La haine en ligne est réprimée par l'article 24 de la loi de 1881. Ce texte est totémique pour les journalistes, sans doute à juste titre. Le problème, c'est qu'un certain nombre de haineux du quotidien viennent se lover dans ce texte qui, à l'origine, n'a pas été fait pour eux, mais pour garantir la liberté de la presse. Ces haineux du quotidien nous pourrissent la vie en diffusant leur venin. Or ils n'ont rien à voir, ni de près ni de loin, avec le journalisme.
Il y avait deux solutions. La première, c'était de toucher à la loi de 1881, ce qui était extrêmement délicat. Si nous l'avions fait, vous auriez été les premiers à pousser des cris d'orfraie – à juste titre. Je ne voulais surtout pas toucher à cette loi. J'ai consulté tout le monde sur cette question : les patrons de presse, les journalistes, les syndicats, les avocats spécialisés en matière de presse ; tous m'ont dit leur attachement à cette loi. Nous avons choisi l'autre solution, celle qui consiste à modifier certaines dispositions de la procédure pénale afin d'attraire les haineux du quotidien en comparution immédiate, en prenant évidemment le soin d'exclure les journalistes ou assimilés d'un tel traitement judiciaire.
La loi de 1881 n'a pas été faite pour les haineux du quotidien, mais ils en tirent tous les bénéfices : ils sont jugés deux ans après les faits, et en retirent un sentiment d'impunité. Moi je souhaite que ceux qui prononcent en ligne des mots qui nous font tellement de mal soient jugés rapidement. Quant à dire que la comparution immédiate serait une privation de droit, ce n'est pas vrai : c'est une procédure qui a le mérite de la rapidité.
Je ne crois pas à l'exemplarité de la peine, surtout pour des professionnels de la délinquance. Comme l'a dit Robert Badinter, on ne commet pas une infraction avec un code pénal sous le bras. En revanche, pour les gamins qui sont les haineux du quotidien, la comparution immédiate peut avoir un effet intéressant, en termes d'exemplarité. Je pense qu'on ne parviendra pas, hélas ! à éradiquer la haine en ligne, mais si nous arrivons à la faire un peu diminuer, nous n'aurons pas perdu notre temps. Je suis évidemment défavorable à vos amendements.