Pour ma part, j'avais été très intéressé par cette idée quand François Baroin l'avait évoquée, avant de m'apercevoir que ce nouveau concept était extrêmement flou. Les mairies, les bureaux de poste sont des espaces publics : on ne pourrait plus y aller au motif que l'on affiche un signe religieux. Plutôt que de préciser les choses, cela les rend encore plus confuses.
Plus fondamentalement, l'acte de 1905 est un acte de séparation – d'ailleurs, les défenseurs du texte étaient appelés les « séparatistes ». Il s'agissait de séparer les Églises et l'État. Mais aller dans le sens proposé par nos collègues, c'est faire autre chose : c'est séparer les citoyens croyants et l'État. Ces derniers ne pourraient plus se mouvoir dans la société, ce qui n'a plus rien à voir avec la laïcité.
Faut-il interdire à toute personne qui croit de manière non discrète de le manifester ? Mais qu'est-ce que cela veut dire, « non discret » ? Lorsque l'Armée du salut chante dans la rue, est-ce un acte de foi non discret, et, si oui, faut-il l'interdire ? On aborde des concepts extrêmement mouvants.
On a le droit d'avoir des convictions athées et anticléricales, mais la laïcité, ce n'est pas cela. Ce que vous nous proposez, c'est un athéisme d'État militant qui interdit les religions, mais de manière variable, et c'est bien là le problème. Si vous proposiez d'exclure toutes les religions de l'espace public au motif qu'elles relèvent de l'obscurantisme – « l'opium du peuple » –, cela nous emmènerait sur un terrain extrêmement dangereux, mais je comprendrais le raisonnement. Mais votre virulence est à géométrie variable : vous vous en prenez uniquement à nos concitoyens musulmans. Cela commence à être fatigant !