Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du lundi 7 juin 2021 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Lors de la première lecture, nous avons consacré du temps à ce texte important, tant en commission spéciale qu'en séance publique. Notre travail a été, me semble-t-il, guidé par l'esprit constructif dont le Gouvernement a souhaité que chacun fasse preuve, quand bien même les débats ont été passionnés et passionnants. Je remercie la Haute Assemblée de son travail, en dépit des divergences que nous avons constatées entre nos positions respectives. Le Gouvernement avait fixé des limites en déposant ce texte au Parlement ; il se réjouit que leur franchissement n'ait pas été accepté en CMP.

Ce projet de loi est un texte fort, et il convient d'éviter de le fragiliser en y intégrant des dispositions qui iraient trop loin – soit parce qu'elles ne seraient pas acceptées par nos concitoyens, soit parce qu'elles seraient manifestement contraires à la Constitution ou aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, ce qui est le cas de certains des articles adoptés par la Haute Assemblée. Nous souhaitons en effet qu'il entre en application rapidement, tant les mesures qu'il contient sont attendues par nos concitoyens.

Je me réjouis qu'il y ait eu un consensus, malgré quelques divergences, autour des dispositions relatives à la neutralité du service public, notamment l'extension des règles aux contractuels ou aux délégataires de service public. Des millions de salariés sont concernés.

Les lieux de culte séparatistes pourront être fermés, non plus seulement en cas de commission d'un acte terroriste ou d'intention d'en commettre un – infractions visées par la loi SILT –, mais aussi lorsqu'on est en mesure de caractériser ce que Gilles Kepel appelle le « djihadisme d'atmosphère ».

En ce qui concerne l'éducation, le texte contient des dispositions très fortes permettant de lutter contre la pullulation d'« écoles » clandestines – j'ose à peine employer le mot –, souvent engagées dans des dérives sectaires. Il aborde également la question difficile mais importante de la scolarisation à domicile. À ce propos, je regrette le manque de cohérence politique qu'il y a à demander beaucoup de mesures très fortes – parfois même trop fortes, selon nous – tout en trouvant de nombreuses excuses aux difficultés liées à la scolarisation à domicile, qui existent bel et bien, comme en témoigne la documentation abondante dont dispose le Gouvernement.

Le projet de loi permet de s'attaquer aux sites miroirs. Il transpose le Digital Services Act, en faveur duquel la France a beaucoup travaillé avec le commissaire européen en charge de la question, et dont le contenu a été rendu public depuis la présentation du projet de loi.

La création du délit de séparatisme nous aidera à intervenir contre des gens qui n'acceptent pas les règles de la République. Il sera également possible d'expulser du territoire national les étrangers qui ne respectent pas ces règles.

La protection des agents publics est renforcée, notamment par l'article 18, pour ne pas revivre des drames comme celui de l'assassinat de Samuel Paty.

L'ensemble des champs est donc concerné. Le texte donnera à l'État des moyens considérables pour se défendre contre le séparatisme islamiste et, de manière générale, ceux qui veulent renverser les valeurs de la République.

Si le Gouvernement souhaite que le texte fasse l'objet d'un travail consensuel avec les deux assemblées, il y a des règles auxquelles nous n'entendons pas déroger. Il n'est pas question, en particulier, de réécrire la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou la Constitution. Il ne s'agit pas ici de remettre en cause la liberté de croyance, la liberté d'opinion et la liberté de culte ; en un mot, l'objet du texte ne saurait être de remettre en cause la définition de la laïcité, telle que le constituant et les révolutionnaires de 1789 l'ont conçue. Nul ne peut être inquiété pour des opinions, y compris d'ordre religieux, et même si certaines opinions religieuses nous heurtent, elles ne doivent pas être interdites. C'est ce qui fait la grandeur du principe de liberté. Interdire une croyance religieuse dans l'espace public serait contraire aux principes mêmes du bloc de constitutionnalité. Accepter ces croyances est compatible avec la volonté d'imposer le modèle français, dont nous sommes fiers, et qui comprend la liberté de culte et la liberté d'expression, dans le respect de l'ordre public.

M. Houlié a eu raison d'évoquer les dispositions qui renforcent la liberté de culte, notamment celles qui sont relatives aux associations cultuelles. Attendues depuis très longtemps, elles clarifieront les règles entre le régime de la loi de 1901 et celui de la loi de 1905. Cela permettra de mieux organiser les cultes en France, et singulièrement le culte musulman, dont vous avez eu raison de dire, monsieur le rapporteur général, qu'il ne devait pas être montré du doigt : il s'agit d'un culte parmi les autres, qui doit être garanti et accompagné. Les dispositions relatives aux immeubles de rapport faciliteront le financement des lieux de culte, ce qui est un des moyens de lutter contre les dérives sectaires de l'islamisme auxquelles est confronté un grand nombre de pays occidentaux – mais aussi de pays musulmans.

Revenir sur ce texte fort en essayant de continuer à construire un consensus avec le Parlement, tous groupes politiques confondus, sans pour autant le fragiliser en y introduisant des mesures qui pourraient faire plaisir mais seraient à coup sûr invalidées par le Conseil constitutionnel et priveraient l'État de ses possibilités d'intervention pour imposer notre modèle : tel est l'état d'esprit dans lequel le Gouvernement aborde cette nouvelle lecture. Il importe de conforter la laïcité, pas de la redéfinir.

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