Intervention de François Cormier-Bouligeon

Réunion du lundi 7 juin 2021 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cormier-Bouligeon :

Le présent amendement vise à mettre en cohérence le droit des collaborateurs occasionnels du service public et le principe de neutralité qui doit leur être étendu en raison de leur participation à l'exécution d'une mission de service public.

Si le Sénat a réintroduit la neutralité pour les collaborateurs occasionnels du seul service public de l'éducation, c'est en raison de la focalisation indue du débat sur les parents de sexe féminin qui interprètent leur religion comme faisant peser sur eux l'obligation de porter en tout temps et tout lieu un voile, ce qui n'est d'ailleurs pas une pratique religieuse mais politico-religieuse. La question, légitime, est bien plus large, et notre rapporteure pour le présent titre du projet de loi était en accord avec notre proposition en première lecture.

Malheureusement, cette question est toujours polluée par un débat public qui s'écarte du droit et de la discussion rationnelle que nous devrions avoir. Arrêtons de nous focaliser sur les mamans voilées. Ce n'est pas le sujet. La question est juridique, philosophique et politique. S'agissant du service public, nous ne faisons aucune distinction entre les mamans voilées, les papas portant une kippa, les tontons avec un tee-shirt Macron ou les papis avec un bob Le Pen. Cela concerne tous les signes politiques et religieux, et uniquement ceux-là, s'agissant des collaborateurs occasionnels du service public.

Notre proposition est cohérente avec l'esprit du projet de loi, qui clarifie l'application du principe de neutralité. Sa justification est la nature de la mission de service public accomplie et non le statut juridique de ceux qui la réalisent. La chambre sociale de la Cour de cassation a estimé, dans un arrêt du 19 mars 2013, que les employés de la caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Denis, qui relèvent du droit privé, sont « soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une mission de service public ». Peu importe qu'ils soient ou non « directement en contact avec le public ».

La logique qui consiste à étendre l'obligation de neutralité à toutes les entreprises et à tous leurs salariés qui exercent une mission de service public, conformément à cette jurisprudence, doit s'appliquer aussi aux collaborateurs occasionnels du service public, peu importe que ces derniers ne constituent pas une catégorie classique. Nous aurions effectivement dû légiférer en la matière, madame la rapporteure. Je rappelle que la reconnaissance par le juge administratif des collaborateurs occasionnels ou participant au service public est conditionnée, selon une jurisprudence constante, à l'exécution d'une mission de service public par ces personnes physiques.

Le procès des agresseurs de la jeune Mila a débuté. Elle a été la cible de plus de 100 000 menaces de mort parce qu'elle contestait une religion. Si des jeunes de notre pays, formés par l'école de la République, n'acceptent plus qu'une religion, en l'occurrence la leur, soit critiquée, c'est que la liberté absolue de conscience, garantie par l'article 1er de la loi de 1905, n'est plus comprise ni acceptée. Nous devons reprendre le travail de pédagogie, réexpliquer que mettre en cause une religion ne revient pas à insulter ceux qui la pratiquent. Il faut commencer par apprendre à nos jeunes que la religion ne doit pas s'imposer en tout lieu et en tout temps.

La neutralité des fonctionnaires et des collaborateurs occasionnels du service public est faite pour protéger les usagers, et uniquement pour cela. Les croyances ou convictions des fonctionnaires et des collaborateurs occasionnels du service public doivent s'effacer devant l'intérêt général, c'est-à-dire celui des usagers. Je vous invite donc à voter en faveur de l'amendement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.