Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Je voudrais souligner l'intérêt global de cet article 8. Autant je peux comprendre l'intervention de Mme Panot, autant j'ai du mal pour celle de M. Breton. Je pense que mes arguments pourront l'amener à changer sa position, dont j'imagine qu'elle n'est pas celle de l'ensemble du groupe LR.

La liberté d'association est capitale. C'est une liberté constitutionnelle à laquelle il ne faut toucher que d'une main tremblante, et en prévoyant des garde-fous. Quels sont-ils en l'occurrence ? D'abord, la dissolution se fait toujours en conseil des ministres. On pouvait imaginer autre chose que cette procédure un peu lourde, utilisée avec prudence, qu'il s'agisse de dissoudre une collectivité locale – des élections doivent alors suivre ­ ou une association. Mais nous avons souhaité garder ce filtre afin que la proposition de dissolution portée par le ministre de l'intérieur soit exposée devant cet organe collégial, devant le Président de la République et devant les yeux des Français.

Comme toute décision prise par le ministère de l'intérieur, la procédure de dissolution d'une association est évidemment contradictoire. Cette période peut être très resserrée en cas de lien direct avec le terrorisme, mais est sinon assez longue ­ une quinzaine de jours ­ pour que nous puissions présenter un décret construit en conseil des ministres. Et, bien sûr, la décision prise en conseil des ministres est susceptible de recours. Il ne s'agit pas d'un acte de gouvernement et le juge administratif, en l'occurrence le Conseil d'État, est susceptible de la casser. J'appelle l'attention des parlementaires sur le fait que l'étude d'impact comme l'avis du Conseil d'État valident cette procédure. Le Gouvernement a corrigé les quelques virgules d'écart qu'il y avait entre son texte et l'avis du Conseil d'État afin que la loi soit parfaitement conforme à la volonté de protéger la liberté d'association. Bref il y a des garde-fous. N'allons pas croire que nous allons dissoudre des associations « vite fait » et en cachette. C'est un acte grave, qui peut provoquer des difficultés d'appréciation. Non, nous gardons bien cette procédure exceptionnelle.

Comme l'a dit le rapporteur, il faut cependant remarquer que la procédure de dissolution existante doit être modernisée, en particulier s'agissant des agissements des associations et des groupements de fait. Une chose fondamentale sera que nous puissions imputer à l'association les faits et gestes de ses dirigeants et de ceux qui parlent en son nom. À l'heure des réseaux sociaux, il arrive que les dirigeants d'une association, parce qu'ils ont beaucoup de suiveurs, aient beaucoup plus d'impact que l'activité de l'association elle-même. Sans vouloir parler trop avant d'une affaire en cours d'examen par la justice administrative, on voit bien, dans l'exemple de BarakaCity, que son dirigeant est très suivi, autant médiatiquement que sur les réseaux sociaux. C'est parce qu'il l'est que cette association est connue et lève des fonds, extrêmement importants d'ailleurs. Nous aurions souhaité pouvoir imputer clairement les propos que nous considérions pour notre part comme inacceptables de ce dirigeant à l'association.

Vous aurez constaté à ce propos la présence d'un autre garde-fou dans le texte : la possibilité de laisser le temps à l'association de condamner les propos qui auraient été tenus, ou de les retirer de son site. Cela peut être le cas quand l'association invite une personnalité qui manifestement va expliquer que les Juifs sont des mécréants, qu'il faut lapider les femmes ou qu'en écoutant de la musique on va se transformer en animal – je précise que toutes les associations sont concernées par ce texte, pas seulement celles qui relèvent de la loi de 1901. Il m'a parfois été reproché de ne pas avoir dissous certaine association particulièrement antirépublicaine : il n'y avait tout simplement pas de moyen juridique de le faire, parce que la personne ne parlait pas au nom de l'association, mais n'était qu'une voix parmi d'autres. L'imputabilité est donc un concept nouveau, très important pour le ministère de l'intérieur, mais une possibilité est laissée à l'association de corriger et de faire cesser les agissements.

Il y a une dernière proposition essentielle dans cet article 8 : la possibilité de suspendre à titre conservatoire certaines activités de l'association. Il existe des associations aux structures complexes, des associations mixtes qui font à la fois de l'humanitaire, de l'aide à domicile, du sport et parfois même du culte. Imaginons que la branche sport fasse montre d'un communautarisme effréné, alors que les autres branches de l'association mènent une activité utile à la société. Aujourd'hui, le ministre de l'intérieur a le choix entre rien et tout. Nous proposons de pouvoir suspendre l'activité sport à titre conservatoire, discuter avec les dirigeants de l'association et voir les conclusions qu'ils en tirent, avant d'aller éventuellement à une dissolution.

Cet article me paraît donc à la fois absolument nécessaire et respectueux de la liberté d'association, y compris dans le mécanisme de la dissolution, qui intègre évidemment une procédure contradictoire et un recours. Il nous rend plus modernes, parce que les agissements le sont toujours plus, accroît la responsabilité des dirigeants ou porte-parole des associations et prévoit une nouvelle graduation, la suspension, avant le déclenchement de la dissolution en conseil des ministres.

Cet article 8 est absolument indispensable au texte, dans la mesure où il permet de lutter très fortement contre les comportements séparatistes et, avec l'article 44, de fermer des lieux de culte, comme cela se fait déjà en matière de terrorisme, mais pour des raisons par exemple d'incitation à la haine. Il permet au ministre de l'intérieur de répondre aux très nombreuses interpellations qui lui sont adressées, quels que soient les élus et les territoires : les faits sont là, pourquoi n'intervenez-vous pas, pourquoi n'avez-vous pas les moyens de le faire ! Nous demandons aujourd'hui au Parlement de donner au ministère de l'intérieur les moyens d'intervenir pour faire cesser ces associations séparatistes.

Avis défavorable.

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