Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Absolument, madame Genevard. Comme on dit : il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

La croyance religieuse est-elle une opinion comme les autres ? « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses », dit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Certes, l'emploi de « même » montre bien qu'à l'époque déjà, le législateur jugeait que la religion pouvait être dangereuse – et pour cause : on avait connu par le passé quelques difficultés s'agissant de la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Néanmoins, je ne suis pas d'accord avec Jean-Pierre Chevènement concernant l'obligation de discrétion religieuse. Si je suis très attaché à la neutralité du service public et de l'État, et si j'estime qu'une loi ne doit pas être faite en fonction de la susceptibilité de tel ou tel groupe et que nul ne saurait faire pression sur l'État – ce qui est une forme de laïcité intransigeante –, je considère que, dans les limites de la loi et dès lors, bien évidemment, qu'elle s'applique à tous, chacun doit pouvoir faire comme il le souhaite. D'ailleurs, la seule limitation à ce principe que le législateur et le Conseil constitutionnel aient acceptée en 115 ans relève d'un impératif d'ordre public : c'est pour cette seule raison que le port de la burqa a été interdit.

À travers ces amendements, vous défendez une conception de la laïcité très différente de celle qui a été appliquée jusqu'à présent : vous souhaitez aboutir à l'effacement des religions dans l'espace public. Je ne partage pas cette opinion. Je trouve d'ailleurs que le président de la commission spéciale a été très magnanime dans l'usage qu'il a fait de l'article 45 de la Constitution : on aurait très bien pu considérer que ce texte, sauf pour ce qui concerne le titre II, ne traite pas des religions – c'est en tout cas la lecture qu'en fait le Gouvernement. Il porte sur l'obligation de neutralité, qui s'applique à toute forme d'opinion, et sur la lutte contre certaines idéologies.

La question qui se pose est somme toute assez simple : pensez-vous – et, singulièrement, s'agissant de l'islam – que les expressions religieuses soient contraires à la République ? À travers la notion d'espace du service public, on en vient en réalité à refaire le débat sur voile ; et l'on en arrive aux mêmes conclusions : d'une part, vos propositions sont anticonstitutionnelles ; d'autres part, elles viennent, non pas conforter les principes républicains, mais les modifier.

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