Je vais défendre en même temps les amendements CS1635 et CS111.
L'article 28 est une atteinte inacceptable à la loi de 1905. Celle-ci était généreuse en ce qu'elle accordait aux cultes des avantages fiscaux pour les dons des fidèles. Cela se justifiait si, et seulement si, l'association cultuelle se limitait à son objet, c'est-à-dire au culte. Certes, la loi de 1905, nous l'avons dit, a déjà été entaillée, notamment par la loi dite Debré de 1959. Il faut néanmoins rappeler qu'il n'est pas du ressort de l'État de financer directement ou indirectement le fonctionnement d'une association cultuelle, a fortiori si celle-ci est autorisée à pratiquer une activité commerciale non soumise à l'impôt.
La loi de 1905 assure la liberté de conscience, mais elle ne fait que garantir le libre exercice du culte, ce qui est bien moindre que ce qu'on voudrait nous faire croire. Garantir ne veut pas dire assurer mais ne pas empêcher. L'article 28 ne s'inscrit pas dans la continuité de l'équilibre prévu par la loi de 1905 : il marque, au contraire, une rupture avec lui. Et cela entraînera d'autres ruptures : une rupture de l'égalité entre les cultes, en fonction de la situation immobilière de chacun d'entre eux, une rupture de l'égalité avec les exploitants immobiliers commerciaux ou encore une rupture avec le principe d'exercice de l'activité cultuelle, du fait de l'autorisation à se livrer à d'autres activités qui n'ont rien à voir avec le culte.
Une telle disposition constitue un véritable subventionnement indirect des cultes. Que se passera-t-il ensuite ? D'anciens cultes qui bénéficient déjà d'un parc immobilier très important pourront se livrer à des activités étrangères à leur objet – c'est le premier risque. Les cultes évangéliques pourront aussi, comme dans le système américain, assurer l'enrichissement de leurs pasteurs par la constitution de fortunes immobilières. À cela s'ajoutera une course aux legs et aux donations pour tous les cultes.
Nous n'avons pas à rougir du choix, qui est fait dans ce projet de loi, de tarir les financements étrangers. Quand on lutte contre le séparatisme, quand on renforce les principes républicains, quand on demande plus de transparence et davantage de règles, il n'est pas nécessaire de donner une contrepartie. Le fait d'exiger des cultes plus de transparence financière et de leur imposer de se couler dans le cadre républicain n'appelle pas de compensation. La laïcité n'est pas un deal entre le peuple français et les églises. On est soit ministre d'un culte soit agent immobilier. Il faut choisir entre prier et faire du business. Jésus n'a-t-il pas chassé les marchands du temps ? Pourquoi les y ferait-on rentrer ?