Le projet de loi a été conçu bien avant le drame de Samuel Paty, puisque le Président de la République a prononcé le discours des Mureaux bien avant. Mais en cours d'élaboration, il était légitime que le Gouvernement se demande quelles dispositions il pourrait proposer au Parlement d'adopter pour éviter que de tels événements ne se reproduisent.
Je comprends très bien que les parlementaires se demandent si la disposition est proportionnée et légitime. Plusieurs, à l'inverse ont dit que le texte n'aurait pas empêché la mort de Samuel Paty. Ce qui est certain, c'est que les articles 4 et 18 auraient permis aux services de l'État de réagir aux deux événements scandaleux qui ont provoqué le drame et contre lesquels il n'existe aucune réponse pénale ou administrative.
Le premier est la pression communautaire exercée, lors d'un rendez-vous au collège, par le père de la jeune fille accompagné de l'imam qui n'en était pas un, expliquant que M. Paty était un moins que rien et qu'on allait voir ce qu'on allait voir s'il continuait à enseigner la liberté d'expression aux enfants. Cet événement a donné lieu à une note des renseignements territoriaux, le 12 octobre, quelques jours avant le drame. Certains en ont conclu que les services de l'État étaient au courant et n'avaient rien fait. Mais, en l'état actuel du droit, si la même chose se reproduisait, ni les policiers, ni le préfet, ni le procureur de la République, ni le ministre de l'intérieur ne pourraient intervenir. L'article 4, que vous avez voté, permet de répondre à des pressions communautaires de ce type.
Le deuxième événément est la diffusion par le père, sur les réseaux sociaux, d'une vidéo dans laquelle il menaçait M. Paty, véritable fatwa qui a armé idéologiquement le terroriste. Là encore, en l'état actuel du droit, on ne peut ni exiger le retrait de vidéos analogues ni poursuivre pénalement leur diffusion et faire condamner leur auteur. Autrement dit, le même enchaînement de faits pourrait se reproduire et conduire à la mort d'un autre professeur, d'un policier, d'un magistrat ou d'un élu – car on parle de Samuel Paty, mais, comme le suggérait le président, nous devons faire face à beaucoup d'autres situations comparables. M. le garde des sceaux, M. le ministre de l'éducation nationale et moi-même pouvons en témoigner : nos services reçoivent de nombreux signalements.