Je suis opposé à une modification de la loi de 1905. De fait, nous modifions la nature de ce qu'est une association cultuelle de loi 1905, dont l'objet est uniquement les frais d'entretien et d'exercice du culte. Ce n'est pas rien ! Désormais, il y aura aussi la gestion éventuelle de bâtiments dont l'association aura hérité. Il y a là un paradoxe.
Je peux entendre que vous vouliez modifier le caractère mixte de certaines associations de loi 1901, qui, pour des raisons historiques, gèrent aussi d'autres choses que le culte. Votre idée est de les faire passer en loi de 1905 : ce qui est cultuel doit être cultuel ; ce qui est culturel, culturel. En même temps, vous donnez une nouvelle nature aux associations cultuelles, qui, au-delà du culte, pourront éventuellement gérer un bâtiment. Cela me semble être une première contradiction.
Dans ma conception des choses, ce sont les fidèles qui doivent payer leur culte, non la rente d'un bâtiment, les loyers de personne qui y vivent ou les recettes d'un hôtel. Cela fonctionne ainsi dans l'ensemble des cultes : les cotisations et les dons des fidèles doivent être la principale ressource. Ce n'est pas l'association cultuelle qui doit gérer ce type de bâtiments.
M. le ministre avait déjà donné pour argument que les musulmans avaient besoin de cette disposition. Or le représentant du Conseil français du culte musulman (CFCM) – quant à savoir si sa parole est représentative, sur ce point, je crois que oui – a dit que son culte n'en tirera aucun bénéfice car les fidèles ont pour particularité, pardon pour la simplification sociologique, de posséder rarement des biens, et qu'il ne reçoit rien.
Il a ensuite dit la même chose que Mme Ménard, c'est-à-dire qu'il souhaite, non pas gérer les biens hérités à titre gratuit, mais pouvoir acheter, ce qui sera sans aucun doute l'étage suivant de la fusée, dans quelques années. On nous expliquera alors que la mesure a manqué la cible, qu'elle a profité essentiellement à des cultes déjà installés, si je puis me permettre l'expression, et non au culte musulman. Celui-ci se développe pourtant, puisqu'il dispose de 2 400 lieux de culte. Ne donnons pas l'impression que l'on est encore à l'heure de l'islam des caves : des lieux se construisent. Réfléchissons à de nouvelles sources de financement. Par exemple, une commune peut se prêter caution d'une association lorsqu'elle emprunte de l'argent auprès d'un établissement bancaire. On pourrait aussi mener une réflexion sur le halal, qui, aujourd'hui, ne va pas directement au financement du culte. Les pistes sont nombreuses.
Je suis donc contre cette mesure, qui me semble être une remise en cause de la loi de 1905, une incompréhension de ce qu'elle doit être, et la porte ouverte, que vous le vouliez ou non, à ce que se développe un « business » cultuel, qui me semble particulièrement contraire à l'esprit de ce à quoi nous travaillons.
Par ailleurs, je suis opposé aux déductions fiscales dont bénéficient les cultes. Les services de Bercy sont incapables de nous dire combien elles représentent. L'économiste Thomas Piketty parle de 250 à 300 millions de manque à gagner dans nos recettes. Il faut que l'argent public soit consacré aux services publics, à soulager le fidèle de dépenses – moins de dépenses de santé, moins de dépenses d'école. Ensuite, libéré de toutes ces exigences, le fidèle donne ce qu'il veut. Nous n'avons pas à accepter que 66 % de ce qui est donné par les fidèles échappe à l'impôt. C'est un financement public du culte.
Monsieur le président, j'aurai ainsi défendu nos deux amendements à l'article 28.