Intervention de Alexis Corbière

Réunion du samedi 23 janvier 2021 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Ce projet de loi s'apprête à franchir une étape importante, après de nombreuses heures de discussions en commission. Pour notre part, nous avons souhaité participer au débat avec loyauté et franchise, en défendant nos convictions laïques et républicaines. Je remercie chacun d'entre vous de ne pas avoir trop cédé à la tentation de nous attaquer de façon caricaturale et assez absurde – ce comportement, qu'il était de bon ton d'adopter il y a quelque temps, nous a blessés. Je remercie en particulier M. le ministre de l'intérieur, avec lequel je me suis souvent accroché, mais que j'ai trouvé sincère et désireux de convaincre. Cela change de l'attitude de certains de ses collègues qui remettaient récemment en cause nos convictions républicaines… Je n'en dirai pas plus. (Protestations.) La confrontation intellectuelle ne me dérange pas : j'apprécie que l'on réponde à mes arguments.

Nous nous opposerons à ce projet de loi. Il ne contient pas de mesures réellement efficaces qui permettraient d'empêcher que se produisent à nouveau les odieux attentats que nous avons connus – c'est pourtant l'une des raisons qui vous ont poussés à déposer ce texte. Vous avez défendu beaucoup de mesures d'affichage, mais vous avez présenté peu de faits ou de chiffres nous permettant de connaître précisément la dynamique des phénomènes sociaux contre lesquels vous entendez lutter. Les réponses que vous apportez ne règlent pas véritablement les problèmes. Nous avons même constaté que la loi de 1905, à laquelle nous sommes très attachés, était parfois affaiblie – je pense notamment à la mesure que vous avez votée sur les biens immeubles de rapport. Nous n'avons toujours pas compris pourquoi 100 % des associations devaient s'engager à respecter un contrat d'engagement républicain dont le texte ne nous a même pas été présenté. Cette politique du soupçon généralisé ne nous semble pas de nature à répondre aux problèmes.

À la fin de son discours des Mureaux, le Président de la République avait exprimé sa volonté de casser les ghettos sociaux qui constituent parfois ce que le ministre de l'intérieur appelle le « terreau du terrorisme ». Cet aspect ne figure nulle part dans le projet de loi que nous avons examiné. Pourtant, en tant qu'élu de Seine-Saint-Denis, je peux vous dire que c'est parce qu'il n'y a plus de service public, qu'on concentre nos concitoyens en situation de grande pauvreté dans certains endroits et qu'on les assigne à résidence spatiale et sociale, qu'un fanatisme religieux meurtrier se développe.

La parole de chacun est libre, mais j'espère vraiment que le débat que nous aurons en séance publique à partir du 1er février ne sera pas l'occasion d'exprimer des propos blessants à l'encontre de certains de nos concitoyens. Une mauvaise compréhension de la loi de 1905 amène certains à vouloir interdire le port de signes religieux dans l'espace public. J'invite chacun d'entre vous à formuler des arguments acceptables pour l'ensemble de la population. Je rappelle que notre pays compte plusieurs millions de Français de confession musulmane, qui sont des gens dignes et qui se sentent blessés à chaque fois qu'un attentat se produit sur le territoire national. Certains affichent leur foi mais ne veulent pas être traités comme des suppôts du terrorisme ou des gens conciliants à l'égard de ces actes barbares. Je compte donc sur chacun d'entre vous pour se comporter de manière digne, malgré la vigueur de ses convictions.

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