convenir. Nous devons prendre des mesures pour prévenir ce risque, en ne nous enfermant pas dans le débat sur la tenue vestimentaire, dont nous avons déjà fait le tour, me semble-t-il.

L'amendement CS1625 concerne les personnes qui exécutent une mission de service public, quel que soit leur statut. Je ne crois pas que l'objectif d'une telle mission soit de faire la promotion de convictions personnelles et intimes. Cet amendement ne constituera, donc, en aucun cas, une entrave à une quelconque liberté, à l'application de notre Constitution ou à la pluralité religieuse, à laquelle vous avez fait précédemment référence, monsieur le ministre. Il existe d'autres espaces pour exprimer ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques.

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Je serai d'autant plus bref que je préférerais que l'on adopte l'amendement CS1396 que je défendrai juste après.

L'objet de l'amendement CS1387 est de soumettre les collaborateurs occasionnels du service public aux mêmes règles que celles s'appliquant à l'ensemble des agents et des contractuels du service public, en particulier l'obligation de neutralité. Le projet de loi étendra cette obligation, à laquelle les agents publics sont déjà soumis, mais cela ne concernera pas, dans la rédaction actuelle du texte, les collaborateurs occasionnels du service public. Je rappelle que la jurisprudence ne les soumet pas à cette obligation.

Il ne s'agit pas d'exclure des personnes qui pourraient être considérées comme des collaborateurs occasionnels après que le service a été rendu. Quelqu'un qui aurait porté secours à une autre personne, par exemple, et qui aurait subi un dommage à cette occasion, pourra toujours être indemnisé en tant que collaborateur occasionnel du service public.

Cet amendement, qui vise à assurer une simple coordination avec l'ensemble du projet de loi, permettra d'étendre l'obligation de neutralité à l'ensemble des collaborateurs du service public – les règles sont les mêmes pour tous. Il s'agit d'également d'envoyer un signal aux usagers en leur rappelant que la République est laïque en toute circonstance : elle ne reconnaît officiellement aucun culte, afin de préserver la liberté de conscience de chacun.

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Nous avons déjà abordé ce sujet hier, en effet. Je l'avais dit, dans son étude de 2013, le Conseil d'État a bien indiqué que la loi et la jurisprudence n'avaient pas identifié de troisième catégorie de collaborateurs du service public ou de participants qui seraient soumis, en tant que tels, à l'exigence de neutralité religieuse. Outre ces catégories qui existent dans la réalité, il n'est pas question, pour ma part, de se focaliser sur les accompagnatrices de sorties scolaires : il y a beaucoup d'autres catégories de personnes concourant occasionnellement à l'exécution du service public. Je l'ai illustré hier à propos de la justice.

À mon sens, il est souhaitable de ne pas laisser subsister l'angle mort mis en exergue par l'étude du Conseil d'État. L'amendement CS1387 de M. Diard et de ses collègues, plus peut-être que ceux de M. Cormier-Bouligeon et M. Henriet, parce qu'il s'inscrit dans la logique juridique du projet de loi, permettra d'atteindre cet objectif. L'amendement soumettra tous les collaborateurs et participants au service public, dans la limite, bien sûr, de la participation à l'exécution du service, à l'obligation de neutralité que le Conseil d'État a voulu réserver aux seuls agents publics. Il reprend la formulation retenue par le projet de loi en l'étendant, pour désigner l'organe devant faire respecter ce principe, à toute personne chargée de l'exécution d'un service public. J'y suis favorable.

Selon moi, il serait regrettable que les délégataires de service public soient, en raison de la référence du projet de loi aux personnes sur lesquelles s'exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, soumis à des contraintes plus sévères que les personnes publiques tenues de faire respecter les principes de neutralité et de laïcité aux seuls agents publics.

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Nous avons eu hier soir, très longuement, ce débat sur la création d'une catégorie supplémentaire, en plus de celle des agents publics, auxquels s'applique pleinement la neutralité, et de celle des usagers, dont relèvent notamment ce que vous appelez, mes chers collègues, les collaborateurs occasionnels du service public. Nous avons, me semble-t-il, tout dit hier soir à ce sujet. Je me contenterai donc d'émettre un avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Avis défavorable.

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J'aimerais demander, une nouvelle fois, à nos collègues s'ils sont conscients des conséquences : dans les établissements privés, sous ou hors contrat, qui accueillent 20 % des élèves, tout signe religieux serait interdit, et il en serait de même dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC) dont il a été question hier. J'espère que, dans l'esprit des auteurs de ces amendements, il ne s'agit pas d'être tatillon à l'égard des bénévoles mais de faire preuve de largesse, de tolérance à l'égard des signes religieux dans les établissements privés financés par de l'argent public. Je ne crois pas que ce soit réellement leur position, mais j'aimerais qu'ils nous disent s'ils souhaitent, en conséquence, que l'enseignement privé catholique n'arbore plus aucun signe religieux.

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À voir la tournure que prennent les débats, il n'est plus question de s'en tenir aux principes ; pour certains, c'est l'opportunité de promouvoir des obsessions politiques qui me paraissent folles et dangereuses. On revient sur le voile, soit pour l'accepter aveuglément, le syndrome de Stockholm se transformant en syndrome d'Istanbul ou de Téhéran, soit pour le proscrire partout, pour tous, et ainsi stigmatiser une seule croyance et ses fidèles, qui ne doivent pas être inquiétés en tant que personnes. Car la République, c'est l'esprit critique envers toutes les idées philosophiques, toutes les convictions politiques, toutes les croyances religieuses, mais aussi le respect absolu des personnes et de leur liberté de conscience. La laïcité, c'est la liberté absolue de conscience, dont découle la liberté de croire ou de ne pas croire, et la loi qui traite à égalité tous nos concitoyens, qu'ils soient athées, agnostiques, chrétiens, juifs ou musulmans. Nous ne faisons pas de différence entre eux. Ces amendements ont pour but de rétablir l'égalité en étendant l'obligation de neutralité à toute la sphère du service public.

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En l'état, la loi garantit l'égalité, la liberté de conscience des usagers et le devoir de neutralité des agents du service public. Ce serait une erreur de la changer.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1538 de M. François Cormier-Bouligeon et CS1396 de M. Éric Diard.

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Il y a une forme d'ambiguïté dans nos échanges. Les usagers de l'école, ce sont les élèves, pas les parents ou les accompagnateurs. C'est l'intérêt de l'enfant qui doit être pris en compte, et non celui de l'adulte qui voudrait afficher tel ou tel signe.

Lors des auditions, M. Henri Peña-Ruiz, notamment, nous a dit que l'école est la deuxième vie de l'enfant, après sa famille. Il faut respecter cette deuxième vie parce qu'elle offre ce que la philosophe Catherine Kintzler a qualifié de « chance de dépaysement ». L'école publique accueille des mineurs, vulnérables, en construction ; elle les instruit, pour en faire des citoyens libres, maîtres de leur jugement. Les élèves doivent donc être protégés contre le prosélytisme.

Le code de l'éducation est clair : les sorties scolaires ont une finalité pédagogique et éducative. Ce sont des missions de service public. L'argument selon lequel la neutralité des accompagnateurs serait dirigée contre les mamans voilées me révolte, à titre personnel. Je l'ai dit à plusieurs reprises, il ne s'agit pas de la finalité que nous voulons atteindre. Le respect de la liberté et de la diversité des convictions des familles exige la neutralité des adultes, enseignants ou encadrants. Tel est l'objet de notre amendement CS1538.

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L'amendement CS1396 vise à reconnaître la qualité de collaborateur bénévole du service public à toute personne extérieure accompagnant ou recevant une classe lors d'une sortie scolaire, même d'une manière occasionnelle. Actuellement, les intervenants extérieurs ponctuels ne sont pas soumis au principe de neutralité, contrairement aux intervenants réguliers. C'est une disparité importante à l'égard des enfants.

N'oublions pas qu'ils doivent toujours être la priorité à l'école. Le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît ainsi que l'organisation de l'enseignement public gratuit et laïc est un devoir de l'État, et le code de l'éducation que l'État protège la liberté de conscience des élèves. L'objectif est de les protéger alors qu'ils sont en construction et donc vulnérables. L'État assure-t-il vraiment la liberté de conscience des élèves lorsque des accompagnants ou des intervenants se présentent avec des signes religieux ostensibles, à la vue des enfants, au simple prétexte que l'aide apportée est occasionnelle ?

Les accompagnants scolaires ne sont pas nécessairement des parents d'élèves. Ceux d'entre eux qui accompagnent une classe ne le font pas en tant que parents accompagnant leurs enfants mais en tant que collaborateurs anonymes, qui doivent, à ce titre, se soumettre aux mêmes obligations que les agents publics. Les sorties scolaires font partie de l'enseignement, comme les cours. De même que les enseignants, les intervenants et les accompagnateurs scolaires doivent respecter l'obligation de neutralité du service public, afin d'atteindre le seul objectif de l'enseignement : aider les enfants à se construire en tant que citoyens, en protégeant leur liberté de conscience.

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Mon approche est différente. La position que j'ai défendue tout à l'heure ne visait pas une catégorie particulière de collaborateurs occasionnels. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS96 de Mme Anne-Laure Blin et CS752 de M. Julien Ravier, et les amendements identiques CS27 de Mme Annie Genevard et CS556 de M. Éric Ciotti.

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L'amendement CS96 devrait obtenir l'assentiment du Gouvernement. À partir du moment où les signes ostentatoires peuvent toucher un public constitué de mineurs, nous pouvons avoir une conception un peu plus large de ce qu'on peut entendre par laïcité. Sans parler de la qualification juridique que vous ne voulez pas accorder à la catégorie des collaborateurs occasionnels du service public, l'idée est que les parents accompagnant les sorties scolaires aient une tenue totalement neutre.

En 2013, le Conseil d'État ne s'était pas opposé à ce que l'éducation nationale recommande aux parents accompagnateurs de s'abstenir de manifester une appartenance ou une croyance religieuse, mais la situation est différente aujourd'hui. Ne pas agir reviendrait à imposer aux élèves une atteinte à leur liberté de conscience, alors même que l'État et nous-mêmes, en tant que législateur, avons le devoir de la protéger. Cela accentuerait encore l'affaiblissement des valeurs républicaines face au séparatisme et à l'islamisme politique.

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L'amendement CS752 vise également à étendre l'interdiction de manifester ostensiblement une appartenance religieuse aux personnes participant aux activités liées à l'enseignement dans ou en dehors des établissements, ce qui comprend les sorties et les voyages scolaires.

Les personnes participant à ces activités s'inscrivent dans une mission de service public. Il s'agit donc de les soumettre aux mêmes obligations de neutralité que les personnes assurant une mission de service public et de conforter le principe de la laïcité au sein de l'école de la République pour ses usagers, les enfants, qu'il convient de protéger.

Les parents accompagnateurs participent clairement à l'encadrement des enfants. Cette responsabilité leur est dévolue par l'enseignant. Si un enfant traverse la route et risque de se faire écraser, le parent accompagnateur doit intervenir : sa responsabilité est engagée. Il a, de fait, une mission de service public. Je pense donc qu'il faut lui étendre le principe de neutralité.

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Je propose, par l'amendement CS27, d'interdire le port de signes ou de tenues attestant une appartenance religieuse par des parents d'élèves, pères ou mères, lorsqu'ils accompagnent des élèves à l'occasion de voyages ou de sorties scolaires.

Lors de son audition passionnante et lumineuse, Catherine Kintzler, que l'on ne peut pas soupçonner d'avoir de mauvaises pensées, a considéré qu'il fallait soutenir cette approche. Selon elle, il faut toujours rappeler au citoyen que nous pouvons tous sortir de l'assignation : nous avons tous un ailleurs, un dépaysement qui est une élévation – Élisabeth Badinter parle de la possibilité de cultiver la différence par rapport à la norme, « d'être différent de sa différence ».

Pour Catherine Kintzler, les accompagnateurs scolaires sont tenus de protéger la liberté de conscience des élèves, car l'école n'est pas faite pour les parents, mais pour les enfants. J'ai beaucoup entendu parler, dans nos débats, du respect dû aux parents, mais il faut défendre l'intérêt supérieur de l'enfant. On doit se poser la question de la nature de la mission exercée et non du statut de l'accompagnateur. C'est précisément à cela que vous invite notre amendement.

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Je vais donner la parole à M. Ciotti pour présenter l'amendement CS556, en précisant qu'il est cosigné par Mme Genevard et que le précédent l'était par M. Ciotti. Il est, tout de même, totalement artificiel de déposer des amendements identiques qui ont, en grande partie, les mêmes cosignataires. On sait que c'est pour grappiller du temps de parole, mais je pense être très correct en la matière. Je vous invite, à l'avenir, à vous entendre au sein de chaque groupe pour que les mêmes amendements ne soient pas défendus deux fois.

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Les accompagnants scolaires ne doivent pas pouvoir imposer aux enfants, que l'on doit protéger de toute influence et de tout prosélytisme religieux, leur appartenance religieuse.

J'ai déjà lancé ce débat à plusieurs reprises, sous plusieurs législatures, et récemment encore, à l'occasion du projet de loi pour une école de la confiance. Cela avait d'ailleurs suscité quelque émoi dans la majorité que le ministre de l'éducation nationale semble vouloir donner un avis favorable à mon amendement, qui était cohérent avec ce qu'il avait toujours défendu, en particulier lorsqu'il était directeur général de l'enseignement scolaire – il avait rédigé lui-même, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la courageuse « circulaire Chatel ». Ce texte posait des garde-fous, que nous devons, plus que jamais, ériger contre l'avancée d'un prosélytisme islamiste qui menace notre société.

Il faut, je le redis, avoir du courage. On doit poser des marqueurs, défendre des symboles, avoir une forme d'audace. Cela ne nous débarrasse pas de certains risques, de certaines menaces, bien sûr, mais c'est la défense des valeurs républicaines essentielles qui est en cause. L'école doit être préservée de telles influences, sanctuarisée. Une forme de prosélytisme se manifeste à travers les accompagnants scolaires. Nous pouvons avancer juridiquement, et nous avons surtout le devoir et la responsabilité de le faire.

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Mon avis est défavorable. Je n'ai pas besoin de développer davantage, compte tenu de ce que j'ai exposé précédemment. Je ne souhaite pas une approche de ce sujet par catégorie.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis.

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Il y a constamment une référence au courage. Le courage, ce n'est pas instrumentaliser les stigmatisations, les haines ; c'est assurer la cohérence de notre société en la respectant telle qu'elle est. C'est respecter le fait que des familles, malgré ou avec leurs convictions religieuses, envoient leurs enfants à l'école de la République, où il n'existe pas de distinctions sur ce plan.

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De grâce, arrêtez avec le mot « courage » ! Je ne considère pas comme courageux de s'attaquer à des gens qui prennent sur leur temps pour rendre service à l'école publique, qui permettent l'organisation d'une sortie scolaire, et qui portent parfois des signes religieux sans faire de prosélytisme. Monsieur Ciotti, vous êtes un homme puissant, un député ; en quoi est-il courageux d'imposer, depuis deux jours, un débat sur ces gens qui n'ont commis aucun crime ? Le courage eut peut-être été, lorsque vos amis étaient au Gouvernement, de ne pas supprimer des postes dans la police et d'aider nos services de renseignement !

Sitôt que quelqu'un se trouve en désaccord avec les amendements que vous déposez encore et encore, vous laissez entendre qu'il y a d'un côté les courageux, de l'autre les lâches. Vous avez le droit de présenter ces amendements ; je respecte ce débat, il a sa cohérence. Mais cessez de considérer qu'il y a d'un côté des postures républicaines fermes, et de l'autre des couards. Surtout vous, monsieur Ciotti et madame Genevard, qui ne voyez aucun problème à ce que l'argent public finance la scolarisation de 20 % de nos enfants dans des établissements privés qui affichent des signes religieux et au sein desquels des discours homophobes se tiennent encore aujourd'hui. Vous ne trouvez rien à redire à ce que l'argent public serve à financer cela, mais tracasser des gens bénévoles qui portent des signes religieux, ça c'est courageux, selon vous !

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Je trouve stérile de prolonger ce débat des heures durant sur des amendements peu ou prou similaires. Mais il est intéressant, monsieur Ciotti, que vous disiez que le Parlement a un véritable rôle à jouer en prenant parti sur ce sujet. Il a déjà clairement pris position dans la loi sur l'école de la confiance, pour des raisons juridiques exposées au début de ce débat et pour des raisons politiques tenant à la démarche respectueuse de la République de la part des parents accompagnants qui choisissent de participer au service public.

La cohérence de la majorité est de confirmer la ligne qu'elle a adoptée, quand bien même la position de certains ministres pourrait être différente. Reconnaissez que le Parlement a son mot à dire : c'est lui qui a fixé la position de la majorité, qui est maintenue dans ce projet de loi.

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J'ai été très frappée, hier, par le témoignage de notre collègue François Pupponi. J'ai aimé l'authenticité avec laquelle il a fait part de son trouble et de ses hésitations, nous invitant à prendre conscience que notre école est dans le viseur des islamistes, et qu'il faut s'en protéger.

Monsieur Corbière, il n'est pas nécessaire de vous emporter comme vous le faites. Parler de courage ne signifie pas distinguer les courageux et ceux qui ne le sont pas. En employant ce mot, nous voulons souligner que certains débats nous exposent plus que d'autres. Le port du voile à l'université ou par les accompagnateurs scolaires en est un exemple, et il serait beaucoup plus confortable pour beaucoup d'entre nous de n'en rien dire. C'est ce que nous entendons en parlant de courage.

Prenons l'exemple d'une femme qui travaille dans le service public. Vous trouvez normal qu'elle enlève son voile pour y exercer sa fonction – c'est l'objet de l'article 1er de ce projet de loi – mais vous trouvez scandaleux qu'on lui demande de l'ôter lorsqu'elle entre dans une école, espace éminemment consacré au service public ? Je ne vois pas la différence.

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Gérald Darmanin, ministre

C'est un débat extrêmement intéressant, même s'il commence à devenir un peu redondant depuis hier. Cela montre que la parole est libre dans cette commission, que l'on y débat de tous les sujets, et le Gouvernement le fait bien volontiers.

Il est bien question du voile, pas d'autre chose. Et ce voile cache trois autres débats, que nous ne réglerons pas maintenant – bien malin, qui pourrait le faire.

D'abord, vos amendements proposent une redéfinition de la laïcité. Ce que vous défendez n'est pas la laïcité française telle qu'elle résulte du compromis d'Aristide Briand et qui repose sur la neutralité des agents du service public et de l'État, la pluralité religieuse et la liberté de culte. Vous êtes libres de défendre qu'elle doit aussi inclure la neutralité de l'espace public, mais alors il ne s'agit pas de faire respecter les principes de la République, il s'agit de les modifier. La laïcité qui prévaut depuis 115 ans, l'intégralité de la jurisprudence la définit par les trois éléments que j'ai cités, parmi lesquels la pluralité religieuse vient d'encore plus loin, puisqu'elle existait avant la République, depuis que le gallicanisme est arrivé sur le territoire national, au XIVe siècle.

Ce voile cache un deuxième débat qui ne dit pas son nom. Au fond, vous n'êtes pas opposés au voile en général, et M. Corbière n'a pas tort dans sa démonstration – un peu absurde, il faut bien l'avouer. Soit nous débattons de l'expression des opinions religieuses et de la neutralité nécessaire ; c'est la laïcité. Soit nous débattons, non pas de la compatibilité de la religion avec le pouvoir politique – cela nous amènerait trop loin et j'imagine que nombre d'entre vous considèrent que la question ne se pose plus pour les catholiques, les protestants ou les juifs – mais de la compatibilité de l'islam et de son expression publique avec la République. Certaines positions politiques défendent que l'islam, intrinsèquement, n'est pas compatible avec la République. Je crois profondément que l'islam est compatible, à la condition d'une importante sécularisation et d'efforts de la part de l'État et des croyants. Mais si l'on considère qu'une religion et son expression n'est pas compatible avec la République, parce qu'elle représente un danger à chaque fois qu'elle se montre, je comprends certaines prises de position, mais M. Corbière a raison de poser la question des écoles sous contrat confessionnelles.

M. Ciotti ne cite qu'une partie du bilan de Nicolas Sarkozy, qui a aussi accordé des conventions à des écoles sous contrat musulmanes. C'est lui qui a donné son accord à l'ouverture du lycée Averroès et du groupe scolaire musulman de Lyon, où les jeunes filles ont le droit d'être voilées. Si vous considérez que c'est absolument incompatible avec la construction d'un citoyen, indépendamment de votre opinion favorable à l'école libre – disons plutôt privée pour ne pas choquer les plus laïcs d'entre vous –, alors il faut distinguer entre les religions. Ce débat n'est pas médiocre, il est soulevé par une partie de nos concitoyens ; mais nous pensons être fidèles aux principes de neutralité, de pluralité et de liberté de culte qui définissent la laïcité, et que la République ne doit distinguer aucun culte.

Enfin, madame Genevard, vous avez dit une bêtise. Il n'est pas interdit à une maman qui porte un foulard ou un papa qui porte une kippa d'entrer dans une école publique.

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Gérald Darmanin, ministre

On peut imaginer de proposer cette interdiction, mais à ce jour, il n'est pas interdit à un usager d'entrer dans un espace public en portant des signes religieux. Or vous comparez ce cas à l'article 1er du projet de loi, qui prévoit la disparition des signes religieux pour respecter la neutralité lorsque la personne concernée est fonctionnaire. Mais dans ce cas, elle a un lien contractuel ou statutaire avec le service public, et perçoit une rémunération. La maman qui accompagne une sortie hors du site scolaire n'a pas de contrat – c'est ce que M. Cormier-Bouligeon a intelligemment tenté d'introduire – et elle n'a pas de mission…

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Mais si ! Collaborateur occasionnel du service public !

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Gérald Darmanin, ministre

Non, elle est bénévole. Vous le savez bien, c'est pour cette raison que la circulaire de M. Chatel n'a jamais été inscrite dans la loi, il faudrait changer la Constitution pour modifier la notion de laïcité.

Le débat sur la neutralité religieuse des sorties scolaires peut aller assez loin. Faut-il étendre cette neutralité aux sites visités lors des sorties scolaires ? Des écoles publiques organisent des visites de la grande mosquée de Paris ; faut-il interdire ces visites ? Toutes les écoles le font, et c'est tant mieux. Je suis pour que l'on explique les religions aux enfants ; je n'ai pas la laïcité honteuse.

Pour résumer, sans nier l'intérêt de ce débat, je considère, d'abord, qu'il est de nature constitutionnelle. Ensuite, vous n'osez pas dire – au moins une partie d'entre vous – que vous ne visez que l'islam – ce qui n'interdit pas de discuter de sa compatibilité avec la République. Enfin, le problème principal est de savoir si l'on doit accepter l'expression de l'islam dans tous les espaces publics. Il ne faut pas, dites-vous, que les enfants soient influencés ; en ce cas, l'école n'est pas le seul lieu concerné. Pourquoi ne pas complètement interdire les signes religieux dans l'espace public ? Ce serait plus cohérent. Il faut donc citer tout le bilan de Nicolas Sarkozy.

Tout le monde l'aura compris, le Gouvernement considère que les mamans qui portent le foulard ne sont pas les plus séparatistes des personnes qui attaquent la République. C'est un faux débat qui cache les vrais sujets abordés par ce texte. Les dispositions sur les signes religieux s'opposent à l'expression d'une partie des religions alors que ce texte n'a jamais été pensé contre celles-ci. Il tend à lutter contre les séparatismes, ce qui est fondamentalement différent.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1500 de M. Pierre-Yves Bournazel, CS1871 du rapporteur général, CS1388 de M. Éric Diard et CS746 de Mme Anne‑France Brunet.

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L'amendement CS1500 tend à préciser explicitement l'obligation de former les enseignants et personnels d'éducation à la laïcité et au respect des principes de la République. Selon l'Observatoire de la laïcité, 81 % des enseignants n'ont jamais reçu de formation sur la laïcité. Rendre une telle formation obligatoire serait un moyen d'accompagner les enseignants et les personnels d'éducation qui peuvent faire face à des difficultés pour aborder les questions de laïcité. Ainsi seraient-ils dotés d'outils pour présenter le principe de laïcité dans le cadre de leur enseignement ; intégrer de nouvelles façons d'agir et progresser dans la lutte contre les discriminations ; savoir comment réagir face à des situations complexes ; détecter et signaler des comportements contraires à la laïcité et aux principes de la République en général.

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Lors des nombreuses auditions, nous avons constaté de manière consensuelle qu'un texte qui porte en partie sur la laïcité et tend à renforcer la neutralité des agents publics et protéger nos fonctionnaires devait impérativement proposer des mesures plus efficaces de formation à la laïcité, particulièrement pour le personnel de l'éducation nationale.

Avec la rapporteure thématique Anne Brugnera, nous avons relayé les préoccupations exprimées au sein de cette commission auprès du ministre de l'éducation, et nous vous proposons l'amendement CS1871. Il propose un mécanisme de formation valable au sein des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPE), mais aussi en formation continue, ce qui permettra de réarmer le personnel de l'éducation nationale. C'est d'ailleurs pourquoi je demanderai le retrait des autres amendements dans cette discussion commune.

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Mon amendement CS1388 est assez similaire ; il vise à former les étudiants des INSPE à l'appréhension du fait religieux et du séparatisme, grâce à un module spécifique, car les enseignants du primaire et du secondaire y sont de plus en plus souvent confrontés. L'école doit être un temple républicain dans lequel les élèves sont préservés des influences qui pourraient altérer leur développement, particulièrement celles liées au séparatisme.

Les enseignants sont les premiers défenseurs des élèves et leur permettent de poursuivre leur développement en toute sérénité. Dans ce rôle, ils sont souvent désarmés. Samuel Paty a tragiquement perdu la vie alors qu'il voulait sensibiliser sa classe à la liberté d'expression, car le cours qu'il a donné n'était pas en accord avec les dogmes séparatistes et extrémistes de certains. C'est la raison pour laquelle il est indispensable de donner à ceux qui se destinent à la profession d'enseignant dans le primaire et le secondaire les moyens de répondre aux faits comme aux discours séparatistes. Un module de formation spécifique dans les INSPE serait un bon moyen pour démarrer. Rappelons que seulement 20 % des enseignants sont formés à la laïcité.

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Je suis d'accord avec vous tous, cette formation est absolument indispensable. Au regard de la mission de nos enseignants, de leur public et des contextes qu'ils connaissent, et en considération de leurs propres demandes, la mention de cet enseignement spécifique doit explicitement figurer parmi les dispositions du code de l'éducation.

L'amendement défendu par le rapporteur général devrait tous vous satisfaire. Aussi suggéré-je le retrait des amendements CS1500, CS1388 et CS746 à son profit.

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Il faut voir dans ces amendements le deuxième pilier de cette loi : la prévention. Je suis ravi qu'ils permettent de réarmer le personnel enseignant, auquel nous le devons bien.

Je regrette cependant que ces formations à la laïcité ne puissent pas bénéficier aux élus. J'avais déposé un amendement en ce sens. Un amendement gouvernemental est bien consacré aux fonctionnaires, mais pour emporter l'adhésion de tous, ce projet de loi ne doit pas oublier ceux qui sont en première ligne. Les associations d'élus ont formulé cette demande à plusieurs reprises lors des auditions ; il faut répondre à cette exigence républicaine. N'oublions pas que les élus sont des agents de l'État.

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Je voterai l'amendement du rapporteur général. On parle de laïcité, encore faut-il l'enseigner, la faire comprendre pour avoir un langage commun. Nos débats démontrent qu'il y a différentes approches.

Malheureusement, vous avez déclaré irrecevable notre amendement CS1117, qui prévoyait de renforcer l'enseignement de la laïcité dans les établissements scolaires. Pourquoi former les enseignants à la laïcité si ce n'est pour qu'ils transmettent ce savoir à leurs élèves ?

Nous évoquons tous la mémoire de Samuel Paty. C'est un enseignement sur la liberté d'expression qui lui a coûté la vie, pas sur la laïcité. Il n'y a pas vraiment de cours sur la laïcité, nous gagnerions à l'instituer.

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Cet amendement a été déclaré irrecevable parce qu'il portait sur les agents du service public, qui font l'objet de l'article 1er.

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J'appelle à une formation très pragmatique qui offre de vraies solutions de suivi des élèves reconnus en dérive à l'égard des principes républicains. Je ne suis pas contre l'idée de renforcer la formation, mais la laïcité fait déjà partie de la base de la formation aux enseignants dans les INSPE ; elle n'est pas ignorée.

Faisons attention, chers collègues, car de projet de loi en projet de loi, je constate que les professeurs sont souvent pointés du doigt, pas forcément pour faire du mal à la profession, mais il semble toujours nécessaire de les former à quelque chose. Ils font de leur mieux sur le terrain, et la laïcité, ils connaissent. Ils ont besoin de solutions pour prendre en charge les élèves à la dérive.

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Qui pourrait s'opposer à une formation à la laïcité ? Mais il faut toujours se méfier des idées faciles. Il n'est pas ressorti des auditions que le problème des enseignants était d'être formés à la laïcité. Connaissez-vous, monsieur le rapporteur général, les modules de formation qui existent déjà dans les INSPE ?

Plutôt que de montrer du doigt les enseignants en disant qu'ils ne sont pas assez formés, il faut au contraire que leur hiérarchie et toute la société les soutiennent quand ils sont confrontés à des difficultés.

La laïcité ne s'impose pas verticalement, par une instruction enjoignant d'être laïc. On ne peut pas imposer une conception de l'être humain. La laïcité est un état d'esprit que l'on partage, dans lequel on débat, de manière beaucoup plus ouverte que la conception fermée et les instructions que vous voulez donner. Je ne voterai pas cet amendement.

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Je ne partage pas du tout ce point de vue. Pour avoir fréquenté, dans d'autres fonctions, des publics de niveaux très différents et des enseignants livrés à eux-mêmes à propos des principes républicains, sur lesquels ils étaient très défaillants, je pense qu'il est d'un grand intérêt de les former à ces principes.

Un système politique est toujours la combinaison d'une part d'autorité et d'une part de séduction. L'autorité passe par la sanction et la répression, la séduction tient à sa propre capacité à prouver qu'il est légitime et qu'il peut être reconnu dans le temps. Ce message ne peut être véhiculé que par des enseignants susceptibles de le transmettre. C'est pourquoi nous sommes très favorables à la formation des enseignants à la laïcité et aux principes républicains.

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Je suis d'accord avec l'amendement, mais est-il possible d'intégrer la proposition de M. Bournazel d'élargir la formation sur les principes républicains à la lutte contre les discriminations ? Cela permettrait de renforcer l'accompagnement du corps enseignant dans la lutte contre le harcèlement au sein de l'école.

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Nous soutenons cet amendement avec beaucoup d'enthousiasme. S'il est un lieu où les valeurs et les principes de la République doivent être enseignés, s'il y a un creuset de l'intégration républicaine, c'est bien l'école. Je ne vois pas, dans cet amendement, une accusation ou une mise en doute de la qualité du corps enseignant ; j'ai entendu, au contraire, leur demande d'une telle formation.

La formation des enseignants a été sacrifiée au cours des dernières années. Cette année, dans mon département, l'éducation nationale a recruté des enseignants par l'intermédiaire de Pôle emploi – dans ma circonscription, un enseignant non francophone s'est retrouvé devant une classe de CE2. Voilà où nous en sommes ! La formation des maîtres est donc essentielle, et les valeurs de la République et la laïcité en font évidemment partie.

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Nous allons voter cet amendement. Nous soutenons les enseignants, qui sont en première ligne. Ils sont courageux et font un métier de plus en plus difficile. Aussi devons-nous sans cesse donner davantage de moyens à l'éducation nationale.

Je suis surpris des arguments selon lesquels former les enseignants reviendrait à les stigmatiser, comme si enseigner ne s'apprenait pas. Le père de la laïcité et de l'instruction publique, Ferdinand Buisson, a publié entre 1882 et 1887 un Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire en quatre tomes, deux théoriques et deux pratiques, pour lesquels il s'était entouré de quelque 350 collaborateurs. On y trouvait quelques articles intéressants, dont un sur la laïcité. Oui, être enseignant, cela s'apprend, c'est pourquoi nous avons besoin des INSPE. Cette formation sur la laïcité armera les enseignants ; ils en ont bien besoin. Loin de les stigmatiser, elle va les conforter.

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Nous soutiendrons également cet amendement. Il y a quelques années encore, on considérait que l'on pouvait se passer des instituts de formation des enseignants et de la formation initiale. Il est bien que l'on soit revenu sur ce point.

Comment nos enseignants pourraient-ils échapper à toutes les controverses qui agitent notre société, sur ce qui fait la laïcité, sur les principes républicains ? Il faut les armer, et il est utile que cela fasse partie des missions confiées par la loi aux INSPE. Ce serait fidèle à la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs, qui a été lue lors de l'hommage à Samuel Paty, mais aussi aux leçons que Jean Zay tirait dans Souvenirs et solitude sur les faiblesses de l'école de la République face à la montée des extrémismes.

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Une telle formation sera un soutien apporté aux enseignants, en poste et futurs, ainsi qu'aux personnels d'éducation. Les formations sont toujours l'occasion d'échanges, de discussions de cas pratiques, de retours d'expérience qui permettent des améliorations. Nous voterons l'amendement.

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L'amendement CS1388 ne visait pas à stigmatiser les enseignants. Non seulement il résultait des propos entendus en auditions, mais il m'a été proposé par des enseignants et un syndicat d'enseignants. Il présentait une petite distinction par rapport à l'amendement du rapporteur en ce qu'il envisageait un module de formation laïque sur le fait religieux, ce qui n'est pas exactement la même chose qu'une formation à la laïcité.

Les amendements CS1500, CS1388 et CS746 sont retirés.

La commission adopte l'amendement CS1871.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1869 du rapporteur général, CS1556 de Mme Caroline Abadie, CS1876 du Gouvernement, CS1217 de M. Francis Chouat et CS1479 de Mme Aina Kuric.

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Je retire l'amendement CS1869 au profit de l'amendement CS1876 du Gouvernement, qui est mieux rédigé. Les rapporteurs et d'autres députés ont longuement discuté avec le Gouvernement, considérant qu'il était indispensable d'ajouter au texte un dispositif de formation renforcée pour les 5 millions d'agents publics concernés. La ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, et le ministre de l'intérieur en ont accepté le principe. Après avoir introduit dans la loi une obligation de formation à la laïcité, je propose d'aller plus loin et de modifier la loi du 13 juillet 1983, pour prévoir une obligation de formation aux droits et obligations résultant du principe de laïcité.

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L'amendement CS1556, similaire au précédent, est issu des travaux de la mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter. Les fonctionnaires ont besoin d'une formation à la laïcité. Une étude de l'IPSOS l'a montré, ils connaissent l'importance de la laïcité – 96 % d'entre eux savent que la neutralité entre dans leurs obligations –, mais 64 % seulement savent qu'ils peuvent exercer leur liberté de conscience dans leur vie privée, en dehors de leurs heures de travail, et 72 %, que l'usager n'a pas de devoir de neutralité. Cela signifie que 28 % et 36 % des agents ne savent pas exactement ce qu'implique la laïcité, ce qui peut entraîner des discriminations envers les usagers.

L'amendement du Gouvernement concerne-t-il bien toutes les fonctions publiques, d'État, territoriale et hospitalière, ainsi que les agents contractuels, qui semblent moins au fait de certains sujets ? Il faut non seulement réarmer notre service public mais aussi protéger les usagers.

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Je m'apprêtais à faire œuvre constructive en retirant mon amendement au profit de celui du rapporteur général, mais celui-ci l'a retiré pour se rallier à celui du Gouvernement, qui semble très juste mais très vague. Cela me gêne.

L'amendement CS1217 va dans le sens de l'amendement du rapporteur général, mais précise en plus que la formation concerne aussi les fonctionnaires stagiaires.

Aucun des amendements ne va plus loin que l'obligation générale de formation ; les contenus n'en sont pas précisés. En 2019, sur 1,8 million de fonctionnaires que compte la fonction publique territoriale, seuls 15 000 ont été formés par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), et ils n'appartenaient pas à la catégorie C. Les formations traitaient davantage des principes philosophiques que les situations auxquelles les personnels étaient confrontés. La ville d'Évry-Courcouronnes a mis trois ans à former tous ses personnels d'accueil.

Quelle est la portée exacte de l'amendement du Gouvernement, moins riche, me semble-t-il, que les amendements CS1869 et CS1217 ?

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Le renforcement des principes républicains passe par la montée en compétences des agents publics. L'amendement CS1479 vise à faire dispenser à tous les fonctionnaires territoriaux une formation obligatoire sur la lutte contre les discriminations, par un organisme assermenté.

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Gérald Darmanin, ministre

Tous les agents des trois versants de la fonction publique, les contractuels et les stagiaires appelés à rester suffisamment longtemps dans la collectivité doivent être concernés. Je partage l'idée de M. Vigier que les élus le soient aussi, mais cela ne peut pas figurer dans l'amendement CS1876, qui tend à modifier le statut de la fonction publique, auquel les élus n'appartiennent pas. Je propose de l'introduire en séance publique par un autre amendement que le Gouvernement déposera après l'avoir fait valider par les associations d'élus – elles ont tendance à dire qu'on leur donne des obligations sans les concerter.

Évitons les querelles d'auteurs ; si vous estimez que l'amendement du rapporteur général est mieux rédigé que celui du Gouvernement, je suis prêt à le retirer au profit de l'amendement CS1869. L'important est qu'il soit rédigé correctement, de sorte qu'on comprenne bien que tous les agents, de tous les versants de la fonction publique, reçoivent une formation. Naturellement, la loi ne pourra pas se substituer aux collectivités pour organiser ces formations. Elle ne règlera donc pas les difficultés qu'a rencontrées l'ancien maire d'Évry. Le patron du CNFPT s'est engagé à les organiser. Nous pouvons également adopter l'amendement CS1876 et le compléter en séance.

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Aux termes de mon amendement et de celui du Gouvernement, la formation concernerait tous les fonctionnaires relevant de l'article 2 du statut de 1983, à l'exception des fonctionnaires des assemblées parlementaires. Le champ est très large – fonctionnaires civils des administrations de l'État, des régions, des départements, des communes, de leurs établissements publics. Mon amendement modifie différents articles du statut, pour y introduire ces précisions ; le Gouvernement propose une rédaction plus simple ; dans les deux amendements, il y a une obligation de formation et là est l'avancée importante, car elle ne figurait pas dans le texte initial. Ayant retiré l'amendement CS1869, je ne peux pas le redéposer, mais je retravaillerai son périmètre avec le Gouvernement d'ici à la séance.

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Le père de la loi de 1983, Anicet Le Pors, dont on connaît l'attachement au principe de laïcité, verra certainement d'un bon œil que l'on inscrive dans la loi cette obligation de formation des fonctionnaires.

À propos du sondage IPSOS cité par Mme Abadie, il y a tout de même un paradoxe à ce qu'il inquiète la même majorité qui a voté une loi qui, qu'on le veuille ou non, inscrit l'extinction progressive du statut de la fonction publique et ouvre le recrutement de personnels hors statut à plus d'1 million d'agents sur 5 millions, alors que l'on sait, le sondage et le rapport de M. Pouillat et M. Diard le confirment, que le statut de la fonction publique, avec ses exigences de neutralité et de laïcité, est très protecteur. Dès que l'on délègue et que l'on sort du statut de la fonction publique, on affaiblit le principe de laïcité dans notre pays.

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Nous venons tout de même de voter l'article 1er, qui étend le respect des principes d'égalité, de neutralité et de laïcité à tous ceux qui exercent une mission de service public.

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La rédaction du Gouvernement me semble être la meilleure, car elle est la plus brève. Toutefois, elle ne vise que les fonctionnaires alors qu'elle devrait concerner les agents publics c'est-à-dire les fonctionnaires et les salariés sous contrat.

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D'ici à la séance, il faudra préciser l'amendement CS1876. Parfois, la brièveté crée des omissions, des angles morts et des oublis. Je ne suis pas pour une loi bavarde, je suis pour des articles clairs.

Monsieur le ministre, je ne voulais pas vous embêter avec les difficultés d'un maire en matière de formation de ses personnels. J'indiquais simplement que, pour l'essentiel, les formations actuelles sont dispensées de manière centrale, pour quelques catégories. Il faut davantage les territorialiser et les élargir à celles et ceux qui sont le plus en contact avec les problèmes de séparatisme.

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Gérald Darmanin, ministre

L'article 2 de la loi de 1983 concerne l'ensemble des agents de la fonction publique, y compris les contractuels.

L'amendement CS1876 du Gouvernement, qui crée une obligation, donc une charge, est sans doute le plus facile à adopter, car il ne passe pas sous les mêmes fourches caudines que les vôtres.

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L'amendement CS1876 impliquerait en effet une charge pour les collectivités. Leurs associations ont-elles été consultées ?

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Gérald Darmanin, ministre

Le bureau de l'Association des maires de France (AMF), auquel assistaient M. Laignel, pourtant très attentif à toute action du Gouvernement sur les charges des collectivités, et le président du CNFPT, nous l'a même demandé. Nous les consulterons à nouveau en vue de la séance.

Les amendements CS1869, CS1556 et CS1217 sont retirés.

Successivement, la commission rejette l'amendement CS1479 et adopte l'amendement CS1876.

La commission examine l'amendement CS1833 du Gouvernement.

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Gérald Darmanin, ministre

Il s'agit, en lien avec la ministre de la transformation et de la fonction publiques, d'installer un référent laïcité au sein de l'ensemble des administrations des trois versants de la fonction publique, non en créant un poste mais en désignant une personne disponible pour répondre à ces questions. Des délégués à la protection des données existent déjà dans les collectivités.

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Il me semblait qu'un référent laïcité était déjà désigné dans la plupart des administrations. Par ailleurs, les universités, très peu évoquées dans ce texte, désignaient auparavant un référent radicalisation ou référent laïcité, mais cette mission a été arrêté et de nombreux établissements n'ont pas de référent.

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Les référents laïcité existent en effet déjà, mais ils relèvent d'une obligation réglementaire. Est-ce une bonne idée d'élever cette obligation au niveau législatif ? Je ne suis pas persuadé que cela soit nécessaire pour parer au risque de créer une charge, évoqué dans l'exposé sommaire, qu'il faudrait compenser, en vertu de l'article 72 de la Constitution.

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On ne peut s'opposer à une telle mesure. Je me demande si les attributions du référent laïcité ne devraient pas inclure la neutralité, en plus des opinions politiques et religieuses traitées à l'article 1er.

Par ailleurs, il serait intéressant d'accrocher les notions de laïcité et de neutralité au travail du déontologue de la fonction publique, vers lequel les agents publics peuvent se tourner lorsqu'ils rencontrent des difficultés.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine l'amendement CS1322 de M. Éric Diard.

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L'amendement, issu d'une proposition de loi que j'avais déposée, vise à instaurer une prestation de serment pour tout agent public qui entre en fonction. C'est une suggestion qu'avaient faite le précédent préfet de police, M. Delpuech, et la directrice du renseignement à la préfecture de police de Paris, Mme Bilancini, dans le cadre de la mission d'information sur les services publics face à la radicalisation, et de la commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris.

Un médecin prête le serment d'Hippocrate ; un avocat jure d'exercer ses fonctions « avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ». Je propose un serment sur la Constitution, non pas par mimétisme avec les États-Unis, mais pour des raisons juridiques. Les policiers ont témoigné qu'il est difficile de révoquer une personne pour radicalisation – en raison de la liberté d'opinion, ce n'est pas un délit –, ce qui oblige à utiliser des motifs connexes. La prestation de serment faciliterait la révocation des personnes qui ne respectent pas les valeurs de la République, car le non-respect du serment est constitutif d'un délit de parjure.

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Il serait tout aussi difficile de renvoyer un agent pour parjure. Comment le définir ? Le serment proposé est si vaste, que des difficultés se poseraient pour qualifier les erreurs commises par les agents. Les textes dont nous disposons sont plus faciles à manier que votre proposition, qui est intéressante mais difficile à concrétiser. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis.

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La proposition émane tout de même d'un préfet et d'une directrice du renseignement, pour remédier à un angle mort dans la procédure de révocation.

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De tels serments existent pour de nombreux agents de la fonction publique, voire pour tous. Les agents des impôts, par exemple, prêtent serment au nom du peuple français. On peut naturellement modifier ce serment.

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Une prestation de serment apporterait de la solennité à l'entrée d'un agent dans la fonction publique. Elle pourrait même conduire, pour certains, à une prise de conscience de ce qu'est le service public. Je suis aussi sensible à l'argument selon lequel le serment faciliterait la révocation d'un agent qui n'y serait pas fidèle. C'est une piste qu'il me semblerait intéressant de creuser d'ici à la séance.

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Madame la rapporteure, vous semblez embarrassée par le parjure, mais vous ne vous êtes pas exprimée sur le principe d'une déclaration solennelle d'adhésion loyale à la République et à ses valeurs. Si je comprends la difficulté à établir le parjure et à s'en servir pour révoquer un agent, je considère néanmoins que la première partie de l'amendement mérite attention.

Par ailleurs, j'ignorais que certains agents de la fonction publique prêtaient serment aux valeurs de la République.

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Gérald Darmanin, ministre

Hormis l'intérêt qu'elle peut présenter au regard de l'honneur et de la solennité, je pense qu'il s'agit d'une fausse bonne idée. Il revient aux directeurs d'administration de prendre leur courage à deux mains et de saisir leur autorité, les conseils de discipline et la commission créée par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) pour faire sortir de la fonction publique des individus radicalisés. Or la mission d'information sur les services publics face à la radicalisation l'a montré, la commission prévue par la loi SILT est très peu utilisée. Seule la police nationale y a recours pour l'instant.

Dans mes fonctions précédentes, j'ai eu à gérer des agents publics soupçonnés, à raison, de radicalisation : j'ai pris des dispositions fortes pour qu'ils ne soient plus agents de la fonction publique. Le statut de la fonction publique présente des avantages mais des contraintes y sont aussi attachées, et l'État employeur peut les utiliser pour se séparer d'un agent. Encore faut-il que, dans les conseils de discipline, l'administration comme les organisations syndicales jouent le jeu. Peut-être faut-il s'interroger sur ces conseils – c'est un autre sujet – voire sur la commission créée par la loi SILT. J'y suis ouvert. La commission, instaurée depuis peu, ne fonctionne manifestement pas bien, en raison de sa lourdeur.

Par ailleurs, sur quoi l'agent public prêtera-t-il serment ? Il a le droit de ne pas être républicain, d'avoir des convictions monarchistes, par exemple. On a le droit d'être monarchiste, de garder cette opinion politique pour le secret de l'isoloir, et même d'avoir une activité militante et politique parce que l'on souhaite un autre régime politique, pourvu que l'on serve loyalement les lois de la République. Outre le contenu du serment, quelles en seraient les contraintes et comment prouver qu'il ne serait pas respecté ? Utilisons d'abord les armes de la fonction publique, qui sont très fortes. Le statut est clair : il donne à l'employeur les moyens de se séparer des agents. Simplifions les choses dans les conseils de discipline et la commission de radicalisation issue de la loi SILT, plutôt que de créer un dispositif qui apparaît sans doute intéressant sur le plan médiatique, mais qui ne sera pas efficace. Du reste, il n'y a rien de pire qu'un serment qui n'est pas respecté.

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Certes, on a le droit d'être monarchiste ; n'empêche que, quand on est fonctionnaire, on doit respecter la République et ses valeurs !

La commission de radicalisation ne marche peut-être pas très bien, mais je tiens à signaler qu'alors que la loi SILT a été promulguée le 30 octobre 2017, il a fallu attendre deux ans, à savoir la circulaire du 24 octobre 2019 – soit après l'attentat à la préfecture de police de Paris –, pour que sa mise en place soit effective.

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J'ai beau être passionné d'histoire et adorer les prestations de serment, le culte de l'être suprême et les prêtres jureurs de la Révolution française, je pense que cet amendement est l'exemple même de la fausse bonne idée. Sur 5,6 millions de fonctionnaires qui font bien leur travail, combien de personnes cela concerne-t-il ? C'est epsilon ! De grâce, collègues, ne soyons pas offensants envers les fonctionnaires en les obligeant à prêter un serment ; ils ont un statut, et signent un contrat qu'ils sont tenus de respecter. Les enseignants – dont je suis – sont inspectés ; s'ils ne font pas bien leur travail, ils sont sanctionnés !

En outre, sur quoi leur faire prêter serment ? On en revient à la discussion concernant le contrat d'engagement républicain : on nous demande d'adopter des mesures dont on ne connaît pas le contenu !

Enfin, les arguments du ministre de l'intérieur sont de bon sens : si l'on est tenu de respecter les lois de la République et les statuts professionnels, on a aussi le droit de militer pour une autre République, d'être anarchiste ou d'être monarchiste. N'imposons pas une conception totalitaire !

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Dans plusieurs professions, il existe déjà des prestations de serment : ainsi dans la gendarmerie nationale ou dans l'administration pénitentiaire. Ce que je proposais dans le rapport de la commission d'enquête sur les attaques à la préfecture de police de Paris en octobre 2019, à laquelle Éric Diard a fait allusion et dont les travaux furent menés, sous la présidence d'Éric Ciotti, de manière, je crois, très collective, c'est, à la suite des remarques du préfet Michel Delpuech, d'étendre ces prestations de serment aux professions sensibles, dans un souci de lutte contre la radicalisation, parce que cela aurait donné la possibilité, en cas de rupture du serment, de compléter les éléments de procédure, notamment disciplinaire. Cette proposition s'inscrivait donc, de manière très prudente, dans un cadre tout à fait spécifique, et il ne s'agissait absolument pas d'étendre cette procédure à la totalité des agents de la fonction publique.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1405 de M. Éric Diard et CS381 de M. Jean-Baptiste Moreau.

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L'amendement CS1405 est de repli : il s'agit de prévoir, non plus une prestation de serment, mais la signature d'une charte solennelle visant à garantir le respect des principes de la République. Les modalités d'élaboration de cette charte seraient fixées par décret pris en Conseil d'État.

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L'article 25 de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que le fonctionnaire « exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité », qu'il est « tenu à l'obligation de neutralité » et qu'il « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité ». Aucun engagement écrit de sa part n'est requis à son entrée en fonction. Mon amendement vise à ce que tout fonctionnaire, lorsqu'il est titularisé, signe une charte l'engageant à respecter les principes de neutralité et de laïcité.

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Avis défavorable. Peut-être est-ce dû à mes anciennes fonctions, mais je ne suis pas très sensible aux chartes, les engagements sans sanctions me paraissant dénués d'efficacité. En outre, il existe déjà une charte de la laïcité dans les services publics, qui doit être affichée dans les lieux publics et qui indique que « le fait pour un agent public de manifester ses convictions religieuses dans l'exercice de ses fonctions constitue un manquement à ses obligations » et qu'« il appartient aux responsables des services publics de faire respecter l'application du principe de laïcité dans l'enceinte de ces services ». Si mes souvenirs sont exacts, l'élaboration de cette charte remonte à l'époque du gouvernement de M. de Villepin.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Elle est saisie de l'amendement CS1130 de Mme Cécile Untermaier.

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La laïcité est un principe au nom duquel de nombreuses mesures nous sont proposées. Il mériterait d'être précisé dans la loi ; vous en avez d'ailleurs dessiné les contours devant nous, monsieur le ministre. Le Conseil d'État ayant relevé que l'exposé des motifs du projet de loi ne comportait pas d'exposé du contexte, cet amendement est une invitation à faire preuve de pédagogie et à accroître l'intelligibilité de la loi en indiquant de quoi l'on parle. Je précise que cette idée nous a été soumise par le professeur Mélin‑Soucramanien, professeur de droit public spécialiste de la laïcité, lors de son audition par la commission spéciale.

Il s'agirait, non pas de s'aventurer à proposer une définition de la laïcité, mais de dessiner les contours de la conception française de celle-ci, telle qu'elle s'exprime notamment à travers la liberté et la pluralité des cultes et le respect des valeurs communes. À cette fin, nous proposons de reprendre quelques textes fondateurs, comme les dispositions inscrites dans la loi du 9 décembre 2005, l'article 1er de la Constitution de 1946 tel que repris par la Constitution de 1958 – « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » – et la décision du 19 novembre 2004 du Conseil constitutionnel qui précise que les règles constitutionnelles interdisent à quiconque « de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ».

Je vais néanmoins retirer cet amendement pour que nous puissions y retravailler dans la perspective de la séance publique : d'une part, il n'est pas bien placé dans le texte, d'autre part, un amendement de cette nature mériterait que chacun des groupes y apporte sa contribution : il ne doit pas émaner du seul groupe Socialistes et apparentés.

L'amendement est retiré.

La commission est saisie de l'amendement CS1129 de M. Boris Vallaud.

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Il s'agit de combler le silence du projet de loi sur la partie du discours du Président de la République à Mulhouse relative aux promesses de la République. Le présent texte est essentiellement d'injonction ; il ne concrétise en actes aucun des grands principes de la République. Or les promesses non tenues sont des promesses frauduleuses ; on s'expose à des maux cruels.

Cet amendement pourra paraître tautologique, puisqu'il s'agit d'indiquer que tout organisme public ou privé chargé de l'exécution d'un service public garantit, dans l'exercice de ses compétences, la mise en œuvre effective des grands principes républicains et que le respect de ces derniers ne doit pas être le seul fait des associations et de la société civile, mais qu'il est d'abord de la responsabilité de ceux qui ont la charge de les faire vivre, à commencer par l'institution scolaire. C'est pourquoi nous mentionnons la mixité sociale parmi ces principes. De nombreuses expérimentations avaient été lancées en 2015 et 2016, mais elles ont été enterrées. Quand la promesse d'égalité est démentie dès le plus jeune âge, il est difficile de prétendre construire des adultes qui vivront ensemble selon les mêmes règles et les mêmes valeurs.

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Avis défavorable. Si je partage votre volonté de lutter contre le séparatisme et de faire en sorte qu'aucun territoire ni aucun citoyen ne soit laissé de côté, votre amendement énonce des garanties qui, pour certaines, font partie des principes à valeur constitutionnelle et s'appliquent déjà dans les services publics et, pour d'autres, ne sont pas définies avec assez de précision pour qu'elles puissent donner lieu à une application concrète.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis.

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Nous saurons nous souvenir de cet avis au moment où nous discuterons du contrat d'engagement républicain, qui mentionne plusieurs des principes que j'ai évoqués et que vous jugez insuffisamment précis. Une association, qu'elle soit subventionnée ou non, est censée respecter les lois de la République. Ce qui vaut pour les associations vaut pour l'État.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS82 de Mme Annie Genevard, CS548 de M. Éric Ciotti et CS83 de Mme Annie Genevard.

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Lors de son audition par la commission spéciale, le président de l'Association des maires de France, François Baroin, portant une voix collective, nous a invités à réfléchir à l'extension du principe de neutralité aux espaces de service public, dans la mesure où il s'agit de lieux où se définit l'intérêt général. L'objectif est d'enrayer la montée en puissance de revendications religieuses et communautaristes, expression d'un séparatisme que beaucoup de Français veulent combattre.

L'amendement CS82, d'appel, invite à une réflexion collective sur une application extensive du principe de neutralité.

L'amendement CS83 est un amendement de repli : il vise à imposer au sein des espaces de service public la « discrétion religieuse » prônée par M. Chevènement – qui n'est pourtant pas de mon obédience – lorsqu'il exerçait la fonction de président de la Fondation de l'islam de France. C'est une question de respect : on ne doit pas imposer à autrui la visibilité de sa propre croyance.

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Il convient d'étendre aux usagers des services publics le principe de neutralité qui s'applique déjà à tout agent d'une administration publique. Ce serait une grande avancée, car cela permettrait de modifier en profondeur les pratiques et usages en vigueur.

Cette révolution dans l'affirmation du principe de laïcité s'impose en raison de la progression du prosélytisme religieux et des pressions croissantes exercées dans les services publics. Je souhaite qu'en la matière, nous ayons, oui, monsieur Corbière, le courage d'avancer de façon beaucoup plus déterminée et concrète. Il est temps de passer des mots aux actes, et je crois qu'il convient de poser dans cette loi un acte fondateur. Dans de brillants et pertinents discours, hélas à chaque fois tenus dans des circonstances tragiques – dans la cour des Invalides devant le cercueil du colonel Beltrame, dans la cour de la préfecture de police devant ceux des quatre fonctionnaires assassinés par Mickaël Harpon ou dans la cour de la Sorbonne –, le Président de la République a nommé et décrit le mal : l'islamisme. Eh bien, il faut qu'aujourd'hui nous prenions nos responsabilités pour éradiquer ce mal et que, dès le moindre signal faible, nous agissions. Nous devons changer les pratiques et étendre l'application du principe de neutralité religieuse aux usagers.

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Si l'amendement CS82 est d'appel, madame Genevard, accepteriez-vous de le retirer ?

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Dans ce cas, je répondrai de manière synthétique aux trois amendements.

Comme vous le savez, les usagers des services publics ont le droit d'exprimer leurs convictions religieuses dans les limites du respect de la neutralité du service public, de son bon fonctionnement et des impératifs d'ordre public, de santé et d'hygiène. En outre, ils ne doivent pas faire de prosélytisme et, par conséquent, s'abstenir de comportements trop ostentatoires. Il existe donc d'ores et déjà un certain nombre de restrictions.

D'autre part, il convient – tous les magistrats le savent – de trouver le point d'équilibre entre deux libertés qui peuvent parfois s'opposer mais doivent toutes deux être protégées : la liberté de conscience et le respect du principe de laïcité. Il me semble que notre ordonnancement juridique actuel assure cet équilibre.

Avis défavorable sur les trois amendements.

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Gérald Darmanin, ministre

Quoiqu'il s'en approche, ce n'est pas tout à fait le même débat que tout à l'heure.

Chacun voit que la notion d'espace public, qui a été évoquée à plusieurs reprises et pourrait a priori satisfaire tout le monde, est difficile à définir.

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Nous parlons ici d'espaces de service public.

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Gérald Darmanin, ministre

C'est en effet le terme que M. Baroin a employé. Mais qu'est-ce que cela représente, l'espace du service public ? Doit-on utiliser un mètre pour le mesurer ?

Comme l'a très bien dit M. Ciotti, il s'agit en réalité de changer la définition de la laïcité. Les termes du débat n'ont en réalité pas beaucoup changé depuis 1905, voire depuis l'avènement de la République : doit-on considérer que les religions, et par conséquent les expressions religieuses, sont, par nature, incompatibles avec la République ? Et qui vise-t-on à travers elles ? Je vois bien qu'il y a parmi vous – pardonnez-moi si je caricature un peu vos propos – ceux qui, comme M. Cormier-Bouligeon, considèrent les religions dans leur ensemble, et ceux qui estiment, comme il me semble que c'est le cas ici, que le sujet à traiter, c'est l'islam.

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C'est ce qu'a dit le Président de la République.

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Gérald Darmanin, ministre

Encore faudrait-il prendre en considération l'intégralité de ses discours, y compris celui des Bernardins, dont la teneur n'est d'ailleurs pas très éloignée de celle du livre La République, les religions, l'espérance publié par Nicolas Sarkozy en 2004 – je vous l'offrirai, monsieur Ciotti, car je crois que vous n'avez pas lu les œuvres complètes de ce dernier.

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Je l'ai – il me l'a même dédicacé !

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Gérald Darmanin, ministre

Encore faudrait-il que vous en ayez poursuivi la lecture au-delà de la dédicace… Pour citer un auteur, il faut avoir tout lu de lui – d'autant que certaines personnes peuvent changer d'opinion.

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Cela ne vous aura certainement pas échappé, monsieur le ministre…

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Gérald Darmanin, ministre

Absolument, madame Genevard. Comme on dit : il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

La croyance religieuse est-elle une opinion comme les autres ? « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses », dit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Certes, l'emploi de « même » montre bien qu'à l'époque déjà, le législateur jugeait que la religion pouvait être dangereuse – et pour cause : on avait connu par le passé quelques difficultés s'agissant de la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Néanmoins, je ne suis pas d'accord avec Jean-Pierre Chevènement concernant l'obligation de discrétion religieuse. Si je suis très attaché à la neutralité du service public et de l'État, et si j'estime qu'une loi ne doit pas être faite en fonction de la susceptibilité de tel ou tel groupe et que nul ne saurait faire pression sur l'État – ce qui est une forme de laïcité intransigeante –, je considère que, dans les limites de la loi et dès lors, bien évidemment, qu'elle s'applique à tous, chacun doit pouvoir faire comme il le souhaite. D'ailleurs, la seule limitation à ce principe que le législateur et le Conseil constitutionnel aient acceptée en 115 ans relève d'un impératif d'ordre public : c'est pour cette seule raison que le port de la burqa a été interdit.

À travers ces amendements, vous défendez une conception de la laïcité très différente de celle qui a été appliquée jusqu'à présent : vous souhaitez aboutir à l'effacement des religions dans l'espace public. Je ne partage pas cette opinion. Je trouve d'ailleurs que le président de la commission spéciale a été très magnanime dans l'usage qu'il a fait de l'article 45 de la Constitution : on aurait très bien pu considérer que ce texte, sauf pour ce qui concerne le titre II, ne traite pas des religions – c'est en tout cas la lecture qu'en fait le Gouvernement. Il porte sur l'obligation de neutralité, qui s'applique à toute forme d'opinion, et sur la lutte contre certaines idéologies.

La question qui se pose est somme toute assez simple : pensez-vous – et, singulièrement, s'agissant de l'islam – que les expressions religieuses soient contraires à la République ? À travers la notion d'espace du service public, on en vient en réalité à refaire le débat sur voile ; et l'on en arrive aux mêmes conclusions : d'une part, vos propositions sont anticonstitutionnelles ; d'autres part, elles viennent, non pas conforter les principes républicains, mais les modifier.

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C'est parce qu'il y est question des services publics que ces amendements ont été intégrés à notre discussion. Néanmoins, pour rebondir sur les propos de M. Baroin lors de son audition, il est certain qu'il faudrait définir ce que sont les espaces de service public. Le parvis d'une mairie en est-il un ? Quand on fait la queue pour pénétrer dans un bâtiment public – ce qui est fréquent dans les circonstances actuelles – ou que l'on attend à un arrêt de bus, se trouve-t-on dans un espace de service public ? Je rappelle que l'espace public, tel qu'il est défini dans le droit administratif, recouvre tout ce qui n'est pas privé, c'est-à-dire la voie publique, d'une manière générale.

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Je ne suis pas d'accord avec vos propos concernant l'application de l'article 45 de la Constitution, monsieur le ministre. Vous me permettrez de vous rappeler que ce n'est pas au Gouvernement de juger de ce qui est rationnel ou non dans la sélection opérée par le président de la commission spéciale. Et si, ce faisant, vous avez eu l'intention de soutenir ce dernier, celui-ci a, en retour, peut-être eu un peu trop la volonté de soutenir le Gouvernement en jugeant irrecevables des amendements qui n'auraient pas dû l'être.

Vous avez néanmoins raison : ce qui nous est proposé est un changement radical de conception de la laïcité. Avec beaucoup de difficultés et parfois de violences verbales, voire davantage, la République est arrivée à sanctuariser pendant 115 ans l'idée que le service public était neutre et que les usagers étaient libres de leurs convictions. Ces amendements reviennent à dire que, dans un certain nombre de lieux publics, les usagers ne seraient plus libres d'avoir des convictions. Il nous semble, quant à nous, que ce qui importe, c'est la neutralité de l'État, afin de garantir à tous la même liberté. Si l'on commence à vouloir contraindre les usagers, on risque d'enclencher une spirale extrêmement dangereuse. « Manifester ostensiblement une appartenance religieuse », à quoi cela correspond-il ? Vous avez parlé de prosélytisme, mais ce n'est pas ce qui est écrit dans les amendements. Quant à la « discrétion religieuse », n'en parlons pas ! Imaginez-vous que nous, parlementaires, puissions transmettre aux juges le pouvoir de décider de ce qui est discret ou ostensible et de définir ce qu'est un espace de service public ?

Néanmoins, on doit pouvoir conforter l'idée – mais ce n'est pas à la loi de le faire – que la laïcité garantit à tous un service public parfaitement neutre et les mêmes droits et capacités en matière de croyances et de pratiques religieuses ; en revanche, à l'extérieur, le prosélytisme, c'est-à-dire la pression exercée sur les autres, doit être interdit. Or le projet de loi ne répond pas à ce dernier enjeu. Le groupe UDI et indépendants souhaiterait que, dans ce domaine, l'on aille plus loin.

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Pour ma part, j'avais été très intéressé par cette idée quand François Baroin l'avait évoquée, avant de m'apercevoir que ce nouveau concept était extrêmement flou. Les mairies, les bureaux de poste sont des espaces publics : on ne pourrait plus y aller au motif que l'on affiche un signe religieux. Plutôt que de préciser les choses, cela les rend encore plus confuses.

Plus fondamentalement, l'acte de 1905 est un acte de séparation – d'ailleurs, les défenseurs du texte étaient appelés les « séparatistes ». Il s'agissait de séparer les Églises et l'État. Mais aller dans le sens proposé par nos collègues, c'est faire autre chose : c'est séparer les citoyens croyants et l'État. Ces derniers ne pourraient plus se mouvoir dans la société, ce qui n'a plus rien à voir avec la laïcité.

Faut-il interdire à toute personne qui croit de manière non discrète de le manifester ? Mais qu'est-ce que cela veut dire, « non discret » ? Lorsque l'Armée du salut chante dans la rue, est-ce un acte de foi non discret, et, si oui, faut-il l'interdire ? On aborde des concepts extrêmement mouvants.

On a le droit d'avoir des convictions athées et anticléricales, mais la laïcité, ce n'est pas cela. Ce que vous nous proposez, c'est un athéisme d'État militant qui interdit les religions, mais de manière variable, et c'est bien là le problème. Si vous proposiez d'exclure toutes les religions de l'espace public au motif qu'elles relèvent de l'obscurantisme – « l'opium du peuple » –, cela nous emmènerait sur un terrain extrêmement dangereux, mais je comprendrais le raisonnement. Mais votre virulence est à géométrie variable : vous vous en prenez uniquement à nos concitoyens musulmans. Cela commence à être fatigant !

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C'est l'honneur de notre assemblée de se saisir de ce qui constitue un problème majeur. Nous ne devons pas nous poser de limites face à l'évolution, pour ne pas dire la révolution qui est proposée ici. Manifestement, le débat s'installe autour de cette notion. Comment pourrait-on ne pas discuter d'un élément structurant, au motif qu'il n'est pas dans le texte, alors que l'on parle pendant des heures du texte en question, en réalité assez creux ?

La notion d'espace de service public dans lequel s'appliquerait une laïcité beaucoup plus exigeante est importante ; il faut aller vers cette évolution. Qui peut nier les problèmes qui existent ? Si le projet de loi dont nous débattons a été déposé, c'est pour faire face à des difficultés majeures. Même si le constat a été édulcoré, même si certains mots ont été enlevés, le mal a été clairement identifié, y compris par le Président de la République : c'est l'islamisme. Les 270 personnes tuées par le terrorisme dans notre pays ne l'ont pas été aux cris de « Jésus, reviens ! ».

Il faut avoir la lucidité et le courage de poser le constat pour y apporter des réponses, au lieu de se cacher derrière des arguties. Je vous invite donc à faire bouger les lignes. Imposer la neutralité pour les usagers des services publics, c'est aussi protéger les personnes à qui d'autres essaient d'imposer une appartenance religieuse. Les usagers des services publics n'ont pas à subir le prosélytisme.

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Lorsque le président Baroin est venu devant notre commission spéciale, aucune des réserves que j'ai entendues n'a été exprimée. Vous avez, pour la plupart, écouté avec intérêt et attention sa proposition, et plusieurs ont souhaité le rencontrer par la suite pour en débattre. Si cette proposition était aussi inepte que certains commentaires semblent le laisser penser, elle n'aurait pas reçu un tel accueil au moment où elle a été formulée.

Je prendrai deux exemples montrant que se pose la question de la neutralité de certains espaces de service public, même s'il faudrait, en effet, définir ces derniers. D'abord, si vous interrogez les responsables ou adhérents d'associations sportives, ils vous diront que, dans les vestiaires des matchs de foot, notamment, certaines habitudes ont changé, sous l'effet d'un entrisme à bas bruit – je pense à des moments de prière avant le match. Ensuite, lorsqu'une délibération prévoyant des horaires différenciés dans une piscine est déférée par le préfet, celui-ci justifie sa démarche par le fait que l'autorité publique veut que l'espace de service public demeure neutre. Ce débat est donc déjà engagé de facto, y compris dans les décisions prises au nom de l'État ; je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas l'ouvrir.

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Audition ne vaut pas approbation. J'ai écouté toutes les personnes auditionnées, sans pour autant poser des questions car je souhaitais permettre à nos collègues de le faire. M. Baroin avait d'ailleurs un impératif le forçant à nous quitter avant l'heure prévue. Nous avons reçu des personnalités pour les entendre et les interroger ; cela ne veut pas dire que nous approuvions tous leurs propos.

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Premièrement, madame Gevenard, de même que vous entreteniez une confusion s'agissant du régime de responsabilité des agents ou des collaborateurs du service public, vous mélangez le service public et l'espace public. Celui‑ci n'est pas concerné par les obligations de neutralité.

Deuxièmement, j'ai la prétention de m'y connaître un peu en football. Il y a toujours eu des expressions religieuses, notamment en lien avec la religion catholique – des joueurs se signant, dans les vestiaires comme sur le terrain, et arborant des signes ostentatoires –, et cela n'a jamais posé de problème à personne.

Troisièmement, le code pénal prévoit, à l'article 225-3, qu'il est permis, à titre dérogatoire, d'établir des discriminations fondées sur le sexe, notamment pour protéger certaines personnes, ou encore pour les besoins des compétitions sportives. Ce texte fait échec aux dispositions nouvelles que vous voulez créer.

Quatrièmement, vous anticipez : ce que vous réclamez d'inscrire ici renvoie au dispositif de l'article 4, relatif aux pressions exercées sur les agents du service public, mais aussi à la police des cultes, dont nous discuterons au chapitre II du titre II.

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Gérald Darmanin, ministre

Monsieur Ciotti, on comprend et l'on peut partager votre souhait de lutter contre ce que vous pensez définir comme étant le séparatisme islamiste, parfois avec raison – le Président de la République lui-même l'a fait. Ce séparatisme conduit, car c'est une différence de degré, non de nature, à des attentats. Vous dites que ce n'est pas aux cris de « Jésus, reviens ! » que l'on a commis 270 attentats. Certes, mais dites-moi lesquels ont été commis par des femmes voilées. Il y a donc des limites à la simplicité de l'argument.

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Gérald Darmanin, ministre

Sauf erreur, il n'y a pas eu de morts à Notre-Dame, car les services sont intervenus.

Ce n'est pas parce qu'il y a des attentats d'extrême droite, madame Le Pen, qu'on en fait tout le temps le procès à l'extrême droite.

Si vos arguments sont à la limite de pousser vers les islamistes toute personne qui se dit musulmane croyante alors qu'elle respecte les lois de la République, effectivement, on ne sera pas très loin de la guerre civile que vous évoquez. Mon grand-père priait Allah ; il est mort pour la République, dans laquelle il croyait. Certaines femmes voilées étaient aussi des épouses de harkis.

L'argument consistant à dire que, au motif que des attentats meurtriers sont commis au nom de l'islamisme, il faut supprimer tout signe religieux musulman dans l'espace public, me paraît à tout le moins simpliste, pour ne pas dire simplet. Cela ne fait que pousser vers les islamistes ceux qui voudraient refaire l'oumma – la communauté des croyants –, non pas au nom du culte mais au nom d'une idéologie. C'est jouer les idiots utiles. Cela ne rend pas service à la République.

Du reste, madame Genevard, vos exemples disent l'inverse de ce que vous prétendez démontrer. Ce que vous dites à propos du football est prévu dans le texte : c'est le principe même du contrat d'engagement républicain. Je ne nie en aucun cas la difficulté que vous évoquez : c'est précisément pour cela que nous proposons ces dispositions. Qu'il y ait du communautarisme et de l'entrisme communautaire dans le sport, chacun le constate. Avec l'article 6, aucune association utilisant ne serait-ce qu'une partie du domaine public – les vestiaires d'un club de football, par exemple – ne pourra être subventionnée si elle contrevient aux principes républicains.

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Gérald Darmanin, ministre

Mettre à disposition des vestiaires est une forme de subvention : le code général des collectivités territoriales l'indique clairement.

Lisez bien l'article 6 : il dispose qu'aucune association se caractérisant par un comportement communautaire contraire aux principes de la République – ce qui est le cas dans l'exemple que vous avez évoqué – ne pourra plus vivre sur le sol de la République. Elle devra rembourser les subventions reçues et ses dirigeants seront poursuivis.

L'autre cas dont vous parliez, à savoir les piscines, est couvert par l'article 2, avec le déféré accéléré. Le préfet n'intervient qu'en ce qui concerne le fonctionnement du service public. Un élu n'a pas le droit d'organiser le service public pour telle ou telle communauté, sur le fondement de revendications religieuses. C'est déjà le cas, mais l'article 2 réaffirme le principe en permettant de se fonder sur l'exigence de neutralité des services publics. Cela vaut notamment pour le règlement intérieur d'une piscine qui établirait une différence de régime entre les femmes et les hommes. Ce n'est pas l'usager en tant que tel qui est visé, et la règle ne vaut pas parce qu'il s'agirait d'un espace public : du fait de l'article 1er, nous avons étendu l'espace de neutralité.

Du reste, M. de Rugy a raison de vous demander de définir ce que vous entendez par espace public. Le parvis de la mairie est-il un espace public ? Et l'arrêt de bus ? À coup sûr, oui.

Monsieur Ciotti, vous avez eu l'honnêteté de dire que le problème, pour vous, c'était l'islamisme, et donc l'islam. Quant au voile, vous reconnaîtrez que, de la même manière que toute personne qui exprime son appartenance à la religion musulmane n'est pas un islamiste en puissance, une femme peut porter un foulard sans être une islamiste.

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Le Président de la République a parlé d'un « islam dévoyé ».

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Gérald Darmanin, ministre

Nous sommes bien d'accord, mais vous m'accorderez que toute femme qui porte un foulard n'est pas une islamiste.

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Absolument, mais toutes les islamistes portent un foulard !

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Gérald Darmanin, ministre

Ce n'est pas vrai.

Pouvons-nous convenir ensemble que la solution qui consisterait à interdire l'expression de toute opinion religieuse dans l'espace public serait disproportionnée, tout comme le fait de viser directement les pratiquants de la religion musulmane – ce qui, par ailleurs, serait tout à fait contraire à la loi de 1905 ? Il importe de juger les personnes non pas pour ce qu'elles portent mais pour ce qu'elles font ; c'est tout l'objet du texte. Au demeurant, le vêtement n'est pas non plus prosélyte en lui-même. M. Lagarde a raison, d'ailleurs, de dire qu'il convient de définir la notion de prosélytisme.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l'amendement CS1552 de Mme Jacqueline Dubois.

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Le projet de loi prévoit d'encadrer l'instruction à domicile et dans les écoles hors contrat, mais aucune disposition ne concerne les activités périscolaires. Or celles-ci peuvent être aussi le lieu de diffusion du prosélytisme. L'amendement vise à renforcer les contrôles sur le temps périscolaire en complétant l'article L. 551-1 du code de l'éducation : le projet éducatif territorial doit être en conformité avec les principes républicains.

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L'amendement concerne les activités périscolaires réalisées dans le cadre du service public de l'éducation et non de l'instruction en famille ou de l'enseignement privé – d'où son intégration à ce chapitre sur le service public.

Vous proposez que les organisateurs transmettent chaque année la liste de ces activités et celle des intervenants. Cela me semble disproportionné, et représenter une charge insupportable. Je ne crois pas que nous aurions la capacité de vérifier et de faire vérifier ces informations.

S'agissant des modalités de fermeture administrative, le dispositif n'est pas assez précis. Avis défavorable, même si vous posez une vraie question.

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Je comprends de ce que nous dit Mme la rapporteure que si, en vue de la séance, l'amendement était modifié en retirant le I et le II et en complétant le III, elle serait en mesure de l'entendre.

L'amendement est retiré.

La commission est saisie de l'amendement CS1606 de Mme Stéphanie Rist.

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Les difficultés liées aux questions de neutralité au sein des services publics sont également présentes dans le secteur de la santé. Depuis 2011, une circulaire prévoit qu'un agent est désigné en qualité de correspondant chargé des questions de laïcité et de pratique religieuse dans chaque agence régionale de santé. Cependant, sur le terrain, ce référent n'est pas connu par les professionnels de santé, ou très peu. L'amendement a pour objet de donner une valeur législative au référent laïcité, de renforcer son rôle en demandant aux directeurs d'établissements publics de santé d'organiser une rencontre annuelle avec les personnels de l'établissement. Cette rencontre est fondamentale pour que les professionnels se sentent accompagnés.

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Votre amendement est satisfait par celui du Gouvernement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement est retiré.

La commission examine l'amendement CS1634 de Mme Stéphanie Rist.

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Force est de constater que nous disposons de très peu de données objectivées sur les difficultés liées à l'exigence de neutralité dans le monde de la santé. Néanmoins, sur le terrain, les agents publics hospitaliers sont confrontés à cette question. Il est absolument nécessaire d'organiser une meilleure remontée et centralisation des informations pour que des solutions soient trouvées. L'amendement vise à faire peser une obligation sur les directeurs d'établissements publics : ces derniers doivent transmettre les manquements relatifs à l'exigence de neutralité des professionnels de santé à l'Agence régionale de santé compétente.

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Le sujet relève plutôt du domaine réglementaire. Avis défavorable.

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Éric Poulliat et moi-même avions remarqué, dans notre rapport relatif aux services publics face à la radicalisation, qu'il existait certes des référents laïcité dans le secteur de la santé, mais que malheureusement le système ne fonctionnait pas aussi bien que dans l'éducation nationale, dont l'organisation est beaucoup plus pyramidale. Les ARS ont des référents laïcité à mi-temps, voire à quart-temps, contrairement à ce que souhaiteraient les établissements hospitaliers. Comme, par ailleurs, il n'y a pas entre les ARS et les établissements hospitaliers un lien hiérarchique aussi fort que dans l'éducation nationale, ces personnes ne se sentent pas accompagnées comme le fait le ministère de l'éducation nationale à l'égard des rectorats et des enseignants.

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Je soutiens cet amendement. C'est dans le milieu hospitalier que l'on observe le plus régulièrement des attaques contre la laïcité. La rapporteure nous dit qu'il faut passer par la voie réglementaire. Non ! C'est la loi qui doit marquer une volonté, précisément parce que l'on sent bien que ces difficultés vont croissant. Ce serait un symbole très fort, un signe que l'on adresserait aux personnels, lesquels sont totalement désemparés. Dans la région Centre-Val de Loire, les référents ne sont même pas employés sur des postes à temps partiel : il n'en existe quasiment pas. Les agents sont exposés et ne bénéficient d'aucune protection. Aidons-les !

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On peut quand même s'étonner que l'on soit obligé de passer par la loi pour demander des remontées d'information. Cela montre un léger problème de pilotage des administrations : une simple commande d'un ministre devrait y suffire. Certes, dans la police ou au ministère des finances, il y a sans doute une plus grande tradition concernant les remontées d'information, mais le fait que l'on en soit réduit à faire des amendements pour le demander – alors même que les informations en question sont de la plus haute importance – traduit un vrai problème de pilotage de l'administration.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CS429 de Mme Isabelle Florennes.

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Lors des auditions, les entreprises délégataires de service public ont insisté sur la nécessité d'avoir un retour sur la mise en œuvre des dispositions de l'article 1er afin de progresser ensemble dans la bonne direction. Toutes n'ont pas la même pratique, et certaines sont plus avancées que d'autres en matière de respect de la neutralité et de la laïcité. Cet amendement demandant la remise d'un rapport devrait permettre d'avoir une première évaluation de la mise en œuvre de la loi dans les six mois suivant sa promulgation. Cette évaluation serait utile pour le législateur dans sa mission de contrôle, ainsi que pour l'ensemble des organismes de droit public et de droit privé qui entrent dans le champ d'application de l'article.

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Je comprends l'objet de cet amendement, même si je suis parfois réservée quant aux demandes de rapport, car nous n'en faisons pas un usage suffisamment concret. Je suis d'accord avec vous : lorsqu'il s'agit d'évaluer une politique publique, il nous faut des éléments. Mais le délai que vous avez fixé me paraît beaucoup trop court, surtout au regard des délais de mise en conformité prévus s'agissant des contrats. Le rapport qui est prévu pour évaluer l'ensemble de la loi me semble préférable.

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Gérald Darmanin, ministre

Je suis opposé à cette demande de rapport comme aux autres – et elles sont nombreuses. Je considère que c'est au Parlement, s'il le souhaite, d'évaluer la loi et de contrôler l'action de l'exécutif. Lorsque le Gouvernement remet un rapport au Parlement, il conclut forcément que ce qu'il a fait est très bien. Le Parlement, en revanche, peut contrôler le Gouvernement autant qu'il entend – c'est même l'un des principes posés par la Constitution.

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Le président de la commission des lois Jean-Jacques Urvoas expliquait qu'il donnait toujours un avis négatif aux demandes de rapport du Parlement au Gouvernement, considérant que si le Parlement voulait évaluer la politique du Gouvernement, ce qui fait partie de ses prérogatives constitutionnelles, il pouvait le faire sans avoir à le demander au Gouvernement.

L'évaluation des politiques publiques fait partie de nos prérogatives : menons-la au lieu de voter des demandes de rapport au Gouvernement. Qui plus est, la plupart du temps, ces demandes sont oubliées aussitôt que votées. Il n'en demeure pas moins qu'elles mobilisent des fonctionnaires, pour un résultat en général de très mauvaise qualité pour nous, parlementaires.

Enfin, la remise du rapport est demandée six mois après la promulgation de la loi, alors que certains délais d'application de l'article 1er vont jusqu'à trente-six mois en raison de l'existence de contrats de délégation de service public. On gagnerait vraiment à ce que cet amendement soit retiré.

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J'entends votre argument concernant les délais, mais j'écoute aussi ce qui nous a été dit au cours des auditions.

Vous dites, monsieur le président, que c'est au Parlement de jouer son rôle en matière d'évaluation et de contrôle mais, après quelques années de mandat, je ne suis pas totalement satisfaite du travail que nous effectuons en la matière. Le Parlement, comme le Gouvernement, doit encore évoluer en matière d'évaluation et de contrôle, même si je reconnais que ce n'est pas simple. Des progrès ont peut-être été accomplis depuis le début de cette législature mais ils ne sont pas satisfaisants ; et votre réponse, monsieur le président, ne me satisfait pas non plus.

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Monsieur le président, vous avez raison : demander des rapports au Gouvernement n'est pas satisfaisant. Il faudrait que l'Assemblée nationale se donne les moyens d'évaluer elle-même les politiques publiques. Or le contrôle, sous la Ve République, reste très virtuel, donc inopérant. Nous n'avons pas les moyens d'expertiser. Je pensais que cette majorité changerait les choses, mais ça n'a malheureusement pas été le cas.

L'amendement de Mme Isabelle Florennes, sur lequel Mme la rapporteure, par amitié, n'a pas osé s'exprimer aussi directement que vous, pose la question de l'attitude des services publics d'État. Mais ce qui est le plus préoccupant, c'est l'attitude des services publics locaux. Il sera très difficile, pour un service public local, de savoir si un service concédé, par exemple de transport, est effectué dans le respect de la loi que nous nous apprêtons à voter. C'est la raison pour laquelle Pascal Brindeau proposera, avec l'amendement CS1249, l'introduction d'une formation en la matière.

Monsieur le ministre, comment allons-nous aider les collectivités locales à faire respecter cette loi ? C'est bien de faire des déclarations à l'Assemblée nationale, et je les approuve, mais c'est mieux de se donner les moyens de faire appliquer la loi sur le terrain.

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J'avais, avec de nombreux députés issus de différents groupes, travaillé à la création d'une agence parlementaire d'évaluation. J'avais même fait en sorte que nous ayons notre propre budget car l'État, après avoir envisagé de nous transférer des services, avait finalement retiré sa proposition. Je le rappelle pour l'histoire de notre assemblée.

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Ce projet a disparu au moment de votre nomination au ministère !

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CS554 de M. Éric Ciotti.

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Monsieur le président, cet amendement demande également un rapport : je vous inviterai à être indulgent sur la forme, car ce qui importe, c'est le fond. Je note que vous n'avez pas répondu à l'invitation du président Lagarde à critiquer le président Ferrand, ce qui, je le sais, est très loin de votre pensée…

Par cet amendement, je propose d'engager une réflexion sur l'opportunité de modifier la Constitution pour ajouter à la devise de la République, « Liberté, égalité, fraternité », le terme « laïcité ». Au cours de la précédente législature, j'avais déposé une proposition de loi en ce sens. Cet ajout permettrait d'affirmer une ambition très forte.

À nombre de nos propositions, vous avez objecté, monsieur le ministre, qu'elles supposeraient une réforme de la Constitution. La situation est d'une extrême gravité, les principes de la République sont menacés – c'est le constat qui a inspiré ce texte – et vous nous répondez constamment qu'on ne peut pas aller plus loin parce que la Constitution nous en empêche ! Moi, je crois qu'il faut avoir le courage, compte tenu des dangers qui les menacent, d'affirmer que rien ne doit limiter notre volonté de protéger la République, notre nation et nos concitoyens. Nous devons donc, si elle s'impose, être prêts à aller vers une réforme constitutionnelle.

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J'ai déjà dit ce que je pensais des demandes de rapport, d'une manière générale. Sur le fond, je ne suis pas sûre que vous ayez besoin d'un rapport du Gouvernement pour déposer une proposition de loi constitutionnelle. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CS1249 de M. Pascal Brindeau.

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C'est une nouvelle demande de rapport, mais il s'agit d'un sujet important, qui fait écho à l'amendement CS1876 du Gouvernement relatif à la formation des agents territoriaux au principe de la laïcité. Nous aurions aimé le déposer nous-mêmes mais il aurait sans doute été frappé d'irrecevabilité au titre de l'article 40.

Parce que la pression qui s'exerce sur les agents territoriaux s'exerce également sur les élus locaux, il nous semble que la formation des agents territoriaux aura d'autant plus de sens que les élus locaux auront eux-mêmes été formés à la laïcité et à son incidence sur les services publics locaux. C'est pourquoi cet amendement propose que le Gouvernement remette, dans un délai d'un an, un rapport au Parlement évaluant les besoins de formation des élus sur ces questions.

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Votre amendement me semble satisfait par celui du Gouvernement, s'agissant des trois versants de la fonction publique, et je crois que le ministre de l'intérieur a annoncé un amendement sur la formation des élus. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis. Vous m'avez demandé, monsieur Lagarde, ce que fait l'État pour les collectivités. Je rappellerai d'abord – j'ai été ministre de l'action et des comptes publics pendant trois ans – que lorsqu'on tente d'intervenir auprès d'elles, les collectivités locales nous rappellent que ce sont elles, les employeurs. Certaines responsabilités vont avec la liberté, ce n'est pas une famille politique comme la vôtre qui va me dire le contraire.

Il me semble que la question se pose davantage pour les élus ruraux, qui ont moins de moyens, que pour la plupart des élus urbains. Dans le département des Vosges, la préfecture ne compte plus que 130 fonctionnaires – plusieurs gouvernements sont responsables de cette situation – et ils ne sont que 90 en Lozère. À côté de cela, d'autres collectivités locales ont des centaines, parfois des milliers d'agents publics.

Certes, l'État doit faire absolument tout ce qui est nécessaire pour aider les collectivités locales, mais nombreuses sont celles qui ont parfaitement les moyens de faire appliquer, dans les contrats qu'elles délèguent, les règles qui correspondent à leurs appels d'offre. Les questions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes, au principe de non-discrimination ou à l'écologie figurent déjà dans les contrats de délégation de service public et il appartient à l'autorité qui accepte cette délégation de contrôler leur application. Je veux bien que l'État aide et accompagne, notamment les collectivités les plus rurales, mais je ne veux pas que cela soit systématique. Ce serait un peu contradictoire avec la tendance continue, depuis quinze ans, à la diminution du nombre d'agents de l'État dans les départements.

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La formation à la laïcité des élus, des fonctionnaires, de la communauté enseignante et de la communauté médicale est essentielle.

Monsieur le président, vous savez très bien que c'est le couperet de l'article 40 qui nous oblige à faire des demandes de rapports. Vous savez aussi que même lorsqu'on est rapporteur spécial de la commission des finances et que l'on a des pouvoirs d'investigation, comme cela a été mon cas, on manque parfois de moyens pour obtenir les documents que l'on demande. J'ai fait un rapport sur ce sujet, sous le pilotage de celui qui m'a formé en la matière, Charles de Courson. Vous nous parlez du pouvoir de contrôle du Parlement mais il faut nous donner les moyens de contrôler ! C'est notre boulot de voter la loi et c'est notre boulot aussi de contrôler son application.

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Monsieur le président, je souscris aux propos de Philippe Vigier. D'une façon générale, je ne signe pas les amendements qui demandent des rapports, mais lorsque les articles 40 et 45 s'appliquent avec autant de rigueur, on n'a pas d'autre choix que de recourir à cette manœuvre.

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Nous avons la chance, vous et moi, de siéger dans cette assemblée depuis un certain temps. De mandat en mandat, votre raisonnement a évolué, tandis que le mien est resté le même. Il faut que le débat puisse avoir lieu, sans excès ; vous conviendrez que notre groupe ne fait pas partie de ceux qui déposent des amendements ou qui demandent la parole de manière excessive.

Monsieur le ministre, c'est un appel à l'aide que nous vous lançons. Je souscris totalement à vos propos : l'État préfectoral se déshabille, c'est vrai. Mais il commande toutes les autres administrations ; il n'est donc pas nu comme un ver dans les départements. Vous avez été maire ; vous comprenez bien que lorsqu'il organise le service public de transport avec une délégation de service public, le maire ne peut pas savoir ce qui se passe dans les vestiaires de l'organisme chargé du transport. Il y a donc besoin d'une coopération plus forte entre les services de renseignement territoriaux et le délégataire de service public si on veut que la loi soit opérationnelle. Au sein de la RATP, qui gère seule ou à peu près, les transports en région parisienne, il y a eu des dérives. Votre collègue Élisabeth Borne pourrait vous les décrire parce qu'elle en a été la présidente, mais la personne qui dirigeait la région Île-de-France, elle, ne pouvait pas les connaître.

Vous avez raison au sujet des collectivités rurales, mais les élus urbains aussi ont besoin d'être informés par les services de renseignement territoriaux des dérives dont ils ne peuvent avoir connaissance.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 (art. L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement de la procédure dite du « déféré accéléré » aux actes des collectivités territoriales qui portent une atteinte grave au principe de neutralité des services publics

La commission examine l'amendement CS472 de Mme Marine Le Pen.

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Monsieur le ministre, vous avez tenu tout à l'heure des propos très graves, qui m'ont paru s'adresser à moi car vous me regardiez : vous avez accusé quelqu'un dans cette salle de pousser à la guerre civile. Il n'y a ici que des députés et nous sommes en train de travailler sur une loi contre le séparatisme. Dieu merci, vous vous adressiez manifestement à vos anciens amis du groupe Les Républicains. Je considère néanmoins cette accusation comme une outrance, et même comme un outrage.

Nos débats montrent que vous avez fait un choix dangereux, qui vous fait risquer l'amalgame, puisque vous ne cessez de naviguer entre l'islamisme, l'islam et les religions diverses et variées. Il aurait été plus simple, pour éviter cette confusion, de faire une loi de lutte conte l'idéologie islamiste. En visant une idéologie politique, on aurait évité les ambiguïtés qui ne manqueront pas de naître dans l'esprit de beaucoup.

Je soutiens le mécanisme de veto et, s'il ne suffit pas, de substitution par l'autorité préfectorale, car il va dans le bon sens. Toutefois, je suis un peu inquiète de la rédaction de l'article 2, qui ne concerne que les cas où il est porté « gravement » atteinte au principe de neutralité des services publics. En tant qu'ancienne avocate, je sais que dès lors qu'on écrit « gravement » dans un texte, on le rend difficile à appliquer, et donc relativement inopérant. C'est pourquoi je propose, afin de renforcer l'effectivité de cette mesure, de supprimer le mot « gravement.

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La procédure du déféré accéléré est limitée aux actes de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle. Ce sont donc des actes particulièrement graves qui peuvent en faire l'objet et, en règle générale, d'ailleurs, ce sont des mesures de police. En tant qu'avocate, vous savez que les magistrats apprécient cette notion de gravité, qui existe dans nombre de dispositions pénales. Le juge administratif n'aura pas de difficulté, comme le juge judiciaire le fait, à apprécier cette gravité. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CS411 de Mme Emmanuelle Ménard.

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L'attentat de la préfecture de police de Paris, le 3 octobre 2019, perpétré par Mickaël Harpon, a montré où menait le manque de courage face à la radicalisation. Comment se fait-il qu'un homme qui s'était réjoui de l'attentat de Charlie Hebdo et qui ne voulait plus serrer la main des femmes travaillant dans son service n'ait pas été signalé pour radicalisation ?

Ces actes ne sont pas seulement de nature à « compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle » ou de « porter gravement atteinte au principe de neutralité des services publics », ils sont aussi l'expression d'une radicalisation islamique. Il me semble important de nommer cette radicalisation au sein de notre corpus législatif. Tel est l'objet de cet amendement.

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Je ne comprends pas bien le sens de votre amendement et je vais y répondre par deux questions. Comment caractérisez-vous la radicalisation ? Dois-je comprendre que l'acte d'une collectivité territoriale pourrait relever de celle-ci ? Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

L'article 2 ne concerne pas des actes individuels mais des actes ou des délibérations des collectivités locales. Si votre amendement concerne bien les collectivités locales, il est satisfait, dans la mesure où l'article 2 couvre déjà les atteintes au principe de neutralité. Si, en revanche, vous visez des actes individuels, des dispositions ont déjà été votées à ce sujet après l'article 1er.

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Madame la rapporteure, j'ai précisément répondu à la première de vos questions dans la défense de mon amendement. C'est à dessein que j'ai pris l'exemple de Mickaël Harpon et les faits très précis et concrets qui ont précédé son attentat. Il n'a pas tenu des propos vagues, il a donné des signaux très précis : il s'est réjoui de l'attentat de Charlie Hebdo, il refusait de serrer la main des femmes, et tout cela s'est produit à la préfecture de police ! Dans n'importe quel centre pénitentiaire, dans n'importe quelle prison, ce sont des signaux qui inquiètent les autorités ; dans une préfecture de police, ils auraient dû alerter autant, si ce n'est plus. C'est précisément ce que je considère comme les caractéristiques d'une radicalisation.

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Gérald Darmanin, ministre

Ne vous méprenez pas, madame Ménard : le but de l'article 2 est de faire casser en moins de quarante-huit heures, grâce au « déféré laïcité », tout acte d'une collectivité locale qui serait séparatiste. Il n'est pas question dans cet article, je le répète, des personnels, mais des collectivités. Je comprends votre argumentation, mais elle n'a pas grand-chose à voir avec l'article 2.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine les amendements CS664 et CS665 de M. Charles de Courson.

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L'amendement CS664 propose d'étendre le dispositif de l'article 2, qui ne concerne que les collectivités territoriales, aux établissements publics de santé, pour lesquels un contrôle de légalité est exercé par les directeurs des agences régionales de santé (ARS). L'amendement CS665, dans le même esprit, propose de l'étendre aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel pour lesquels le contrôle de légalité est exercé par les recteurs académiques.

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Vos amendements sont en contradiction avec la procédure accélérée que nous voulons introduire. Le directeur général de l'Agence régionale de santé défère au tribunal administratif les délibérations et les décisions qu'il estime illégales dans les deux mois suivant leur réception. Il informe sans délai l'établissement et lui communique toutes les précisions sur les motifs d'illégalité. Il peut assortir son recours d'une demande de sursis à exécution. Vous proposez que le tribunal administratif statue dans un délai de quarante-huit heures, mais cette procédure interviendra après le délai de deux mois. Votre amendement fait perdre la notion d'urgence et ce délai de quarante-huit heures, qui est l'apport très considérable de cette procédure.

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Gérald Darmanin, ministre

Je peux comprendre votre préoccupation, même si elle me paraît davantage fondée pour les ARS que pour les rectorats. Ces derniers sont une émanation directe de l'État, tandis que les premières, même si elles dépendent évidemment du ministère de la santé, relèvent d'un phénomène d'agenciarisation. L'objet de l'article 2, et je vous renvoie à l'avis du conseil d'État, est bien le contrôle de légalité. Or ce contrôle, dans notre Constitution, est un contrôle que l'État exerce sur les actes des collectivités locales, et non sur lui-même. On peut surveiller ce que font les agences régionales de santé, les rectorats, voire les préfectures, mais cela ne relève pas du contrôle de légalité, dont il est question à l'article 2.

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On peut sans doute critiquer la rédaction de mes amendements, mais ils avaient pour but de soulever un problème. L'article 2 s'applique aux collectivités territoriales et j'aimerais savoir si le Gouvernement, ainsi que nos collègues, seraient d'accord pour l'étendre aux autres domaines concernés par l'article 1er, à savoir les établissements de santé et les établissements universitaires et assimilés. S'ils sont mal rédigés, je veux bien les retirer et les réécrire, mais je voulais savoir si vous seriez d'accord pour étendre le champ de ce référé, qui permet de casser immédiatement certains actes, au lieu de les laisser s'appliquer pendant plusieurs mois.

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Gérald Darmanin, ministre

Si je vous comprends bien, vous visez des actes administratifs commis par des établissements ne relevant pas du contrôle de légalité exercé par le préfet sur les collectivités locales. Vous vous demandez, par exemple, comment un acte unilatéral pris par un président d'université pourrait être contrôlé, et par qui – probablement par son instance de tutelle. Vous voudriez introduire une sorte de contrôle de légalité entre les universités et leur instance de tutelle et vous vous demandez comment le juge pourrait intervenir.

Pourquoi, en effet, ne pas introduire une forme de contrôle sur tous les actes publics. Il faut voir comment créer un contrôle de légalité différent de celui qu'exercent les préfectures sur les collectivités locales. Je ne dis pas non sur le principe mais il va falloir trouver une rédaction très fine d'ici à la séance.

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Je suis d'accord : il faudra trouver une rédaction très précise.

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L'idée, c'est que le recteur, qui est soumis à l'article 1er, dispose de l'outil juridique dont dispose le préfet à l'égard des collectivités locales. Et ce serait la même chose pour les hôpitaux car, comme l'ont noté plusieurs collègues, les atteintes à la neutralité sont beaucoup plus fréquentes dans les hôpitaux publics que dans les collectivités locales. Or l'article 2 ne s'applique qu'à ces dernières. Je vais retirer ces amendements et les retravailler.

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Gérald Darmanin, ministre

Une dernière fois, j'aimerais que l'on ne se méprenne pas sur l'article 2 : il ne vise pas les actes séparatistes ou communautaires des agents, qui feront l'objet d'autres dispositions. Il concerne les actes des organes délibérants ou des collectivités en tant que telles. Mme Annie Genevard a pris tout à l'heure l'exemple d'une collectivité locale qui adopterait des règles vestimentaires particulières pour les femmes dans une piscine, en fonction de critères religieux : cela rentre typiquement dans le champ de l'article 2. Aujourd'hui, le préfet peut porter ces faits à la connaissance du juge, mais la procédure est souvent longue. Désormais, tout pourra être réglé en quarante-huit heures.

Vous dites qu'il y a plus d'actes communautaristes dans les hôpitaux qu'ailleurs, mais vous parlez d'actes individuels, d'usagers ou d'agents. Or ce dont il est question à l'article 2, ce sont les actes des personnes morales, non des agents. Mais je crois que M. le rapporteur général est prêt à organiser quelques réunions avec vous pour travailler sur ces questions d'ici la séance publique.

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L'article 2 ne vise pas seulement les délibérations des organes délibérants des collectivités territoriales. Il vise aussi des arrêtés pris par le maire. De la même façon, dans les universités, cela pourrait concerner des décisions prises par le président d'université, qui a un pouvoir propre, ou par le conseil d'administration de l'université. Dans les établissements hospitaliers, en revanche, ce n'est pas le conseil de surveillance qui peut prendre des délibérations : c'est le directeur.

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Je confirme que Mme la rapporteure organisera des réunions avec M. de Courson pour régler ce problème d'ici à la séance.

Les amendements sont retirés.

L'article 2 est adopté sans modification.

La séance est levée à zéro heure cinq.

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 21 heures

Présents. – Mme Caroline Abadie, M. Saïd Ahamada, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Yves Blein, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Pierre-Yves Bournazel, M. Xavier Breton, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne Brugnera, Mme Émilie Chalas, M. Francis Chouat, M. Éric Ciotti, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. Yves Hemedinger, M. Pierre Henriet, M. Sacha Houlié, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Mattei, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Frédéric Petit, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Bruno Questel, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, Mme Laurianne Rossi, M. Thomas Rudigoz, M. François de Rugy, M. Pacôme Rupin, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - M. Thierry Benoit, M. Pascal Brindeau, Mme Aina Kuric, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Stéphanie Rist