Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du samedi 23 janvier 2021 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Gérald Darmanin, ministre :

J'ai écouté avec attention tous les arguments sur ce sujet important : aucun ne m'a paru convaincant. D'abord, mesdames, messieurs les parlementaires, ne faites pas comme si l'islam n'était que la religion des pauvres – ce n'est peut-être pas votre propos mais il peut être entendu comme tel. C'était peut-être vrai il y a trente ans, mais le propos est infantilisant. Vous rencontrez certainement les mêmes concitoyens que moi, et vous voyez bien que, comme dans toutes religions, une grande partie de gens ne paient pas d'impôt – c'est d'ailleurs le cas pour la majorité des Français. Mais il y a aussi des musulmans, qu'ils soient Français ou étrangers, sur le sol national, qui sont cadres, médecins, chirurgiens, notaires, qui se rendent à la mosquée et qui souhaiteraient financer leur culte. Il est donc faux de parler d'une religion de pauvres, qui ne pourront jamais donner. Je suis d'ailleurs curieux de connaître les chiffres exacts par rapport aux autres cultes. Cela dépend aussi beaucoup des territoires.

Par ailleurs, s'agissant des avantages fiscaux, monsieur Corbière, il est évident que nous ne pouvons pas vous donner de statistiques, pour la bonne et simple raison que s'il fallait indiquer à quel culte on donne sur la déclaration d'impôts, et si la direction générale des finances publiques (DGFIP) tenait un fichier des fidèles de telle ou telle religion, vous seriez le premier à accuser le ministre de l'intérieur, ministre des cultes publics, de fichage. Ne faites donc pas semblant de dire que l'on ne donne pas les éléments. Tel est bien le cas, puisque le don est anonyme. De la même manière, on ne sait pas qui donne à La France insoumise ou à telle ou telle association. L'anonymisation du don est la garantie que le contrôle fiscal ne sera pas décidé en fonction de ce que vous pensez et donnez. L'argument « ne vaut pas tripette », comme disait Jacques Chirac.

Pour ce qui concerne le « deal », comme s'il y en avait eu un, je dirai à M. Cormier-Bouligeon ainsi qu'à Mme Ménard, que, s'il y avait eu un deal, nous aurions dû inclure l'accès à titre onéreux, rien ne l'empêchait. Il n'y a pas eu de « deal ». Nous n'avons pas voulu déséquilibrer la loi de 1905. Nous avons voulu revenir sur l'inégalité, à la fois historique et de traitement, qui était déjà prévue dans l'esprit de la loi de 1905. Certains cultes voulaient cet accès, nous leur avons dit non. Il n'y a donc pas d'accord avec les cultes, mais une position de sagesse, d'équilibre, comme l'a dit M. Bournazel, que je remercie.

Vous évoquez l'argent liquide : il est étonnant de penser que le culte musulman est à la fois une religion pauvre, et une religion où il y a beaucoup d'argent liquide. L'argent liquide est d'ailleurs présent dans toutes les religions, qu'il s'agisse de la quête ou de l'aumône obligatoire, la zakat pour les musulmans. Chacun connaît les traditions religieuses. C'est justement parce que nous contrôlons les avantages des associations relevant de la loi de 1905, vers laquelle nous voulons amener toutes les associations cultuelles, que nous pensons que l'argent liquide doit être déclaré. Cela me paraît tout à fait logique, dans le fonctionnement des cultes. Nous essayons de le faire par l'intervention de l'expert-comptable. Des amendements sur la séparation des comptes bancaires nous permettront d'améliorer les contrôles.

Il est étonnant de refuser que le public aide les religions tout en proposant que les collectivités garantissent les emprunts des associations cultuelles. C'est une aide absolue, chacun le sait : lorsqu'un défaut de paiement survient, il échoit à la collectivité publique. Lorsque j'étais maire et que le conseil municipal délibérait sur une garantie, je faisais très attention à ce que, même pour la bonne cause, on ne se retrouve pas avec une obligation quelques mois ou années après. La mesure me semble totalement attentatoire au principe de séparation que vous défendez. Surtout, vous faites semblant de ne pas voir ce qu'a dit M. Vuilletet avec des mots choisis, que l'usure est interdite en islam, vous le savez bien. Il est donc étonnant d'avoir des arguments dans la première partie de la discussion pour dire que nous ne pouvons pas obliger nos compatriotes musulmans à faire des choses contraires à la religion, dès lors que cela ne porte pas atteinte à l'ordre public – personne ne pousserait à manger du porc à la cantine, ce n'est pas ce que vous avez dit, et c'est bien ce que nous essayons tous de défendre, collectivement – et, ensuite, de proposer de prendre une mesure interdite par la religion, qui ne touche pas à l'ordre public. Vous faites semblant de ne pas voir que l'usure est interdite par l'islam.

L'accès au compte bancaire est une possibilité – encore faut-il avoir une assise, d'où votre idée de garantie, qui est orthogonale avec la loi de séparation. Mais, en plus, par provocation – vous le dites peut-être sans en être conscient -, vous allez vers une solution que n'accepte pas ce culte. Il y a d'ailleurs fort à parier que si le culte musulman avait des emprunts à contracter, il les ferait sans doute auprès de banques étrangères, et pas forcément nationales, ce qui renforcerait ce que nous souhaitons absolument éviter.

S'agissant du halal, monsieur Vallaud, le ministère de l'intérieur n'y travaille pas, comme c'était aussi le cas avec mon prédécesseur. J'y suis parfaitement opposé. Bien sûr, il y a beaucoup d'argent qui circule avec le halal. C'est un système extrêmement compliqué dont trois mosquées en ont le monopole.

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