On ne traite pas un problème en reculant sans cesse, monsieur le rapporteur général ! Je vais vous dire comment je vois les choses.
D'abord, il convient de débattre de ces matières avec calme et respect. Des millions de nos concitoyens nous regardent ; aucun ne doit se sentir insulté, stigmatisé, montré du doigt – mais cela ne doit pas nous empêcher de parler d'un certain nombre de sujets.
J'ai grandi dans les quartiers nord de Bourges, aux Gibjoncs. C'est un quartier populaire, un quartier d'immigration, d'origine nord-africaine mais pas seulement. Je suis né en 1972. Dans les années 1980, pas une seule femme n'était voilée dans le quartier ; aujourd'hui, beaucoup le sont. Que s'est-il passé entre-temps ?
Il y a eu la révolution iranienne de Khomeiny. Nous en subissons toujours les conséquences. Je ne peux pas, moi qui la défends bec et ongles, ne pas citer à cette occasion le cas de Nasrin Sotoudeh, avocate iranienne aujourd'hui encore emprisonnée parce qu'elle défend les femmes qui veulent sortir tête nue dans les rues de Téhéran ou ailleurs.
J'appelle l'ensemble de mes collègues à relire Gilles Kepel. Bien sûr, toutes les femmes qui portent le voile ne le font pas avec une visée politico-religieuse – et à celles-là, il faut dire que nous respectons leurs croyances –, mais à l'origine, le voile est un signe pour marquer le territoire politiquement, et ce signe provient de Téhéran. Moi aussi, j'ai vécu en Seine-Saint-Denis, monsieur Corbière, très exactement à Saint-Denis, et je l'ai de mes propres yeux vu, ce marquage du territoire.
Notre rôle est de mettre des barrières, de fixer des limites. Mon propos n'est pas de stigmatiser telle ou telle personne qui participe en tant que collaborateur occasionnel au service public. Parlant de démocrates et de républicains, Jean-Pierre Chevènement n'avait pas pour intention de les opposer ; il s'agissait de déterminer si l'on était plutôt démocrate avec une petite dose de républicanisme ou républicain dans le cadre d'une démocratie. La question est de savoir si, dans notre République, nous voulons garantir la liberté absolue de conscience aux usagers du service public ; si tel est le cas, nous devons faire évoluer cet article 1er.