Je suis opposé à ces amendements pour des raisons soit d'opportunité, soit de fond, soit de confusion.
L'opportunité vaut pour l'amendement de Mme Genevard. Je peux avoir la même réflexion qu'elle. Je l'ai même eue. Le Conseil d'État a disjoint les propositions qui en ont résulté. Pour le citer, « En raison du risque sérieux de méconnaissance de la liberté d'association, le Conseil d'État propose de ne pas retenir l'atteinte à la dignité de la personne humaine comme motif pouvant fonder légalement la dissolution ».
Nous l'avons dit, ce texte touche à des libertés fondamentales. Il y a deux solutions : soit on se fait plaisir et on se fait censurer par le Conseil constitutionnel : l'autorité du législateur et de l'État en sera atteinte ; soit on agit dans le sens le plus politique mais aussi le plus juridique possible, dans le cadre du bloc de constitutionnalité. Il nous semble que l'article 8, s'il était adopté, permettrait déjà de faire beaucoup de choses. La dissolution du CCIF n'a pas été facile, mais nous avons pu y arriver avec les dispositions actuelles. Maintenant, le ministre de l'intérieur vient devant le Parlement pour demander un peu plus de moyens, mais attention à la mesure de trop. Je peux être d'accord avec vous sur le fond, mais prenons garde à ne pas déséquilibrer l'article 8 et aboutir à la censure du Conseil constitutionnel, même si je sais que ce n'est pas votre esprit.
Sur le fond, Madame Guévenoux, il n'est pas question de dissoudre toute association qui aurait pour but de changer les valeurs ou les principes de la République, voire la République elle-même. Avec votre amendement, l'Action française serait dissoute. On peut ne pas aimer l'Action française, et son but premier n'est sans doute pas de garder la République telle qu'elle est, mais elle a le droit d'exister dans une démocratie qui permet de contester y compris la forme républicaine de l'action du gouvernement. Tant qu'elle ne porte pas atteinte aux biens et aux personnes, toute association a le droit de militer pour une autre République, d'autres principes, une autre devise, un autre drapeau ou même une autre langue, bref ce que vous appelez les symboles de la République. Votre proposition peut paraître séduisante, mais l'adopter serait en fait très liberticide et méconnaîtrait à coup sûr des principes constitutionnels. Je n'y suis pas favorable. La démocratie permet à ceux qui ne sont pas d'accord de le dire : c'est la grande différence avec la dictature.
Monsieur Reda, vous confondez : oui, le contrat d'engagement républicain permettra de ne plus verser de subventions à ceux qui vivent par la subversion ; oui, les faits reprochés pourront amener à la dissolution ; mais, non, ce contrat n'est pas lié à l'article 8.
L'article 8 concerne toutes les associations, à commencer par les associations cultuelles. Le ministre de l'intérieur aura ainsi désormais deux armes pour mettre fin aux lieux de culte radicaux : l'arme de la liberté de culte et du statut des cultes ; celle du droit des associations.
Le contrat d'engagement républicain ne concerne pas les associations cultuelles – vous l'aurez probablement compris à l'issue de nos débats d'hier. Certaines associations, sans être contraires à l'ordre public, peuvent vouloir une autre société – et c'est la démocratie que de les accepter – mais nous refusons de les subventionner. Ainsi, on pourrait imaginer une association qui souhaite faire reconnaître officiellement une religion en France. Mais elle ne saurait proposer des actions totalement contraires aux lois de la République ; c'est ce que nous sanctionnerons.
Je comprends le débat mais je suis intimement persuadé qu'il faut refuser ces amendements pour des raisons de sécurité législative. En outre, madame Guévenoux, vous allez trop loin dans votre définition de l'association. Monsieur Reda, je pense vous avoir répondu : le contrat d'engagement est différent. Le Gouvernement ne lie pas subventions, valeurs républicaines, respect de l'ordre public, dissolution dans un même article, mais a rédigé plusieurs articles afin de prendre en compte et de respecter les différences, tout en étant attentif au but qu'il veut atteindre – mettre fin aux associations séparatistes.