Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du lundi 7 juin 2021 à 16h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Lundi 7 juin 2021

La séance est ouverte à seize heures cinq.

La commission spéciale procède à l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme (n° 4078) (M. Florent Boudié, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre I du titre II, Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre I du titre Ier, M. Éric Poulliat, rapporteur pour le chapitre II du titre Ier, Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, Mme Laetitia Avia, rapporteure pour le chapitre IV du titre Ier, Mme Anne Brugnera, rapporteure pour le chapitre V du titre Ier, M. Sacha Houlié, rapporteur pour les chapitres II et III du titre II, et pour les titres III et IV).

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La commission mixte paritaire (CMP), qui s'est tenue le 12 mai dernier au Sénat, n'étant pas parvenue à un accord, nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi confortant le respect des principes de la République.

Le projet de loi initial comportait 51 articles ; à l'issue de l'examen par notre assemblée, il en comptait 92 et le Sénat en a encore introduit 56. Malgré les positions assez éloignées de la majorité sénatoriale et de la majorité de l'Assemblée nationale, 19 articles ont été adoptés conformes. Il en reste donc 129 en discussion, sur lesquels 803 amendements ont été déposés, dont 44 déclarés irrecevables au titre de l'application de la règle dite « de l'entonnoir » et de l'article 45 de la Constitution, la plupart portant articles additionnels, et 3 autres au titre de l'article 40.

Je souhaite que nous puissions travailler dans le meilleur état d'esprit possible, en veillant à l'efficacité et à la clarté de nos débats, comme nous avons su le faire, me semble-t-il, en première lecture.

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Les travaux menés par le Sénat nous laissent 129 articles à examiner. La première lecture à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la procédure du temps législatif programmé (TLP), avait occupé quatre-vingts heures de débat. Le Sénat, qui n'a pas eu recours à cette procédure, en a débattu pendant cinquante heures, examinant 300 amendements, dont 139 en séance publique. Il en est résulté des modifications substantielles du texte adopté à l'Assemblée nationale, ce qui a empêché la CMP d'aboutir, les débats s'étant heurtés à deux points d'achoppement irréductibles.

Le premier était la préoccupation majeure, voire l'obsession, que nos collègues sénateurs manifestaient vis-à-vis de la question du voile, en milieu scolaire comme dans l'espace public. Ce sujet, comme certains autres ajouts, a constitué pour nous une ligne rouge qui ne permettait pas de trouver une solution commune. De surcroît, il soulevait d'immenses problèmes de cohérence avec la laïcité à la française telle que l'ont conçue les rédacteurs de la loi de 1905, ainsi que de profondes questions de constitutionnalité qu'il était hors de question d'aborder.

Le second point posant difficulté était l'instruction en famille (IEF), que le Sénat a proposé de dispenser de tout contrôle. Or la piste de l'autorisation que nous avons explorée à l'Assemblée nationale rend nécessaire de renforcer les contrôles en amont, le droit en vigueur n'étant pas satisfaisant. Alors que, s'agissant de l'école publique, le Sénat a fait preuve, pour le moins, d'une très grande exigence, au risque parfois de l'inconstitutionnalité, curieusement, s'agissant de l'IEF il s'est montré beaucoup moins exigeant. Nous proposerons donc de réintroduire dans le texte les dispositions en la matière adoptées à l'Assemblée nationale.

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Sur le chapitre Ier du titre Ier, le Sénat et l'Assemblée nationale partagent un constat : il faut protéger le service public de la menace du séparatisme remettant en cause les fondements universalistes de la République. Parmi les apports du Sénat, mentionnons l'extension de l'obligation du respect de ces principes aux organismes de logement social et aux entreprises de transport ferroviaire de voyageurs. L'accélération de la mise en œuvre des obligations prévues pour les titulaires d'un contrat de la commande publique, la création d'une journée de la laïcité ainsi que le recueil de l'avis du préfet sur les projets d'installation ou de construction d'un lieu de culte doivent également être salués.

La CMP a aussi mis en évidence des divergences entre les deux assemblées. Tel est le cas du sujet des accompagnatrices de sorties scolaires, visées à l'article 1er. En première lecture, j'ai exprimé ma conviction personnelle, qui n'engage pas la commission spéciale, de la nécessité d'appliquer des principes d'égalité, de neutralité et de laïcité à quiconque participe et concourt à l'exécution d'un service public, dont celui de l'éducation – le Sénat a soumis celle-ci à ces obligations, s'agissant notamment des sorties scolaires. Mon argumentation n'a pas convaincu. M. le rapporteur général défendra un amendement de suppression de la disposition introduite par le Sénat.

L'article 1er bis, introduit par le Sénat, inscrit dans le texte le respect des principes de neutralité et de laïcité dans le règlement des piscines publiques. M. le rapporteur général défendra un amendement de suppression de cet article. Pour ma part, je défendrai un amendement de suppression de l'interdiction du port de signes religieux ostensibles par les mineurs dans l'espace public.

Le Sénat a introduit deux articles additionnels après l'article 2, relatifs à l'interdiction des listes communautaires et à l'interdiction de faire figurer des emblèmes confessionnels ou nationaux sur les bulletins de vote. À mes yeux, ces dispositions sont contraires au principe de l'expression pluraliste des opinions, garanti par l'article 4 de la Constitution. Je défendrai donc des amendements de suppression de ces articles, non sans considérer qu'il y a beaucoup à dire sur ces dispositions, politiquement parlant.

Le Sénat a porté à dix ans d'emprisonnement la sanction punissant l'infraction pénale créée à l'article 4 du projet de loi. Cette durée me semble excessive. Quant à l'extension du champ de l'article aux personnes investies d'un mandat électif public et au fait d'organiser le recours à des actes d'intimidation, elle ne semble pas utile. Par ailleurs, il convient de rétablir la rédaction adoptée dans notre hémicycle s'agissant du consentement préalable de la victime avant le dépôt de plainte par l'administration.

Enfin, le Sénat a introduit dans le texte l'article 5 bis, visant à confier aux maires un pouvoir de police pour interdire les drapeaux étrangers, à l'exception de celui de l'Union européenne (UE), lors des cérémonies de mariage ou de pacte civil de solidarité. Compte tenu des pouvoirs de police municipale dévolus au maire, à qui il incombe d'assurer l'ordre public local, cette disposition me semble inutile.

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Concernant le chapitre II, relatif aux associations, aux fondations et aux fonds de dotation, je dresse un bilan mitigé du texte adopté par le Sénat. Si les principales lignes directrices votées par l'Assemblée nationale ont été maintenues, certaines dispositions soulèvent ponctuellement des difficultés.

Des points de convergence ont été trouvés, ce dont je me réjouis. La rédaction de l'article 6 portant création du contrat d'engagement républicain, qui constitue une disposition majeure de notre texte, me semble équilibrée. Si elle devait être modifiée, ce ne pourrait être qu'à la marge. À cet égard, je défendrai un amendement relatif à l'obligation de notification aux autres collectivités de la décision de retrait d'une subvention en raison du non-respect de ce contrat. Cette modification n'altère pas les grandes lignes de l'article.

L'article 7 peut être conservé en l'état. Le Sénat en a complété les dispositions sans en bouleverser l'économie générale. La version que nous examinerons dans les jours à venir donne satisfaction.

Pour d'autres articles, le travail d'amendement doit être poursuivi. L'article 8, relatif au régime de dissolution administrative des associations ou groupements de fait, doit, me semble-t-il, être rétabli dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. Les motifs de dissolution supplémentaires introduits par le Sénat soulèvent la question de l'application concrète de la dissolution administrative, « arme de destruction massive » qu'il convient de manier avec la plus grande précaution.

S'agissant de l'article 9 visant à renforcer le contrôle de l'État sur les fonds de dotation, la rédaction du Sénat nécessite quelques ajustements, notamment pour éviter de trop contraindre le pouvoir d'appréciation du préfet en matière de suspension ou de demande de dissolution d'un fonds.

Je défendrai un amendement à l'article 11 visant à faire en sorte que la nouvelle obligation déclarative imposée aux organismes délivrant des reçus fiscaux à leurs donateurs soit applicable aux dons consentis à partir de 2021, et non 2022, comme le Sénat l'a prévu.

Nous rétablirons la rédaction de l'article 12 adoptée par l'Assemblée nationale s'agissant de la notification, par l'administration fiscale, aux organismes sans but lucratif de la suspension de leurs avantages fiscaux.

Ainsi, à l'exception de l'article 8, les dispositions du chapitre II du titre Ier issues du Sénat ne seront modifiées qu'à la marge. La concordance de vues entre nos deux assemblées démontre la pertinence des mesures que nous proposons. Les associations sont l'un des piliers de notre pacte républicain et l'un des premiers remparts contre les séparatismes. Nous demeurerons à leurs côtés pour les soutenir et les aider dans leur mission.

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S'agissant du chapitre III du titre Ier, relatif au respect des droits des personnes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, l'article 15 a été le seul adopté conforme par le Sénat. Il vise à limiter le bénéfice de la pension de réversion à un seul conjoint survivant en cas de polygamie ou de conjoints multiples, dans le respect des engagements internationaux de la France.

Le Sénat a supprimé l'article 13, relatif à la réserve héréditaire. Je proposerai de le rétablir. En effet, il est essentiel de renforcer la protection des héritiers réservataires, en particulier des héritières réservataires.

S'agissant de l'article 14, je proposerai de rétablir le principe d'un examen individuel de la situation du conjoint de la personne polygame, qui permet d'accorder une attention particulière à la situation des femmes subissant la polygamie. En outre, il les place en situation d'autonomie et de responsabilité pour déposer leur propre demande de titre de séjour.

À l'article 16, relatif à l'interdiction des certificats de virginité, je proposerai de supprimer les dispositions ajoutées par le Sénat faisant obligation au médecin d'informer la patiente. Cette obligation fait déjà partie de ses missions et est respectée en pratique.

Au délit d'incitation à la demande d'un certificat de virginité créé par l'article 16 ter, le Sénat a ajouté un délit d'incitation et de contrainte à se soumettre à un examen visant à attester de la virginité. Il semble nécessaire de ramener à un an d'emprisonnement la peine encourue. Si le prévenu est mineur, nous prévoyons d'aligner le quantum de peine sur celui prévu pour l'incitation à la demande d'un certificat de virginité.

S'agissant de l'article 17, relatif au renforcement de la lutte contre les mariages forcés ou frauduleux, il me semble opportun de supprimer la base de données introduite par le Sénat, ainsi que la réduction de quinze à huit jours du délai accordé au procureur de la République pour statuer.

Je proposerai de supprimer deux articles introduits par le Sénat : l'article 14 bis A augmentant, de façon disproportionnée me semble-t-il, le quantum de peine applicable au délit de polygamie, et l'article 15 bis, satisfait, prévoyant le signalement au parquet des situations de polygamie par les organismes débiteurs des prestations familiales.

Enfin, je proposerai de conserver deux articles introduits par le Sénat : l'article 14 bis AA ajoutant une réserve à la délivrance et au renouvellement des titres de séjour des individus dont il est établi qu'ils ont manifestement exprimé un rejet des valeurs et des principes de la République, et l'article 16 bis A aggravant les sanctions relatives au délit d'incitation ou de contrainte à l'excision des mineures.

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La nouvelle lecture du projet de loi confortant le respect des principes de la République offre une cinquième occasion – si l'on inclut la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet – d'aborder le sujet de la haine en ligne. Les drames survenus récemment confirment qu'il est urgent de réguler les réseaux sociaux et de progresser dans la lutte contre l'impunité, à l'heure où s'ouvre le procès des individus qui ont menacé la jeune Mila.

Nous sommes proches d'un consensus. Il ne s'agira pas de balayer d'un revers de main le travail du Sénat, qui a validé l'essentiel des dispositions que nous avons adoptées en première lecture, poursuivant légitimement le travail parlementaire. Les sénateurs ont adopté conformes les articles 18 bis A et 18 bis, relatifs respectivement à la protection et à l'exemplarité des personnes dépositaires de l'autorité publique. Ils délivrent un message essentiel, à l'heure où l'uniforme et l'autorité qu'il incarne sont la cible de ceux qui veulent déstabiliser notre République et où les manifestations de racisme décomplexé se multiplient.

Sur l'article 18, qui crée un délit mettant un terme à l'impunité dont jouissent ceux qui accrochent des cibles dans le dos des gens sur les réseaux sociaux, les deux chambres du Parlement semblent aussi alignées. Les sénateurs ont légitimement enrichi le texte de dispositions relatives au cas particulier des journalistes. Nous proposerons de les maintenir, en en précisant la rédaction.

S'agissant de l'article 19, relatif à la lutte contre les sites miroirs, le Sénat a mené un travail approfondi consistant à remettre à plat la procédure judiciaire pour en améliorer l'efficacité. Nous proposerons de conserver ces évolutions, tout en renforçant les garanties procédurales.

En matière de régulation des plateformes numériques, objet de l'article 19 bis, nous sommes sur la même longueur d'onde, à quelques précisions près, notamment en ce qui concerne l'application des dispositions à Wikipédia et aux moteurs de recherche. J'expliquerai au cours du débat pourquoi il est nécessaire de maintenir ce champ d'application. En tout état de cause, au lendemain de l'accord du G7 sur la taxation des géants du numérique, le consensus du Parlement sur la nécessité de réguler ces acteurs et de mettre fin au laisser-faire est une belle perspective pour l'avenir.

La possibilité de juger en comparution immédiate les pourvoyeurs de haine a aussi recueilli l'assentiment du Sénat, avec quelques précisions bienvenues.

Je n'ai qu'un regret : la suppression du « permis internet », pour des motifs d'un autre temps, qui sont particulièrement choquants après le décès de la petite Alisha. Nous devons aider nos enfants et mieux les armer contre les dérives des réseaux sociaux. Nous proposerons de rétablir cette disposition, qui est au cœur de la lutte contre la haine en ligne, dont je rappelle qu'elle repose sur le triptyque « sanctionner, réguler, protéger ».

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S'agissant du chapitre V du titre Ier, les divergences entre le texte adopté par l'Assemblée nationale et celui issu du Sénat sont profondes et nombreuses. La principale concerne l'autorisation préalable à l'IEF, dont nous avons longuement débattu en première lecture.

Le Sénat a rétabli le principe de la simple déclaration. Pour notre part, nous souhaitons rétablir la rédaction de l'article 21 résultant de nos travaux, auxquels ont concouru tous les groupes. Elle prévoit notamment la modification du quatrième motif justifiant l'IEF, des dispositions transitoires pour les familles qui la pratiquent déjà, la possibilité de déroger au caractère annuel de l'autorisation, le rattachement administratif à un établissement scolaire et le report d'une année de l'application de la réforme. Cette rédaction équilibrée nous semble la mieux à même de préserver les besoins spécifiques de certains enfants, tout en garantissant le droit à l'instruction pour tous.

S'agissant des articles 22, 23 et 24, le Sénat a adopté peu de modifications, qui ne remettent pas en cause les grands équilibres du texte, mais dont il conviendra de discuter.

En revanche, il a inséré dans le texte plusieurs articles additionnels qui nous semblent particulièrement préjudiciables. S'agissant de l'enseignement supérieur, il a adopté des mesures de lutte contre le prosélytisme qui ne nous semblent ni nécessaires, ni proportionnées. S'agissant de la possibilité de suspendre les allocations familiales en cas d'absentéisme, elle nous semble contre-productive et stigmatisante.

Par ailleurs, le Sénat a supprimé des dispositions que je proposerai de rétablir, notamment la journée pédagogique de la citoyenneté pour les enfants instruits en famille et la présentation, par le Gouvernement, d'un rapport sur la mixité sociale dans les établissements d'enseignement publics et privés.

Les dispositions relatives au sport, qui font l'objet des articles 25 à 25 ter, révèlent des divergences significatives avec le Sénat, même si un accord a été obtenu sur quelques points. Je proposerai une rédaction revue en profondeur de l'article 25, relatif à l'application du contrat d'engagement républicain aux fédérations et aux associations sportives, ainsi qu'au contrôle de l'État sur le secteur sportif et aux modalités de délégation aux fédérations. Il est nécessaire de revenir sur les modifications adoptées par le Sénat, qui ont pour conséquence de brouiller les rôles respectifs de l'État et des acteurs du sport, et tendent à faire du contrat d'engagement républicain un outil confiant des pouvoirs régaliens au secteur sportif.

Par ailleurs, le Sénat a adopté plusieurs articles additionnels après l'article 25 : certains sont satisfaits par le droit en vigueur, d'autres imposent aux établissements sportifs des obligations trop lourdes, excédant de surcroît le cadre de leur action. Je proposerai donc de les supprimer.

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Sans maîtrise, la puissance n'est rien. Il faut bien constater que la droite sénatoriale, par abus de puissance publique, par illibéralisme, par démagogie, n'a pas su éviter la sortie de route. La dénaturation du texte au regard de ses objectifs initiaux a rendu impossible l'accord entre les deux chambres. Protecteur de la République et de ses principes, ce projet de loi n'a jamais eu pour intention la stigmatisation d'une religion et de communautés. De surcroît, les dispositions de la loi, pour être effectives, doivent respecter notre loi fondamentale.

Depuis le début de l'examen du présent projet de loi, plusieurs réformes essentielles visant à lutter contre le séparatisme ont vu le jour : la réforme de l'accès aux charges publiques, les travaux sur l'éducation prioritaire, la plateforme anti-discriminations, le soutien aux jeunes et aux familles populaires. Ce travail complémentaire se poursuit, ce qu'il faut saluer.

Celui que nous avons à effectuer dans le cadre de la présente commission spéciale vise, selon moi, à retrouver l'équilibre construit à l'Assemblée nationale. Telle est l'intention des rapporteurs. Je proposerai donc, pour la partie du texte que j'ai l'honneur de rapporter, de rétablir les dispositions relatives au contrôle du financement des associations cultuelles et à la police des cultes, que nous avons consciencieusement élaborées en première lecture, en tenant compte des apports de tous les parlementaires de cette assemblée.

Les principales modifications concerneront l'article 33, relatif au renforcement des obligations administratives et comptables des associations cultuelles. Il s'agira de rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale. À un mécanisme à plusieurs seuils, nous préférons un seuil unique, en deçà duquel l'obligation de certification des comptes ne s'applique pas. Nous conservons la disposition essentielle qu'est le contrôle, assorti d'un droit d'opposition, du financement des cultes par des États, des personnes physiques ou des personnes morales étrangers. En matière de police des cultes, nous devrons également mener un travail de réécriture.

Après examen approfondi des travaux menés en 1905 et audition de plusieurs universitaires, je donnerai un avis favorable à l'amendement du Gouvernement rétablissant une aggravation des sanctions en cas d'infraction grave ou de provocation publique à la discrimination, la haine ou la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes lorsqu'elles sont commises sur les lieux où s'exerce le culte.

Nous réécrirons également les articles 43 et 44, qui prévoient respectivement l'interdiction de diriger ou d'administrer une association cultuelle en cas de condamnation pour terrorisme et la fermeture administrative temporaire des lieux de culte en cas de provocation à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes, sur le modèle de ce que nous avons construit dans le cadre de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT).

Je proposerai de rétablir également les dispositions balisées et validées par la juridiction constitutionnelle. S'agissant de l'article 43, je suggère de conserver l'aménagement de la durée d'interdiction de l'exercice d'une responsabilité associative selon le type d'infraction reprochée aux intéressés.

S'agissant de la police des cultes, je considère qu'elle est une police à part entière. Je m'interroge encore sur la nécessité d'expurger du texte certains cavaliers législatifs qui y figurent.

Enfin, je souhaite que les dispositions que nous adoptons trouvent leur application dans les collectivités d'outre-mer, tout en ménageant leur spécificité.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Lors de la première lecture, nous avons consacré du temps à ce texte important, tant en commission spéciale qu'en séance publique. Notre travail a été, me semble-t-il, guidé par l'esprit constructif dont le Gouvernement a souhaité que chacun fasse preuve, quand bien même les débats ont été passionnés et passionnants. Je remercie la Haute Assemblée de son travail, en dépit des divergences que nous avons constatées entre nos positions respectives. Le Gouvernement avait fixé des limites en déposant ce texte au Parlement ; il se réjouit que leur franchissement n'ait pas été accepté en CMP.

Ce projet de loi est un texte fort, et il convient d'éviter de le fragiliser en y intégrant des dispositions qui iraient trop loin – soit parce qu'elles ne seraient pas acceptées par nos concitoyens, soit parce qu'elles seraient manifestement contraires à la Constitution ou aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, ce qui est le cas de certains des articles adoptés par la Haute Assemblée. Nous souhaitons en effet qu'il entre en application rapidement, tant les mesures qu'il contient sont attendues par nos concitoyens.

Je me réjouis qu'il y ait eu un consensus, malgré quelques divergences, autour des dispositions relatives à la neutralité du service public, notamment l'extension des règles aux contractuels ou aux délégataires de service public. Des millions de salariés sont concernés.

Les lieux de culte séparatistes pourront être fermés, non plus seulement en cas de commission d'un acte terroriste ou d'intention d'en commettre un – infractions visées par la loi SILT –, mais aussi lorsqu'on est en mesure de caractériser ce que Gilles Kepel appelle le « djihadisme d'atmosphère ».

En ce qui concerne l'éducation, le texte contient des dispositions très fortes permettant de lutter contre la pullulation d'« écoles » clandestines – j'ose à peine employer le mot –, souvent engagées dans des dérives sectaires. Il aborde également la question difficile mais importante de la scolarisation à domicile. À ce propos, je regrette le manque de cohérence politique qu'il y a à demander beaucoup de mesures très fortes – parfois même trop fortes, selon nous – tout en trouvant de nombreuses excuses aux difficultés liées à la scolarisation à domicile, qui existent bel et bien, comme en témoigne la documentation abondante dont dispose le Gouvernement.

Le projet de loi permet de s'attaquer aux sites miroirs. Il transpose le Digital Services Act, en faveur duquel la France a beaucoup travaillé avec le commissaire européen en charge de la question, et dont le contenu a été rendu public depuis la présentation du projet de loi.

La création du délit de séparatisme nous aidera à intervenir contre des gens qui n'acceptent pas les règles de la République. Il sera également possible d'expulser du territoire national les étrangers qui ne respectent pas ces règles.

La protection des agents publics est renforcée, notamment par l'article 18, pour ne pas revivre des drames comme celui de l'assassinat de Samuel Paty.

L'ensemble des champs est donc concerné. Le texte donnera à l'État des moyens considérables pour se défendre contre le séparatisme islamiste et, de manière générale, ceux qui veulent renverser les valeurs de la République.

Si le Gouvernement souhaite que le texte fasse l'objet d'un travail consensuel avec les deux assemblées, il y a des règles auxquelles nous n'entendons pas déroger. Il n'est pas question, en particulier, de réécrire la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou la Constitution. Il ne s'agit pas ici de remettre en cause la liberté de croyance, la liberté d'opinion et la liberté de culte ; en un mot, l'objet du texte ne saurait être de remettre en cause la définition de la laïcité, telle que le constituant et les révolutionnaires de 1789 l'ont conçue. Nul ne peut être inquiété pour des opinions, y compris d'ordre religieux, et même si certaines opinions religieuses nous heurtent, elles ne doivent pas être interdites. C'est ce qui fait la grandeur du principe de liberté. Interdire une croyance religieuse dans l'espace public serait contraire aux principes mêmes du bloc de constitutionnalité. Accepter ces croyances est compatible avec la volonté d'imposer le modèle français, dont nous sommes fiers, et qui comprend la liberté de culte et la liberté d'expression, dans le respect de l'ordre public.

M. Houlié a eu raison d'évoquer les dispositions qui renforcent la liberté de culte, notamment celles qui sont relatives aux associations cultuelles. Attendues depuis très longtemps, elles clarifieront les règles entre le régime de la loi de 1901 et celui de la loi de 1905. Cela permettra de mieux organiser les cultes en France, et singulièrement le culte musulman, dont vous avez eu raison de dire, monsieur le rapporteur général, qu'il ne devait pas être montré du doigt : il s'agit d'un culte parmi les autres, qui doit être garanti et accompagné. Les dispositions relatives aux immeubles de rapport faciliteront le financement des lieux de culte, ce qui est un des moyens de lutter contre les dérives sectaires de l'islamisme auxquelles est confronté un grand nombre de pays occidentaux – mais aussi de pays musulmans.

Revenir sur ce texte fort en essayant de continuer à construire un consensus avec le Parlement, tous groupes politiques confondus, sans pour autant le fragiliser en y introduisant des mesures qui pourraient faire plaisir mais seraient à coup sûr invalidées par le Conseil constitutionnel et priveraient l'État de ses possibilités d'intervention pour imposer notre modèle : tel est l'état d'esprit dans lequel le Gouvernement aborde cette nouvelle lecture. Il importe de conforter la laïcité, pas de la redéfinir.

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Malgré les modifications substantielles qui ont empêché une conclusion positive de la commission mixte paritaire, je relève à l'ouverture de nos débats en commission spéciale que nos collègues du Sénat n'ont pas pour autant bouleversé l'économie générale ni l'ambition politique de ce projet de loi. Celui-ci vise, comme l'indique son titre, à conforter le respect des principes de la République et à lutter contre le séparatisme.

Dix-neuf articles ont été adoptés conformes. D'autres convergences se sont également dégagées à l'occasion des débats au Sénat. La richesse et le sérieux des dizaines d'heures que nous avons consacrées en première lecture à l'examen du texte et les 300 amendements que nous avons adoptés ont fourni au Sénat une base de travail solide, qu'il convient de ne pas perdre au fil de cette nouvelle lecture.

Sans préjuger de nos discussions sur chacun des articles, le groupe La République en Marche aborde cette nouvelle discussion avec une volonté politique claire.

Nous souhaitons, d'abord, rétablir l'équilibre dynamique du texte, qui a été rompu, en particulier dans le chapitre Ier du titre Ier et, dans la partie relative à l'éducation, autour de l'article 21. Nous avions pourtant patiemment construit cet équilibre en respectant la diversité des points de vue exprimés dans tous les groupes parlementaires. Nous souhaitions également nous assurer de la parfaite constitutionnalité du texte.

Ensuite, comme en première lecture, nous nous efforcerons de rassembler le plus largement possible la représentation nationale autour de mesures fortes, efficaces, qui permettent concrètement, sur le terrain comme dans le débat d'idées, d'opérer la reconquête républicaine des cœurs et des esprits.

L'actualité de ces derniers mois, parfois tragique, confirme que, face aux formes nouvelles que revêt la barbarie du terrorisme islamiste, face à la violence radicalisée, en forme de défi visant celles et ceux qui incarnent et font vivre la République – les policiers, les gendarmes, les pompiers, les enseignants, les élus –, nous devons savoir faire bloc, par-delà ce qui nous sépare.

Nous devons le faire en renforçant l'État de droit, comme nous l'avons déjà entrepris – je pense notamment aux mesures de dissolution d'officines islamistes, comme le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) ou BarakaCity, prises par M. le ministre de l'intérieur –, surtout pas en niant ou en relativisant l'offensive menée contre celui-ci, et encore moins en prônant des juridictions d'exception de triste mémoire, qui sont toujours l'antichambre de régimes autoritaires.

Face à l'islamisme, face à la volonté de briser l'unité de la République, dont la laïcité est un fondement à forte valeur ajoutée émancipatrice et universelle, notre pays a besoin que la représentation nationale sache faire bloc autour d'actes forts pour garantir et étendre la neutralité des services publics et des entreprises qui y concourent ; pour renforcer la protection et l'accompagnement des agents qui exercent une fonction publique ; pour protéger les associations, qui sont au cœur de notre vie démocratique, contre les menaces d'emprise séparatiste ; pour conforter le rôle prééminent de l'école dans l'éducation des jeunes, sans attenter à la liberté des familles ; pour agir radicalement contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne ; pour améliorer la transparence des conditions du libre exercice des cultes et la capacité à agir contre la déstabilisation islamiste du culte musulman. Sur ce socle de mesures, chers collègues, nous faisons le pari d'un consensus ambitieux.

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En préambule, je dénonce avec vigueur les conditions d'examen de ce projet de loi. Deux textes législatifs d'importance sont examinés en même temps à l'Assemblée, tous deux faisant l'objet d'une commission spéciale : le présent projet de loi, en commission, et le projet de loi relatif à la bioéthique, en séance.

Comment ne pas voir dans ce choix de calendrier une manœuvre transparente, à quinze jours d'une élection territoriale ? Monsieur le président de la commission spéciale, vous êtes tête de liste aux élections régionales. La concomitance est troublante, et ce d'autant que le texte sera examiné en séance non pas la semaine qui suit cette commission, comme c'est ordinairement l'usage, mais à la fin du mois. Il n'y avait donc aucune urgence législative, mais l'Assemblée nationale, bonne fille, s'incline, au mépris de son indépendance. Bon nombre des membres de la commission spéciale seront retenus en séance et ne pourront participer au vote des amendements et des articles. Sans doute traduirez-vous cela par l'apaisement d'un débat auquel, en réalité, peu d'entre nous auront pu participer.

Lors de la CMP, M. le rapporteur général a déclaré que des rapprochements avec le texte du Sénat étaient possibles, à l'exception de deux lignes rouges : la question du voile des accompagnatrices scolaires et celle de l'instruction en famille. Ces questions sont d'ailleurs des lignes rouges pour nous aussi. Quoi qu'il en soit, nous étions donc dans l'attente d'évolutions significatives pour le reste. Hélas, dès les premiers amendements des rapporteurs, le ton a été donné et les suppressions se sont enchaînées. La neutralité religieuse pour les personnes participant au service public de l'éducation ? Supprimée. La neutralité religieuse des accompagnatrices scolaires ? Supprimée. La neutralité religieuse dans les piscines ? Supprimée. L'interdiction de signes religieux ostensibles pour les mineurs ? Supprimée. L'interdiction des emblèmes religieux sur les affiches électorales ? Supprimée. Convenez qu'en matière de rapprochement des points de vue, il y a mieux.

Pourtant, l'actualité récente nous a offert bien des exemples montrant la nécessité d'une loi courageuse. D'ailleurs, cette actualité vous a contraint, monsieur le ministre de l'intérieur, à modifier votre texte au Sénat pour contrer des dispositions concernant, ici la construction d'une mosquée, là celle d'une école musulmane. On ne saurait échapper à la réalité, car elle se rappelle à nous.

Je pense à Mila et à son extraordinaire courage à l'ouverture du procès de certains auteurs des messages de haine qui la visaient – ce qui montre que ces personnes peuvent d'ores et déjà être poursuivies, sans que le texte y soit pour quoi que ce soit puisqu'il n'a pas encore été adopté.

Je pense à la présidente de l'UNEF, qui peut très tranquillement continuer à admettre la tenue de réunions non mixtes, interdites aux blancs. Mais vous refusez nos amendements sur la neutralité à l'université.

Je pense aussi à Chahinez, brûlée vive par son mari pour la punir d'avoir voulu se vêtir et vivre comme une Française. Mais vous refusez que l'on parle du voile. Les petites musulmanes voilées dès la prime enfance ne sont pas votre problème.

Que dire de l'enquête de l'Institut Montaigne, qui démontre l'inquiétante progression des conflits liés à l'islam rigoriste ou radical en entreprise ? Mais ce n'est pas votre sujet.

Alors oui, à la veille de cette nouvelle lecture à l'Assemblée, et alors que le projet de loi devrait donner des signes plus puissants encore de résistance à un séparatisme qui ne dit toujours pas son nom dans le texte, nous sommes inquiets – mais résolus à faire, comme toujours, des propositions utiles, contrairement aux propos de M. Houlié, qui s'est permis de qualifier de démagogiques et d'illibérales les propositions du Sénat. Les sénateurs apprécieront ! Ce n'est pas ainsi que nous avancerons.

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Je parlais non pas du Sénat, mais de la droite sénatoriale !

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Il ne m'appartient pas de faire le moindre commentaire sur vos propos quant au fond ; néanmoins, quant à la forme, tout ce que vous avez dit ne relève que de la polémique de la part d'un groupe d'opposition. Vous savez très bien qu'il arrive constamment que l'Assemblée examine des textes en séance pendant que d'autres sont étudiés en commission.

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Ce n'est jamais arrivé pour deux textes examinés par des commissions spéciales !

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Le projet de loi relatif à la bioéthique est en cours d'examen devant le Parlement depuis quasiment deux ans. Il chemine donc à un rythme extrêmement lent – et fait d'ailleurs l'objet de nombreuses mesures d'obstruction de la part de députés de votre groupe. Il est examiné en parallèle des travaux de notre commission, de la même façon que d'autres textes étaient examinés lorsque nous siégions en commission lors de la première lecture. C'est tout à fait normal. Au Sénat aussi, quand ce texte a été examiné en commission, d'autres textes importants l'étaient en parallèle en séance.

En ce qui concerne le fait qu'il y ait un peu plus d'une semaine entre la fin de nos travaux en commission et la date de dépôt des amendements pour la séance, il vous est arrivé, en d'autres occasions, de vous plaindre de délais trop courts. Quoi qu'il en soit, je ne vois pas en quoi cela nuit d'une quelconque façon à l'examen du texte. Tout au contraire, cela permet d'avoir le temps de l'examiner dans de bonnes conditions. Chacun a eu le temps de déposer des amendements pour la commission, puisque la CMP s'est réunie le 12 mai et a été déclarée infructueuse le même jour, et l'examen en séance aura lieu à partir du 28 juin. Il n'y a vraiment rien d'autre à dire sur ce point. Mieux vaut intervenir sur le fond, comme vous l'avez d'ailleurs fait après.

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L'esprit du texte adopté par nos collègues du Sénat n'est pas celui du texte que nous avions nous-mêmes adopté. S'ils ont très utilement modifié certains articles, en apportant ici et là des précisions ou en complétant nos propositions, nos collègues en ont surtout dévoyé l'esprit initial pour des raisons d'agenda médiatique. Je le regrette, car la question dont traite le projet de loi mérite un débat apaisé.

Il nous incombe donc de revenir à une rédaction plus équilibrée, conciliant les apports utiles de nos collègues et le rétablissement de certains articles tels qu'issus de nos débats. Le groupe démocrate s'est donc concentré sur cet objectif et a fait le choix de ne défendre qu'une vingtaine d'amendements, tous principalement axés sur le rétablissement de la rédaction sur laquelle nous nous étions mis d'accord. Parmi les nombreuses dispositions que nous souhaitons voir réintégrées au texte, quelques-unes nous importent plus particulièrement.

S'agissant de l'instruction en famille, notre groupe défendra avec ferveur la réécriture de l'article 21. Mes collègues Géraldine Bannier, Frédéric Petit et Jean-Paul Mattei étaient parvenus à trouver une articulation satisfaisante pour les familles et les enfants. Nous vous proposons donc d'y revenir.

Nous tenons vraiment à la demande de rapport relative à la mise en place d'un fonds de soutien aux associations et collectivités territoriales œuvrant à la promotion des principes républicains. Il s'agirait d'évaluer la possibilité de créer un tel fonds, sa pertinence pour le monde associatif et les leviers existants pour l'abonder. Lors de nos débats, Philippe Vigier avait évoqué l'idée de calquer ce fonds sur le modèle du Fonds de développement de la vie associative.

Comme d'autres groupes, nous défendrons un amendement visant à supprimer les alinéas 10 à 14 de l'article 1er, introduits par nos collègues sénateurs, relatifs aux accompagnateurs scolaires. Le débat n'a pas nécessairement sa place dans le texte. Cela dit, le groupe démocrate est convaincu qu'il faut travailler à ces questions, en les étudiant pour ce qu'elles sont, sans les réduire à quelques outrances médiatiques mais sans nier leur existence. La prudence est de mise, certes, mais elle n'empêche pas la fermeté.

C'est pour cela que nous espérons également avancer sur le problème des réunions non mixtes, qui relèvent d'une démarche discriminatoire. Depuis plusieurs années, la pratique s'étend. Elle menace très directement le débat démocratique et républicain, dans lequel chacun doit trouver sa place. Nous travaillons donc à une proposition solide, adossée au contrat d'engagement républicain, en prévision de nos débats en séance.

Comme en première lecture, notre groupe s'attachera à veiller à un équilibre entre la nécessité de renforcer le pouvoir de la puissance publique et les mesures qui doivent améliorer l'adhésion de nos concitoyens au pacte et à l'idéal républicains.

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Le texte a été très largement modifié par le Sénat. Avant que nous n'engagions son examen en commission spéciale article par article, je ferai quatre remarques sur le fond.

Je partage l'analyse du rapporteur général et de quelques-uns des autres rapporteurs : avec ce texte, nous passons d'une laïcité de dialogue à une laïcité de combat. Nous revisitons nos libertés fondamentales, à notre sens d'une manière dangereuse, en ouvrant le champ à la surenchère sécuritaire – ce que démontre le texte qui nous revient du Sénat. À la suite des effroyables attentats qui ont meurtri notre pays, nous combattons un fondamentalisme islamiste qui n'est pas la religion musulmane, qui n'est pas le fait de citoyens musulmans. Ces derniers font partie de notre République, ils font nation avec nous, car, tous ensemble, nous respectons l'État de droit.

Nous avons toujours affirmé, après ces attentats, qu'il fallait se prémunir contre de tels crimes. Depuis 2015 – et la semaine dernière encore –, nous avons voté à dessein, et sans hésitation, des textes de loi facilitant cette action. Mais ces tragédies ne sauraient avoir raison de notre mode de vie, de nos libertés et, en définitive, de notre relation aux religions. Nous chérissons la laïcité, cette liberté de croire ou de ne pas croire, et la séparation de l'État et des organisations religieuses. Plutôt que de s'engager dans la radicalisation de la laïcité, nous préférons créer les conditions du rassemblement, au travers duquel peuvent s'exprimer toutes les croyances.

Deuxième remarque : il faut continuer à combattre les intégrismes et radicalisations manipulant une religion à des fins funestes. Que l'on demande au culte musulman de s'organiser, comme d'autres cultes l'ont fait dans le passé, ne pose pas de problème ; c'est même une nécessité absolue. Mais tel n'est pas l'objet du texte. En revanche, est maintenu un vaste système de contraintes s'imposant au culte ab initio, ce qui constitue une ingérence inacceptable, y compris au regard de la laïcité, et nous semble inutilement outrageant. Un grand nombre d'articles renforcent l'aspect autoritaire de la laïcité. « Ce n'est pas le bon moyen », affirmait l'historien Jean Baubérot dès la première lecture. Que dirait-il à la lecture du texte issu du Sénat, qui, comme l'ont dit certains, tendrait presque à interdire le port des babouches ?

Troisième remarque : le respect des principes de la République ne saurait être négocié dans le cadre d'un contrat d'engagement républicain. On peut envisager une charte, mais pas une contractualisation avec la République. On nous dit que cela se limitera à une case à cocher dans une demande de subvention. Le problème est que toutes les associations, quelles qu'elles soient, seront sous contrôle. En réalité, nous avons tous les textes permettant d'agir contre le fléau de la radicalisation. Ce qui nous manque, ce sont les femmes, les hommes, les outils et les moyens permettant de surveiller celles et ceux qui doivent l'être. Ajouter un nouveau texte tous les matins ne fait pas avancer ce sujet majeur.

Quatrième remarque, et conclusion : le projet de loi comporte quelques bonnes mesures mais rate son objectif. On fait mal à ceux qui n'ont pas à recevoir des coups mais on n'est pas efficace avec les véritables ennemis. La difficulté est que nous avons construit notre propre séparatisme : par la ghettoïsation excessive, nous avons concentré la misère et les difficultés. C'est d'ailleurs ce que disait le Président de la République lui-même. S'ajoute à cela une carence béante dans le domaine de la psychiatrie et du suivi de certains individus qui sont au-delà du séparatisme et relèvent bel bien de la folie.

La tâche qui se présente à nous est immense. La solution ne saurait venir d'un texte de loi de cette nature. La République est aussi – et d'abord – une promesse qui se fonde sur des valeurs sociales et inclusives. Nous devons mener des politiques publiques ciblées pour susciter l'adhésion, tout en permettant à notre État de droit de s'occuper efficacement des égarés dangereux.

C'est à l'aune de ces remarques et du caractère proportionné et nécessaire des dispositions qui touchent à nos libertés fondamentales que nous examinerons ce texte en nouvelle lecture.

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Quel est le but que nous devons rechercher à travers ce projet de loi ? Est-ce une vision de la République qui interdirait tout signe religieux dans l'espace public ? Non, car ce serait nier la liberté de conscience, garantie par la Constitution. Serait-ce alors une vision de la République qui prônerait l'émergence de communautés, au nom de la liberté individuelle ? Non plus, car ce serait ignorer les dangers du communautarisme pour notre société. Pour ma part, je considère que notre devoir est de rechercher le juste équilibre.

L'objectif du projet de loi est de renforcer les principes républicains, qui sont au cœur de notre vision de la laïcité, parce que, précisément, la laïcité a cette vertu de nous permettre de vivre ensemble. Il s'agit d'une vision de la laïcité qui s'inscrit dans la philosophie d'Aristide Briand, pour lequel la loi de 1905 accordait aux citoyens la pleine liberté d'exercer leur culte, sans autre limite que le respect de l'ordre public.

Cela demande d'avoir le sens de l'équilibre, le courage de la nuance et de ne pas céder à la radicalisation des esprits. C'est un choix exigeant, un choix complexe, mais ô combien essentiel, un défi que nous avions su relever collectivement lors de la première lecture.

« Jamais le bouillonnement des idées ne peut faire du mal à un pays comme le nôtre. C'est l'inertie mentale qui est mortelle pour lui. » Voilà ce qu'écrivait la philosophe Simone Weil dans L'Enracinement. Je veux saluer l'introduction au Sénat, par voie d'amendement, d'une journée de la laïcité, le 9 décembre. Le groupe Agir ensemble avait déposé un amendement similaire et se satisfait donc de cet apport.

Mais respecter un principe d'équilibre, c'est aussi supprimer certaines des dispositions ajoutées par nos collègues sénateurs, notamment l'article 1er bis AB. La Chambre haute a en effet inscrit l'interdiction pour les mineurs de porter « tout habit ou vêtement qui signifierait l'infériorisation de la femme sur l'homme ». Il n'est pas envisageable de légiférer en des termes aussi vagues et subjectifs. Ce nouvel article est contraire à de nombreux principes fondamentaux, notamment celui de sécurité juridique, ou encore au droit au respect de la vie privée. C'est pourquoi des amendements du groupe Agir ensemble et des groupes de la majorité demandent sa suppression.

Nous souhaitons également rétablir certains articles dans leur rédaction d'origine, débattue et votée par l'Assemblée. C'est le cas, par exemple, de l'article 6 relatif au nouveau contrat d'engagement républicain. Nous avons déposé des amendements en ce sens avec les groupes de la majorité.

Nous regrettons également la suppression de l'article 20 bis par le Sénat. Face à la prolifération et à la banalisation de la haine en ligne, il offrait une égalité de protection, notamment pour les personnes transgenres.

Le groupe Agir ensemble défendra également le rétablissement de l'article 21 ter, introduit sur l'initiative du groupe LaREM, prévoyant l'organisation à titre expérimental d'une journée pédagogique de la citoyenneté pour les enfants instruits en famille.

En conclusion, je rappelle que le texte ne se réduit pas à un projet contre des ennemis de la République : il s'inscrit dans une vision positive de ce que notre nation veut produire de commun, une vision ouverte de la société, refusant les amalgames faciles et les entraves aux libertés fondamentales, une société ouverte, ferme sur ses principes, rejetant toute forme de compromission avec celles et ceux qui défient la République. Par conséquent, notre groupe est fier de défendre, dans le cadre de la majorité présidentielle, ce texte de liberté, de protection et d'équilibre.

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Nous débattons à nouveau du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Avec mon groupe, nous avions accueilli favorablement ce texte faisant suite au discours des Mureaux du Président de la République. Nous accueillons dans le même état d'esprit cette nouvelle version du projet de loi, avec cependant quelques réserves.

L'islam radical, le séparatisme culturel et religieux, l'abandon des principes républicains dans de nombreux territoires fracturent la communauté nationale, poussent à la défiance et mènent parfois à des drames absolus comme celui de Samuel Paty, décapité – sans oublier les 270 autres Français massacrés.

Les islamistes pratiquent souvent la taqiya – la dissimulation. C'est pourquoi nous devons redoubler de vigilance. La laïcité, principe républicain essentiel, cardinal, dont l'islam politique est le premier ennemi, doit être défendue face à ses assauts. Il était donc absolument indispensable de faire évoluer la législation.

Nos débats dans l'hémicycle ont été particulièrement animés. En réalité, très peu d'amendements importants avaient été adoptés en première lecture, et le texte n'avait subi que peu de modifications sur le fond. Après son passage au Sénat, force est de constater qu'il a été largement modifié : alignement des obligations des salariés participant à une mission de service public sur celles des agents publics, interdiction du port des signes religieux ostentatoires ou encore financement des associations.

Nous regrettons que ces évolutions, dont certaines sont bienvenues, aient empêché la commission mixte paritaire d'être conclusive. Le renforcement de la neutralité des services publics, qui doivent être les digues infranchissables face au fait religieux, le contrôle financier des associations cultuelles, en particulier quand l'argent vient de l'étranger, ou encore des propositions pour lutter contre la haine en ligne, sont des ajouts au texte que nous soutenons pleinement. Je salue d'ailleurs la condamnation à cinq ans de prison, jeudi, à Cusset, d'un islamiste qui m'avait menacé de mort. J'étais présent, pour le regarder droit dans les yeux. Dans ses réquisitions, le parquet avait demandé sept ans d'emprisonnement.

Par ailleurs, concernant le volet éducation, je salue la position claire de nos collègues sénateurs afin d'éviter la stigmatisation des élèves qui reçoivent l'instruction à domicile. Garants d'une liberté fondamentale, nos collègues de la Haute Assemblée ont compris la nécessité de garder un régime de déclaration souple, tout en renforçant les capacités de contrôle pour détecter à la source les cas problématiques. Le texte s'est également enrichi de mesures utiles pour contrôler les dérives à l'école et lutter contre le décrochage scolaire.

Nous soutenons donc ce texte, malgré la crainte qu'il soit inopérant du fait de mesures insuffisamment ciblées, mais aussi parce que le volet social a été négligé. Le plan Borloo, par exemple, proposait de nombreuses solutions dont on aurait pu s'inspirer.

De plus, certaines propositions que nous avions faites et qui accroîtraient l'efficacité du texte seront à nouveau discutées. Je citerai, entre autres exemples, l'institution d'une fondation qui pourrait servir d'intermédiaire pour les fonds reçus de l'étranger afin d'éviter que le financeur soit aussi décisionnaire, et la création d'une infraction permettant de lutter efficacement contre des phénomènes de meute, caractérisés par l'affrontement entre groupes ethniques, sur fond de rivalités et de vengeances.

À titre personnel, j'émets une réserve sur l'interdiction des signes ostentatoires pour les mineurs dans l'espace public. Pourquoi devrait-on empêcher un jeune homme de 16 ans qui se rend à la synagogue ou une jeune fille de 15 ans qui va à l'église de porter une kippa ou une grande croix ? Ne nous le cachons pas : c'est l'islam politique, l'ennemi numéro un de la République.

Le projet de loi que nous allons étudier à nouveau est un texte majeur, d'urgence, qui déterminera l'état de concorde ou de discorde de notre société dans les années à venir. Les dispositions votées par le Sénat pour renforcer notre arsenal législatif sont bienvenues. Il ne faut pas avoir la main tremblante. Il convient d'assumer le combat contre un ennemi de l'intérieur qui gangrène la nation. Dotons-nous d'une République de combat. Comme le disait Euripide, « devant l'ennemi, il n'y a qu'un nom qui vaille : aux armes ! »

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Toutes les personnes attachées à la République ne peuvent que s'accorder sur la nécessité de lutter contre le fondamentalisme islamique. La question est de savoir quels moyens nous souhaitons utiliser pour faire face à la menace. Les outils que vous proposez dans ce texte ne sont pas toujours les bons. Ils sont, pour un grand nombre d'entre eux, attentatoires aux libertés publiques les plus fondamentales. Vous visez dans vos discours les terroristes islamiques mais, dans les faits, vous vous en prenez à tous les cultes, aux bons républicains, qui ne causent de tort à personne et se voient imposer toujours plus de contraintes inutiles. Ainsi, le projet de loi rate sa cible. Les modifications introduites lors de son examen à l'Assemblée et, pour une part, au Sénat, ne l'ont pas amélioré.

Certes, tout n'est pas à rejeter. La première catégorie d'articles, que nous soutenons, visent au renforcement des principes de la laïcité et de la neutralité du service public, et à la protection des fonctionnaires.

La deuxième catégorie réunit des articles qui pourraient être acceptables, mais qui sont soit déjà couverts par le droit existant, parfois par la jurisprudence, soit inapplicables. À titre d'exemple, le Sénat a eu raison de supprimer l'article 13, relatif à la protection des héritiers réservataires, car ce texte allait créer des contentieux internationaux sans fin, par exemple avec les États-Unis.

La troisième catégorie comprend des articles que nous combattons avec vigueur, car ils créent des outils liberticides et profondément inefficaces. L'article 6 prévoit ainsi la création, pour les associations, d'un contrat d'engagement à respecter les principes républicains. C'est absurde, car ces principes s'appliquent à tous. Si on adoptait le texte, les associations qui n'y souscrivent pas ne seraient-elles pas tenues de les respecter ? Si, évidemment. L'article 18, quant à lui, a un champ d'application encore plus large que l'article 52 – ex-24 – de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Le Conseil constitutionnel, que nous avons saisi, avec d'autres parlementaires, a logiquement censuré ce dernier texte, soulignant que « le législateur n'a pas suffisamment défini les éléments constitutifs de l'infraction » et « méconnu le principe de la légalité des délits et des peines ». Le même raisonnement risque fort de s'appliquer à l'article 18.

Les sénateurs ont néanmoins su se faire de meilleurs garants des libertés sur d'autres points. Nous pensons bien sûr à la réécriture de l'article 21. La volonté de l'Assemblée de revenir sur cette rédaction et de rétablir la suppression de l'instruction en famille est hautement problématique. Combien de terroristes islamiques ont-ils été scolarisés sous le régime de l'instruction en famille ? Aucun. Ils ont été éduqués, à ma connaissance, à l'école publique. La liberté de choisir les modalités d'instruction d'un enfant est le corollaire du principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement. Ce principe figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. L'article 21, dans la rédaction d'origine que vous entendez rétablir, est donc tout aussi inconstitutionnel.

Cela étant, nous regrettons et nous nous étonnons de certains dérapages du Sénat, comme l'interdiction de toute tenue qui « signifierait l'infériorisation de la femme sur l'homme », laquelle ouvre la voie à un arbitraire sans limite. De très nombreuses tenues pourraient, selon la subjectivité du juge concerné, entrer dans cette catégorie.

Enfin, malgré quelques améliorations, les dispositions sur les associations cultuelles continuent d'imposer des contraintes superflues à tous les bons citoyens, qui n'ont rien à voir avec le fondamentalisme.

Notre groupe s'opposera de nouveau très majoritairement au texte. Nous savons qu'il est peu probable, malheureusement, que nous arrivions à vous faire prendre conscience des importantes restrictions de libertés que le projet de loi fait peser sur l'ensemble de la société. Nous saisirons donc de nouveau le Conseil constitutionnel.

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Les profondes modifications introduites par le Sénat renforcent considérablement l'opposition du groupe La France insoumise à ce texte. La laïcité et la République ont de vrais ennemis, mais aussi de faux amis, qui se réclament de ces principes mais leur rendent un bien mauvais service. Nous nous opposons, pour ces raisons, aux amendements du Sénat et à la philosophie du texte, dans sa première comme dans sa deuxième mouture.

Les mots « République » et « laïcité » reviennent sans cesse mais, finalement, le citoyen s'y perd, parce que ces termes sont souvent employés pour aller à l'encontre de ce qu'est, selon nous, la réalité de la laïcité. La laïcité, en France, s'exprime d'abord à travers le respect de la loi du 9 décembre 1905, qui garantit la liberté de culte et de conscience. La République doit permettre aux citoyens de pratiquer leur religion en toute liberté, mais les religions ne peuvent bénéficier de financements publics. C'est à cela, d'abord, que nous devons veiller scrupuleusement.

Ensuite, il y a la question du terrorisme. Le fondamentalisme islamiste a armé la main de gens qui ont assassiné un certain nombre de nos concitoyens. Il doit être traité par les services de police et de renseignement, auxquels le texte ne fait absolument pas référence. M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur ont reconnu qu'un grand nombre des attentats qui nous ont frappés n'auraient pas pu être empêchés par ce texte.

Ce projet de loi procède de la volonté politique de faire débat, de donner le sentiment à nos concitoyens que le Gouvernement agit, en sous-entendant que certaines choses n'avaient pas été faites auparavant. On crée souvent un sentiment de suspicion généralisée en ratant les cibles et en manquant d'efficacité. Le texte que nous renvoient les sénateurs est, de ce point de vue, assez caricatural. Ils proposent, par exemple, de dissoudre les associations « qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non‑appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion ». Est-ce à dire que des familles espagnoles immigrées en France n'auraient plus le droit de se regrouper en associations ? Il revient aux services de police ou de renseignement d'apprécier si une association a une visée délictueuse.

L'interdiction du port de signes religieux par les accompagnatrices scolaires est tout aussi arbitraire et liberticide. Quelle est cette confusion entre le service public, qui doit garantir la laïcité, et ses usagers, auxquels on fait parfois appel pour pallier les défaillances du système scolaire ? Cela ne vise en réalité qu'une religion, ce qui heurte les principes républicains. Imagine-t-on, en effet, qu'un instituteur refuserait la présence d'un papa porteur d'une kippa lors d'une sortie scolaire ? Cela ne viendrait à l'idée de personne – du moins, ce n'est pas ma conception des choses. On a le droit de participer à une sortie scolaire, à la condition de ne pas faire de prosélytisme religieux.

De nombreuses autres dispositions procèdent de la même confusion.

Nous étions en désaccord radical avec la première version du projet de loi, car il ne renforçait ni la laïcité ni la République. Cette nouvelle mouture ne fait qu'aggraver les choses. Nous présenterons des amendements pour y remédier.

Ce qui renforcerait la laïcité – nous espérons être entendus sur ce point – serait l'application de la loi de 1905 dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. De surcroît, cela ferait économiser 60 millions d'euros chaque année aux contribuables.

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Le projet de loi, tel qu'il revient du Sénat, est inquiétant. Il se caractérise par une surenchère d'affichage. Loin de rassembler sur les principes de la laïcité et de la République, il blesse notre conception de la laïcité et se transforme en une arme de suspicion à l'égard d'une partie de nos compatriotes, soit en raison de leur religion, soit en raison de leurs activités associatives, sportives, d'éducateur, d'enseignant, etc.

Je me réjouis que les rapporteurs entendent revenir sur une série de dispositions du Sénat, mais il faudra aller plus loin. Ce texte présente une grande fragilité : il ne traite pas l'aspect éducatif et social. Or la fracturation de notre société a des causes sociales ; elle est liée à l'ignorance, à l'absence d'ouverture à la connaissance, au débat contradictoire et critique. Le groupe GDR s'opposera à certaines dispositions adoptées par le Sénat, mais proposera aussi des amendements pour améliorer le projet de loi.

Nous nous opposerons très nettement à l'interdiction du port de signes religieux, tant pour les parents accompagnateurs des sorties scolaires que, plus généralement, dans l'espace public. La République française reconnaît la liberté de croire ou de ne pas croire, qui est consacrée par la loi de 1905, par une certaine conception de la laïcité. Je ne vois pas au nom de quoi on interdirait « les signes religieux » – j'emploie à dessein le pluriel, car il y a d'autres signes religieux que le voile. Va-t-on interdire à un curé de sortir en soutane dans l'espace public ? Soyons sérieux, oublions le voile et parlons de la laïcité et des principes de la République.

Je voudrais insister sur la question de l'école. Lorsqu'une jeune fille refuse d'aller à la piscine, cela peut s'expliquer par le fait qu'elle éprouve des difficultés dans son rapport au corps, qu'elle peine à accepter le regard des autres. Il ne faut pas sanctionner la famille, en cas d'absentéisme, en supprimant les allocations familiales, car cela revient à punir l'enfant ; il faut éduquer, débattre, comprendre, accompagner la jeune fille ou le jeune homme pour lui permettre de reprendre sa pratique sportive. C'est dans cet esprit que le remarquable lycée Maurice-Utrillo de Stains a organisé une semaine de débats, auxquels j'ai participé, avec des élèves qui refusaient la pratique sportive. De jeunes champions et championnes avaient été invités à leur présenter leur parcours sportif et à leur expliquer ce que le sport avait fait pour leur corps, leur bien-être psychique et physique.

Le Sénat doit avoir quelque chose contre la pratique sportive, car il a adopté plusieurs dispositions étonnantes. L'une d'elles, qui vise les professeurs d'éducation physique et sportive (EPS), me fait honte. Pourquoi un professeur d'EPS devrait-il signer une charte des principes républicains, et non un professeur de français ou de mathématiques ? Les enseignants seraient-ils moins républicains, dans cette discipline ? Les sénateurs devraient lire la charte du Comité international olympique (CIO), qui interdit les signes religieux dans les pratiques sportives.

Je me réjouis que Mme la rapporteure ait affirmé que nous continuerions à soutenir les femmes victimes de polygamie.

Dans le cadre de ce débat, le groupe GDR s'efforcera d'être aussi constructif que possible.

TITRE ier Garantir le respect des principes de la RÉpublique et des exigences minimales de la vie en sociétÉ

Chapitre Ier

Dispositions relatives au service public

Article 1er A : Garantie de la libre pratique des cultes

La commission est saisie des amendements de suppression CS619 des rapporteurs, CS732 du Gouvernement et CS371 de M. François Cormier-Bouligeon.

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Il s'agit de supprimer l'article 1er A. Ajouter au libre exercice des cultes leur libre pratique introduirait une redondance inutile, propice à de nombreuses interrogations de la part de la doctrine. Par ailleurs, il ne nous paraît pas opportun de modifier l'article 1er de la loi de 1905 qui, depuis plus de 115 ans, reflète un équilibre précieux.

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L'équilibre de la loi de 1905 repose sur son article 1er. Celui-ci dispose, dans sa première phrase : « La République assure la liberté de conscience » et, à la phrase suivante : « Elle garantit le libre exercice des cultes […] ». Cet article est issu de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. L'ajout des sénateurs est, au mieux, superfétatoire et, au pire, dangereux au regard de l'équilibre souhaité par le législateur de 1905. Si la République assure la liberté de conscience, elle ne fait que garantir le libre exercice des cultes « sous les restrictions édictées […] dans l'intérêt de l'ordre public. » Ajouter les mots « et la libre pratique » induirait sans doute un encadrement moins strict de la liberté d'exercice du culte et une mise en avant symbolique et juridique de cette liberté, au détriment de la liberté de conscience. Or cette dernière était la priorité du législateur en 1905. C'est pourquoi il convient de s'y tenir en supprimant l'article 1er A.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Nous défendons l'amendement pour les raisons précédemment exposées.

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M. Cormier-Bouligeon a raison de rappeler que la loi de 1905 reconnaît en premier lieu la liberté de conscience, et cela a pour conséquence que la République assure – garantit, protège – également la liberté de culte. Je saurai lui rappeler, dans la suite du débat, que la liberté de conscience permet à nos concitoyens d'afficher leur foi, dans le respect de la loi.

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Le groupe Socialistes et apparentés s'associera à la demande de suppression de l'article. Nous adopterons la ligne que nous avons toujours suivie, à savoir toucher le moins possible à la loi de 1905. L'article 1er A n'apporte rien. Le simple fait qu'il soit superfétatoire justifie sa suppression.

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Vous affirmez qu'il faut toucher le moins possible à la loi de 1905. C'est un argument à géométrie variable : lorsque vous avez envie de la modifier, vous le faites ; lorsque nous souhaitons l'amender, c'est indu.

L'actualité récente nous a montré que la reconnaissance de la liberté de culte n'implique pas nécessairement le respect de la pratique religieuse. Je pense à l'attaque de la procession catholique par des antifas, la semaine dernière, à Paris, qui a d'ailleurs suscité assez peu de réprobation. On peut même dire que le silence médiatique et politique a été assourdissant.

La liberté de la pratique religieuse allait autrefois de soi. Le législateur de 1905 avait reconnu que l'obligation de neutralité religieuse n'empêchait pas certaines pratiques, telles que les pardons en Bretagne, les processions ou le port de la soutane – jamais on en aura autant parlé, pourtant je ne connais pas beaucoup de prêtres qui la portent… J'ajoute que, lorsque je parle du voile, je ne pense pas à l'habit des gens d'église, puisque c'est une tenue particulière qui permet de les identifier.

Il y a sans doute plus de raison de défendre la liberté de la pratique religieuse aujourd'hui que ce n'était le cas en 1905, hélas !

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J'invite à voter la suppression de l'article, qui me semble dangereux. Il signifie en effet que la loi de 1905 ne protège pas la liberté d'exercice du culte. Depuis 1905, les processions sont autorisées, sous réserve qu'elles n'entraînent pas de troubles à l'ordre public. Les auteurs de cette disposition croient protéger le libre exercice du culte, mais il serait utile de définir ce qu'est le culte. On peut prier chez soi, dans la rue ou dans un lieu de culte… Il faut protéger la liberté de conscience et la liberté de culte.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 1er A est supprimé et l'amendement CS164 de Mme Anne-Laure Blin tombe.

Article 1er : Respect des principes d'égalité, de neutralité et de laïcité par les salariés participant à une mission de service public

La commission est saisie des amendements CS33 de Mme Annie Genevard, CS269 de M. Éric Ciotti et CS34 de Mme Annie Genevard, faisant l'objet d'une discussion commune.

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L'amendement CS33 vise à susciter la réflexion sur la neutralité religieuse au sein, non de l'espace public, mais des espaces de service public. Je dénonce l'interprétation mensongère qui est faite de cette proposition du groupe Les Républicains par un certain nombre de personnalités. Celles-ci travestissent notre initiative en affirmant que nous voulons interdire les signes religieux dans l'espace public, ce qui est faux : nous circonscrivons la disposition aux espaces de service public. Interrogez les maires, nombre d'entre eux vous diront que des gymnases et des salles de sport voient leur usage détourné à des fins de pratique religieuse, qui n'y a pas sa place. C'est une réalité.

Nous estimons que des signaux puissants doivent être envoyés et qu'il faut neutraliser religieusement certains espaces dédiés à l'intérêt général et au service public. C'est le sens d'une disposition sénatoriale relative aux compétitions et événements sportifs – que vous allez supprimer, naturellement, puisque vous entendez ne rien retenir, ou quasiment rien, des propositions du Sénat. Ce n'est pas que les sénateurs sont obsédés par le sport, madame Buffet, c'est que, comme l'ont montré M. Poulliat et M. Diard dans leur rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation, cette dernière s'exprime de manière privilégiée dans le cadre de la pratique sportive et au sein des espaces qui lui sont dédiés. Ce sont des faits documentés. Le principe de réalité s'impose, et nous devons prendre des décisions courageuses.

Par l'amendement CS34, nous voudrions revenir sur la notion de discrétion religieuse qui, je le conçois, n'est pas aisée à définir. Elle allait de soi autrefois. Combien de personnes portent la médaille ou la croix sous le vêtement ? La plupart des gens le font, même si, aujourd'hui, la discrétion ne coule plus de source. Le voile est un outil militant. Les Français sont majoritairement favorables à la discrétion religieuse, non parce qu'ils sont obsédés par l'islam, mais parce qu'ils voient le monde, leur environnement changer. Nous ferions œuvre utile en introduisant cette notion dans le droit. Un grand ministre socialiste, autorité morale en la matière – Jean-Pierre Chevènement, pour ne pas le citer – l'a dit en son temps. En matière de défense des principes républicains, je suis plus proche de lui que de vous.

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J'entends ce que vous dites, madame Genevard, et j'apprécie votre référence à Jean-Pierre Chevènement. Cependant, nos textes fondamentaux n'opèrent aucune distinction entre les espaces publics et les « espaces de service public », une notion que vous introduisez dans votre amendement CS33. La qualité d'usager prévaut quel que soit le type d'espace.

Vous avez invoqué le principe de discrétion religieuse. Or, dans son avis du 27 novembre 1989, le Conseil d'État indique qu'en l'absence de texte, la liberté religieuse des usagers du service public doit être limitée, que ces usagers ne sont donc pas autorisés à adopter un comportement de caractère ostentatoire ou revendicatif, et qu'ils n'ont pas non plus le droit d'accomplir des actes de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande. Cette jurisprudence me semble suffisante. On peut regretter qu'elle ne soit pas toujours suivie, mais il ne me paraît pas nécessaire d'aller au-delà. C'est pourquoi je suis défavorable aux trois amendements.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Même avis que la rapporteure.

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Jean-Pierre Chevènement a exprimé un avis plutôt positif sur ce projet de loi, parce qu'il distingue ce qui est de l'ordre de la règle, de la loi, et ce qui relève du comportement social. Lorsqu'a éclaté l'affaire de Creil, à l'occasion de laquelle il a parlé du « fichu fichu », il nous a invités à différencier l'espace scolaire, où les futurs citoyens doivent vivre ensemble sans pouvoir se rattacher à telle ou telle catégorie et où la loi doit donc imposer des règles, de l'espace public, où la discrétion religieuse est une question de bienséance et où il ne paraît pas nécessaire de légiférer.

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Mme Genevard a déclaré que la lutte contre l'islamisme politique n'était pas notre objectif. C'est le sujet que nous voulons traiter, mais ce n'est pas notre obsession pathologique. Nous ne sommes pas des entrepreneurs de l'indignation, ni de la fracturation : c'est la raison pour laquelle nous visons non seulement l'islam politique, mais également toutes les formes de radicalité religieuse, de façon générale.

Il n'existe aucune définition, ni géographique ni juridique, de la notion d'espace de service public. Parle-t-on des abribus ? Du parvis d'une mairie ? D'une place publique ? Vous reprenez là, madame Genevard, une proposition formulée par François Baroin lors d'une audition, si peu préparée qu'elle n'est pas crédible. C'est la raison pour laquelle nous repoussons vos amendements. Vous dites que nous ne sommes pas favorables à la neutralisation de l'espace public, mais vous, vous êtes pour l'extension du domaine de la lutte, si je puis dire ! Puisque vous définissez la notion d'espace de service public de façon si peu rigoureuse, nous pouvons continuer de dire sans rougir que vous plaidez pour une neutralisation extensive de l'espace public.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission est saisie de l'amendement CS291 de M. Xavier Breton.

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Cet amendement vise à mieux cibler les mesures du projet de loi. En première lecture, nous avons constaté que ce texte avait changé non seulement de dénomination, mais aussi d'objectif. À certains endroits, il contient des mesures qui peuvent paraître liberticides ou qui ratent leur cible. C'est pourquoi nous voulons préciser clairement que l'objectif est de « lutter contre l'entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes », ce qui correspondra beaucoup mieux à l'exposé des motifs du projet de loi.

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Cela n'est pas utile. Il suffit d'indiquer que le délégataire de service public est tenu de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Cette disposition figure tant dans le texte adopté par l'Assemblée nationale que dans celui modifié par le Sénat.

De nombreux amendements visent à apporter des précisions supplémentaires à l'article 1er. Or, plus on précise une disposition, plus on en limite la portée : si l'on mentionne une situation bien déterminée, on peut exclure toutes les autres situations par un raisonnement a contrario.

Avis défavorable.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Avis défavorable également. Outre que les explications apportées par Mme la rapporteure sont très justes, cet amendement introduit une précision qui nous semble inutile et inopérante du point de vue juridique, et source de confusion.

La commission rejette l'amendement.

La commission est saisie de l'amendement CS290 de M. Xavier Breton.

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Cet amendement rédactionnel fait suite à une observation exprimée par la Fédération française de l'Ordre maçonnique mixte international lors de son audition. Le principe de laïcité intègre la notion de neutralité : parler des « principes de laïcité et de neutralité » est donc redondant. Par cohérence avec la formulation retenue à l'article 2, nous proposons que soit mentionné le respect « du principe » de laïcité et de neutralité, puisque ces deux notions recouvrent un seul et même principe.

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J'entends votre argument mais, dans le cas d'espèce, il s'agit d'affermir la portée du principe de neutralité religieuse au regard du nombre croissant d'atteintes à ce principe dans les services publics, et surtout chez les délégataires de service public. Avis défavorable.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Même avis que la rapporteure.

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Qu'on emploie le pluriel ou le singulier, on ne parle plus de la « laïcité » mais du « principe de laïcité », ce qui sous-entend que la notion de laïcité ne serait pas définie et qu'il serait possible de l'interpréter de différentes manières – c'est l'objet d'un désaccord entre nous depuis le début de nos débats. En République, nous ne luttons pas pour « le principe d'égalité », mais pour « l'égalité ». De même, nous devons défendre « la laïcité », reconnue et exprimée dans la loi du 9 décembre 1905, en particulier dans ses deux premiers articles. Je ne vois pas en quoi cette question de singulier ou de pluriel clarifie les choses.

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Je pense, monsieur Ravier, que vous faites une mauvaise lecture de l'article 1er. Nous y évoquons « les principes de laïcité et de neutralité » : il y a deux principes, ce qui justifie le pluriel. Au-delà de la neutralité, il convient de respecter la liberté de conscience, la liberté religieuse, le pluralisme religieux.

La commission rejette l'amendement.

La commission est saisie de l'amendement CS91 de Mme Cécile Untermaier.

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Cet amendement, qui vise à rappeler le principe d'accessibilité, est généreux. Nous avons déjà eu cette discussion intéressante en première lecture, et j'avais souligné la cohérence entre les principes d'égalité, de neutralité et de laïcité dans les services publics, qui sont intimement liés et constitutionnellement reconnus. Le principe d'accessibilité, en revanche, comporte essentiellement une dimension sociale, mais également des aspects économiques et territoriaux qui n'ont pas de lien direct avec le présent projet de loi. Avis défavorable.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Même avis que la rapporteure.

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Je partage votre analyse : le principe d'accessibilité n'appartient pas au même registre que les principes de laïcité et de neutralité. Nous souhaitions toutefois déposer cet amendement pour rappeler que l'égalité des usagers devant le service public devait intégrer la notion d'accessibilité.

L'amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques CS36 de M. Robin Reda et CS228 de M. Charles de Courson.

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L'article 1er rappelle que les personnes participant à l'exécution du service public doivent s'abstenir de « manifester leurs opinions politiques ou religieuses ». Il manque l'exigence de neutralité philosophique : nous proposons donc de l'ajouter à cet article, d'autant que son absence peut, elle aussi, avoir un effet séparatiste.

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Traditionnellement, on vise les « opinions politiques, philosophiques ou religieuses ». Il est curieux que les opinions philosophiques aient été oubliées à l'article 1er, car elles n'ont rien à voir avec les deux autres catégories d'opinions mentionnées. Un agent public n'a pas à faire état de ses positions philosophiques.

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Selon moi, le principe de neutralité interdit l'expression de toutes les opinions, qu'elles soient religieuses, politiques, philosophiques ou même syndicales. En première lecture, contre mon avis, la commission avait ajouté la mention des opinions politiques. Je crois savoir que le Gouvernement donnera un avis de sagesse à ces deux amendements identiques, mais pour ma part, je serai cohérente avec la position que j'avais exprimée en première lecture en formulant un avis défavorable.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

La question se pose. Comme l'a annoncé Mme la rapporteure, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la commission.

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Mme la rapporteure aurait eu raison si elle avait déposé un amendement visant à supprimer la mention des opinions politiques. Dès lors que le mot « politiques » est maintenu, il est logique d'ajouter le mot « philosophiques ».

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En effet, à partir du moment où l'alinéa 1 de l'article 1er rappelle l'interdiction faite aux personnes participant à l'exécution du service public de manifester « leurs opinions politiques ou religieuses », l'ajout du terme « philosophiques » s'impose.

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L'ajout de l'adjectif « politiques » avait été demandé, en première lecture en commission, par M. Breton. Nous n'y étions pas très favorables car cette précision nous semblait inutile, pour des raisons rappelées par Mme la rapporteure. Si vous souhaitez à présent supprimer le mot « politiques », monsieur de Courson, nous y serons favorables.

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Il vous suffisait de déposer un tel amendement, monsieur le rapporteur général ! Vous ne l'avez pas fait : la logique est donc d'évoquer « les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ». Lorsque le Gouvernement émet un avis de sagesse sur un amendement, nous savons bien que cela signifie qu'il y est plutôt favorable.

La commission rejette les amendements.

La commission est saisie de l'amendement CS234 de M. Charles de Courson.

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L'article 1er comporte une faille : il ne précise pas les sanctions encourues en cas de non-respect des obligations qu'il prévoit. Je propose de compléter l'alinéa 1 par la phrase suivante : « Le défaut de respect de ces obligations par ces salariés ou ces personnes constitue une faute grave. »

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Nous avons déjà discuté de cette question à de nombreuses reprises, et nous en discuterons encore puisque vous avez déposé deux autres amendements à ce sujet. L'objet de l'article 1er n'est pas de prévoir des sanctions ; la détermination de ces dernières est renvoyée au niveau réglementaire par l'alinéa 4. Je donne donc à votre amendement, comme aux autres que vous avez déposés sur cette question, un avis défavorable.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Avis défavorable également. Cet amendement nous semble disproportionné et non justifié au regard de la pluralité des situations.

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Pourquoi renvoyer au pouvoir réglementaire la détermination de l'échelle des peines ? Il est de notre compétence de dire s'il est grave ou non, pour un fonctionnaire ou un agent public, de ne pas respecter les principes de laïcité et de neutralité dans l'exercice de ses fonctions. Est-ce un crime, un délit ou une contravention ? Où se situe cette faute sur l'échelle des peines prévues par le code de la fonction publique ? Si nous voulons lutter efficacement contre les abus, nous devons préciser qu'il s'agit d'une faute grave. En renvoyant cette question au pouvoir réglementaire, nous ne savons pas ce qu'il adviendra.

La commission rejette l'amendement.

La commission est saisie de l'amendement CS232 de M. Charles de Courson.

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Nous en venons à une question qui a déjà suscité des débats passionnés : les collaborateurs occasionnels bénévoles du service public sont-ils tenus au respect des obligations évoquées à l'alinéa 1 ? Le groupe Libertés et Territoires pense que non, et qu'il faut le dire clairement. C'est au législateur de trancher la question, au lieu de la renvoyer au pouvoir réglementaire ou à la justice.

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Avis défavorable. Les tiers pouvant être qualifiés de collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public ne sont pas soumis aux obligations de neutralité et de laïcité. Pour autant, certains textes particuliers ou des considérations liées à l'ordre public ou au bon fonctionnement du service permettent de restreindre la liberté de manifester des opinions.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Avis défavorable.

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Je serais prêt à retirer mon amendement si cette règle était inscrite quelque part. Qui a dit que les collaborateurs bénévoles et occasionnels n'étaient pas tenus au respect des obligations de neutralité et de laïcité ? Vous me dites que nous verrons bien. Non ! Quel que soit notre avis sur la question, c'est à nous, législateurs, de fixer une règle claire qui protégera les directeurs d'école et les principaux de collège qui ne supportent plus le flou autour de ce sujet. Certains chefs d'établissement m'ont dit qu'ils en avaient assez que le Parlement n'assume pas ses responsabilités.

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En effet, il serait bon de clarifier les choses, car cette question tracasse beaucoup les professeurs et directeurs d'école, à qui on demande de se débrouiller.

Pour ma part, ma position est claire : quand on sollicite de cette façon le concours de certaines personnes au service public, on ne peut pas leur imposer quoi que ce soit s'agissant de leur tenue vestimentaire. Toutefois, les parents ne doivent pas non plus faire de prosélytisme. Si je ne vois pas comment nous pourrions rejeter quelqu'un dont la tenue comporte un signe religieux, je trouverais choquant qu'un père ou une mère tienne, à l'occasion d'une sortie scolaire, un discours en faveur d'une confession religieuse ou d'un parti politique. Je ne sais pas trop comment nous pourrions exprimer cela d'un point de vue législatif, mais l'amendement de M. de Courson me semble quelque peu ambigu, dans la mesure où il dispose que les collaborateurs occasionnels du service public ne sont pas tenus au respect des obligations de laïcité et de neutralité. Ils ont tout de même certaines obligations, notamment celle de veiller à la sécurité des élèves sans se mêler du contenu des enseignements et en taisant leurs propres opinions. Quoi qu'il en soit, une clarification des règles applicables faciliterait beaucoup l'action de ceux qui œuvrent sur le terrain.

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Je n'aborderai pas tout de suite le fond du sujet, auquel nous pourrons revenir lorsque nous examinerons d'autres amendements allant dans le sens opposé.

Monsieur de Courson, votre amendement pose deux problèmes. Tout d'abord, vous l'avez rédigé comme si la notion de collaborateur occasionnel bénévole du service public existait déjà dans le droit positif, ce qui n'est pas le cas. Nous pourrions la créer, mais nous considérons que ce n'est pas utile. En outre, lorsque le service public fait appel à des collaborateurs occasionnels – une catégorie qui, donc, n'existe pas –, par exemple à des accompagnateurs scolaires, ces derniers ne sont pas tenus au respect des mêmes principes que les agents publics.

Sur le fond, vous avez pu constater que nous partagions votre volonté : c'est pourquoi nous voulons maintenir le droit existant. L'amendement étant inutile, je lui donne un avis défavorable.

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Je partage la position de M. de Courson. Cependant, la notion de collaborateur occasionnel du service public ne permet pas de définir un cadre juridique : elle ne constitue, pour la juridiction administrative, qu'un régime de responsabilité administrative. Voilà pourquoi le rapporteur général vient de dire que cette notion n'existait pas. C'est d'ailleurs la raison qui nous avait conduits à écarter un amendement similaire en première lecture.

Par ailleurs, dans un régime libéral, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. Si les personnes dont nous parlons ne sont pas visées par un régime d'interdiction particulier, alors elles sont, par définition, autorisées à agir de telle ou telle sorte – c'est d'ailleurs la lecture que font les juridictions.

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Je suis désolé, le statut de collaborateur bénévole du service public existe, et pas simplement en matière d'accompagnement scolaire. J'ai présidé pendant vingt-cinq ans le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Marne. Quand il y a un accident et qu'un individu qui n'est pas pompier volontaire intervient pour porter secours aux victimes, il est considéré comme collaborateur bénévole, puisqu'il n'est pas rémunéré. De même, si un désastre se produit dans une commune, que les ponts sont coupés et que les secours n'arriveront pas avant une heure ou deux, le maire peut solliciter le concours de certaines personnes qui, si elles ont un accident, seront qualifiées par la juridiction administrative de collaborateurs occasionnels bénévoles. Cette notion a été créée par la jurisprudence : c'est ainsi que M. Houlié a pu l'évoquer.

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Sans doute vous souvenez-vous qu'en première lecture, en commission, j'avais plaidé en faveur de la création de cette catégorie qui n'existe pas dans le droit positif mais dans la jurisprudence, en matière de responsabilité administrative. J'avais cherché à vous convaincre, parce qu'il me semblait que le principe de laïcité devait s'appliquer à cette catégorie de personnes que nous aurions ainsi créée. Je défendais donc une position opposée à la vôtre, monsieur de Courson, mais mon souhait était effectivement de clarifier la situation, au-delà du seul service public de l'éducation – dans le service public de la justice, que je connais bien, le même problème se pose.

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Mme Vichnievsky l'a très bien dit, il n'existe pas de catégorie juridique générale de collaborateur occasionnel du service public qui serait régie par les mêmes principes que ceux qui s'appliquent aux agents publics. En revanche, comme l'a rappelé M. Houlié, en droit de la responsabilité, il arrive ponctuellement que le juge prenne en compte certaines circonstances particulières et qualifie un individu de collaborateur occasionnel du service public, uniquement pour ce qui concerne la réparation des dommages subis ou provoqués.

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Non, elle n'existe pas : ce sont des reconnaissances au cas par cas, dans des circonstances particulières. Je vous invite, mon cher collègue, à lire avec moi les arrêts du Conseil d'État qui évoquent cette question. Lorsqu'une personne se jette à l'eau pour en sauver une autre, si elle subit un dommage, elle peut faire appel à une couverture de responsabilité qui existe depuis le XIXe siècle, avant même le vote de la loi de 1905 et la définition juridique du principe de laïcité. De fait, la notion de collaborateur occasionnel du service public n'a jamais existé en lien avec le principe de laïcité.

Sur le fond, nous sommes tout à fait d'accord avec M. de Courson, qui veut exonérer les collaborateurs occasionnels du service public de toute forme d'obligation de respect des principes de laïcité et de neutralité. Cependant, nous considérons que l'introduction de cette notion dans le droit positif, en lien avec le principe de neutralité, poserait une difficulté supplémentaire que nous chercherons précisément à repousser dans quelques instants.

La commission rejette l'amendement.

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinq à dix-huit heures quinze.

La commission est saisie de l'amendement CS37 de M. Robin Reda.

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Cet amendement s'inscrit dans le prolongement de la discussion qui a commencé tout à l'heure. À titre personnel, je suis favorable à la neutralité, en matière politique, philosophique et religieuse, des collaborateurs bénévoles du service public, comme nous les appelons, ou, autrement dit, de personnes exécutant indirectement des missions de service public.

Par cohérence, le projet de loi visant à codifier la jurisprudence du Conseil d'État en la matière, et afin de clarifier la situation, comme Charles de Courson l'a demandé, il conviendrait d'imposer l'obligation de neutralité lors de l'exécution directe d'une mission de service public. Cela exclurait la catégorie de personnes qui pour vous, vraisemblablement, ne peuvent pas exercer en toute neutralité une mission indirecte de service public.

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Au lieu de clarifier la situation, la rédaction de cet amendement rendrait l'article 1er confus. Il existe deux modes de gestion du service public : par une personne publique ou, sous le contrôle de celle-ci, par une personne privée. Dans ce dernier cas, le service public peut faire l'objet d'une dévolution par voie contractuelle ou d'une manière unilatérale, mais je ne pense pas qu'il puisse être question d'une exécution directe ou indirecte. J'ajoute que je n'aurais absolument pas fait de lien, pour ma part, entre cet amendement et le précédent.

Avis défavorable.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Nous considérons également que la notion de participation directe à l'exécution du service public introduirait surtout de la confusion. Il est vrai que cette notion a longtemps été utilisée par le juge administratif pour établir une délimitation entre sa compétence et celle du juge judiciaire, mais l'article 1er impose l'obligation de neutralité aux salariés qui participent à l'exécution d'une mission de service public, telle qu'elle a été dégagée par la jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Il en résulte que les fonctions dites support – ressources humaines, informatique ou entretien – au sein d'une entreprise, qui ne sont liées qu'indirectement à l'exécution du service public, sont déjà exclues du champ. La section de l'administration du Conseil d'État, qui a étudié cette question, a conclu que la mention d'une participation directe était insuffisamment précise et donc insuffisamment efficace.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

L'amendement CS620 des rapporteurs est retiré.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CS621 des rapporteurs.

La commission est saisie de l'amendement CS349 de M. Xavier Breton.

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Il s'agit de préciser ce que cible le texte. Nous avions cru comprendre qu'il visait à lutter contre le séparatisme radical, islamiste et politique. Or on s'aperçoit que cela a été gommé au profit d'un texte visant à renforcer les principes républicains et, pour ce faire, à limiter nos libertés, ce qui est un peu paradoxal. Afin de limiter les dommages collatéraux, l'amendement vise à réintroduire la notion de lutte contre l'entrisme communautariste et les idéologies séparatistes. J'aurais même ajouté, pour ma part, l'islam politique, radical et séparatiste.

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J'ai déjà développé ma position : il ne me paraît pas nécessaire d'ajouter cette précision.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

L'amendement CS109 de Mme Cécile Untermaier est retiré.

La commission est saisie de l'amendement CS243 de M. Charles de Courson.

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J'ai déjà largement défendu cet amendement. Mme la rapporteure y est favorable, en fait, puisqu'elle n'a pas déposé d'amendement de suppression du terme « politiques », et le Gouvernement donnera probablement un avis de sagesse, comme tout à l'heure, ce qui laisse très libres les membres de la majorité.

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La discussion n'est pas terminée : il reste encore l'examen dans l'hémicycle.

Avis défavorable.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Le Gouvernement est très prévisible, puisqu'il s'en remet à la sagesse de la commission.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CS240 et CS242 de M. Charles de Courson.

La commission est saisie de l'amendement CS292 de M. Xavier Breton.

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Ainsi que l'a indiqué le Conseil d'État, les dispositions relatives aux titulaires d'un contrat de commande publique ne doivent pas avoir pour objet et ne sauraient avoir pour effet d'écarter un candidat au seul motif qu'il s'agirait d'un organisme, association ou autre, se réclamant d'un courant de pensée ou d'inspiration confessionnelle. Il convient de le préciser dans la loi.

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J'estime que la rédaction de l'article 1er est suffisamment explicite. Par ailleurs, procéder par la négation pour dire ce qu'un article n'a pas pour objet est assez périlleux. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

La commission est saisie de l'amendement CS236 de M. Charles de Courson.

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Nous passons notre temps à fixer des règles, mais nous ne précisons pas toujours les sanctions si ces règles ne sont pas respectées – on ne se demande pas non plus si on est capable de les faire appliquer. J'ai déposé cet amendement, un peu brutal, j'en conviens, pour poser la question. En cas de non-respect par les salariés du titulaire du contrat de leurs obligations de neutralité, quelles sont les sanctions prévues ? Je propose que le cocontractant puisse demander l'annulation du contrat devant le juge en cas de récidive. On s'honorerait en apportant des précisions.

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Il appartient au contrat de prévoir les sanctions encourues en cas d'irrespect de telle ou telle clause. Cela n'est pas à nous de le faire.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Même avis.

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C'est un amendement visant à susciter la réflexion. Seriez-vous favorable à une disposition précisant que les sanctions doivent faire l'objet d'un article du contrat ? Il y aurait ainsi une obligation de prévoir une sanction.

Que se passe-t-il si cela ne figure pas dans le contrat ? Il ne se passe rien. Il existe donc un manque. Seriez-vous prête à déposer un amendement imposant une clause relative aux sanctions ?

La commission rejette l'amendement.

La commission est saisie de l'amendement CS238 de M. Charles de Courson.

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En cas d'absence de mise en conformité dans les délais définis à l'alinéa 9, le cocontractant pourra demander l'annulation du contrat devant la juridiction compétente. Il s'agit de prévoir une sanction.

Aux termes de l'alinéa 7, « Les clauses du contrat rappellent ces obligations et précisent les modalités de contrôle et de sanction du cocontractant lorsque celui‑ci n'a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements constatés », mais cela permet-il une rupture du contrat sans indemnités ? On ne le sait pas. Vous pourrez m'objecter que le juge tranchera mais je pense qu'il est de notre responsabilité de dire explicitement ce qui peut se passer.

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Je réitère mon argumentation. Il s'agit d'un contrat, et c'est aux parties d'en prévoir le contenu.

Avis défavorable.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Même avis.

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On crée dans la loi une obligation : ce n'est donc pas contractuel. Il faut également des sanctions en cas de non-respect. L'alinéa 7 devrait prévoir une clause obligatoire.

La commission rejette l'amendement.

La commission est saisie de l'amendement CS376 de M. François Cormier-Bouligeon.

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Le présent amendement vise à mettre en cohérence le droit des collaborateurs occasionnels du service public et le principe de neutralité qui doit leur être étendu en raison de leur participation à l'exécution d'une mission de service public.

Si le Sénat a réintroduit la neutralité pour les collaborateurs occasionnels du seul service public de l'éducation, c'est en raison de la focalisation indue du débat sur les parents de sexe féminin qui interprètent leur religion comme faisant peser sur eux l'obligation de porter en tout temps et tout lieu un voile, ce qui n'est d'ailleurs pas une pratique religieuse mais politico-religieuse. La question, légitime, est bien plus large, et notre rapporteure pour le présent titre du projet de loi était en accord avec notre proposition en première lecture.

Malheureusement, cette question est toujours polluée par un débat public qui s'écarte du droit et de la discussion rationnelle que nous devrions avoir. Arrêtons de nous focaliser sur les mamans voilées. Ce n'est pas le sujet. La question est juridique, philosophique et politique. S'agissant du service public, nous ne faisons aucune distinction entre les mamans voilées, les papas portant une kippa, les tontons avec un tee-shirt Macron ou les papis avec un bob Le Pen. Cela concerne tous les signes politiques et religieux, et uniquement ceux-là, s'agissant des collaborateurs occasionnels du service public.

Notre proposition est cohérente avec l'esprit du projet de loi, qui clarifie l'application du principe de neutralité. Sa justification est la nature de la mission de service public accomplie et non le statut juridique de ceux qui la réalisent. La chambre sociale de la Cour de cassation a estimé, dans un arrêt du 19 mars 2013, que les employés de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Denis, qui relèvent du droit privé, sont « soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public ». Peu importe qu'ils soient ou non « directement en contact avec le public ».

La logique qui consiste à étendre l'obligation de neutralité à toutes les entreprises et à tous leurs salariés qui exercent une mission de service public, conformément à cette jurisprudence, doit s'appliquer aussi aux collaborateurs occasionnels du service public, peu importe que ces derniers ne constituent pas une catégorie classique. Nous aurions effectivement dû légiférer en la matière, madame la rapporteure. Je rappelle que la reconnaissance par le juge administratif des collaborateurs occasionnels ou participant au service public est conditionnée, selon une jurisprudence constante, à l'exécution d'une mission de service public par ces personnes physiques.

Le procès des agresseurs de la jeune Mila a débuté. Elle a été la cible de plus de 100 000 menaces de mort parce qu'elle contestait une religion. Si des jeunes de notre pays, formés par l'école de la République, n'acceptent plus qu'une religion, en l'occurrence la leur, soit critiquée, c'est que la liberté absolue de conscience, garantie par l'article 1er de la loi de 1905, n'est plus comprise ni acceptée. Nous devons reprendre le travail de pédagogie, réexpliquer que mettre en cause une religion ne revient pas à insulter ceux qui la pratiquent. Il faut commencer par apprendre à nos jeunes que la religion ne doit pas s'imposer en tout lieu et en tout temps.

La neutralité des fonctionnaires et des collaborateurs occasionnels du service public est faite pour protéger les usagers, et uniquement pour cela. Les croyances ou convictions des fonctionnaires et des collaborateurs occasionnels du service public doivent s'effacer devant l'intérêt général, c'est-à-dire celui des usagers. Je vous invite donc à voter en faveur de l'amendement.

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J'ai déjà exposé en première lecture ma conception de l'application des principes de neutralité et de laïcité aux collaborateurs occasionnels du service public. Je n'y reviendrai pas cette fois aussi longuement.

Il est exact que cette catégorie n'existe pas et il me semble que nous devrions légiférer, pour la clarté des décisions qui doivent être prises par les différents responsables, qu'il s'agisse d'un proviseur de lycée, d'un président de juridiction ou d'un commandant de sapeurs-pompiers. Je ne vous en ai pas convaincus : nous n'avons pas créé cette catégorie.

Je vous ai fait part de ma conviction personnelle, mais elle n'engage que moi. Je m'arrête là.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Sans surprise, l'avis du Gouvernement est défavorable.

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Je regrette beaucoup que vous n'entendiez pas la voix des vôtres. Que vous n'entendiez pas la nôtre, nous y sommes habitués, hélas… Notre collègue Cormier-Bouligeon avance pourtant avec énormément de prudence. Vous dites que la catégorie juridique concernée n'existe pas. Soit, mais vous refusez de la créer. Il y a donc une prise de position délibérée de votre part.

Notre pays attend des signes puissants. Il ne s'agit pas de stigmatiser les mamans voilées, pleines de bonne volonté, qui accompagnent les enfants, mais de montrer au pays que nous ne voulons pas de la progression d'une certaine conception de l'islam, très rigoriste, parfois. On s'est focalisé sur la question du voile parce qu'il est un des outils les plus visibles de cette progression.

Je vous renvoie à un entretien, publié dans Le Figaro, avec Chantal de Rudder. Je vous invite à lire ce que dit cette ancienne rédactrice en chef du Nouvel Observateur, qui est idéologiquement proche de vous. Pour elle, « le voile est promu dans le monde pour affirmer une visibilité anti-occidentale ».

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Je retiens de la réponse très prudente, très mesurée et très sage de notre rapporteure qu'il y a manifestement un manque dans notre législation. Alors que ce texte a une puissante ambition, il serait fâcheux que nous ne comblions pas ce manque. Ferdinand Buisson disait que « le premier devoir d'une République est de faire des républicains ». Nous en avons l'occasion. Je vous appelle donc à voter l'amendement.

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Le débat n'est pas entre la droite et la gauche, mais entre les libéraux et les conservateurs. Je me place dans le camp des premiers, de ceux qui pensent que la liberté de conscience et la liberté d'expression prévalent en la matière.

Il y a un point sur lequel je suis d'accord avec vous : c'est un débat philosophique et politique. Il ne concerne pas que les accompagnatrices de sorties scolaires mais l'ensemble de ceux qui, à un moment, non pas en tant que fonctionnaires astreints à des obligations particulières liées à leur statut, mais en tant que citoyens éclairés et libres, peuvent apporter un peu de ce qu'ils sont à l'exécution du service public, sans rien renier de leur personnalité et de leurs convictions mais sans franchir le pas du prosélytisme, ce qui tomberait sous le coup de loi.

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Je ne sais pas si je suis très libéral – ce serait une grande nouveauté pour moi – ou très conservateur, mais je crois que le problème qui se pose est, une fois de plus, de savoir ce qu'est la laïcité – la neutralité du service public et la liberté de conscience – et ce qu'est le service public. Quand des personnes accompagnent, aident à la réalisation du service public, que doit-on faire ?

Ce n'est pas un oubli ou de la timidité, ce n'est pas parce qu'on n'a pas eu le temps de traiter le sujet : c'est qu'on ne veut pas une définition selon laquelle toute personne qui aide subit les mêmes contraintes que le fonctionnaire. C'est une question philosophique mais aussi, tout bêtement, de définition.

Rien ne me choque dans ce qu'a dit François Cormier-Bouligeon. Il y a une diversité parmi nous, comme en première lecture, et on ne refait pas le match : le débat mérite d'être mené. Mais ne faites pas passer notre position pour une sorte de « oups » généralisé, où on regarderait ses chaussettes. Ce n'est pas vrai. Nous revendiquons une définition de la laïcité, de ses frontières.

Pour reprendre à la volée les propos de François Cormier-Bouligeon sur la laïcité et la fabrique des républicains, je pense que participer à des activités relevant du service public, aider à la réalisation de ce dernier, peuvent aussi être une sorte de pédagogie qui permet aux gens de comprendre davantage ce qu'est la République.

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La définition qui figure dans cet amendement me pose un problème. Elle ne me semble pas englober ce qu'est généralement un collaborateur occasionnel du service public, c'est-à-dire un collaborateur fortuit qui apporte son aide à un moment, par exemple parce qu'il est là sur la voie publique lors d'un accident. Comment imaginer que l'on inscrive dans la loi que ce collaborateur occasionnel du service public ait à respecter les principes de neutralité et de laïcité ? Ce n'est pas la question. La priorité est que cette personne apporte son soutien à une action particulière parce qu'elle se trouve présente.

Il y a une antinomie avec ce qu'est un collaborateur occasionnel du service public. Qu'il soit bénévole ou non n'est pas le problème. Il est là fortuitement et apporte son concours au service public. On ne va pas se préoccuper dans ce cadre de la règle qui s'impose à des personnes soumises au statut de la fonction publique ou à des contractuels de l'administration remplissant une mission de service public. Nous voterons contre cet amendement.

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Cet amendement est intéressant. Son premier alinéa définit ce qu'est un collaborateur occasionnel du service public en se calant tout simplement sur la jurisprudence. Il s'agit d'une personne qui n'est pas un agent public mais qui participe à l'exécution d'un service public. C'est la reprise de la jurisprudence définissant les collaborateurs bénévoles en cas d'accident – on ne parle que de l'enseignement mais bien d'autres domaines sont concernés.

Il y a, en revanche, un problème au deuxième alinéa. Mme la rapporteure a dit qu'elle n'avait qu'un regret, celui de ne pas avoir réussi à rédiger un amendement à ce sujet. Elle peut reprendre le premier alinéa de l'amendement et on décidera ensuite si on soumet ou non ces personnes aux mêmes règles que les agents publics. J'ai une thèse, qui n'est pas la même que celle d'autres collègues, mais il faut trancher. On ne doit pas laisser les responsables des services publics dans une situation incertaine où on ne sait pas très bien ce qu'il en est. Il faut être clair. C'est notre travail de parlementaires.

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Je voudrais rassurer Mme Genevard. Les députés de la majorité s'écoutent entre eux, et j'ai même l'impression que la majorité se parle parfois à elle-même – mais c'est sans doute nécessaire. C'est ce que nous faisons lorsque nous écoutons l'argumentation, très construite, de notre collègue Cormier-Bouligeon.

Vous voyez, monsieur de Courson, pourquoi il ne faut pas créer cette catégorie : de fait – je sais que ce n'est pas l'intention de François Cormier-Bouligeon et nous en reparlerons à l'occasion d'autres amendements –, la notion de collaborateur occasionnel du service public sert trop souvent de paravent à celles et ceux qui veulent étendre le domaine de la lutte contre le voile. Politiquement, c'est la réalité. Entrer dans le jeu d'une définition d'un terme qui n'existe actuellement que dans le domaine du droit de la responsabilité comporte ce danger. C'est pourquoi j'ai indiqué, au sujet de l'amendement CS232, qu'il ne me semblait pas opportun juridiquement de créer la catégorie que vous proposez.

Le collaborateur occasionnel du service public, quelle que soit la situation, qu'elle soit fortuite – comme en matière de responsabilité – ou qu'elle soit planifiée – c'est le cas de l'accompagnateur scolaire, par exemple –, n'exerce aucune mission comparable à celles des agents de la fonction publique, en l'occurrence les enseignants. L'accompagnateur occasionnel, si on accepte ponctuellement ce terme, n'a pas de mission éducative. Il n'est pas tenu, à ce titre, par cette exigence fondamentale qu'est le principe de neutralité, parce qu'il n'a pas la même mission. M. Vuilletet l'a rappelé. Quelle que soit la situation du collaborateur occasionnel du service public, si on reprend cette expression qui n'a pas d'existence juridique, ses missions ne sont pas les mêmes que celles des agents publics, et il se trouve dans une situation double, celle d'une participation indirecte, sous la forme d'un encadrement à l'occasion d'une sortie scolaire, par exemple, et celle d'un usager du service public. Il faut laisser au juge la possibilité d'évaluer chacune des situations sur le plan du droit de la responsabilité.

En outre, le droit applicable est très clair. Ce n'est pas parce qu'un collaborateur occasionnel du service public n'est pas tenu en tant que tel au respect du principe de neutralité qu'il lui serait permis, par exemple, d'adopter des comportements, de tenir des propos ou, le cas échéant, de porter des tenues de nature prosélyte ou portant atteinte à l'ordre public ou au bon fonctionnement du service public.

Les règles existantes me semblent donc justes et, surtout, assez nuancées pour rendre compte de la complexité des situations réelles.

Pour ces raisons, et compte tenu aussi du climat politique dans notre pays, il nous paraît dangereux de créer cette catégorie. Nous préférons en rester au droit existant.

C'est ce qui justifie le dépôt par moi-même, par le Gouvernement et par les principaux groupes de la majorité des amendements CS633 et identiques, dont l'examen est à suivre et qui visent à refuser que les accompagnateurs scolaires soient mis sur un pied d'égalité avec les enseignants, car ils ne sont pas soumis aux mêmes exigences qu'eux au regard du principe de laïcité.

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Si l'on veut que nos discussions soient sereines, évitons la caricature : le débat n'est pas entre les libéraux et les conservateurs, il est, pour reprendre les termes de Jean-Pierre Chevènement – qui a été amplement cité ce soir –, entre les démocrates et les républicains. Je pourrai vous fournir un très bel article qu'il a écrit sur le sujet il y a quelques années.

Si les accommodements permettaient d'inclure l'ensemble de nos concitoyens, je pourrais y être favorable ; mais je voudrais vous poser deux questions.

La première : l'intégrisme recule-t-il dans notre pays ? Non. Si tel était le cas, nous ne serions pas là à légiférer sur le respect des principes de la République.

Deuxième question : imposer la neutralité dans le cadre d'un service public revient-il à remettre en cause une croyance ou une conviction ? Non. Une fois encore, monsieur le rapporteur général, ne nous focalisons pas sur le voile. La neutralité du service public, c'est la garantie que la liberté de conscience des usagers est protégée.

Si, par malheur, la majorité d'entre nous ne se retrouvait pas autour de cet amendement, je le regretterais profondément – mais Rome ne s'est pas faite en un jour. J'y reviendrai à l'occasion d'un prochain texte parce qu'il y a une lacune dans notre législation sur ce point.

La commission rejette l'amendement.

La commission est saisie des amendements identiques CS633 du rapporteur général, CS735 du Gouvernement, CS77 de Mme Cécile Untermaier, CS255 de M. Éric Coquerel, CS409 de Mme Isabelle Florennes, CS467 de M. Christophe Euzet et CS549 de M. Guillaume Vuilletet.

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Le Sénat a usé de circonlocutions, mais son objectif est bien celui-ci : la « neutralisation » des accompagnateurs scolaires. Pour les raisons que je viens d'indiquer, nous y sommes opposés.

L'acceptation de cette disposition était bien l'une des conditions préalables que le Sénat avait fixées à tout éventuel accord en commission mixte paritaire. Nous continuons à assumer notre désaccord sur ce point, en proposant la suppression de ces alinéas.

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« Évitons la caricature » : c'est ce que disent toujours ceux qui veulent durcir les choses. Je dois dire que ce qu'a affirmé tout à l'heure avec aplomb le collègue Cormier-Bouligeon m'a choqué. Porter un foulard serait un acte politico-religieux ? Arrêtez ! C'est ne rien comprendre à l'exaltation religieuse et se désarmer face au fanatisme et à l'intégrisme qui progressent que de tenir des propos aussi outranciers. C'en est même blessant.

Non, lorsque quelqu'un porte le foulard, ce n'est pas forcément pour des raisons religieuses. Que faites-vous du foulard que portent nombre de femmes d'Afrique subsaharienne ? Comment l'enseignant pourra-t-il juger s'il s'agit d'une pratique religieuse ou d'une pratique culturelle ?

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Bien sûr que si ! Vous ne comprenez pas ce que sont le rôle et les obligations du fonctionnaire et la mission de service public. Ce que vous défendez, ce n'est ni la République ni la laïcité, c'est une conception pseudo-laïque, fondée sur une incompréhension de la laïcité. En réalité, c'est l'athéisme que vous voulez imposer à une partie de la population que vous caricaturez. Vous rendez un bien mauvais service à la lutte pour la laïcité, parce que, par ces postures à répétition, vous rendez celle-ci incompréhensible pour beaucoup de gens.

Cela n'a jamais été ça, la laïcité ! La laïcité des pères fondateurs, c'est ce qui permettait qu'un jour par semaine, le jeudi, les parents pouvaient, s'ils le souhaitaient, donner une éducation religieuse à leurs enfants. Lisez la lettre de Ferdinand Buisson aux instituteurs ! Il y est dit qu'il faut veiller à ne jamais choquer les familles, y compris dans leurs convictions religieuses. C'est de cette manière que l'on a imposé l'école laïque à une époque où la pratique religieuse était, dans nos campagnes et dans nos villes, bien plus importante qu'aujourd'hui. On y est parvenu à la fois en imposant une loi et en passant un compromis avec ce qui était alors la principale religion du pays, en reculant sur nombre de questions, et non en blessant systématiquement. Ne réécrivez pas l'histoire !

Habitant en Seine-Saint-Denis, je vous le dis : ce que vous racontez n'a rien à voir avec la réalité. Vous pensez qu'une maman qui va accompagner ses enfants à l'école est dans une démarche politico-religieuse ? Mais vous ne parlez même pas à ces gens ! Je trouve que l'on a tendance ici à tenir systématiquement envers une partie de la population des propos qui dénotent une incompréhension, voire une forme de mépris que je juge inacceptable. Quand des personnes pallient les défaillances du service public en prenant sur leur temps pour accompagner une sortie pédagogique et qu'elles le font en étant habillées de telle ou telle façon, sans faire aucunement de prosélytisme religieux, ne croyez-vous pas qu'il faudrait les remercier, plutôt que de les montrer du doigt ? Ou alors il faut embaucher du personnel supplémentaire – mais cela, le Gouvernement ne le fait pas.

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Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, le groupe DEM est favorable à la suppression des alinéas 10 à 14, qui ont été introduits par nos collègues sénateurs. Les accompagnateurs scolaires ne participent pas à une mission de service public. Nous estimons que le présent texte n'est pas le lieu pour un tel débat et nous voulons affirmer l'unité de la majorité sur ce point en apportant notre soutien au Gouvernement et au rapporteur général. Tel est le sens de notre amendement.

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Les membres du groupe Agir ensemble ont, eux aussi, déposé un amendement visant à supprimer les dispositions introduites par le Sénat. Si nous sommes attachés à la neutralité du service public et à la laïcité, qui est un principe de liberté et de protection, une mère ou un père de famille n'assure pas, selon nous, une mission de service public en accompagnant des enfants lors d'une sortie scolaire. La société est diverse et les parents le sont aussi ; cette diversité ne peut pas être remise en cause dès lors qu'ils n'exercent pas une mission de service public. Évidemment, si ces parents faisaient du prosélytisme, ce serait inacceptable, et il faudrait appliquer les sanctions prévues par le droit actuel.

Ce débat est tout à fait intéressant et respectable. Je ne veux pas opposer les démocrates et les républicains. À titre personnel, je me sens à la fois profondément démocrate et profondément républicain. Je pense qu'il existe des passerelles entre les deux et que nos discussions doivent nous permettre de trouver le juste équilibre. Il se peut que nous ayons des positions différentes, et c'est très bien ainsi. Il appartient aux parlementaires de trancher.

De même, s'agissant de la signification du port du foulard, il me semble que l'on peut trouver une voie médiane entre la position de M. Cormier-Bouligeon et celle de M. Corbière. Le port du foulard peut être un acte politico-religieux, et si cela l'est, c'est du prosélytisme et nous devons l'interdire parce que c'est une dérive qui met en danger les principes républicains. Mais porter un foulard n'est pas obligatoirement un acte politico-religieux : nombre des femmes de confession musulmane qui portent le foulard – puisque c'est ce qui est au cœur du débat – ne veulent pas remettre en cause les principes républicains ; au contraire, il arrive même qu'en accompagnant des enfants, elles défendent ces mêmes principes et contribuent à leur apprentissage et à leur transmission. Cela participe de la diversité de notre société – sous condition, je le répète, qu'il n'y ait pas de prosélytisme.

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Il me semble que ce gouvernement est sans doute celui qui a fait le plus pour les réseaux d'éducation prioritaires REP et REP+ en y dédoublant les classes de CP et de CE1. En matière d'investissements publics, nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait !

En outre, je trouve très bien qu'il y ait des parents qui accompagnent les sorties scolaires, indépendamment même des problèmes de personnel. Cela permet d'associer l'ensemble de la communauté éducative aux activités scolaires.

Ne fabriquons pas des épouvantails à moineaux en faisant croire que le danger est partout. Il est bon que des parents participent à ces sorties et s'il y a, parmi eux, des femmes voilées, il faut s'interroger sur le sens qu'elles donnent à cette pratique. Notre collègue Bournazel soulignait que si c'est une manifestation d'ordre politico-religieux, il y a un critère qui s'applique en toutes circonstances, c'est celui de l'ordre public. L'autorité scolaire peut parfaitement interdire le port du foulard dès lors qu'elle juge que l'ordre public est menacé. Ce que je trouve pernicieux dans l'assimilation du foulard à quelque chose qui serait forcément condamnable, c'est qu'on en fait un substitut au trouble à l'ordre public.

Restons-en à des choses simples. Quand une mère voilée ou un père portant un signe religieux veulent participer à une sortie scolaire et apporter leur aide au service public, laissons-les faire. Si jamais survient un problème d'ordre public, parce que leur comportement n'est pas compatible avec la laïcité, c'est-à-dire qu'ils font du prosélytisme et exercent une contrainte sur la liberté de conscience, eh bien appelons les enseignants et l'institution scolaire à exercer les pouvoirs qui sont les leurs.

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Je préfère ne pas m'exprimer sur ces amendements, compte tenu de la position qui est la mienne et que chacun connaît.

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Les membres du groupe Libertés et Territoires, ont eux aussi, déposé un amendement de suppression, sur les seuls alinéas 12 et 13 toutefois. En effet, la rédaction du Sénat ne résout pas le problème.

Premièrement, il n'y a pas que dans l'éducation nationale qu'il y a des collaborateurs bénévoles : il y en a aussi dans les prisons, dans les hôpitaux, dans les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et dans bien d'autres structures.

Deuxièmement, je pense que c'est une erreur que de les soumettre aux mêmes obligations que celles qui s'appliquent aux agents publics, donc à une interdiction, car ils ne sont pas dans la même position.

En revanche, votre argumentation ne tient pas, monsieur le rapporteur général. Vous prétendez que ce n'est pas au Parlement de légiférer, mais moi qui suis député depuis vingt-huit ans, conseiller général ou départemental depuis trente-six ans et qui me suis occupé pendant un quart de siècle des quarante-sept collèges publics de mon département, je puis vous affirmer que c'est une demande de la part des principaux. Ce n'est pas du tout une illusion ! Mme la rapporteure a raison quand elle dit qu'il nous faut trancher la question.

On devrait vous appeler Ponce Pilate. Vous prétendez qu'il n'y a pas de problème, mais il y en a un, et il est de notre devoir de parlementaires de le résoudre – et pas uniquement pour l'éducation nationale. D'ici à la séance, Mme la rapporteure peut fort bien nous proposer un amendement dans un sens ou dans l'autre.

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J'aimerais que nous soyons aussi la voix de Chahinez, cette femme que son mari a tuée parce qu'il ne voulait pas qu'elle se conforme aux mœurs occidentales ; par exemple, il ne voulait pas qu'elle porte des jeans. Vous évoquez toujours la gentille maman accompagnatrice scolaire que nous stigmatiserions abominablement – ce qui n'est évidemment pas notre propos – mais vous ne parlez jamais des femmes à qui l'on impose des vêtements, un mode de vie, et à qui l'on interdit toute liberté d'action et toute autonomie. C'est aussi pour elles que nous devons intervenir. Je pense, quant à moi, que si le port du voile par une femme ne répond pas nécessairement à une volonté politico-religieuse, la progression du voile dans notre pays a une signification politique évidente. Ne pas le voir, c'est s'aveugler – et il est coupable de s'aveugler.

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Oui, il y a un problème et, oui, il faut l'affronter. L'un des aspects de ce problème, c'est l'assimilation qui vient d'être faite par Annie Genevard entre le port du voile par des mamans à l'occasion d'une sortie scolaire et l'assassinat d'une femme qui portait le voile.

Bien sûr, nous devons combattre l'islam politique, avec beaucoup de fermeté et d'autorité. C'est ce que nous faisons à travers ce texte et, au-delà, à travers les dispositifs visant à lutter contre la radicalisation et le terrorisme. Le problème, c'est qu'une partie de la classe politique fait de la lutte contre le port du voile son objectif politique premier ; c'est une obsession pathologique et identitaire. Cela, nous le combattons ; nous le combattons avec fermeté, beaucoup d'assurance et même une certaine fierté, car ce n'est pas facile.

Un vent mauvais se lève. C'est pourquoi nous voulons être intransigeants sur ce point, et c'est pourquoi nous allons supprimer la disposition introduite par le Sénat. Je prétendrais que ce n'est pas au Parlement de légiférer ; bien au contraire, je crois que c'est au Parlement de légiférer : c'est son rôle, c'est son but, c'est sa raison d'être – mais il est des circonstances où il doit savoir s'abstenir. Quand on propose de créer de nouvelles catégories juridiques, comme celle d'accompagnateur scolaire, avec toutes ses ambiguïtés, ou comme d'autres un peu plus loin dans le texte, ou quand on prend des dispositions telles que celle introduite par le Sénat, on voit bien quelle est la cible : c'est le voile. On veut en faire un élément central du débat public.

J'abonderai pour ma part dans le sens de Pierre-Yves Bournazel : certains musulmans portent le voile comme un emblème politique, et nous les combattons ; et d'autres, parfaitement intégrés à la République, le portent parce qu'on leur a dit que cela se faisait, parce que c'est leur coutume, leur tradition, leur croyance. Nous considérons donc que la proposition du Sénat, qui consiste à interdire, de façon générale et absolue, à toute personne de faire usage de sa liberté religieuse dès lors qu'elle accompagne une sortie scolaire, sans que sa participation puisse pour autant être assimilée à une mission éducative ou à une mission de service public, participe d'un excès idéologique et qu'il convient de la rejeter.

Oui, il y a un problème, oui, il faut l'affronter et notre réponse, c'est la suppression de la disposition introduite par le Sénat.

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On ne traite pas un problème en reculant sans cesse, monsieur le rapporteur général ! Je vais vous dire comment je vois les choses.

D'abord, il convient de débattre de ces matières avec calme et respect. Des millions de nos concitoyens nous regardent ; aucun ne doit se sentir insulté, stigmatisé, montré du doigt – mais cela ne doit pas nous empêcher de parler d'un certain nombre de sujets.

J'ai grandi dans les quartiers nord de Bourges, aux Gibjoncs. C'est un quartier populaire, un quartier d'immigration, d'origine nord-africaine mais pas seulement. Je suis né en 1972. Dans les années 1980, pas une seule femme n'était voilée dans le quartier ; aujourd'hui, beaucoup le sont. Que s'est-il passé entre-temps ?

Il y a eu la révolution iranienne de Khomeiny. Nous en subissons toujours les conséquences. Je ne peux pas, moi qui la défends bec et ongles, ne pas citer à cette occasion le cas de Nasrin Sotoudeh, avocate iranienne aujourd'hui encore emprisonnée parce qu'elle défend les femmes qui veulent sortir tête nue dans les rues de Téhéran ou ailleurs.

J'appelle l'ensemble de mes collègues à relire Gilles Kepel. Bien sûr, toutes les femmes qui portent le voile ne le font pas avec une visée politico-religieuse – et à celles-là, il faut dire que nous respectons leurs croyances –, mais à l'origine, le voile est un signe pour marquer le territoire politiquement, et ce signe provient de Téhéran. Moi aussi, j'ai vécu en Seine-Saint-Denis, monsieur Corbière, très exactement à Saint-Denis, et je l'ai de mes propres yeux vu, ce marquage du territoire.

Notre rôle est de mettre des barrières, de fixer des limites. Mon propos n'est pas de stigmatiser telle ou telle personne qui participe en tant que collaborateur occasionnel au service public. Parlant de démocrates et de républicains, Jean-Pierre Chevènement n'avait pas pour intention de les opposer ; il s'agissait de déterminer si l'on était plutôt démocrate avec une petite dose de républicanisme ou républicain dans le cadre d'une démocratie. La question est de savoir si, dans notre République, nous voulons garantir la liberté absolue de conscience aux usagers du service public ; si tel est le cas, nous devons faire évoluer cet article 1er.

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Marlène Schiappa, ministre déléguée

Je voudrais expliciter la position du Gouvernement. Je crois que, comme l'a très justement dit le Président de la République dans son discours des Mureaux, la question est de savoir quel est le sens donné au port du voile et quelle action doit être menée.

Le Gouvernement ne souhaite pas interdire aux accompagnateurs de sorties scolaires le port du voile ou de signes religieux, et cela en vertu de la liberté de conscience. Je ne veux pas laisser penser pour autant que le Gouvernement ou la majorité s'accommoderaient de certaines formes de pression religieuse. Si une mère d'élève donne une signification politico-religieuse au port du voile, fait du prosélytisme ou mène des actions de radicalisation, dans tous les territoires les services de l'État peuvent être mobilisés à partir des CLIR, les cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire, et des signalements peuvent être effectués, y compris par l'intermédiaire du ministère de l'éducation nationale.

Le présent projet de loi prévoit, en outre, une obligation de formation à la laïcité pour l'ensemble des agents du service public, afin qu'en cas de problème, le signalement puisse remonter le plus rapidement possible. Nous avons d'ores et déjà reçu, Jean-Michel Blanquer, Amélie de Montchalin et moi, les rapports nous permettant de préparer le calendrier de formation.

Il serait, par conséquent, erroné de croire que le Gouvernement reste inactif face au phénomène de radicalisation – notamment lorsque le port du voile en est un signe. Nous avons fait un passage en revue des situations, avec des actions qui vont jusqu'à la fermeture d'établissements.

Pour rebondir sur ce qu'a dit M. Cormier-Bouligeon à propos de Nasrin Sotoudeh, je rappelle que le Président de la République a souhaité l'année dernière, dans le cadre de la présidence française du G7, la nommer symboliquement membre du Conseil consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes en laissant une chaise vide à son nom. Nous avons ensuite lancé, mes homologues et moi, un appel à sa libération. Je veux, en ce moment, avoir une pensée pour elle.

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Vous avez entièrement raison, monsieur Cormier-Bouligeon : le voile, lorsqu'il s'est généralisé, a été conçu comme un emblème politique. Mais ce n'est pas la révolution iranienne qui a été déterminante dans ce processus – que nous combattons. Gilles Kepel est très clair sur ce point : ce sont les Frères musulmans, en Égypte, dans les années 1920, qui l'ont instrumentalisé et en ont fait un outil politique. Le même Gilles Kepel explique que si son port est demeuré très politique pour certains, il s'est aussi sécularisé et qu'il est utilisé à d'autres fins. C'est assez paradoxal, et c'est pourquoi il faut toujours légiférer, cher Charles de Courson, avec nuance et complexité.

S'agissant de la catégorie des collaborateurs occasionnels, qui, supposément, permettrait de régler toutes les difficultés, je rappelle que la circulaire Chatel, opportunément signée quelques semaines avant l'élection présidentielle de 2012, contient sur le sujet un paragraphe très court, auquel on fait toujours référence mais qui arrive tout à la fin, noyé dans la masse, et qui se contente de rappeler le droit existant, à savoir que chef d'établissement a tout à fait la possibilité, s'il le juge utile, notamment en cas de prosélytisme ou de risque de prosélytisme, d'interdire, dans le cadre du règlement de l'établissement ou, ponctuellement, pour une sortie scolaire, le port d'un signe ostentatoire.

Ce que je dis, ce n'est pas qu'il ne faut pas légiférer, c'est que le droit applicable est suffisamment performant pour traiter la question des accompagnateurs scolaires – d'autant que le nombre d'événements qui ont, ces derniers mois ou ces dernières années, fait l'actualité n'est pas si grand que nous devrions légiférer dans l'urgence, sous la pression.

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Je ne souhaite pas intervenir dans ce débat, mais je vous invite à prendre connaissance de la position de Caroline Fourest, grande militante de la laïcité, qui appelle à la modération à ce sujet. Selon elle, le statut des pères et des mères – plus nombreuses – qui accompagnent les sorties scolaires n'est pas du tout identique à celui des enseignants ou du personnel encadrant dans les écoles. Les enfants savent distinguer un parent d'élève d'un enseignant ou d'un adulte représentant l'école.

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Vous évoquez la position de Caroline Fourest, nous en avons entendu d'autres lors des auditions, de la part de personnes qui ne souffraient pas de l'obsession pathologique que le rapporteur général semble nous prêter. Ses propos interrogent, d'ailleurs, sur sa conception du débat démocratique, mais je lui en laisse la responsabilité. Je note qu'il épargne M. Cormier-Bouligeon, qui semble être immunisé par je ne sais quel viatique.

Les mêmes débats se sont tenus lors de l'interdiction du voile à l'école. Depuis, la question ne se pose plus pour les élèves à l'école, mais elle reste largement débattue dans la société.

Puisque je ne pourrai pas défendre mon amendement CS32, que l'adoption des amendements de suppression fera tomber, permettez-moi d'engager une réflexion sur la neutralité religieuse dans les établissements d'enseignement supérieur. Selon le rapporteur général, les chefs d'établissements scolaires sont libres de prendre des dispositions dans le règlement intérieur, mais cela ne suffit pas. Nous ne pouvons pas les laisser en première ligne sans les protéger ; nous savons que ces questions sont tellement difficiles qu'ils renonceront si les débats deviennent trop vifs. À l'université, dans certains lieux, des prières se pratiquent les vendredis et le port du voile est clairement conçu comme un acte politique. Pourtant, ces pratiques continuent de prospérer sans que nous n'y fassions rien.

Je regrette que les amendements de suppression déposés par le Gouvernement sur pratiquement tous les articles introduits par le Sénat fassent tomber de nombreux amendements. Je remercie néanmoins le président de m'avoir permis d'exposer celui-ci.

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Je souhaite que nous adoptions ces amendements de suppression. Je partage l'avis que nous ne pouvons assimiler des parents qui accompagnent des sorties scolaires à des fonctionnaires, ni les soumettre aux mêmes obligations.

Je suis aussi parent d'élève, et je siège dans des conseils d'école à Saint-Denis depuis au moins vingt-cinq ans, au titre de parent ou d'élu. On pourrait aussi considérer que porter le voile ne permet pas de se porter candidat aux conseils de parents d'élèves. Or il y a des femmes voilées dans beaucoup de conseils d'école, où l'on trouve une majorité de mères, comme lors des sorties scolaires. Je pense que c'est une bonne chose, quelle que soit l'interprétation que l'on donne au port du voile. Chaque femme qui porte le voile le fait en fonction de son histoire individuelle, certaines par tradition, parce que leur mère le faisait, d'autres parce qu'elles y sont contraintes par leur milieu familial, et certaines le portent comme un marqueur politique. Mais les choses sont claires : lors des sorties scolaires ou des conseils d'école, on ne fait pas de prosélytisme.

Mon expérience m'enseigne que ces activités sont un moyen d'intégration dans la société. Fermer les portes une fois de plus ferait de nous les auxiliaires des frères ou des maris qui souhaitent que ces femmes vivent recluses. En confondant tout, nos lois renverraient ces femmes à l'assignation à résidence auxquels certains veulent les contraindre. Les associations de ma ville qui manifestent pour les droits des femmes considèrent qu'il faut tout faire pour inclure, ne rien faire pour exclure, et continuer le débat, la discussion et la confrontation entre les femmes. Ayant accompagné beaucoup de sorties scolaires, je n'ai aucun doute que les enfants savent faire la différence entre un enseignant, son rôle et sa fonction, et les parents qui viennent accompagner des activités périscolaires. Plus il y aura de mères volontaires pour accompagner les sorties, mieux ce sera pour la République.

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Je n'avais pas mentionné les années 1920 pour ne pas allonger mon propos, mais je remercie le rapporteur général d'avoir repris le fil historique et de faire référence aux Frères musulmans – il serait d'ailleurs intéressant d'aborder les positions de Tariq Ramadan, qui est le petit-fils du fondateur de ce mouvement.

Si j'évoquais la révolution iranienne de 1979, c'est parce qu'elle constitue l'un des points de départ de la remise en cause par un islam radical de nos sociétés démocratiques et de leurs valeurs. Et nous en sommes revenus à ce point : nos républiques démocratiques libérales sur les plans philosophique et politique sont attaquées, des dizaines de nos concitoyens en sont morts. Si nous sommes réunis pour légiférer aujourd'hui, c'est en mémoire des victimes du Bataclan et de Samuel Paty, parce que certains de nos concitoyens tombent sous les coups des terroristes.

J'ai lu à plusieurs reprises le texte de François Mitterrand, publié dans les années 1930 : « Jusqu'ici et pas plus loin », et j'invite chacun à en prendre connaissance. Vous devriez aussi écouter les chroniques radiophoniques de Pierre Brossolette face à la montée du nazisme. Vous vous rendrez compte qu'il faut réagir si nous ne voulons pas que nos pays soient remis en cause. M. le président de Rugy aurait pu citer Catherine Kintzler, auditionnée par cette commission, qui n'est pas de l'avis de l'auteure qu'il a citée.

Contre ces fanatismes, il y a une seule réponse : elle n'est pas de stigmatiser les individus en raison de leur pratique, elle est de défendre des principes. La liberté absolue de conscience de l'usager du service public en fait partie.

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Je souhaite également la suppression des alinéas ajoutés par le Sénat. Je remercie Stéphane Peu pour son intervention, qui a parfaitement résumé ma pensée.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 10 à 14 tombent.

La commission adopte l'article 1er, modifié.

Article 1er bis AA : Respect du principe de neutralité dans les piscines publiques

La commission est saisie des amendements de suppression CS622 du rapporteur général, CS733 du Gouvernement, CS78 de Mme Cécile Untermaier, CS410 de Mme Isabelle Florennes et CS550 de Mme Fabienne Colboc.

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Nous proposons de supprimer l'article 1er bis AA introduit par le Sénat, qui prévoit : « Le règlement d'utilisation d'une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité. »

Il va de soi que les services publics, quels qu'ils soient, doivent garantir la neutralité et la laïcité. Par conséquent, cet article n'atteint manifestement pas la cible visée.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 1er bis AA est supprimé et les amendements CS38 de M. Robin Reda, CS373 de M. François Cormier-Bouligeon et CS451 de Mme Anne-Laure Blin tombent.

Article 1er bis AB : Interdiction du port, par les mineurs, de signes ostensiblement religieux dans l'espace public

La commission est saisie des amendements de suppression CS623 des rapporteurs, CS734 du Gouvernement, CS79 de Mme Cécile Untermaier, CS223 de Mme Marie-George Buffet, CS241 de M. Charles de Courson, CS468 de M. Christophe Euzet, CS551 de Mme Fabienne Colboc, CS614 de Mme Sonia Krimi et CS765 de Mme Isabelle Florennes.

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Il s'agit de supprimer les dispositions introduites par le Sénat pour interdire le port, par les mineurs, de signe ou de tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans l'espace public.

Ces dispositions créent une restriction non justifiée et disproportionnée à la liberté religieuse, qui est une des expressions de la liberté de conscience et qui comprend le droit de manifester sa religion en portant des signes religieux ou en participant à des manifestations religieuses dans l'espace public.

Il n'en demeure pas moins qu'il existe un problème, et que le droit ne suffit sans doute pas à l'appréhender dans toutes ses dimensions.

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Il serait intéressant que ceux qui ont adopté cet article expliquent ce qu'ils entendent par « Le port de signes ou tenues par lesquels des mineurs manifestent ostensiblement une appartenance religieuse (…) est interdit » ; ainsi que « le port par les mineurs de tout habit ou vêtement qui signifierait l'infériorisation de la femme sur l'homme. » Si nous adoptions cet article, il serait censuré pour son absence totale de clarté.

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Nous sommes également favorables à la suppression de cet article ajouté par les sénateurs. Il est contraire à de nombreux principes fondamentaux, en particulier au principe de sécurité juridique, reconnu par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au respect de la vie privée, protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La rapporteure souligne à raison qu'il existe un problème, mais ce n'est pas ce texte qui permet de le traiter. C'est à l'école, lieu de l'émancipation de l'individu, que les mineurs peuvent construire leur propre vision de la société et de leur avenir. Il n'est donc pas utile de légiférer. Cet article ajouté ne correspond pas à notre vision du texte.

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Cet article dévoie le principe de laïcité et s'apparente plutôt au laïcisme, qui est aussi une forme de séparatisme.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 1er bis AB est supprimé et les amendements CS39 de M. Robin Reda, CS404 de M. Julien Ravier et CS266 de M. Éric Ciotti tombent.

La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du lundi 7 juin à 16 heures 05

Présents. – Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, M. Francis Chouat, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier-Bouligeon, M. Charles de Courson, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Isabelle Florennes, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. Meyer Habib, M. Pierre Henriet, M. Sacha Houlié, Mme Sonia Krimi, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, M. Frédéric Petit, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. Julien Ravier, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet

Excusés. – M. David Habib, M. Boris Vallaud