COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE
Jeudi 21 janvier 2021
La séance est ouverte à neuf heures dix
La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République (n° 3649 rect.) (M. Florent Boudié, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre I du titre II, Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre I du titre Ier, M. Éric Poulliat, rapporteur pour le chapitre II du titre Ier, Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, Mme Laetitia Avia, rapporteure pour le chapitre IV du titre Ier, Mme Anne Brugnera, rapporteure pour le chapitre V du titre Ier, M. Sacha Houlié, rapporteur pour les chapitres II et III du titre II, et pour les titres III et IV).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen des articles du projet de loi confortant le respect des principes de la République par les amendements portant article additionnel après l'article 6.
Après l'article 6 :
La commission examine tout d'abord l'amendement CS1385 de M. Éric Diard.
J'ai déjà évoqué les propos de M. Youssef Chieb, professeur associé à l'université Paris-XIII, lors de son audition par une commission d'enquête sénatoriale, à propos de la problématique de l'entrisme séparatiste dans nos universités, lieux de savoir et de lumière dont certains mouvements veulent pourtant faire l'arrière base du séparatisme.
Certaines associations tirent parti de la liberté qui y règne, essaient de déroger à la loi de 2004 et incitent les étudiants à arborer des insignes religieux ostentatoires.
Je souhaite donc que l'obtention de subventions par les associations étudiantes soit soumise à une nouvelle condition : outre la signature du contrat d'engagement républicain, elles devraient participer à des séminaires de prévention de la radicalisation et du séparatisme avec les référents laïcité de leurs établissements.
Si nous avons travaillé ensemble, cher collègue, sur la question de la radicalisation, et si je souscris à la philosophie de votre amendement, il me semble que l'obligation de formation que vous proposez créerait une charge très importante pour l'organisation et les finances tant des associations étudiantes que des universités.
En outre, les initiatives étudiantes ont, dans le contexte actuel, besoin d'exister : or une telle mesure contribuerait à les brider.
Par ailleurs, le contrat d'engagement républicain que nous avons voté hier, qui implique un devoir d'information individuel des membres, diffusera une culture d'adhésion aux principes républicains.
Par conséquent si l'objectif est bon, le moyen ne me semble pas le plus approprié, parce qu'il est trop contraignant. Je propose donc le retrait de l'amendement pour conserver cette fenêtre d'expression de la jeunesse.
Nous sommes défavorables à l'amendement, mais pas sur le fond, l'entrisme et la radicalisation au sein des universités nous alertant également.
Pourquoi cette opposition ? Tout d'abord comment vérifierons-nous que les formations en question ont vraiment eu lieu et par quels opérateurs elles ont été menées ? Cette dernière question nous a notamment conduits à créer des référents laïcité dans les administrations et à confier au préfet Pierre Besnard une mission flash de deux mois visant à déterminer un calendrier permettant la formation de 100 % des agents publics.
La question du financement de telles formations se pose également.
Si les faits que vous rapportez sont exacts, cher collègue, il faut que l'université concernée agisse, la loi permettant de lutter contre le voile intégral.
Par ailleurs les étudiants sont des adultes majeurs : laissons-les donc s'engager dans le bénévolat et dans la vie associative ! Allons-nous demander à tous les candidats et candidates à une élection dans la République de suivre un stage de formation ?
Soyons un peu raisonnables concernant la liberté d'association.
Il faut se réjouir du fait que le rapporteur général et le ministre de l'éducation nationale aient adopté le principe de la formation initiale et continue des enseignants.
Ayant moi-même été référent laïcité sur le campus de mon université, je partage la préoccupation de notre collègue Éric Diard concernant le système associatif dans les universités.
Il est en effet aujourd'hui indispensable d'envisager la formation du personnel dirigeant des associations étudiantes, même si elle peut concrètement être difficile à organiser, la mobilisation de la réserve citoyenne – objet de l'un de nos amendements – pouvant cependant être imaginée.
Ceux qui sont appelés à demander des financements publics doivent être informés du fait républicain.
Tout en ayant bien entendu les préconisations du rapporteur et de la ministre et en admettant qu'il doit être retravaillé, je maintiens l'amendement, qui n'a pas été déclaré irrecevable au titre de l'article 40.
Madame Buffet, il ne s'agit pas de former tous les étudiants mais leurs représentants associatifs.
Je suis inquiet : Sciences-Po Paris organise le « Hijab day ». J'ai par ailleurs été interpellé il y a un mois à l'occasion d'un échange en visioconférence par une étudiante de ce même établissement qui m'a dit : « Monsieur Diard, l'emploi du mot séparatisme dans cette loi est scandaleux : c'est un mot colonial qui nous renvoie au général de Gaulle et qu'il faut bannir. »
(Sourires.)
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS1019 de Mme Brigitte Kuster, CS95 de Mme Anne-Laure Blin, CS146 de M. Emmanuel Maquet, CS1169 de Mme Constance Le Grip et CS333 de M. Robin Reda.
Il s'agit de permettre aux maires de refuser la location d'une salle à un individu ou à une association voulant y organiser un événement religieux.
Pourquoi en passer par la loi ? En raison d'une jurisprudence datant de 2011 : le Conseil d'État a en effet jugé que le refus de la maire de la commune de Saint-Gratien de prêter une salle à une association musulmane en période de ramadan « […] portait une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés de réunion et de culte […] ».
Si nous ne méconnaissons évidemment ni la liberté d'association ni la liberté de réunion, ce jugement en contredit d'autres, qui lui sont antérieurs et dont certains sont même antérieurs à la loi de 1905.
Ainsi, en 1900, le Conseil d'État avait jugé qu'un conseil municipal pouvait mettre l'utilisation de locaux appartenant à une commune à l'abri « […] de querelles politiques ou religieuses […] ».
Or un maire qui n'aurait pas pu s'opposer à la liberté de réunion et aurait été obligé d'accorder une salle communale à une association pour un motif cultuel ou prétendu tel serait tenu pour responsable des images tournées dans celle-ci – ou des discours de haine à l'égard de la République ou déviants par rapport à ses valeurs qui y auraient été prononcés – et diffusées sur les réseaux sociaux.
L'amendement tend donc à protéger les maires et à leur donner un outil supplémentaire pour se mettre à l'abri de discours fondamentalistes ou séparatistes.
Il s'agit de la même idée : en première ligne dans nos territoires, les maires doivent pouvoir, afin de combler un vide juridique, refuser de louer une salle à une association qui porterait atteinte à la République « […] sans porter préjudice au principe d'égalité ou de la liberté de réunion […] ».
Il faut en passer par la loi pour que ces élus puissent le refuser sans pour autant être condamnés.
Nous souhaitons modifier un article du code général des collectivités territoriales (CGCT) afin qu'un maire puisse refuser la location d'une salle municipale à un individu ou à une association organisant un événement pour un motif religieux, tout en étant, compte tenu de la décision du Conseil d'État de 2011, parfaitement respectueux des libertés de réunion, d'association et de culte.
Les maires sont en effet à même d'apprécier, sur le terrain, les risques de dérive et de propagation d'idées séparatistes ou portant atteinte aux principes de notre République de la part d'individus ou d'associations sollicitant la location d'une salle municipale.
Nous souhaitons leur offrir un cadre juridique leur permettant de la refuser, ce qui serait cohérent avec l'objectif du projet de loi, qui est de renforcer les principes de la République.
En l'état du droit, il leur faut en effet justifier très précisément, pour des motifs tenant notamment au fonctionnement des services, au maintien de l'ordre public ou aux nécessités de l'administration des propriétés communales, de telles décisions, ce qui ne les arme pas face aux dérives et aux discours séparatistes contraires à ces mêmes principes.
Je comprends votre objectif, chers collègues. Le CGCT autorise l'utilisation de locaux municipaux par des associations, même à des fins cultuelles. Or, le communautarisme n'ayant pas de définition juridique, il est impossible d'en tirer un motif. Qui plus est, s'appuyer sur un motif religieux pour refuser l'accès à certains équipements publics entraînerait une pure rupture d'égalité, qui serait censurée par le Conseil constitutionnel.
Il faut donc s'en remettre aux questions d'ordre public et aux conventions, le maire comme son administration étant libres de définir les conditions de prêt et d'occupation des salles communales.
Si j'entends la préoccupation, les arguments sont contraires aux principes. En outre, le prêt d'une salle étant une subvention, le contrat d'engagement républicain permettra sans doute de se retrancher derrière la rupture de l'engagement au respect des principes républicain pour éviter un tel prêt.
Je suis donc, pour toutes ces raisons, défavorable aux amendements.
Nous en demandons le retrait, notamment pour des raisons juridiques.
Si le maire dispose, selon le CGCT, d'une compétence exclusive pour déterminer la possibilité de prêter ou de louer une salle, il ne peut effectivement en refuser le prêt, la location ou la mise à disposition à une religion pour un motif religieux, car une telle décision serait contraire tant à la jurisprudence qu'aux principes constitutionnels de liberté d'association et d'organisation.
En revanche, si son refus est motivé par des pratiques associatives traduisant selon lui soit un repli communautaire soit une radicalisation, il est fondé puisqu'il s'appuie sur une menace que ferait peser le rassemblement sur l'ordre public ou sur la tranquillité publique.
Au-delà de ce refus, le maire doit adresser un signalement à la cellule départementale de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR).
Les amendements sont donc soit inconstitutionnels, soit satisfaits tant par le droit que par la jurisprudence.
Il me semble néanmoins que les maires ne se sentent pas suffisamment armés sur le plan juridique pour faire face à des demandes parfois extrêmement pressantes émanant d'associations ou de courants de pensée ou religieux, même s'ils peuvent bien évidemment invoquer, notamment en lien avec les personnalités invitées et leur éventuelle radicalisation, le trouble à l'ordre public.
Mes chers collègues, ces amendements ne sont pas acceptables tout simplement parce qu'ils sont contraires à tous les principes constitutionnels, notamment à la liberté de réunion et à la liberté d'expression.
Si les maires peuvent s'opposer à de telles demandes notamment pour des motifs liés à des risques de trouble à l'ordre public, à la tranquillité ou à la salubrité publiques, ils ne le peuvent certainement pas, par principe, en raison du caractère religieux des demandeurs.
Laissez-donc le droit tel qu'il est !
Le maire qui a besoin d'être protégé n'est pas toujours l'élu d'une très grande commune qui a la chance de disposer de services juridiques ad hoc : or les jurisprudences le fragilisent un peu plus chaque jour.
En outre, mon expérience de maire est qu'une association peut sous-traiter la location d'une salle à une autre.
Madame la ministre, si vous voulez que votre loi soit puissante et appliquée, il faut vous appuyer sur la maison commune, ce qui implique de mieux armer les maires tout en respectant la liberté d'association à laquelle nous sommes tous viscéralement attachés.
J'appelle l'attention de l'ensemble de nos collègues sur les cailloux dont nous parsemons depuis hier le chemin des libertés : si le quinquennat a démarré avec un « État au service d'une société de confiance », nous en sommes presque à construire un État au service d'une société de défiance !
La majorité des Français et des Françaises aurait-elle vraiment un problème avec les valeurs de la République ou avec les libertés ? Faut-il tous les former et leur rappeler qu'ils doivent les respecter dans chacun de leurs actes alors qu'heureusement ils en sont, au quotidien, les vigies et les garants ? Si nous le pouvons encore, il faut que nous traduisions cela en actes dans cette loi.
S'agissant des amendements, si la loi de la République permet effectivement aux maires de veiller à la sauvegarde de l'ordre public, le Conseil d'État n'a sanctionné qu'un abus de pouvoir.
Cher collègue Boris Vallaud, si vous commentez bien non pas le texte, mais les amendements, je partage votre opinion : nous pourrions d'ailleurs faire équipe pour les rejeter.
Depuis hier, nous ne cessons de baliser systématiquement, et de façon très ferme, le périmètre de ce texte.
Je partage évidemment l'argumentation de Charles de Courson : tout ce qui est écrit dans ces mêmes amendements est contraire aux principes de valeur constitutionnelle les plus fondamentaux relatifs aux cultes et encourrait la censure du Conseil constitutionnel.
Enfin, la notion de communautarisme n'a au fond pas plus de valeur juridique que celle de séparatisme, ce qui explique son absence du texte. Toutes deux ont en effet un sens dans le langage courant, une valeur politique et une valeur symbolique forte mais aucune valeur juridique.
Plus globalement, alors que les maires sont les premiers à pouvoir repérer tous les signaux faibles de radicalisation, votre texte ne répond pas aux demandes précises du terrain et ne contient aucun dispositif permettant de mieux armer les maires face aux menaces dans nos territoires.
Si je peux entendre que notre proposition n'est pas parfaitement conforme aux différents principes de notre droit, il ne faut pas fermer les yeux sur les difficultés quotidiennes très concrètes de nos élus de terrain, notamment dans les communes rurales.
Il nous semble possible, pour les maires, de refuser le prêt d'une salle non pas pour des motifs religieux mais, en cas de radicalisation, en s'appuyant notamment sur la circulaire du ministre de l'intérieur du 13 novembre 2018 qui rappelle les modalités des échanges d'informations entre les préfets et les maires.
Par ailleurs, la décision du Conseil d'État de 2011 n'a fait que rappeler que le motif tiré du seul exercice du culte n'était pas suffisant pour refuser le prêt ou la location d'une salle municipale, contrairement à celui tiré de la radicalisation, sur le fondement du trouble à l'ordre public.
Quant à armer les maires, je considère que le texte comporte certaines dispositions très fortes portant à la fois sur l'organisation des associations et sur le contrat d'engagement républicain, qui a été plébiscité par nombre d'élus locaux et de maires.
Je crois enfin qu'un chemin de crête existe entre la confiance aveugle et absolue et la défiance systématique.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle en vient à l'amendement CS1303 de Mme Laurianne Rossi.
Je partage la philosophie des amendements qui viennent d'être débattus même si juridiquement leur adoption n'était effectivement pas envisageable.
De la même manière qu'il nous faut outiller les élus locaux face aux manquements aux principes républicains, il nous faut nous prémunir contre les manquements d'une infime partie d'entre eux liés aux associations ne respectant pas les principes républicains.
L'amendement vise donc à soumettre au dispositif de l'article 131-26-2 du code pénal prévoyant une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité les élus ayant fait preuve d'imprudence, de négligence ou de manquement matériellement prouvé à une obligation ou aux principes républicains figurant au contrat d'engagement.
Cette peine serait évidemment susceptible de s'appliquer sur appréciation du juge.
Je comprends bien la nécessité d'aider les maires dans le contrôle du contrat d'engagement républicain et dans l'identification du non-respect des engagements républicains : j'ai d'ailleurs présenté hier un amendement dans ce sens, qui n'a pas malheureusement pas été adopté
Vous proposez de créer pour les élus une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité dont je rappelle qu'elle existe notamment pour les auteurs d'escroquerie, de discriminations et de violences ayant entraîné mutilation. Un tel dispositif placerait cependant les élus dans une situation de très forte insécurité juridique, par ailleurs disproportionnée par rapport à ce qu'est aujourd'hui l'exercice quotidien de leur mission. J'y suis donc défavorable, même si je comprends tout à fait le besoin d'exigence à leur égard.
Deux cas de figure sont possibles : le maire peut avoir volontairement et manifestement pris la décision de soutenir financièrement une organisation séparatiste ne respectant pas les principes républicains, auquel cas il est d'ores et déjà possible de le poursuivre – et donc de le faire condamner – sur la base de différentes incriminations.
Il peut également avoir été floué, car nos travaux nous ont montré que les organisations ne respectant pas les principes républicains agissent souvent sous couvert d'une vitrine agréable et respectable.
Lorsqu'il le découvre, il peut demander, grâce au contrat d'engagement républicain, le remboursement des subventions accordées.
Au-delà de l'aspect juridique, et à titre tout à fait personnel, je suis un peu inquiète devant l'excès de judiciarisation notamment à l'encontre des élus, en particulier des maires de petites communes, qui ne disposent pas forcément d'une administration pléthorique leur permettant d'analyser la situation, notamment d'un point de vue juridique.
Je ne suis donc pas sûre que la création de nouvelles peines qu'ils seraient susceptibles d'encourir soit l'objectif que nous poursuivons. Aussi, le Gouvernement demande le retrait de l'amendement ; à défaut, il y serait défavorable.
Je retire mon amendement, qui visait évidemment le premier cas de figure et non le second. Il n'en reste pas moins que certains élus se prêtent au clientélisme ou à l'entrisme communautaristes sans qu'ils soient pour autant sanctionnés.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CS1792 de M. Éric Diard, CS1457 de M. Pierre-Yves Bournazel, CS530 de M. Julien Ravier et CS503 de Mme Stéphanie Atger.
Il convient de protéger les associations contre les personnes condamnées pour des infractions terroristes. La loi dispose que ces dernières ne peuvent exercer dans une association ou la diriger pendant quinze ans à partir de la date de condamnation définitive mais nous proposons que cette mesure, outre les associations cultuelles, s'applique à toutes.
Il faut en effet faire preuve de cohérence, l'article 43 du texte disposant que les associations « loi 1905 » ne peuvent être dirigées ou administrées par des personnes condamnées pour des actes de terrorisme, il convient qu'il en soit de même pour les associations « loi 1901 ».
Mon amendement a le même objectif, les associations sportives, culturelles, éducatives pouvant être des foyers de radicalisation et des viviers de recrutements.
De manière analogue à l'article 43 qui vise à « interdire à toute personne condamnée pour des actes de terrorisme de diriger ou d'administrer une association cultuelle pendant une durée de dix ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive », l'amendement de Mme Atger vise à étendre ladite interdiction aux associations culturelles, qui elles aussi peuvent être concernées par les velléités de prise de pouvoir de personnes condamnée pour l'une des infractions prévues aux articles 421-1 à 421-8 du code pénal. Les associations culturelles dépendant d'associations cultuelles dans l'exercice de missions à visée sociale ou éducative doivent bénéficier du dispositif prévu à cet article.
En novembre, j'ai mené une mission d'information du groupe d'études « Sport » sur les atteintes aux principes de la République dans ce domaine, où le communautarisme, la radicalisation et l'entrisme sont répandus, comme l'atteste d'ailleurs également le rapport Diard-Poulliat.
Le texte, précisément, vise à différencier le cultuel et le culturel.
J'ai participé à vos travaux, que je salue, et Éric Diard et moi-même savons que des associations sportives, par exemple, peuvent être elles aussi confrontées à des pratiques communautaristes contre-républicaines.
Néanmoins, ces amendements visent des personnes condamnées pour actes terroristes. Une extension de cette interdiction aux associations de droit commun me semble disproportionnée dès lors qu'un individu qui a purgé sa peine a le droit de se réinsérer, éventuellement dans le cadre d'un engagement associatif.
Cela dit, pas d'angélisme ! Ces personnes sont suivies et il conviendra de réagir en cas de manquements au respect des principes de la République en mettant un terme à tout subventionnement, voire en envisageant une dissolution de l'association, comme le prévoit l'article 8.
Avis défavorable.
Un tel dispositif présenterait de surcroît un risque d'inconstitutionnalité en raison de l'automaticité de la peine – le cas des associations cultuelles est particulier. Une association fondée par une personne condamnée pour des faits de terrorisme qui manquerait au respect des principes républicains devrait être tout simplement dissoute.
Avis défavorable.
Peut-être des enjeux m'ont-ils échappé et je veux bien entendre que chacun a le droit à la réinsertion mais, tout de même, nous parlons d'une personne qui a purgé une peine de prison pour des actes de terrorisme et qui ne peut plus diriger ou administrer une association cultuelle ! Elle retrouverait donc de telles facultés pour une association « loi 1901 » ? Pas d'angélisme, en effet ! Faisons donc en sorte que des individus manifestement nuisibles ne puissent pas assumer de telles fonctions dans quelque association que ce soit !
L'article 43 est ambitieux, audacieux et juste.
Mme la ministre fait état d'un problème constitutionnel. Que se passe-t-il pour quelqu'un qui est interdit bancaire ? Il ne peut recréer une entreprise pendant le délai imparti par décision de justice.
Je suis certain que les zones d'influence communautaristes des associations cultuelles se déplaceront vers les associations culturelles ou sportives. Pourquoi donc appliquer partiellement une telle mesure ? Il ne s'agit en rien d'une double peine mais de protéger la société en se gardant de confier des postes de dirigeants à des personnes lourdement condamnées et qui peuvent influencer grandement les adhérents.
Je ne comprends pas les arguments du rapporteur et du Gouvernement. Une personne condamnée pour fait de terrorisme ne peut diriger une association cultuelle mais, après avoir purgé sa peine, pourrait donc diriger une association culturelle ou sportive ?
En outre, en quoi l'automaticité serait-elle constitutionnelle pour les associations cultuelles et ne le serait-elle pas pour les associations culturelles et sportives ?
La distinction entre associations « loi 1905 » et « loi 1901 » s'explique par la jurisprudence conventionnelle communautaire au titre de l'arrêt Commission contre Hongrie. Le juge communautaire a jugé, eu égard à la protection et à la sauvegarde de la sécurité, qu'une telle démarche était envisageable à l'endroit des associations cultuelles mais que c'est beaucoup plus discutable pour les autres, la liberté d'association étant hautement protégée. D'où ces dispositifs différenciés. Nous considérons en effet que, dans les associations cultuelles, l'influence morale des dirigeants s'exerce plus fortement que dans les associations relevant de la loi de 1901.
Cette démonstration est très convaincante.
C'est l'automaticité de la peine qui est inconstitutionnelle, pas la peine, nous en avons longuement débattu à plusieurs reprises.
La commission rejette successivement les amendements.
Nous allons devoir réagir pour éviter les frustrations qui se font jour à la fin de l'examen des textes. Depuis lundi, nous avançons très lentement et si nous accélérons brutalement, certains articles et amendements pâtiront d'avoir été examinés différemment. Je vous invite donc à faire preuve de sens des responsabilités. J'aurai sans doute l'occasion, dans la journée, de réfléchir avec le bureau de la commission à l'organisation de nos travaux.
La commission examine l'amendement CS1483 de M. Pierre-Yves Bournazel.
Dans les campus dont nous parlions précédemment, sans connaître les tenants et aboutissants des financements qui pourraient leur échoir, des étudiants fondent des associations qui, en se développant, feront appel au financement public sans la moindre porosité sociale.
Il est indispensable de former les dirigeants des associations, au-delà même des campus universitaires, pour que les louables initiatives sociales qui sont prises ne méconnaissent pas les enjeux liés à une demande de financement public. Il ne serait en rien extravagant de recourir à la réserve citoyenne une fois par an pour que les dirigeants et les administrateurs d'associations se familiarisent non seulement avec les principes républicains mais avec ce que j'appelle le principe de la « caisse commune ».
Cet amendement a été excellemment défendu. Vous avez raison sur bien des points, notamment, sur la nécessaire porosité entre le monde étudiant et la société. Votre appel à la réserve citoyenne me paraît également intéressant. Néanmoins, nous avons souligné hier que la formation des dirigeants pouvait être une charge difficilement supportable pour de nombreuses associations. Je suis donc très partagé mais j'aurais presque envie de donner un avis favorable !
Une obligation de formation nous semble trop contraignante, même si nous devons trouver les voies et moyens d'informer les associations subventionnées. Par ailleurs, il serait difficile de s'assurer de son effectivité.
Avis défavorable.
Je retire l'amendement, mais il n'est pas possible de ne pas combler une telle lacune : les jeunes qui fondent une association ne connaissent pas le contexte politique et social dans lequel ils s'insèrent et recourent au financement public sans avoir la moindre idée de sa provenance.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CS440 de M. Philippe Vigier.
Cette loi comporte un indispensable volet répressif mais, après les attentats de 2015, le Président de la République d'alors avait expliqué à Versailles que lorsque la République est fragilisée, il faut plus de République. Cela suppose de faire preuve de pédagogie en expliquant à nos concitoyens que la promesse républicaine, ce n'est pas rien, que la France n'est pas un pays comme les autres car il est possible de s'y insérer, de s'y intégrer, et que l'on y donne à tous l'accès aux soins et à l'éducation.
Nous souhaiterions que cette promesse républicaine s'incarne au cœur de ce projet en demandant un rapport sur la création d'un fonds destiné à aider celles et ceux qui s'impliquent sur ce chemin difficile, exigeant, mais qu'il est indispensable de suivre. Il n'est pas possible de constater, jour après jour, la fragilisation du tissu social républicain et de laisser faire : où en sommes-nous, que veut-on, pourquoi la situation s'est-elle dégradée, comment améliorer la formation des élus, des enseignants, des fonctionnaires territoriaux, des dirigeants d'associations ?
Ce rapport me semble conforme à l'esprit de ce texte. Un tel fonds permettrait de surcroît d'unir les collectivités, l'État et l'ensemble des Français. Je partage pleinement votre souci de la promesse républicaine. Avis favorable.
Nous sommes plutôt défavorables aux demandes de rapport mais, sur le fond, nous sommes très favorables à la création d'un fonds de soutien aux associations et collectivités locales qui promeuvent les principes contenus dans le contrat d'engagement républicain. Je vous propose de commencer à travailler sur sa constitution dans les meilleurs délais et dans le respect du budget voté par le Parlement.
Avis favorable.
On ne va pas recommencer le débat sur les rapports dès lors que les amendements qui en demandent sont recevables… Vous rendez-vous compte ? Cinq ou six collègues demandent à intervenir pour un amendement disposant que « Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, un rapport analysant les possibilités de créer un fonds de soutien aux associations et collectivités locales promouvant les principes contenus dans le contrat d'engagement républicain, baptisé « Promesse républicaine », sur le modèle du fonds de développement de la vie associative. » Ce ne sont pas les associations à qui l'on demande de signer un contrat d'engagement républicain qui sont en question mais les associations qui auront pour but de promouvoir le contenu de ce dernier ! Et vous voulez tous intervenir à ce propos ! ? Serait-ce une manœuvre pour empêcher d'achever l'examen du texte d'ici demain ? Dans ce cas-là, il faut le dire !
Le délai d'une semaine, sur un tel texte, est tout à fait normal. Il faut être raisonnable !
J'appliquerai désormais strictement le règlement, avec deux prises de parole. Sur cet amendement de la plus haute importance pour l'avenir de la République française, ce sont Mme Buffet et M. Ravier qui s'exprimeront.
Personne, ici, ne fait d'obstruction et cet amendement n'est pas si négligeable que cela puisqu'il permettrait de donner un nouvel élan à l'éducation populaire (M. Philippe Vigier, Mme Perrine Goulet et Mme Isabelle Florennes applaudissent) à travers des initiatives municipales.
Un tel financement ne doit pas pénaliser les grandes associations d'éducation populaire mais il doit être un complément. Je pense notamment aux associations de jeunesse comme le Mouvement rural de jeunesse chrétienne, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), la Fédération nationale des Francas, les scouts, à ces associations qui ont besoin de moyens pour transmettre les principes républicains. Je soutiens donc cet amendement.
Je regrette que la discussion de ce texte ait commencé juste avant les vacances de Noël et que nous soyons aujourd'hui pressés d'examiner des questions fondamentales.
La commission adopte l'amendement.
Article 7 (art. 25-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Obligation de respecter le contrat d'engagement républicain pour les associations agréées
La commission examine les amendements identiques CS175 de M. Xavier Breton et CS926 de M. Éric Coquerel, qui visent à supprimer l'article.
Il fait suite à l'avis du Haut Conseil à la vie associative.
L'article 7 ajoute une « condition » supplémentaire pour la délivrance du socle commun d'agrément délivré par l'État : la signature et le respect du contrat d'engagement républicain. Les trois critères originels – réponse à un objet d'intérêt général, mode de fonctionnement démocratique, transparence financière – sont de bon sens mais cette condition relève plutôt d'une marque de défiance à l'endroit des associations.
Cette suppression s'inscrit dans la logique de notre refus du contrat d'engagement républicain, dont on ne sait pas bien où il va.
Par ailleurs, cet article est inutile puisque le décret du 8 mai 2017 dispose que l'obtention de l'agrément suppose de « répondre à un objet d'intérêt général ». Pour cela, l'association en question doit « inscrire son action dans le cadre d'une gestion désintéressée et d'une absence de but lucratif, demeurer ouverte à tous sans discrimination, et présenter des garanties suffisantes au regard du respect des libertés individuelles ». Autrement dit, la condition « répondre à un objet d'intérêt général » oblige déjà les associations qui demandent un agrément et a fortiori des subventions à respecter des principes de non-discrimination et de liberté.
Enfin, l'autorité administrative qui a délivré l'agrément peut l'annuler lorsqu'une condition nécessaire à son attribution n'est plus remplie.
En fait, tout ceci relève plutôt de l'affichage que de l'action politique.
Il importe au contraire d'inscrire le respect des valeurs du contrat d'engagement républicain lors de la procédure d'agrément. Nous avons de surcroît voté hier à l'article 6 un amendement précisant qu'il ne serait plus dès lors nécessaire de le faire lors de la demande de subvention.
La commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement CS424 de Mme Emmanuelle Ménard.
Je partage largement les propos de M. Breton.
Lors des auditions, la question du contenu du contrat d'engagement républicain a souvent été soulevée. Il serait donc nécessaire de le connaître précisément. Le Conseil d'État lui-même a d'ailleurs montré que ce vocable n'est pas approprié et propose de retenir « engagement républicain » à la place de « contrat d'engagement républicain », celui-ci n'ayant pas la nature d'un vrai contrat.
Je vous propose donc de ne retenir que le mot « engagement », plus explicite que l'expression « engagement républicain ».
Je rappelle que nous avons adopté hier l'article 6, qui crée le contrat d'engagement républicain. Son détricotage à l'article 7 ne témoignerait pas d'une très grande cohérence juridique.
La commission rejette l'amendement.
L'amendement CS1699 de M. Yves Blein est retiré.
La commission examine l'amendement CS1276 de M. Yves Blein.
À la place du 4° tel qu'il est formulé, il conviendrait de préciser que les associations agréées doivent respecter les principes « de liberté, d'égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de la sécurité publique » en reprenant les termes de l'article 6 plutôt que de faire référence à un contrat que ces mêmes associations ont été dispensées de parapher.
Je comprends le souci qui est le vôtre mais comme vous avez retiré l'amendement CS1699 précisant la notion de contrat, je souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements en discussion commune CS280 de M. Julien Ravier, CS679 de M. Charles de Courson et CS275 de M. Julien Ravier, l'amendement CS159 de M. Jean-François Eliaou ayant été retiré.
La commission examine l'amendement CS299 de M. Xavier Breton.
Amendement de cohérence avec les dispositions de l'article 6 demandant l'annexion du contrat d'engagement républicain à la charte des engagements réciproques.
Cette charte, fruit d'un long travail entre les associations, les collectivités et l'État, présente un grand intérêt mais je suis défavorable à l'idée d'annexer un document juridiquement contraignant à un document qui ne l'est pas.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1280 de M. Yves Blein.
Il est aujourd'hui possible d'encadrer des mineurs sans être agréé pour le faire. Je propose que toute association ayant pour objectif l'accueil ou la prise en charge de mineurs doive demander un agrément délivré par l'État, ce qui la placerait sous la tutelle de l'administration.
Sur la forme, votre amendement ne vise pas le bon article. L'article 25-1 que vous modifiez vise les conditions du tronc commun pour la délivrance de tous les agréments et non les conditions spécifiques aux associations accueillant des mineurs, ni l'objet même des agréments.
Sur le fond, il existe deux types de procédures concernant l'accueil des mineurs.
Tout d'abord, ces associations peuvent obtenir plusieurs types d'agréments : agréments de jeunesse et d'éducation populaire, du sport ou d'associations éducatives complémentaires de l'enseignement public. Ces agréments visent à délivrer un label reconnaissant la qualité de l'activité de l'association et témoignent du lien qui existe entre une association et un ministère. Dès lors, rendre l'obtention d'un agrément obligatoire ferait perdre à cet objet sa valeur de signal et n'aurait plus grand sens.
En revanche, un encadrement administratif est rendu obligatoire par l'article L. 227-5 du code de l'action sociale et des familles précisant que les personnes accueillant au moins sept mineurs, à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, au sein d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif doivent en faire la déclaration préalable auprès de l'autorité administrative. Cette dernière peut s'opposer à l'organisation de cette activité lorsque les conditions dans lesquelles elle est envisagée présentent des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs, notamment, lorsque les exigences prévues au dernier alinéa ne sont pas satisfaites.
Ainsi, cette déclaration d'accueil collectif de mineurs est obligatoire pour une association accueillant au moins sept mineurs. On peut discuter de ce seuil qui, à mon avis, gagnerait à évoluer, mais il est fixé par voie réglementaire. Par ailleurs, la modification de la démarche visant les accueils collectifs de mineurs n'est pas l'objet de l'article 7 que vous proposez de modifier.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS160 de M. Jean-François Eliaou.
Après l'amendement « ceinture » adopté hier soir, je présente l'amendement « bretelles ». Une association, pour être agréée, doit signer le contrat d'engagement républicain inclus dans le tronc commun. Il convient de la dispenser de signer une nouvelle fois le contrat lors d'une demande de subvention.
Le mot « dispenser » soulève un risque juridique mais je partage l'esprit de cet amendement, que nous pourrions retravailler pour la séance publique.
Même réserve sur ce terme et même ouverture de principe. Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
La commission est saisie de l'amendement CS1506 de Mme Sylvie Charrière.
Nous en revenons à la question de l'agrément. J'ai bien entendu les arguments du rapporteur quant au code de l'action sociale et des familles, mais des associations qui accueillent par exemple des mineurs et ne demandent pas de subvention ne sont assujetties à aucune réglementation particulière. Si vous louez un garage et accueillez cinq gamins tous les jours de dix-neuf à vingt heures pour du soutien scolaire, personne ne vient vous demander quoi que ce soit tant que vous n'avez pas de subvention, et vous n'êtes pas assujetti à la signature du contrat dit d'engagement républicain. Or il faut un contrôle minimal sur l'activité de ces associations, puisqu'elles accueillent des mineurs. Cet amendement propose donc de rendre obligatoire l'agrément par le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports dès lors que l'on accueille des mineurs, au-delà des obligations déjà prévues par le code de l'action sociale et des familles.
L'agrément que vous évoquez a un champ plus large que la jeunesse seulement. Toutefois, je vous rejoins sur le fait que certaines associations, peu nombreuses – il ne s'agit pas de les rendre toutes suspectes d'enfreindre les principes de la République –, peuvent échapper au contrôle de la puissance publique et que cela soulève des interrogations importantes. Une évolution du régime de la déclaration des accueils collectifs de mineurs, qui figure dans le code de l'action sociale et des familles, pourrait être intéressante. Je pense néanmoins que cette commission, et en tout cas ce texte, ne sont pas le lieu pour tenir ce débat. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 8 (art. 212-1, 212-1-1[nouveau] et 212-1-2 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Adaptation et élargissement des motifs de dissolution administrative d'une association
La commission est saisie des amendements de suppression CS302 de M. Xavier Breton et CS931 de M. Alexis Corbière.
L'article 8, dans son ensemble, soulève des problèmes importants. Cet amendement fait suite à l'avis du Haut Conseil à la vie associative.
L'article 8, qui modifie l'article L. 212‑1 du code de la sécurité intérieure, étend notamment la possibilité d'une dissolution par décret du Premier ministre aux associations dont les agissements portent atteinte à la dignité de la personne humaine ou qui exercent des pressions psychologiques ou physiques sur des personnes dans le but d'obtenir des actes ou des abstentions qui leur sont gravement préjudiciables. Il semble que ces deux ajouts soient déjà couverts par le 6° du même article, lequel vise les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne. Cet article L. 212‑1 est dans son état actuel largement suffisant pour prendre en Conseil des ministres un décret de dissolution d'une association, au regard des seuls critères énumérés. C'est pourquoi nous considérons que l'article 8 est superfétatoire.
L'article 8 ouvre une boîte de Pandore, en étendant les motifs de dissolution administrative des associations et groupements de fait. Cette procédure confère de larges pouvoirs à l'exécutif. Nous préférons que des moyens supplémentaires soient donnés à la justice pour développer la possibilité de la dissolution judiciaire. Par ailleurs, l'actualité récente nous a montré que cet article était inutile, puisqu'il a été possible de dissoudre des associations rapidement : les dispositions en vigueur dans le code de la sécurité intérieure sont suffisantes pour cela.
Nous entrerons dans le détail plus tard, mais d'un point de vue général, cet article 8 doit être maintenu. La rédaction de l'article L. 212‑1 du code de la sécurité intérieure est obsolète, comme cela apparaît depuis le début de l'examen du projet de loi, et doit être améliorée. Avis défavorable.
Je voudrais souligner l'intérêt global de cet article 8. Autant je peux comprendre l'intervention de Mme Panot, autant j'ai du mal pour celle de M. Breton. Je pense que mes arguments pourront l'amener à changer sa position, dont j'imagine qu'elle n'est pas celle de l'ensemble du groupe LR.
La liberté d'association est capitale. C'est une liberté constitutionnelle à laquelle il ne faut toucher que d'une main tremblante, et en prévoyant des garde-fous. Quels sont-ils en l'occurrence ? D'abord, la dissolution se fait toujours en conseil des ministres. On pouvait imaginer autre chose que cette procédure un peu lourde, utilisée avec prudence, qu'il s'agisse de dissoudre une collectivité locale – des élections doivent alors suivre ou une association. Mais nous avons souhaité garder ce filtre afin que la proposition de dissolution portée par le ministre de l'intérieur soit exposée devant cet organe collégial, devant le Président de la République et devant les yeux des Français.
Comme toute décision prise par le ministère de l'intérieur, la procédure de dissolution d'une association est évidemment contradictoire. Cette période peut être très resserrée en cas de lien direct avec le terrorisme, mais est sinon assez longue une quinzaine de jours pour que nous puissions présenter un décret construit en conseil des ministres. Et, bien sûr, la décision prise en conseil des ministres est susceptible de recours. Il ne s'agit pas d'un acte de gouvernement et le juge administratif, en l'occurrence le Conseil d'État, est susceptible de la casser. J'appelle l'attention des parlementaires sur le fait que l'étude d'impact comme l'avis du Conseil d'État valident cette procédure. Le Gouvernement a corrigé les quelques virgules d'écart qu'il y avait entre son texte et l'avis du Conseil d'État afin que la loi soit parfaitement conforme à la volonté de protéger la liberté d'association. Bref il y a des garde-fous. N'allons pas croire que nous allons dissoudre des associations « vite fait » et en cachette. C'est un acte grave, qui peut provoquer des difficultés d'appréciation. Non, nous gardons bien cette procédure exceptionnelle.
Comme l'a dit le rapporteur, il faut cependant remarquer que la procédure de dissolution existante doit être modernisée, en particulier s'agissant des agissements des associations et des groupements de fait. Une chose fondamentale sera que nous puissions imputer à l'association les faits et gestes de ses dirigeants et de ceux qui parlent en son nom. À l'heure des réseaux sociaux, il arrive que les dirigeants d'une association, parce qu'ils ont beaucoup de suiveurs, aient beaucoup plus d'impact que l'activité de l'association elle-même. Sans vouloir parler trop avant d'une affaire en cours d'examen par la justice administrative, on voit bien, dans l'exemple de BarakaCity, que son dirigeant est très suivi, autant médiatiquement que sur les réseaux sociaux. C'est parce qu'il l'est que cette association est connue et lève des fonds, extrêmement importants d'ailleurs. Nous aurions souhaité pouvoir imputer clairement les propos que nous considérions pour notre part comme inacceptables de ce dirigeant à l'association.
Vous aurez constaté à ce propos la présence d'un autre garde-fou dans le texte : la possibilité de laisser le temps à l'association de condamner les propos qui auraient été tenus, ou de les retirer de son site. Cela peut être le cas quand l'association invite une personnalité qui manifestement va expliquer que les Juifs sont des mécréants, qu'il faut lapider les femmes ou qu'en écoutant de la musique on va se transformer en animal – je précise que toutes les associations sont concernées par ce texte, pas seulement celles qui relèvent de la loi de 1901. Il m'a parfois été reproché de ne pas avoir dissous certaine association particulièrement antirépublicaine : il n'y avait tout simplement pas de moyen juridique de le faire, parce que la personne ne parlait pas au nom de l'association, mais n'était qu'une voix parmi d'autres. L'imputabilité est donc un concept nouveau, très important pour le ministère de l'intérieur, mais une possibilité est laissée à l'association de corriger et de faire cesser les agissements.
Il y a une dernière proposition essentielle dans cet article 8 : la possibilité de suspendre à titre conservatoire certaines activités de l'association. Il existe des associations aux structures complexes, des associations mixtes qui font à la fois de l'humanitaire, de l'aide à domicile, du sport et parfois même du culte. Imaginons que la branche sport fasse montre d'un communautarisme effréné, alors que les autres branches de l'association mènent une activité utile à la société. Aujourd'hui, le ministre de l'intérieur a le choix entre rien et tout. Nous proposons de pouvoir suspendre l'activité sport à titre conservatoire, discuter avec les dirigeants de l'association et voir les conclusions qu'ils en tirent, avant d'aller éventuellement à une dissolution.
Cet article me paraît donc à la fois absolument nécessaire et respectueux de la liberté d'association, y compris dans le mécanisme de la dissolution, qui intègre évidemment une procédure contradictoire et un recours. Il nous rend plus modernes, parce que les agissements le sont toujours plus, accroît la responsabilité des dirigeants ou porte-parole des associations et prévoit une nouvelle graduation, la suspension, avant le déclenchement de la dissolution en conseil des ministres.
Cet article 8 est absolument indispensable au texte, dans la mesure où il permet de lutter très fortement contre les comportements séparatistes et, avec l'article 44, de fermer des lieux de culte, comme cela se fait déjà en matière de terrorisme, mais pour des raisons par exemple d'incitation à la haine. Il permet au ministre de l'intérieur de répondre aux très nombreuses interpellations qui lui sont adressées, quels que soient les élus et les territoires : les faits sont là, pourquoi n'intervenez-vous pas, pourquoi n'avez-vous pas les moyens de le faire ! Nous demandons aujourd'hui au Parlement de donner au ministère de l'intérieur les moyens d'intervenir pour faire cesser ces associations séparatistes.
Avis défavorable.
Pour ce qui est de l'imputabilité, on entend bien le mécanisme. Le problème est que cela cause une sorte de renversement de la charge de la preuve. Il va être possible, pour dissoudre une association, de lui attribuer la responsabilité d'agissements commis par un de ses membres sans qu'elle puisse dire qu'elle n'était pas au courant. On entre vraiment dans une autre logique.
Cela soulève par ailleurs le risque que des personnes entrent dans une association, y tiennent des discours, y provoquent des actes dans le seul but de la déstabiliser. Il est nécessaire de mieux resserrer le dispositif.
Pa ailleurs, lorsqu'un groupement de fait est reconnu, la notion de contrat s'applique et la dissolution nécessite l'intervention du juge. Mais lorsque c'est un groupement de fait « pur », qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration car il existe une liberté totale de constituer une association sans la déclarer officiellement, bien sûr alors par définition, il n'y a pas de possibilité de dissolution juridique.
On voit donc que la rédaction de cet article pose de nombreux problèmes.
Monsieur Breton, nous sommes franchement en opposition. Vous l'assumez, mais j'appelle l'attention du groupe que vous représentez : nous vous demandons des armes pour poursuivre des buts politiques qui sont exactement les vôtres. Il va falloir que nous trouvions un équilibre.
S'agissant du groupement de fait, vous faites une erreur. J'ai proposé la dissolution de groupements de fait, comme le collectif Cheikh Yassine ou les Loups gris. Bien sûr, il ne s'agit pas d'une dissolution juridique, puisque par définition les personnes qui constituent un groupement de fait n'ont pas déposé de statuts. Mais il y a une conséquence : elles n'ont plus le droit de se retrouver, et si elles le font, cela donne lieu à une incrimination. Si trois personnes exercent une activité associative non déclarée et que ce groupement de fait est dissous, le fait qu'elles se retrouvent ensemble devient un délit. C'est très intéressant, pour les services de police notamment. Je crois vraiment que c'est une arme essentielle.
Par ailleurs, si une personne malintentionnée entre dans une association, cela n'entraînera nullement sa dissolution. Il suffira de demander aux dirigeants de faire cesser ses agissements ‑ par exemple de retirer d'internet la vidéo où un « universitaire » témoigne de ce que les femmes ne sont pas égales aux hommes. C'est ce qui fait que l'article 8 est très équilibré : il permet d'abord à l'association de faire la police chez elle. Si elle ne le fait pas, on considère qu'elle assume les propos et les agissements en cause.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CS301 de M. Xavier Breton.
Elle en vient à l'amendement CS692 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit d'un amendement d'appel, fondé sur le rapport de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, déposé le 7 juillet 2020 au nom de la commission d'enquête sénatoriale sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre.
L'article L. 212‑1 du code de la sécurité intérieure prévoit les raisons qui peuvent conduire à la dissolution d'une association par décret en conseil des ministres. Ces dispositions sont applicables aux associations cultuelles. Elles peuvent également entraîner, lorsqu'elles s'appliquent à une association assurant la gestion d'un lieu de culte, la fermeture de ce dernier. Dans la pratique, divers motifs ont pu fonder la dissolution d'une association cultuelle ou d'une association mixte à objet cultuel et culturel : prêches légitimant le djihad armé, soutien aux grandes figures du djihadisme, interventions radicales d'un imam, prêches hostiles aux principes républicains.
Selon le rapport de juillet 2018 de la commission d'enquête sénatoriale sur la menace terroriste, la dissolution d'une association cultuelle reste peu utilisée. Cet amendement viendrait y remédier et permettrait, comme le ministre le souhaite, au Gouvernement d'agir plus facilement.
Non, il ne l'est pas. Nous ne souhaitons pas une automaticité de la dissolution. Il y a un enjeu, administratif certes, mais aussi politique : il faut assumer la dissolution. Je souhaite conserver un mécanisme qui intègre le volet de l'instruction, faite par les services du ministère de l'intérieur, et celui du jugement politique, assuré par la collégialité du conseil des ministres puisqu'on engage la signature du Président de la République.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS947 de M. Éric Coquerel.
L'alinéa 4 de l'article nous semble extrêmement dangereux. Il modifie le dispositif anti-ligues, datant de 1936. C'est même l'argument : le dispositif serait désuet. Il prévoyait la possibilité de dissoudre par décret en conseil des ministres toutes les associations ou groupements de fait « qui provoquent à des manifestations armées dans la rue ». Le Gouvernement veut remplacer ces termes par « qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents contre les personnes et les biens ».
Cette extension du champ n'est pas mince. D'après le Syndicat des avocats de France, cela permet d'assimiler à la provocation à des manifestations armées dans la rue la provocation à tous les agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens, ce qui peut aller d'actes de casseurs à des actions de démantèlement d'un McDonald, d'occupation d'un appartement ou d'une usine, de réquisition de logements vides, de protestation contre l'affichage publicitaire, et d'une manière générale à de nombreuses formes de protestation ou de désobéissance civique. Les agissements violents comprendront-ils les agissements violents moralement ? On passe en tout cas de la dissolution pour atteinte très grave à l'ordre public à la dissolution pour atteinte à des intérêts privés matériels.
Jusqu'où cela ira-t-il ? Nous ne pouvons souscrire à cette nouvelle rédaction et rappelons que la dissolution ne peut être justifiée que par la nécessité de sauvegarder l'ordre public, et doit répondre à un triple impératif de nécessité, d'adaptation et de proportionnalité.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS951 de M. Alexis Corbière.
Il s'agit de supprimer cette fois les alinéas 5 et 6. Je ne comprends vraiment pas quel est votre but en écrivant « dont l'objet ou l'action tend à porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ». L'expression « tendre à » n'est pas claire. Une tendance, je crois, ne peut pas être la source d'une dissolution : il s'agit de sanctionner un objet ou des activités avérés. Je ne comprends donc pas pourquoi vous modifiez ainsi une disposition qui ne soulevait pas de difficulté.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS954 de M. Alexis Corbière.
L'alinéa 8, comme les précédents, introduit une expression inadaptée. Cette fois, il s'agit d'ajouter à la provocation, comme motif de dissolution, le fait de « contribuer par leurs agissements ». Cela nous paraît extrêmement vague. La provocation est le comportement poussant à commettre un acte, par exemple en le justifiant ou le légitimant. La référence à cette notion est suffisante. Mais, comme pour la précédente, je n'obtiendrai pas de réponse à cette question-là non plus.
C'est vrai, mais je ne veux pas frustrer Mme Panot. Les atteintes aux biens, ou le fait d'attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement, sont des notions bien connues des constitutionnalistes qui n'ont rien à voir avec la désobéissance civile. Il n'est pas question de dissoudre une association parce qu'elle fait de la désobéissance civile ! En revanche, lorsqu'elle porte profondément atteinte aux biens et aux personnes, il paraît assez légitime que le Gouvernement propose une dissolution.
Imaginons une association de black blocs dont les membres revendiquent des attaques contre les forces de l'ordre, contre des biens, contre les autres manifestants. De mon point de vue personnel, il serait assez normal que le Gouvernement, après avoir discuté et essayé de calmer tout le monde, propose de la dissoudre. Et si jamais cette association contestait cette dissolution, le juge serait là pour réformer l'acte du Gouvernement.
Le fait que nous n'ayons pas répondu n'est pas du mépris, madame la députée, nous avions expliqué tout à l'heure quel était le principe de l'article 8.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS680 de M. Charles de Courson.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Elle est saisie des amendements identiques CS98 de Mme Anne-Laure Blin, CS177 de M. Xavier Breton et CS466 de Mme Emmanuelle Ménard.
En lisant l'alinéa 9, on voit soudain apparaître le concept d'identité de genre. Je vous avoue que j'en ai été étonnée, alors que cette notion n'est absolument pas définie. Je crois que cela n'a pas de raison d'être dans ce projet de loi et que la suppression est de rigueur.
Effectivement, l'introduction progressive de la notion d'identité de genre dans notre droit pose des problèmes importants. On l'a vu encore dans les débats sur le projet de loi bioéthique, quand les ministres, dans leurs réponses, passaient d'impasses en contradictions, ne sachant plus très bien ce qui relevait exactement de ce concept et se perdant dans les combinaisons induites. Le concept d'identité de genre ne peut pas entrer dans notre droit parce qu'il est fondé sur une appréciation subjective. Or notre droit a besoin d'éléments objectifs. La réalité corporelle, sexuée, en est une que tout le monde peut constater. L'identité de genre est mouvante, en fonction de l'appréciation de chaque personne. Dans un souci de cohérence juridique, nous proposons que cette notion soit ôtée du projet de loi.
L'identité de genre est une idéologie qui nie la réalité sexuée biologique des personnes au profit d'une construction sociale. Je pense que c'est la première fois que cette notion entrerait dans la loi. Je ne crois pas que ce soit souhaitable.
Comme les auteurs des amendements ont soulevé une question de droit, je rappelle que les violences visant l'identité de genre sont explicitement reconnues comme un concept juridique. Depuis la promulgation de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit expressément la diffamation ou l'injure envers une personne ou un groupe de personne à raison de leur identité de genre. C'est sur ce fondement que, dans une décision de janvier 2020, la Cour de cassation s'est prononcée sur des propos injurieux visant des personnes transgenres.
L'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, que vise l'article 8, liste les provocations à discriminations pouvant donner lieu à une dissolution. Il convient de compléter cette liste pour qu'elle soit la plus exhaustive possible, et les discriminations et violences portant sur l'identité de genre y ont toute leur place. Elles ont un fondement juridique et renvoient à des faits bien précis, qui consistent à nier une partie fondamentale de l'identité d'une personne, engendrant des souffrances et des dégâts souvent considérables. Je suis défavorable à ce qu'elles en soient retirées.
Je ne me faisais pas grande illusion quant au fait à la fois que vous rejetteriez nos amendements et que cette insertion était volontaire. Je voulais simplement que vous le disiez de manière claire et officielle : cette insertion dans la loi est due à un mouvement culturel et philosophique et permet finalement d'avaliser la construction d'un concept éminemment humaniste, celui du transhumanisme.
La commission rejette ces amendements.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CS26 de Mme Annie Genevard, CS1265 de Mme Marie Guévenoux et CS1020 de Mme Brigitte Kuster.
Je vous propose de compléter les motifs de dissolution afin d'armer le droit. Il faut se donner toutes les possibilités de mieux résister aux agissements et à la propagande islamiste. Cela couvre les discours de haine à l'encontre de groupes autres que ceux qui sont énumérés par le projet de loi, comme les militaires ou les forces de l'ordre, ainsi que l'incitation à méconnaître les exigences minimales de la vie en société telles que l'égalité hommes-femmes, la dignité de la personne humaine, l'intérêt supérieur de l'enfant, le sentiment d'appartenance à la nation ou le respect de la liberté de conscience. Tout cela fait l'objet d'un point 8° que je vous propose d'insérer. Le 9°, lui, porte sur ceux qui exercent des pressions psychologiques ou physiques sur des personnes, ou les soumettent à des techniques propres à altérer leur jugement, dans le but d'obtenir d'elles des actes ou des abstentions qui leur sont gravement préjudiciables ou qui sont contraires à l'ordre public.
Ces dispositions couvrent tout le champ des agissements auxquels certains islamistes veulent se livrer, et nous donneraient des armes supplémentaires pour dissoudre des associations dont nous ne voulons plus.
L'amendement CS1265 va dans le même sens, une fois n'est pas coutume, que celui de Mme Genevard. Il vise à ajouter des motifs légaux de dissolution d'une association.
En effet, le projet de loi ajoute aux motifs actuels la provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine en raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, mais étrangement il n'inclut pas les actions tendant à porter atteinte à l'un des principes fondateurs de la République et plus précisément à la liberté, à l'égalité, à la sauvegarde de la sécurité publique ou aux symboles fondamentaux de la République. Les associations ou groupements de fait qui pratiquent cela sont pourtant l'incarnation de la démarche séparatiste que le projet de loi veut combattre. Le premier objet de cet amendement est de combler cette lacune.
Il en a un second. Dans l'avant-projet de loi qui avait été présenté au Conseil d'État figurait la possibilité de dissoudre une personne morale dont les actions ont pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ses activités. Je voudrais savoir ce qui vous a amenés à renoncer à cette disposition, et propose de la réintroduire. La dissolution pour ce motif existe certes déjà dans notre droit, mais au bout de très longues procédures qui ne permettent pas d'être aussi efficaces que si elle figurait à l'article 8.
Ce que demande Mme Guévenoux, c'est qu'on étende les motifs de dissolution à toutes les associations ne respectant pas le contrat d'engagement républicain.
De deux choses l'une. Si l'association perçoit des subventions publiques, le contrat d'engagement républicain s'applique. Si elle ne le respecte pas, on peut lui retirer sa subvention ou lui en demander le remboursement, voire aller jusqu'à la dissolution. Mais pour les associations qui ne touchent pas de subventions publiques et n'ont pas signé le contrat républicain, il faut étendre les motifs de dissolution. L'amendement de Mme Kuster que je défends est peut-être trop restrictif sur ce point et j'appelle à trouver une rédaction commune, en faisant fi de nos différences de groupes politiques qui n'ont pas grand-chose à voir dans un débat qui se concentre avant tout sur l'intérêt des Français.
Je rejoins les derniers propos de Robin Reda.
Ces amendements visent à ajouter des motifs de dissolution. Le premier est l'atteinte aux lois et aux exigences minimales de la vie en commun, dont nous avons déjà parlé ici. Il me paraît devoir être précisé. La notion d'exigences minimales de la vie en commun est proche de celle utilisée par le Conseil constitutionnel dans une décision d'octobre 2010, mais ce concept est toutefois assez peu défini. Il a un caractère trop flou pour justifier une décision de dissolution. Mme Genevard introduit aussi le concept de sentiment d'appartenance à la nation. Dissoudre une association sur un sentiment me paraît également assez malaisé à défendre. Enfin, le Conseil d'État a considéré qu'il n'était pas pertinent de faire figurer les pressions psychologiques ou physiques sur les personnes dans les motifs de dissolution. En effet, la frontière avec la liberté de culte et de conscience est souvent difficile à fixer et le recours à la dissolution pourrait s'avérer hasardeux.
Toutes ces dispositions me paraissent donc nécessiter de gros efforts de rédaction ou de précision. Avis défavorable.
Je suis opposé à ces amendements pour des raisons soit d'opportunité, soit de fond, soit de confusion.
L'opportunité vaut pour l'amendement de Mme Genevard. Je peux avoir la même réflexion qu'elle. Je l'ai même eue. Le Conseil d'État a disjoint les propositions qui en ont résulté. Pour le citer, « En raison du risque sérieux de méconnaissance de la liberté d'association, le Conseil d'État propose de ne pas retenir l'atteinte à la dignité de la personne humaine comme motif pouvant fonder légalement la dissolution ».
Nous l'avons dit, ce texte touche à des libertés fondamentales. Il y a deux solutions : soit on se fait plaisir et on se fait censurer par le Conseil constitutionnel : l'autorité du législateur et de l'État en sera atteinte ; soit on agit dans le sens le plus politique mais aussi le plus juridique possible, dans le cadre du bloc de constitutionnalité. Il nous semble que l'article 8, s'il était adopté, permettrait déjà de faire beaucoup de choses. La dissolution du CCIF n'a pas été facile, mais nous avons pu y arriver avec les dispositions actuelles. Maintenant, le ministre de l'intérieur vient devant le Parlement pour demander un peu plus de moyens, mais attention à la mesure de trop. Je peux être d'accord avec vous sur le fond, mais prenons garde à ne pas déséquilibrer l'article 8 et aboutir à la censure du Conseil constitutionnel, même si je sais que ce n'est pas votre esprit.
Sur le fond, Madame Guévenoux, il n'est pas question de dissoudre toute association qui aurait pour but de changer les valeurs ou les principes de la République, voire la République elle-même. Avec votre amendement, l'Action française serait dissoute. On peut ne pas aimer l'Action française, et son but premier n'est sans doute pas de garder la République telle qu'elle est, mais elle a le droit d'exister dans une démocratie qui permet de contester y compris la forme républicaine de l'action du gouvernement. Tant qu'elle ne porte pas atteinte aux biens et aux personnes, toute association a le droit de militer pour une autre République, d'autres principes, une autre devise, un autre drapeau ou même une autre langue, bref ce que vous appelez les symboles de la République. Votre proposition peut paraître séduisante, mais l'adopter serait en fait très liberticide et méconnaîtrait à coup sûr des principes constitutionnels. Je n'y suis pas favorable. La démocratie permet à ceux qui ne sont pas d'accord de le dire : c'est la grande différence avec la dictature.
Monsieur Reda, vous confondez : oui, le contrat d'engagement républicain permettra de ne plus verser de subventions à ceux qui vivent par la subversion ; oui, les faits reprochés pourront amener à la dissolution ; mais, non, ce contrat n'est pas lié à l'article 8.
L'article 8 concerne toutes les associations, à commencer par les associations cultuelles. Le ministre de l'intérieur aura ainsi désormais deux armes pour mettre fin aux lieux de culte radicaux : l'arme de la liberté de culte et du statut des cultes ; celle du droit des associations.
Le contrat d'engagement républicain ne concerne pas les associations cultuelles – vous l'aurez probablement compris à l'issue de nos débats d'hier. Certaines associations, sans être contraires à l'ordre public, peuvent vouloir une autre société – et c'est la démocratie que de les accepter – mais nous refusons de les subventionner. Ainsi, on pourrait imaginer une association qui souhaite faire reconnaître officiellement une religion en France. Mais elle ne saurait proposer des actions totalement contraires aux lois de la République ; c'est ce que nous sanctionnerons.
Je comprends le débat mais je suis intimement persuadé qu'il faut refuser ces amendements pour des raisons de sécurité législative. En outre, madame Guévenoux, vous allez trop loin dans votre définition de l'association. Monsieur Reda, je pense vous avoir répondu : le contrat d'engagement est différent. Le Gouvernement ne lie pas subventions, valeurs républicaines, respect de l'ordre public, dissolution dans un même article, mais a rédigé plusieurs articles afin de prendre en compte et de respecter les différences, tout en étant attentif au but qu'il veut atteindre – mettre fin aux associations séparatistes.
Cet article est vraiment très important. Si nous armons notre droit à la hauteur de la menace qui pèse sur notre pays, nous aurons fait œuvre utile. C'est également l'objectif de l'amendement : s'interroger collectivement sur la pleine efficacité d'un dispositif qui vous donnerait toutes les armes pour dissoudre.
Ne nous y trompons pas : à l'opposé du jeune déculturé qu'on manipule, certains islamistes sont formés, instruits, habiles et développent une véritable stratégie. Ils sont déterminés à détruire notre pays, notre République, nos principes, nos valeurs avec toutes les armes du droit et toutes les armes intellectuelles dont ils disposent.
J'entends parfaitement le risque d'inconstitutionnalité : si l'article 8 modifié devait être jugé inconstitutionnel, on voit bien le parti que pourraient en tirer ceux que nous voulons combattre. Un jour, un secrétaire général du Conseil constitutionnel m'avait dit que les parlementaires intègrent trop le risque d'inconstitutionnalité. Ils se refrènent alors que le volume de dispositions censurées est peu ou prou le même et, que plus un texte va loin, moins il court le risque d'être censuré.
Monsieur le ministre, beaucoup de vos interventions aboutissent à une seule et même conclusion – la nécessité de modifier la Constitution. Nous en avons ici la démonstration : le risque d'inconstitutionnalité nous limite dans notre action et limite l'efficacité du droit. Pourquoi ne pas y réfléchir, afin d'échapper à ce risque ?
Je vais retirer mon amendement. J'entends les explications du ministre, mais je le retravaillerai probablement pour la séance, afin de conserver le fil rouge de l'objectif du contrat d'engagement républicain, comme l'a souligné Robin Reda.
L'amendement CS1965 est retiré.
La commission rejette les amendements CS26 et CS1020.
Elle passe à la discussion commune des amendements CS127 de M. Jacques Marilossian et CS1210 de M. Pierre-Yves Bournazel.
Je rejoins Mme Genevard sur un point : depuis trois ans et demi, j'ai constaté que le Parlement a la fâcheuse tendance de s'autocensurer pour éviter toute censure constitutionnelle. Or cette dernière n'est pas un désaveu, juste un aiguilleur.
Dans cet esprit, des députés du groupe Agir ensemble proposent de réintroduire dans les causes de dissolution administrative la notion d'atteinte à la dignité humaine, telle qu'initialement prévue par le préprojet de loi. Dans son avis, le Conseil d'État estimait que la dissolution ne devait « reposer que sur des motifs d'ordre public précisément et restrictivement délimités. »
Depuis la célèbre décision interdisant le lancer de nains, dite « Morsang-sur-Orge », que le Conseil d'État a rendue, le respect de la dignité humaine est une composante de l'ordre public. La notion de dignité humaine est donc parfaitement définie par la jurisprudence nationale, mais aussi européenne. Il s'agirait d'un signal fort adressé aux associations concernées.
La rédaction du Gouvernement est cohérente avec l'avis du Conseil d'État. Je suis donc défavorable à votre amendement.
J'y suis également défavorable.
Pour en revenir aux propos de Mme Genevard, le sujet n'est pas tant la Constitution que le bloc de constitutionnalité – la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le préambule de 1946 et, surtout, les principes fondamentaux issus des lois de la République, jurisprudentiels et, à ce titre, soumis à d'éventuels revirements. En outre, même si le dispositif n'est pas censuré après son adoption par le Parlement, grâce à M. Sarkozy, des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) peuvent intervenir plusieurs années après la promulgation de la loi.
S'agissant de la jurisprudence sur le lancer de nains, je ne suis pas conseiller d'État, mais j'ai cru comprendre que le débat n'était pas clos. Il semble même vif entre juristes.
Enfin, n'oublions pas nos engagements européens : qu'on le veuille ou non, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ont leur mot à dire… En conséquence, dire qu'il faut modifier la Constitution, madame la députée, est un peu court, comme disait Cyrano.
Quand le Conseil d'État nous dit non, parfois, nous passons outre. Mais la différence entre la roulette belge – ou suisse – et la roulette russe, c'est qu'avec la dernière, vous avez une chance sur six de perdre, quand c'est six chances sur six avec les premières. Je suis d'accord pour jouer, mais pas pour perdre à coup sûr ! Je suis trop attaché – comme beaucoup d'entre vous – à l'article 8 pour provoquer sa censure.
La commission rejette successivement les deux amendements.
Elle en vient à l'amendement CS1104 de M. Alexis Corbière.
Nous souhaitons supprimer la possibilité d'imputer à une association les agissements commis par un ou plusieurs de ses membres, dès lors que ses dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser.
Le Haut Conseil à la vie associative est opposé à cette mesure. Il estime que ce texte risque de créer une présomption de responsabilité du fait d'autrui, susceptible d'entraîner la dissolution d'une structure pour le comportement de ses membres, et que la mesure n'est pas conforme au droit pénal actuellement en vigueur. Constatation que nous partageons, puisqu'il s'agit d'une entorse au principe de base posé par l'article L. 121-2 du code pénal qui énumère les conditions d'imputabilité à une association, personne morale, d'infractions commises par une ou plusieurs personnes physiques : il est nécessaire que l'infraction soit commise par un organe de l'association ou par un représentant de celle-ci.
L'article autoriserait des dérives, pour des infractions commises par de simples membres – ni président, ni administrateur de l'association.
Cette nouvelle disposition est entourée de garanties protectrices pour les dirigeants de l'association. Ces derniers doivent être informés des agissements, et n'avoir rien fait, compte tenu des moyens à leur disposition, pour y mettre un terme. Mon avis sera donc défavorable.
À travers vous, je voudrais rassurer le monde associatif. Je vais prendre un exemple très concret : un membre d'association, suivi évidemment, publie périodiquement sur Twitter des propos du type « les Juifs sont tous des mécréants » ou « il y a une inégalité entre les femmes et les hommes, chacun le sait » ou « posons-nous la question de la Shoah ». Bien sûr, on peut poursuivre cette personne sur le plan pénal, et ce n'est pas parce que des poursuites pénales sont engagées que les associations qui l'accueillent, qui diffusent parfois ses conférences sont, en tant que telles, responsables si elles ont diffusé, par exemple, une vidéo sans faire attention.
Mais cela devient un motif de dissolution si l'association persévère diabolicum, après avoir reçu des alertes, car nous devons évidemment combattre le séparatisme.
Cette disposition concerne aussi les associations cultuelles. J'illustre à nouveau mon propos : un conférencier, un psalmodieur ou un « imam » qui tiendrait des propos tels que ceux que je viens de citer peut, lui aussi, être poursuivi – c'est évident. Mais, dans ce cas, il est normal que les associations cultuelles qui diffusent ces prêches, et dont les chaînes YouTube sont parfois suivies par des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes, subissent les conséquences de l'action de l'État puisqu'elles ont accolé leur nom à la diffusion de ces propos, n'ont rien fait pour empêcher leur diffusion et ne s'en sont pas désolidarisés.
Cet article est équilibré, même s'il est rude, au sens où il est nouveau et que la dissolution est toujours dramatique. Mais il est nécessaire et proportionné puisqu'il laisse le choix à l'association de se désolidariser, de retirer des propos et de reconnaître son erreur – il n'y a parfois rien de mieux que de retirer un tweet quand on sait que c'est une bêtise.
Vous n'avez pas répondu à la question, monsieur le ministre, mais les dispositions de l'alinéa 13 constituent bien un renversement de la charge de la preuve : il existera désormais une présomption de responsabilité du fait d'autrui imputable aux dirigeants de l'association. Cela modifie les équilibres de la vie associative…
Par quel moyen un dirigeant d'association sera-t-il « informé » de ces agissements ? Le fait de lire le tweet sera-t-il suffisant ? Ou l'information sera-t-elle formalisée ? Il faudrait le préciser.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CS480 de Mme Marine Le Pen.
Personne n'a, plus que moi, envie de lutter contre les séparatistes, les prêches, les appels à la haine. Personne n'est plus convaincue que moi de l'importance de cette lutte. Mais cela ne peut se faire au prix de l'effondrement de nos principes de droit.
Un de ces principes, c'est la responsabilité individuelle. Il n'existe pas de responsabilité collective, ni de présomption de responsabilité pour un président de structure du fait des agissements à caractère pénal de l'un de ses membres.
En outre, je ne suis absolument pas d'accord avec vous, monsieur le ministre : vous nous indiquez qu'en l'état actuel du droit, une association ne peut rien faire contre un prêche vidéo diffusé sur sa chaîne YouTube. Mais la loi de 1881 est extrêmement claire : le diffuseur est l'auteur principal et celui qui tient les propos n'est que le complice. Notre arsenal juridique nous permet donc déjà d'agir pour empêcher dans les plus brefs délais une telle violation du droit pénal.
En l'état de la rédaction du projet, le président d'association doit prouver qu'il n'était pas informé. Il doit donc apporter la preuve d'un fait négatif. C'est parfaitement contraire à nos principes de droit. C'est pourquoi, même si le but que vous poursuivez m'apparaît louable, je suggère de supprimer les alinéas 13 à 15 de l'article.
Nous avons déjà répondu à la question de l'imputabilité. La procédure de suspension prévue à l'alinéa 14 me semble tout aussi utile. Elle permet de faire cesser immédiatement, et sans attendre la fin de la procédure de dissolution, les activités d'une association en cas d'urgence. Une telle mesure est de nature à garantir la sécurité publique. Je suis donc défavorable à votre amendement.
Madame Le Pen, si vous me permettez, vous n'avez pas le monopole de l'engagement. Cet amendement de suppression en est la preuve. Vous évoquez un faux-semblant et le fait que la loi de 1881 permettrait de poursuivre les dirigeants d'une association. Certes, mais elle ne permet pas de dissoudre l'association.
Devons-nous continuer à donner crédit à l'insulte, avec quelques mois de sursis par-ci, quelques amendes par-là ? Non, et le dispositif que nous proposons permettra de dissoudre l'association car certains faits, agissements et condamnations démontrent qu'elle est séparatiste.
Vous vous érigez désormais en protectrice des principes fondamentaux du droit. Pourquoi pas, mais ce n'a pas toujours été le cas pour le droit des étrangers ou certains droits des personnes par exemple. Mme Panot, de la France insoumise, estime que nous allons trop loin. Je respecte son point de vue et peux comprendre sa démonstration. À l'inverse, je ne saisis pas très bien où vous voulez en venir, si ce n'est que vous ne donnez pas au droit français les moyens de mettre fin à ce que vous dénoncez.
Monsieur le ministre, vous émaillez toujours vos réponses de sous-entendus relativement désagréables et assez révélateurs. Si on ne peut plus discuter du droit des étrangers quand on est chef d'un parti politique, il y a un problème démocratique. Que faites-vous du respect de la liberté d'opinion, protégée par l'article 19 de la déclaration universelle des droits de l'homme ?
Je le répète, vous avez déjà la possibilité de dissoudre des associations en vous fondant sur les condamnations prononcées contre ses membres. Vous pouvez parfaitement porter cet élément à la connaissance d'un magistrat si la décision de dissolution fait l'objet d'un recours. Je maintiens que cette bascule des principes de notre droit est extrêmement dangereuse.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe aux amendements identiques CS178 de M. Xavier Breton et CS1213 de Mme Marie-George Buffet.
Je me permets de poser à nouveau la question : par quel moyen un dirigeant d'association sera-t-il « informé » des agissements d'un de ses membres ? S'agit-il d'une information formalisée, les dirigeants d'associations recevant un courrier d'alerte, ou de tout moyen d'information, le fait de « liker » un tweet ou un message Facebook étant suffisant pour démontrer la bonne information ? Il convient d'être précis car cela peut conduire à la dissolution d'une association.
Monsieur le ministre, vous l'avez dit, cet article 8 est une arme puissante. Vous avez refusé les amendements en faisant état de la position du Conseil constitutionnel. Certes, mais notre préoccupation doit surtout être de disposer des outils pour dissoudre des associations qui combattent les principes de la République, tout en respectant la liberté d'association et la liberté d'expression.
L'article 8 dispose : « leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient ». Ce point me préoccupe car le monde associatif est très divers. Certaines associations, importantes, sont structurées et peuvent recourir à des services juridiques. D'autres mouvements associatifs, fondés sur le bénévolat, ne le sont pas toujours et n'ont pas les mêmes moyens administratifs et juridiques.
Il faut donc aider le monde associatif à s'emparer de ce dossier et vérifier comment les services de l'État en charge du mouvement associatif l'accompagnent. Sinon, je crains que ces dispositions ne leur soient appliquées non pas du fait de leur mauvaise volonté, mais de leur incapacité.
J'entends les inquiétudes. Cependant, la rédaction me semble garantir la proportionnalité des mesures en fonction de la taille et des moyens de l'association puisque l'alinéa précise qu'il sera tenu compte des moyens dont l'association dispose.
Madame Buffet, je partage votre souci : il faut être sévère, tout en respectant la liberté d'association. Nous parlons d'une procédure de dissolution, très strictement encadrée, monsieur Breton. La procédure est parfaitement contradictoire et se déroule d'abord entre l'État – le préfet –, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) et l'association. Si, alors, l'association fait amende honorable et retire les publications incriminées, sauf à ce qu'il s'agisse du vingtième ou du centième incident, la procédure s'arrête.
Quand le dossier de dissolution arrive en conseil des ministres, il est extrêmement argumenté pour répondre aux questions du Président de la République et des membres du Gouvernement. En effet, une dissolution a des conséquences politiques et juridiques majeures. Le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques ne propose pas sans garanties une telle procédure au ministre de l'intérieur. Il a parfaitement conscience que la liberté d'association est une liberté fondamentale.
L'information, monsieur Breton, est donc notamment assurée par le contradictoire. À partir du moment où les dirigeants de l'association assument les publications, nous utilisons les outils à notre disposition. Ce fut le cas pour le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) ou BarakaCity.
Madame Le Pen, les condamnations de membres d'association – même pour terrorisme – ne suffisent pas pour proposer une dissolution, sinon j'imagine que d'autres gouvernements l'auraient fait avant le nôtre.
La commission rejette les amendements.
Elle passe à l'amendement CS983 de M. Xavier Breton.
Je remercie le ministre de l'intérieur pour ses explications sur le contradictoire. Le présent amendement vise à préciser que le mécanisme est déclenché « dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes ». Il s'agit des termes de l'exposé des motifs du projet de loi.
Je soutiens l'amendement car les possibilités de dissolution sont extrêmement larges en l'état de la rédaction de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
Ce n'est pas un sujet nouveau, monsieur le ministre, et, quand on rédige le droit, on ne peut arguer du fait qu'on utilise peu la procédure pour minimiser sa puissance. L'article L. 212‑1 évoque la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence. Il peut, par exemple, s'agir de la discrimination en raison de la non-appartenance à une nation. Les associations visées sont donc celles qui propagent des idées ou des théories tendant à justifier ou à encourager une discrimination de ce type. Moi qui suis pour la priorité nationale, suis-je visée et mon association peut-elle être poursuivie et dissoute ? La réponse est oui si l'on s'en tient à la loi. Il serait donc rassurant de préciser la rédaction de l'article.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CS803 de M. Charles de Courson.
Nos débats le soulignent, l'alinéa 13 pose beaucoup de problèmes : ce n'est pas tant le fait que la dissolution de l'association soit prononcée quand l'un de ses dirigeants a tenu des propos contraires aux principes républicains qui nous interpelle – tout le monde devrait être d'accord sur ce point –, que le fait que des actes de « membres » puissent entraîner les mêmes conséquences. Vous tentez de nous rassurer en rappelant les verrous. Le premier : les dirigeants de l'association doivent avoir eu une connaissance « préalable », des agissements répréhensibles – l'étude d'impact le précise, pas le projet de loi. Deuxième condition : les dirigeants doivent s'être abstenus, en connaissance de cause, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la cessation des activités constatées.
Pensez-vous sérieusement que c'est applicable ? Si les dirigeants, interrogés, répondent : « nous avons certes été informés, mais pas préalablement, postérieurement », la réponse sera négative. En d'autres termes, les deux verrous bloquent quasiment le dispositif.
C'est pourquoi l'amendement propose de conserver ces dispositions uniquement pour les dirigeants, et non pour des membres. Cette position me semble centriste !
Le terme « préalable » n'a pas été repris dans le projet de loi. Le dispositif est donc parfaitement opérant.
En outre, je reviens sur les arguments de Mme Genevard : il s'agit souvent de gens intelligents, qui contournent les dispositions législatives et réglementaires. Si nous ne visons que les dirigeants, monsieur de Courson, vous savez très bien que des membres « influenceurs », ou d'anciens dirigeants, iront sur les plateaux de télé ou sur les réseaux sociaux parler au nom de l'association.
Il faut donc absolument que les membres soient visés, d'autant que l'alinéa est clair. Je vous le relis : « les agissements mentionnés à cet article commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité, ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser ». Vous remarquerez que l'information n'a pas besoin d'être « préalable ».
Mais, monsieur le ministre, vous êtes également l'auteur de l'étude d'impact. Je vous lis le dernier alinéa de la page 103 : « les dirigeants de l'association ou du groupement de fait doivent avoir eu une connaissance préalable des agissements répréhensibles d'un ou plusieurs de leurs membres ». Je n'invente rien !
Cher collègue, ne nous perdons pas dans les méandres de l'étude d'impact. Nous votons sur le texte.
Dernier argument, celui du Défenseur des droits : « ce dispositif ferait également courir le risque que des associations fassent l'objet de tentatives de déstabilisation de la part de personnes qui, prenant la qualité de membre ou se faisant passer pour tel, agiraient d'une façon qui mettrait l'existence de l'association en difficulté. »
Il suffit que les dirigeants des associations prennent clairement position contre les usurpateurs ! On peut indéfiniment prendre des arguments et les analyser dans tous les sens pour leur faire perdre en efficacité, monsieur de Courson ! On connaît bien le raisonnement qui consiste à utiliser les principes de la République pour les retourner contre elle, nous l'avons vu au cours de l'audition que vous mentionnez.
La commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS748 de Mme Anne‑France Brunet.
Elle examine l'amendement CS866 de Mme Emmanuelle Ménard.
Les sept critères de dissolution que prévoit l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure sont justifiés ; cependant, pour écarter tout soupçon d'abus de pouvoir, je propose de préciser que les dirigeants des structures doivent avoir été informés par l'autorité judiciaire compétente des agissements de leurs membres.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS99 de Mme Anne-Laure Blin.
Je propose de supprimer, à la fin de l'alinéa 13, la mention « compte tenu des moyens dont ils disposaient », qui tend à affaiblir le dispositif. En effet, comme l'a expliqué Charles de Courson, les dirigeants peuvent prétendre ne pas avoir eu suffisamment de moyens à leur disposition. Il serait plus clair de clore l'alinéa par « dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser. »
L'objet, la taille et les moyens des associations peuvent varier. Ne pas mentionner les moyens dont disposent les dirigeants pour faire cesser de tels agissements serait une erreur, car cela reviendrait à mettre toutes les associations sur le même plan. Avis défavorable.
L'étude d'impact précise que pour imputer à une association les infractions commises par leurs membres, plusieurs conditions cumulatives doivent être respectées.
Les agissements doivent avoir été commis par des membres se prévalant de l'appartenance à l'association ou être directement liés aux activités de l'association ; les dirigeants doivent avoir eu une connaissance préalable de ces agissements. Si les propos d'un membre, prononcés dans la sphère privée, sont diffusés sur un site, et même si la personne revendique son appartenance à l'association, on peut estimer que les dirigeants n'en ont pas eu connaissance ; en revanche, si ces propos sont relayés par l'association sur son site et sur les réseaux sociaux, on estimera que les dirigeants en ont eu connaissance, ne serait-ce que parce qu'ils ont une responsabilité éditoriale.
Par ailleurs, les dirigeants doivent s'être abstenus, en connaissance de cause, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques CS179 de M. Xavier Breton et CS1103 de M. Alexis Corbière.
L'alinéa 14 crée une procédure de suspension à titre conservatoire de tout ou partie des activités d'une association faisant l'objet d'une procédure de dissolution administrative. L'alinéa 15 prévoit une peine en cas de violation de cette mesure.
Je ne comprends pas l'intérêt de cette procédure intermédiaire, qui paraît, par son caractère disproportionné, ouvrir à de nombreuses dérives. Si le ministère de l'intérieur détient des éléments suffisants, il peut sans attendre prendre un décret de dissolution en conseil des ministres. En outre, assortir la violation de cette mesure d'une peine pénale revient à sanctionner une personne seulement soupçonnée par l'autorité administrative.
Même avis. C'est précisément parce que nous avons durci la mesure de dissolution que nous proposons une mesure intermédiaire, de suspension. Cette mesure est donc un élément de gradation, par ailleurs contestable devant les tribunaux. Elle peut être l'occasion de discuter de tel ou tel critère avec les responsables de l'association. Je précise que ces mesures peuvent viser soit les activités cultuelles, soit les activités culturelles d'une association mixte, ce qui permet de ne pas dissoudre tout le champ associatif.
La commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS875 de Mme Emmanuelle Ménard.
Elle en vient à l'amendement CS1349 de M. Julien Ravier.
Le texte prévoit que la durée maximale de la suspension est de trois mois. Je considère plus prudent de l'étendre jusqu'à l'issue de la procédure de dissolution.
Certes, il convient d'éviter qu'une association puisse reprendre ses activités alors même que la procédure de dissolution suit son cours. Toutefois, je considère que la durée maximale de trois mois devrait inciter l'administration à faire en sorte de dissoudre au plus vite l'association, si les faits sont avérés ou, dans le cas contraire, permettre à l'association de reprendre ses activités, dans le respect de la liberté d'association. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CS681 de M. Charles de Courson.
Je crois raisonnable de prévoir que la mesure de suspension des activités de l'association peut être décidée pour une durée maximale de trois mois, non renouvelable.
Même avis : il ne faut pas se lier les mains. Si la mesure devait être renouvelée indéfiniment, le juge considérerait à coup sûr que c'est disproportionné. La durée prévue est somme toute assez courte – la fermeture d'un lieu de culte peut être décidée pour six mois. L'idée est que si le problème n'est pas résolu au bout de trois mois, il faut accélérer la procédure de dissolution.
En l'état du texte, cette mesure serait renouvelable indéfiniment, sous réserve de l'appréciation du juge. Je trouve cela disproportionné. Je vous invite à rectifier l'amendement et à préciser que la mesure est renouvelable une fois.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS100 de Mme Anne-Laure Blin.
Au regard des objectifs assignés à cette mesure, la durée de trois mois me semble bien courte, quand bien même elle inciterait le ministère à agir rapidement. Je propose de la porter à un an.
Cela pourrait conduire à ralentir l'instruction des dossiers. Vous expliquez dans l'exposé sommaire vouloir muscler la répression des associations ; je ne pense pas que cet amendement soit une solution adéquate. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS1769 de M. Xavier Breton.
La suspension des activités d'une association est une mesure lourde. Conformément à l'objectif assigné à ce texte, il convient de préciser qu'elle ne concerne que les associations qui font l'objet d'une procédure de dissolution dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CS1144 de M. Boris Vallaud.
Il est utile de préciser que cette décision est susceptible d'un référé liberté au sens de l'article 521-2 du code de justice administrative : l'étendue des motifs de dissolution et les marges d'interprétation nous laissent circonspects et font craindre des procédures abusives.
C'est en effet le droit commun : saisi d'une demande justifiée par l'urgence, le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CS682 de M. Charles de Courson.
Il convient de préciser que la sanction prévue à l'alinéa 15 s'entend lorsque la violation de la mesure est le fait du ou des dirigeants de l'association.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS467 de Mme Emmanuelle Ménard.
Elle en vient à l'amendement CS101 de Mme Anne-Laure Blin.
Les associations qui font l'objet de ce type de mesures disposent de moyens souvent importants ; un an de prison et 15 000 euros d'amende me semblent constituer une sanction somme toute légère. Je propose de rendre l'amende proportionnelle aux moyens de l'association.
Même avis. La violation de la mesure de suspension sera tout de même assortie d'une peine d'emprisonnement et sera suivie à coup sûr d'une décision de dissolution.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 8 modifié.
Après l'article 8.
La commission examine l'amendement CS202 de M. Thomas Rudigoz.
Il s'inspire d'une des recommandations présentées, le 6 juin 2019, par la commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite. Il vise les groupes extrémistes, aussi bien politiques que religieux. Nous devons être intraitables vis-à-vis des ennemis de la République – jamais nos démocraties n'ont été autant menacées, l'invasion du Capitole, le 6 janvier, en témoigne.
Nous proposons de renforcer la sanction prévue à l'égard des individus qui participent au maintien ou à la reconstitution d'une association dissoute et de l'aligner sur celle applicable en cas de reconstitution d'un groupe de combat, à savoir cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
En outre, nous proposons de compléter la liste des peines complémentaires prévues à l'article 431-18 du code pénal en permettant au juge de prononcer une interdiction de fonder ou de participer au bureau d'une autre association pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans.
Avis défavorable. Il convient de maintenir la distinction avec les groupes de combat, lesquels représentent un danger pour la sécurité publique. Le fait d'y participer doit être plus sévèrement réprimé.
Par ailleurs, votre amendement prévoit de supprimer le deuxième alinéa de l'article 431-15, ce que je tiens pour une erreur légistique.
Le code pénal prévoit que la reconstitution d'une association dissoute peut entraîner la confiscation des biens mobiliers et immobiliers. Le champ des peines appliquées en pareille situation me semble donc proportionné et suffisamment dissuasif. Je suis en tout état de cause défavorable à l'ajout, parmi les peines complémentaires, de l'interdiction de participer au bureau d'une association dont les activités ne soulèveraient aucune difficulté.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS1579 de M. Jacques Maire.
Il s'agit de permettre, lors de la dissolution administrative ou judiciaire d'une association cultuelle, le transfert de ses biens immobiliers à une autre association cultuelle.
Il est nécessaire d'assurer la permanence du culte pour les pratiquants, qui ne sont pas nécessairement complices des dirigeants de l'association dissoute. Les lieux de culte sont souvent acquis grâce à leur participation financière ; que la nouvelle entité affecte les locaux à un autre usage pourrait être perçu comme une punition collective.
L'insécurité juridique actuelle conduit des associations à vendre des lieux de cultes à des États étrangers – c'est le cas de la grande mosquée Mohamed-VI de Saint-Étienne ou de la mosquée Averroès à Montpellier ; des projets sont en cours à Puteaux, à Argenteuil, à Angers, à Carpentras et la grande mosquée de Paris elle-même a fait l'objet d'un protocole de vente à l'État algérien.
Le dispositif proposé sécurise le transfert du bien vers une autre association cultuelle ; parallèlement, nous proposerons à l'article 26 d'interdire la vente des lieux de culte à un État étranger et, à défaut, que les collectivités locales puissent exercer un droit de préemption.
Les modalités de dissolution sont précisées dans les statuts de l'association, donc fixées par voie réglementaire. Votre amendement est en partie satisfait, puisque les statuts d'une association peuvent prévoir qu'en cas de dissolution, les biens seront dévolus à une autre entité. Mais en l'absence d'une association appartenant au même culte dans la commune ou dans les environs, cette disposition obligerait l'association à léguer son bien à une association exerçant un autre culte. Il me semble que cette situation devrait être évitée. Avis défavorable.
Les statuts comportent la plupart du temps une clause de dissolution et prévoient que l'assemblée générale délibérera sur ce point ; mais si la dissolution est administrative, l'assemblée générale ne pourra se réunir. Notre collègue a raison de soulever cette question. Je doute que cet amendement soit la solution, mais le ministre peut-il apporter son éclairage et préciser que ce n'est pas l'État qui vendra les biens à son profit ?
La loi de 1901 dispose bien, en effet, que les statuts prévoient les modalités de dévolution des biens en cas de dissolution. Dans le délai, assez long, qui précède la dissolution, l'assemblée générale peut se réunir et modifier ses statuts. Enfin, l'État peut procéder au gel des avoirs, afin qu'ils ne soient pas dévolus à une association, si j'ose dire, chargée de continuer le combat. C'est ce que nous avons fait récemment avec les millions d'euros dont disposait une association, non cultuelle, dissoute en conseil des ministres.
J'ai bien compris que votre intention concernait les bâtiments, dans lesquels les pratiquants pourraient continuer d'exercer leur culte. Je vous propose de retravailler ce point en vue de la séance, au titre II, et vous invite à retirer votre amendement.
On peut imaginer que les associations auxquelles nous avons affaire n'ont pas prévu ce cas dans leurs statuts et que l'agilité juridique dont elles peuvent faire preuve, dans un moment de stress au surplus, n'est pas très grande. Je retiens l'invitation du ministre à travailler, d'ici la séance, sur la dévolution des biens immobiliers.
L'amendement est retiré.
Article 9 (art. 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie) : Renforcement des contrôles sur les fonds de dotation
La commission examine l'amendement CS303 de M. Xavier Breton.
Il vise à supprimer l'article 9, qui renforce les contrôles sur les fonds de dotation. En effet, l'article 140 de la loi du 4 août 2008 dispose déjà que « L'autorité administrative s'assure de la régularité du fonctionnement du fonds de dotation. À cette fin, elle peut se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles. Le fonds de dotation adresse chaque année à l'autorité administrative un rapport d'activité auquel sont joints le rapport du commissaire aux comptes et les comptes annuels. Si l'autorité administrative constate des dysfonctionnements graves affectant la réalisation de l'objet du fonds de dotation, elle peut, après mise en demeure non suivie d'effet, décider, par un acte motivé qui fait l'objet d'une publication au Journal officiel , de suspendre l'activité du fonds pendant une durée de six mois au plus ou, lorsque la mission d'intérêt général n'est plus assurée, de saisir l'autorité judiciaire aux fins de sa dissolution. »
Par ailleurs, l'article L. 562 2-1 du code monétaire et financier instaure pour certains professionnels une obligation de déclaration en cas de soupçon dans la gestion d'un certain nombre d'organismes, dont singulièrement les fonds de dotation.
TRACFIN et les réseaux bancaires nationaux sont en première ligne et remplissent parfaitement leur mission.
Enfin, les ressources humaines dont disposent les préfectures ne sont pas calibrées pour participer de manière déterminante à cet effort. L'arsenal juridique est suffisant, le problème réside plutôt dans l'effectivité des contrôles.
Les fonds de dotation, dont les modalités de création et de fonctionnement sont simples, et qui sont très peu soumis aux contrôles, ont été identifiés comme un facteur de risque.
Les mesures de suspension de l'activité et de dissolution sont rarement mises en œuvre. Il est important de donner à l'autorité administrative les moyens de repérer plus rapidement les fonds qui ne respectent pas les règles, qui financent une activité lucrative ou cultuelle. Avis défavorable.
Même avis. J'ai appris, dans mes fonctions précédentes, que TRACFIN n'avait pas toujours les moyens d'exercer sa mission, faute de signalements, notamment sur les fonds de dotation.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS908 de M. François Pupponi.
C'est un vrai sujet. Plus on encadrera et on contrôlera les associations, plus les personnes animées de mauvaises intentions utiliseront les fonds de dotation. Je propose que les fonds de dotation, à l'image des associations cultuelles, soient tenus de déclarer les fonds provenant de l'étranger. Je précise, à toutes fins utiles, que n'étant pas financés par des fonds publics, les fonds de dotation n'ont pas à s'engager à respecter les valeurs républicaines.
L'article 35 instaure un contrôle des financements étrangers reçus par les associations cultuelles relevant de la loi de 1905 et aux associations mixtes relevant de la loi de 1907. Faut-il étendre ce contrôle aux associations relevant de la loi de 1901 et aux fondations ? C'est un débat que nous aurons à l'article 12.
Étendre ce contrôle aux fonds de dotation n'est pas souhaitable car ils sont soumis à un contrôle a priori, volontairement allégé au profit d'un contrôle a posteriori, renforcé. Il ne convient pas de dénaturer cet outil de financement en complexifiant ses modalités de fonctionnement. Par ailleurs, l'article 9 précise déjà les obligations imposées aux fonds de dotation et renforce la capacité du préfet de suspendre ceux qui ne respectent pas la loi.
Nous abordons ici un point très important de nos débats : faut-il étendre l'obligation de déclaration des fonds provenant de l'étranger, lorsqu'ils excèdent 10 000 euros, aux associations relevant de la loi de 1901 et aux fonds de dotation ? C'est une question qu'ont posée successivement MM. Houlié et Pupponi. Il est vrai, monsieur Pupponi, que les fonds de dotation sont un véhicule souvent emprunté pour faire transiter l'argent en toute discrétion.
Je ne suis pas défavorable à cette idée et suggère que nous y travaillions d'ici la séance. Je souhaite au préalable consulter mes homologues de Bercy et écarter plusieurs difficultés – hormis la charge de travail que cela pourrait représenter pour l'administration. La solution qui consisterait à limiter ces dispositions aux fonds hors Union européenne serait sans doute discriminatoire. Il faudrait veiller en outre à éviter toute censure du Conseil constitutionnel pour disproportion. Enfin, monsieur Houlié, cette nouvelle obligation sera de nature à renforcer encore la technocratisation dont se plaignent les associations. Les discussions juridiques et politiques que nous aurons sur ces questions seront très importantes. Je vous suggère, dans cette perspective, de retirer l'amendement.
Je sais que les fonctionnaires de Bercy craignent une surcharge de travail. Il s'agit ici de prévoir une simple déclaration des fonds, qui ne déclenchera pas automatiquement un contrôle. Un autre argument en faveur d'une telle disposition est que les représentants des cultes ne comprennent pas que seules les associations cultuelles puissent faire l'objet de soupçons quant à leurs financements provenant de l'étranger. Ils n'ont pas tort d'évoquer une possible discrimination.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CS984 de M. Xavier Breton.
Comme les amendements CS1790 et CS1791, que je défends par anticipation, cet amendement vise à préciser que le contrôle des fonds de dotation s'exerce dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes – l'objet du projet de loi.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'examen de l'amendement CS683 de M. Charles de Courson.
Je propose de clarifier la rédaction en prévoyant que le fonds de dotation transmet bien trois documents : le rapport annuel d'activité, les comptes annuels et, lorsque les ressources excèdent 10 000 euros, le rapport du commissaire au compte.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS1790.
Elle est saisie de l'amendement CS1762 du rapporteur.
Je propose d'aligner les deux procédures de suspension de l'activité d'un fonds de dotation, lorsque les documents n'ont pas été transmis dans les délais, et lorsque sont constatés des dysfonctionnements affectant la réalisation de l'objet du fonds. Il s'agit d'imposer dans les deux cas à l'autorité administrative de motiver sa décision et de publier au Journal officiel la décision de suspension ainsi que la décision de levée de suspension.
La commission adopte l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS1791.
Elle est saisie de l'amendement CS684 de M. Charles de Courson.
Je voudrais féliciter le Gouvernement pour avoir mis une borne à la suspension – six mois, renouvelables deux fois. Remarquons que ce n'est pas tout à fait cohérent avec les réponses que j'ai reçues. Il faudra sans doute y revenir, monsieur le ministre.
Six mois renouvelables deux fois, cela nous amène à dix-huit mois, ce qui peut paraître disproportionné. Je vous propose de fixer la durée maximale à six mois, renouvelables une fois, soit douze mois, ce qui n'est déjà pas mal.
Il faut tout de même couvrir le temps de l'autorité judiciaire. La borne peut vous sembler longue mais elle ne l'est pas tant que cela. Elle correspond au temps nécessaire pour diligenter des enquêtes et rendre des décisions de justice. Ce n'est pas comparable avec la situation antérieure qui ne concernait que l'autorité administrative. Avis défavorable.
Ne pourrions-nous prévoir un délai de jugement en urgence, comme cela existe dans d'autres cas ? Trois suspensions, c'est beaucoup ! D'ailleurs, il n'est pas précisé que c'est pour attendre la décision judiciaire. Il faudrait trouver une solution.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 9 modifié.
Après l'article 9
La commission examine l'amendement CS1055 de M. Éric Coquerel.
Vous vous inquiétez, à cet article, des potentielles dérives des fonds de dotation. La Cour des comptes a, elle aussi, tiré la sonnette d'alarme, à tel point qu'elle a estimé nécessaire que les services de l'État dressent un bilan des faiblesses observées dans le fonctionnement de ces organismes et prennent les mesures adéquates.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Article 10 (art. L 14 A et L 14 B [nouveau] du livre des procédures fiscales) : Renforcement du contrôle fiscal des organismes bénéficiaires de dons ouvrant droit à une réduction d'impôt pour les contribuables donateurs
La commission étudie l'amendement CS985 de M. Xavier Breton.
L'article 10 renforce les contrôles exercés sur les organismes à but non lucratif, en autorisant l'administration, dans le cadre du contrôle fiscal, à vérifier la régularité de la délivrance des reçus. Il s'agit de s'assurer que les mesures de ce projet de loi correspondent aux objectifs de l'exposé des motifs du projet de loi : lutter contre l'entrisme communautariste et les idéologies séparatistes.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CS903 de M. Charles de Courson.
L'article 10 prévoit que l'administration fiscale contrôle la régularité des reçus fiscaux délivrés par les organismes bénéficiaires de dons, sans définir la notion de régularité. Cet amendement vise donc à la préciser. Elle consiste d'une part à vérifier la concordance entre les montants figurant sur les reçus délivrés aux donateurs et les montants des dons perçus par l'organisme donataire. Il est en effet arrivé que des reçus mentionnent la somme de 150 euros alors que seuls 100 euros avaient été versés. En gros, c'était une machine à cash, aux frais de l'État.
Elle consiste d'autre part à s'assurer que l'association respecte trois critères : une activité non lucrative, une gestion désintéressée et un nombre non restreint de bénéficiaires.
Cette précision est essentielle pour encadrer le contrôle exercé par l'administration fiscale et le mettre à l'abri de toute contestation.
En tant que rapporteur, je ne peux que saluer votre volonté de préciser le texte et de le rendre le plus intelligible possible. Toutefois, la définition proposée ne mentionne pas toute l'étendue du contrôle que pourra exercer l'administration fiscale. Elle pourra vérifier le bien-fondé de l'éligibilité des dons aux réductions d'impôt en s'assurant que l'organisme respecte bien les conditions prévues aux articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts – caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, culturel, etc.
Enfin, le contrôle pourra s'étendre à un contrôle de comptabilité portant sur le caractère non-lucratif de l'activité et le caractère désintéressé de la gestion.
Je donne donc un avis défavorable et je laisse au Gouvernement le soin de nous dire si une telle précision, avec une rédaction améliorée, est envisageable en vue de la séance.
Il faut entendre, par régularité, le contrôle par l'administration fiscale, du bien-fondé de l'aide par rapport à l'objet de l'association.
Ce secteur est assez peu contrôlé et les déductions fiscales peuvent ne donner lieu à aucun contrôle. Nous avons d'ailleurs dû dissoudre des associations qui, tout en étant contraires aux lois de la République, pour leurs liens avec des entreprises terroristes par exemple, pouvaient délivrer des reçus fiscaux. Cette disposition, cela dit, ne concerne pas les seules entreprises séparatistes, monsieur Breton. Les déductions fiscales représentent des sommes importantes et doivent être contrôlées. L'administration fiscale elle-même a pris la mesure du travail juridique et humain à accomplir.
Par ailleurs, sous prétexte de préciser le texte, cet amendement pourrait en réduire la portée. Le but essentiel de cet article est de donner aux contrôleurs des impôts les moyens de contrôler que l'objet pour lequel le contribuable donne de l'argent est bien en rapport avec l'action de l'association. Nous avons constaté, à plusieurs reprises, que des associations, sous couvert d'aide humanitaire ou de lutte contre les discriminations islamophobes, finançaient des lieux de culte. Il y a mensonge puisque la personne donne de l'argent à une association dans un but précis, mais l'argent servira en réalité à tout autre chose. C'est un problème important.
Je veux bien, monsieur de Courson, affiner la rédaction de cet article pour sécuriser le contrôle et le contrôleur mais il ne faut pas, monsieur Breton, limiter les actions de contrôle car elles sont rares et se déroulent dans des conditions hasardeuses, parfois sur simple dénonciation. Si nous apportions la précision que vous souhaitez, nous retirerions le lien entre l'objet et l'activité, qui est au contraire essentiel. Avis défavorable, tout en assurant à M. de Courson que nous pourrons essayer d'améliorer la rédaction pour la séance publique.
Il ne faut pas transformer les inspecteurs des impôts en contrôleurs qui relèveraient de votre ministère actuel. Je veux bien compléter ma définition en ajoutant le contrôle de l'adéquation entre les dépenses de l'association et son objet, mais il faudra faire attention !
Ce n'est pas le ministre des comptes publics qui diligente les contrôles fiscaux. En tout cas, en trois ans, cela ne m'est jamais arrivé ! On peut mener une politique fiscale de contrôle. Quand j'ai eu connaissance des cas de fraude aux certificats d'économie d'énergie, j'ai diligenté une demande de contrôle général sur les entreprises qui délivraient ces certificats, mais je n'ai pas visé telle ou telle société. En trois ans, je n'ai jamais demandé un seul contrôle fiscal à l'administration pour telle ou telle association. Il n'y a donc pas beaucoup de risques pour que les services de Bercy fonctionnent comme ceux du ministère de l'intérieur. Quant à ces derniers, vous aurez constaté que les contrôles se déroulent toujours sous l'autorité d'un juge. Peut-être la pratique que vous redoutez date-t-elle d'un temps que les moins de 39 ans ne peuvent pas connaître. En revanche, le ministre, je le répète, peut mener une politique de contrôle fiscal. Si TRACFIN, les impôts ou d'autres services de l'État lui signalent des fraudes qui font perdre des centaines de millions aux contribuables, il peut demander que soit contrôlée toute association qui, par exemple, dépasserait un certain seuil de déduction fiscale.
Par ailleurs, s'il faut tout un village pour élever un enfant, il faut aussi tout une administration pour contrôler les ennemis de la République. C'est le principe de la cellule de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (CLIR) et, plus généralement, de toutes les administrations à qui il pourra être demandé de contrôler, dans la limite de leurs prérogatives et sous la houlette du préfet, une association, par exemple cultuelle, qui serait dans le collimateur de tout le monde. Il ne faut pas non plus se désarmer ! Le contrôle fiscal ne peut pas se résumer à des algorithmes. Tout en respectant les procédures et les limites, sans transformer les contrôleurs des impôts en agents du ministère de l'intérieur – ce qu'ils ne souhaiteraient pas –, nous ne devons pas sous-estimer l'utilité de ces mesures. Il en va de même des contrôles URSSAF, qui ne dépendent pas non plus du ministère de l'intérieur, ou des contrôles réalisés par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ou par l'Architecte des bâtiments de France. On peut s'y mettre à plusieurs.
J'assume le fait que l'État mène des politiques de contrôle, sans diligenter de contrôle individuel.
Mon vieux passé de vérificateur ressurgit. La modification de l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales, prévu à l'article 10, va dans le bon sens. En revanche, nous devrons combler un vide juridique d'ici l'examen en séance publique. En effet, lorsque l'administration fiscale contrôle la comptabilité d'une association, elle n'a pas à s'assurer de la régularité des documents visés à l'article 10, ce qui pourrait conduire le vérificateur à engager deux procédures, au risque de commettre des erreurs susceptibles de provoquer un vice de procédure : la vérification de comptabilité et le contrôle de l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales. J'en ai discuté avec la direction générale des finances publiques (DGFIP) : il faut que le contrôle de comptabilité s'exerce sur les mêmes documents que le contrôle de l'article L. 14 A. Bercy doit se pencher sur la question.
Monsieur le ministre, c'est vrai, vous n'avez pas demandé de contrôle durant les trois années où vous étiez en poste. Lorsque j'étais dans ce service, il y a quelques années, les ministres nous écrivaient pour nous demander d'arrêter les vérifications ! Vous le voyez, les temps changent.
Je déposerai un nouvel amendement, avec mon ami François Pupponi, et nous espérons que le ministre l'accueillera avec bienveillance.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS1763 du rapporteur.
Elle adopte l'article 10 modifié.
Article 11 (art. 222 bis [nouveau] et 238 bis du code général des impôts) : Création d'une nouvelle obligation déclarative pour les organismes sans but lucratif délivrant des reçus fiscaux à leurs donateurs
La commission en vient aux amendements CS304 et CS986 de M. Xavier Breton.
Cet article prévoit d'ajouter un article 222 bis au code général des impôts en vue de créer une nouvelle obligation pour les associations qui font appel à la générosité du public. Elle consiste à déclarer à l'administration fiscale, dans les trois mois de la clôture de leur exercice comptable, le montant global des dons reçus l'année précédente et le nombre de documents délivrés au cours de cette période.
Cette mesure, qui semble n'avoir d'autre finalité qu'un recensement statistique, entre-t-elle bien dans le cadre du projet de loi qui vise à lutter contre les séparatismes ? Nous ne le pensons pas.
Il serait illusoire de nier que l'article 11 a en partie pour finalité un recensement statistique, mais la mesure permettra aussi de lutter contre le non‑respect des principes républicains et le séparatisme.
En effet, les avantages fiscaux peuvent bénéficier à des organismes qui ne remplissent pas les conditions d'éligibilité du dispositif, par exemple en raison de l'exercice d'une activité lucrative, mais aussi à des organismes qui ne respectent pas la loi ni les principes de la République. À cet égard, votre amendement CS986 prévoit de restreindre le contrôle des organismes sans but lucratif à la lutte contre le communautarisme et le séparatisme. Cela prouve que la mesure permet aussi de lutter contre le non-respect des principes de la République. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est saisie de l'amendement CS923 de M. François Pupponi.
Le non-respect des obligations de déclaration prévues à cet article est puni d'une amende de 150 euros, autant dire : rien. Je propose de porter cette amende à 3 750 euros, voire jusqu'à un quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction. Sans tomber dans l'excès de vouloir sanctionner de petites associations, on se rend bien compte qu'une amende de 150 euros n'est pas dissuasive.
Cet amendement soulève une vraie question. La sanction actuellement prévue est peu dissuasive, en effet. Toutefois, cela ne semble pas inquiéter outre mesure l'administration fiscale. L'important est surtout de pouvoir détecter les associations qui ne rempliraient pas leurs obligations déclaratives pour pouvoir les contrôler sur le fondement du contrôle prévu à l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales.
Quoi qu'il en soit, la sanction proposée par votre amendement est disproportionnée pour les petites associations et risquerait de les mettre en difficulté. Avis défavorable.
L'idée est d'inciter les associations à délivrer des reçus pour que l'administration le sache. Si elles ne déclarent pas, l'administration ne s'amusera pas à aller contrôler les associations au hasard pour dénicher celles qui n'ont pas déclaré ! Il y en a des dizaines de milliers ! Il faut donc prévoir une sanction suffisamment forte pour que les associations se sentent obligées de déclarer. Avec une amende de 150 euros, les associations n'ont aucun intérêt à le faire !
Les gens ne disent pas à qui ils donnent. Le don est anonyme. Je propose à M. Pupponi de contacter le ministre chargé des comptes publics pour réfléchir à ces différentes considérations mais, en l'état, on ne peut accepter l'amendement qui est excessif.
La commission rejette l'amendement.
Elle étudie l'amendement CS1124 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Il s'agit d'imposer à l'État de publier chaque année la liste des vingt entreprises dont le bénéfice de la réduction d'impôt sur les sociétés au titre du mécénat est le plus élevé sur l'exercice fiscal précédent. La Cour des comptes a très souvent alerté quant au manque d'informations et à l'inaction de l'État face à l'opacité du mécénat : « Malgré les observations et recommandations récurrentes des parlementaires et de la Cour, l'État n'a toujours pas mis en place les moyens et méthodes lui permettant de connaître l'impact de sa politique incitative en faveur du mécénat. Il est tout à fait singulier que les seules informations disponibles soient produites par des organismes privés selon des méthodologies diverses et à partir d'enquêtes portant sur des échantillons d'entreprises réduits. Il apparaît ainsi déterminant que soient conduites par les pouvoirs publics des enquêtes permettant de mieux connaître les entreprises mécènes, utilisatrices ou non des mesures fiscales, les bénéficiaires du mécénat et les secteurs d'activité concernés. Dans un souci de plus grande transparence, la Cour recommande que ce travail débouche sur l'établissement d'une annexe au projet de loi de finances annuel. »
Pour commencer, nous proposons d'éditer chaque année une liste des vingt entreprises bénéficiant le plus des réductions d'impôt liées au régime du mécénat. Cette échelle paraît pertinente car le mécénat est très concentré : selon la Cour des comptes, les vingt-quatre plus grandes entreprises qui ont eu recours à cette réduction d'impôts représentent 44 % de la dépense fiscale liée au mécénat. Cela est d'autant plus important que les contrôles sont très insuffisants, comme le souligne la Cour des comptes, alors que le renforcement des contrôles jouerait un rôle dissuasif.
Il ne s'agit pas de rendre publiques des informations confidentielles sur les contribuables concernés. En outre, nous sommes ici dans les dispositions relatives aux associations afin d'éviter que ce bel outil démocratique ne soit pas utilisé par des gens mal intentionnés pour déployer des stratégies d'endoctrinement et d'enfermement. Nous ne parlons pas des entreprises et je ne vois pas le lien entre votre amendement et l'objectif du texte. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS1764 du rapporteur.
Elle adopte l'article 11 modifié.
Après l'article 11
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CS1068 de M. Éric Coquerel.
Article 12 (art. 1378 octies du code général des impôts) : Suspension des avantages fiscaux dont bénéficient les organismes sans but lucratif en cas de condamnation pénale
La commission examine l'amendement CS1122 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Cet amendement tend à retirer la référence au délit créé par l'article 18 du projet. Cet article allonge la liste des infractions graves qui donnent lieu, pour une personne morale éligible au régime fiscal du mécénat, à la suspension du bénéfice de ce régime pour trois ans. Certaines de ces infractions ne souffrent à cet égard d'aucune contestation, comme le blanchiment, le terrorisme ou le recel. En revanche, le délit créé par l'article 18 pose problème et n'a encore été ni débattu ni amendé.
L'article 12 élargit la liste des infractions pouvant entraîner la suspension des avantages fiscaux dont bénéficie un organisme à raison des dons qui lui sont consentis en cas de condamnation définitive. Cet amendement vise à retirer de cette liste le délit d'atteinte à la vie d'autrui par la diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle, créé à l'article 18.
Toutes les infractions concernées par l'article 12 sont soit de nature économique, soit susceptibles de faire peser une menace grave sur la société.
Il est indéniable que le délit d'atteinte à la vie d'autrui par la diffusion d'informations privées appartient à cette seconde catégorie. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 12 sans modification.
Après l'article 12
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CS1827 de M. Sacha Houlié, CS1432 de M. Pierre-Yves Bournazel, CS975 de M. François Pupponi et CS807 de M. Christophe Euzet.
Les associations cultuelles ne sont pas les seules à bénéficier d'avantages et de ressources en provenance de l'étranger et à subir l'influence d'une puissance étrangère. C'est aussi le cas, par exemple, de certaines associations culturelles ou sportives.
En l'état du texte, le contrôle des financements étrangers prévus à l'article 35 ne s'applique qu'aux associations cultuelles relevant de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État et aux associations mixtes relevant de la loi de 1907 concernant l'exercice public des cultes. En conséquence, il est proposé d'élargir ce contrôle à l'ensemble des associations relevant de la loi de 1901 relative au contrat d'association. En effet, si l'on veut inciter les associations cultuelles à adhérer au régime de la loi de 1905, il ne faut pas créer de trop grande distorsion avec le régime de la loi de 1901.
Cet amendement suscite des réserves à Bercy. Pourtant, seule la déclaration de fonds provenant d'un pays étranger à l'Union européenne est obligatoire. L'administration fiscale peut former opposition ou ignorer cette déclaration. Surtout, elle a les moyens d'exercer ce contrôle puisque l'objectif était d'atteindre les 200 emplois équivalents temps plein en 2022 pour TRACFIN et qu'ils en sont à 197 début 2021.
Le groupe Agir ensemble partage les propos de Sacha Houlié. Le dispositif de l'article 35, très contraignant pour les associations cultuelles, doit être étendu aux associations culturelles soumises au régime de la loi de 1901, qui doivent également être préservées de l'entrisme séparatiste.
L'amendement CS807 est un amendement d'appel, très différent de l'amendement CS1432. Mon expérience m'a appris que des fonds publics alloués à des associations françaises peuvent parfois être utilisés pour financer des manifestations à l'étranger, dont l'objet serait incompatible avec les principes républicains. Nous proposons d'obliger ces associations bénéficiaires d'informer l'autorité administrative de l'objet ou du montant des versements qu'elles versent à des bénéficiaires étrangers.
La rédaction de l'amendement de M. Houlié semble la plus aboutie car elle instaure un contrôle distinct de l'article 35, centré spécifiquement sur les États tiers à l'Union européenne et à l'Espace économique européen.
Faisons attention à ne pas ajouter trop de contraintes aux associations.
Par ailleurs, il faudra travailler la rédaction afin d'éviter toute atteinte non proportionnée au droit de l'Union européenne et à la libre circulation des capitaux, et réfléchir au calibrage des contrôles afin de ne pas engorger le contrôle des associations cultuelles prévu à l'article 35.
En conséquence, je vous invite à retirer les amendements.
Je ferai trois remarques, même si je suis favorable aux propositions de M. Houlié et de M. Pupponi. En effet, la pression des séparatistes peut s'exercer autrement que par le financement des lieux de culte.
Cependant, il convient de ne pas faire de discrimination entre les différentes provenances de l'argent, au risque de subir la censure du Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, si les effectifs de TRACFIN ont augmenté, leurs missions se sont accrues et, surtout, les effectifs de la DGFIP ont diminué, pour de nombreuses raisons qui tiennent à la numérisation, la suppression de la taxe d'habitation, etc. Qui plus est, il ne peut s'agir d'une simple déclaration. Il faut une opposabilité, sinon l'intérêt s'en trouverait fort réduit.
Enfin, si les associations cultuelles peuvent s'offusquer d'être les seules concernées par cette nouvelle contrainte, le Conseil d'État nous a fait savoir que la mesure, en l'état, était juridiquement acceptable et n'était pas disproportionnée, parce qu'elle concerne, dans un but précis, les seules associations cultuelles qui sont les premières à recevoir des financements étrangers en lien avec une influence séparatiste. Toutefois, il est possible qu'en la généralisant à l'ensemble des associations, on la rende disproportionnée.
Je pose ces questions, même si je suis plutôt favorable à ces propositions.
Cela étant, il me semble que les services de Bercy sont les plus qualifiés pour travailler avec vous à l'élaboration d'un tel dispositif. Je ne me vois pas donner mon avis à la place du ministre de l'économie et des finances ou du ministre délégué chargé des comptes publics, d'autant que la charge de travail pour les agents concernés serait immense. S'il y a déclaration sans opposabilité, les services de l'État pourront être mis en cause pour n'avoir rien fait.
Je ne ferme pas la porte pour autant. Peut-être demanderai-je au ministre délégué chargé des comptes publics de se joindre à nous en séance publique lors de l'examen de ces dispositions. Je vous invite, par conséquent, à retirer les amendements.
Je retire l'amendement CS1827, que je proposerai au ministre délégué chargé des comptes publics ainsi qu'au rapporteur chargé de cette partie.
Nous espérons être à la table des discussions, sinon nous pourrions nous opposer à une proposition qui ne nous conviendrait pas. Je regrette de ne pas avoir eu de réponse à propos de l'amendement CS807.
Les amendements CS1827, CS975 et CS1432 sont retirés.
La commission rejette l'amendement CS807.
Elle étudie l'amendement CS631 de Mme Valérie Oppelt.
Il vise à rendre accessible en ligne l'ensemble des données relatives au montant, aux modalités de versement et aux conditions d'utilisation des subventions attribuées par les collectivités territoriales. Certaines subventions pourraient être attribuées à des organismes dont les objectifs vont à l'encontre des principes républicains. Or, les collectivités locales qui attribuent ces subventions ne disposent pas forcément des moyens de contrôle pour prévenir et constater ces agissements. Rendre les informations concernant les subventions accessibles au grand public permettrait d'élargir le champ de signalement de ces agissements à l'ensemble des citoyens, ce qui renforcerait l'efficacité et la transparence des contrôles.
D'ailleurs, selon l'étude d'impact, il n'existe aucune donnée centralisée concernant ces subventions.
L'esprit de cet amendement est positif puisqu'il s'agit de permettre aux citoyens de vérifier que les collectivités territoriales ne versent pas de subventions à des organismes dont les actions iraient à l'encontre des principes de la République.
Toutefois, je crains que supprimer totalement le seuil entraîne un engorgement du dispositif avec de nombreuses informations à publier. Peut-être pourrait-on plutôt jouer sur le niveau du seuil, aujourd'hui fixé par un décret du 6 juin 2001 à 23 000 euros. Sur ce point, je laisse le Gouvernement nous dire ce qu'il en pense.
En tout état de cause, il me semble que les subventions sont attribuées par le conseil municipal et figurent donc dans les délibérations du conseil municipal, qui sont publiques. Avis défavorable.
Je le retire. Tout a beau être public, il est parfois compliqué d'obtenir ces informations. Peut-être faudrait-il réfléchir à un seuil lié au nombre d'habitants.
L'amendement est retiré.
La commission étudie l'amendement CS1555 de M. Bruno Studer.
Pour des raisons historiques, le droit applicable aux associations domiciliées dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ne s'appuie pas sur la loi de 1901 relative au contrat d'association mais sur la base de l'article 21 du code civil local. Celles-ci acquièrent leur capacité juridique auprès de tribunaux judiciaires. Ce faisant, elles n'apparaissent pas dans le répertoire national des associations de la loi de 1901, dont les données sont accessibles en consultation et téléchargeables en données ouvertes sur data.gouv.fr.
Les registres des tribunaux judiciaires n'étant pas numérisés ni centralisés, leur accès est particulièrement contraignant, ce qui constitue une entrave aux objectifs de transparence visés par le chapitre II du titre Ier de ce projet de loi et une inégalité entre les associations régies par la loi de 1901 et les associations de droit local d'Alsace-Moselle, demandeuses d'un tel dispositif.
Cet amendement vise à appeler l'attention du ministre de la justice sur la nécessité de fixer une date à compter de laquelle le registre d'associations inscrites dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, sera disponible sur support électronique en vue d'accélérer la numérisation de ce dernier.
Je vois l'intérêt pratique de cet amendement mais il me semble qu'il relève du domaine règlementaire. Je laisse le soin au Gouvernement de répondre plus précisément. Avis défavorable.
Je transmettrai cette question au Garde des Sceaux. En tout cas, la mesure est réglementaire.
La commission rejette l'amendement.
La séance est levée à treize heures quinze.
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République
Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 9 h 10
Présents. – Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Benassaya, M. Yves Blein, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, M. Éric Ciotti, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Isabelle Florennes, Mme Laurence Gayte, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Pierre Henriet, M. Sacha Houlié, Mme Marietta Karamanli, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Mattei, M. Ludovic Mendes, Mme Valérie Oppelt, M. Frédéric Petit, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Julien Ravier, M. Robin Reda, Mme Laurianne Rossi, M. François de Rugy, M. Pacôme Rupin, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vichnievsky, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Jacques Bridey, Mme Béatrice Descamps, Mme Albane Gaillot, M. Grégory Labille, M. Jacques Maire, Mme Emmanuelle Ménard, M. Thierry Michels, Mme Mathilde Panot, M. Thomas Rudigoz