Quel est le but que nous devons rechercher à travers ce projet de loi ? Est-ce une vision de la République qui interdirait tout signe religieux dans l'espace public ? Non, car ce serait nier la liberté de conscience, garantie par la Constitution. Serait-ce alors une vision de la République qui prônerait l'émergence de communautés, au nom de la liberté individuelle ? Non plus, car ce serait ignorer les dangers du communautarisme pour notre société. Pour ma part, je considère que notre devoir est de rechercher le juste équilibre.
L'objectif du projet de loi est de renforcer les principes républicains, qui sont au cœur de notre vision de la laïcité, parce que, précisément, la laïcité a cette vertu de nous permettre de vivre ensemble. Il s'agit d'une vision de la laïcité qui s'inscrit dans la philosophie d'Aristide Briand, pour lequel la loi de 1905 accordait aux citoyens la pleine liberté d'exercer leur culte, sans autre limite que le respect de l'ordre public.
Cela demande d'avoir le sens de l'équilibre, le courage de la nuance et de ne pas céder à la radicalisation des esprits. C'est un choix exigeant, un choix complexe, mais ô combien essentiel, un défi que nous avions su relever collectivement lors de la première lecture.
« Jamais le bouillonnement des idées ne peut faire du mal à un pays comme le nôtre. C'est l'inertie mentale qui est mortelle pour lui. » Voilà ce qu'écrivait la philosophe Simone Weil dans L'Enracinement. Je veux saluer l'introduction au Sénat, par voie d'amendement, d'une journée de la laïcité, le 9 décembre. Le groupe Agir ensemble avait déposé un amendement similaire et se satisfait donc de cet apport.
Mais respecter un principe d'équilibre, c'est aussi supprimer certaines des dispositions ajoutées par nos collègues sénateurs, notamment l'article 1er bis AB. La Chambre haute a en effet inscrit l'interdiction pour les mineurs de porter « tout habit ou vêtement qui signifierait l'infériorisation de la femme sur l'homme ». Il n'est pas envisageable de légiférer en des termes aussi vagues et subjectifs. Ce nouvel article est contraire à de nombreux principes fondamentaux, notamment celui de sécurité juridique, ou encore au droit au respect de la vie privée. C'est pourquoi des amendements du groupe Agir ensemble et des groupes de la majorité demandent sa suppression.
Nous souhaitons également rétablir certains articles dans leur rédaction d'origine, débattue et votée par l'Assemblée. C'est le cas, par exemple, de l'article 6 relatif au nouveau contrat d'engagement républicain. Nous avons déposé des amendements en ce sens avec les groupes de la majorité.
Nous regrettons également la suppression de l'article 20 bis par le Sénat. Face à la prolifération et à la banalisation de la haine en ligne, il offrait une égalité de protection, notamment pour les personnes transgenres.
Le groupe Agir ensemble défendra également le rétablissement de l'article 21 ter, introduit sur l'initiative du groupe LaREM, prévoyant l'organisation à titre expérimental d'une journée pédagogique de la citoyenneté pour les enfants instruits en famille.
En conclusion, je rappelle que le texte ne se réduit pas à un projet contre des ennemis de la République : il s'inscrit dans une vision positive de ce que notre nation veut produire de commun, une vision ouverte de la société, refusant les amalgames faciles et les entraves aux libertés fondamentales, une société ouverte, ferme sur ses principes, rejetant toute forme de compromission avec celles et ceux qui défient la République. Par conséquent, notre groupe est fier de défendre, dans le cadre de la majorité présidentielle, ce texte de liberté, de protection et d'équilibre.