Intervention de Charles de Courson

Réunion du lundi 7 juin 2021 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Toutes les personnes attachées à la République ne peuvent que s'accorder sur la nécessité de lutter contre le fondamentalisme islamique. La question est de savoir quels moyens nous souhaitons utiliser pour faire face à la menace. Les outils que vous proposez dans ce texte ne sont pas toujours les bons. Ils sont, pour un grand nombre d'entre eux, attentatoires aux libertés publiques les plus fondamentales. Vous visez dans vos discours les terroristes islamiques mais, dans les faits, vous vous en prenez à tous les cultes, aux bons républicains, qui ne causent de tort à personne et se voient imposer toujours plus de contraintes inutiles. Ainsi, le projet de loi rate sa cible. Les modifications introduites lors de son examen à l'Assemblée et, pour une part, au Sénat, ne l'ont pas amélioré.

Certes, tout n'est pas à rejeter. La première catégorie d'articles, que nous soutenons, visent au renforcement des principes de la laïcité et de la neutralité du service public, et à la protection des fonctionnaires.

La deuxième catégorie réunit des articles qui pourraient être acceptables, mais qui sont soit déjà couverts par le droit existant, parfois par la jurisprudence, soit inapplicables. À titre d'exemple, le Sénat a eu raison de supprimer l'article 13, relatif à la protection des héritiers réservataires, car ce texte allait créer des contentieux internationaux sans fin, par exemple avec les États-Unis.

La troisième catégorie comprend des articles que nous combattons avec vigueur, car ils créent des outils liberticides et profondément inefficaces. L'article 6 prévoit ainsi la création, pour les associations, d'un contrat d'engagement à respecter les principes républicains. C'est absurde, car ces principes s'appliquent à tous. Si on adoptait le texte, les associations qui n'y souscrivent pas ne seraient-elles pas tenues de les respecter ? Si, évidemment. L'article 18, quant à lui, a un champ d'application encore plus large que l'article 52 – ex-24 – de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Le Conseil constitutionnel, que nous avons saisi, avec d'autres parlementaires, a logiquement censuré ce dernier texte, soulignant que « le législateur n'a pas suffisamment défini les éléments constitutifs de l'infraction » et « méconnu le principe de la légalité des délits et des peines ». Le même raisonnement risque fort de s'appliquer à l'article 18.

Les sénateurs ont néanmoins su se faire de meilleurs garants des libertés sur d'autres points. Nous pensons bien sûr à la réécriture de l'article 21. La volonté de l'Assemblée de revenir sur cette rédaction et de rétablir la suppression de l'instruction en famille est hautement problématique. Combien de terroristes islamiques ont-ils été scolarisés sous le régime de l'instruction en famille ? Aucun. Ils ont été éduqués, à ma connaissance, à l'école publique. La liberté de choisir les modalités d'instruction d'un enfant est le corollaire du principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement. Ce principe figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. L'article 21, dans la rédaction d'origine que vous entendez rétablir, est donc tout aussi inconstitutionnel.

Cela étant, nous regrettons et nous nous étonnons de certains dérapages du Sénat, comme l'interdiction de toute tenue qui « signifierait l'infériorisation de la femme sur l'homme », laquelle ouvre la voie à un arbitraire sans limite. De très nombreuses tenues pourraient, selon la subjectivité du juge concerné, entrer dans cette catégorie.

Enfin, malgré quelques améliorations, les dispositions sur les associations cultuelles continuent d'imposer des contraintes superflues à tous les bons citoyens, qui n'ont rien à voir avec le fondamentalisme.

Notre groupe s'opposera de nouveau très majoritairement au texte. Nous savons qu'il est peu probable, malheureusement, que nous arrivions à vous faire prendre conscience des importantes restrictions de libertés que le projet de loi fait peser sur l'ensemble de la société. Nous saisirons donc de nouveau le Conseil constitutionnel.

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