Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Quand bien même trois enfants seulement seraient concernés, madame la députée, trouvez-vous normal que des enfants soient endoctrinés, que cela ne fasse l'objet d'aucun contrôle et que l'on reste impuissant à changer cela ?

Le chiffre est évidemment important. Depuis le début, je fais valoir que le sujet est complexe, et que c'est précisément pour cette raison que nous avons besoin d'évolutions juridiques et pratiques. Le problème n'est pas seulement statistique ; il y a une question de principe : quand bien même peu d'enfants seraient concernés – et c'est plus que cela –, quand bien même un seul enfant le serait, cela justifierait notre mobilisation. Le sort de chaque enfant compte ; c'est le principe en matière éducative. Chaque enfant sur le territoire de la République doit aller à l'école ou avoir une scolarisation ; c'est un droit absolument fondamental, parmi les plus essentiels d'une République.

Vous vous arc-boutez sur la question des chiffres. Nous avons effectivement des difficultés à cerner le nombre d'enfants instruits en famille. Une chose est certaine : les chiffres dont nous disposons montrent l'explosion du phénomène, en France comme ailleurs. Et nous devons regarder ce phénomène de société en face.

Pardonnez-moi de le relever, mais votre argumentation décrédibilise un peu le ton que vous adoptez généralement lorsque vous évoquez le combat contre l'islamisme radical. En fait, vous êtes en faveur du combat contre l'islamisme radical, sauf si… Quand on mène un combat, il faut le faire complètement. Il ne doit pas souffrir d'exceptions liées à des intérêts politiques qui entreraient en contradiction avec les principes que l'on affiche.

Soyons très clairs, l'article 21 tel qu'il est rédigé ne viole en aucun cas les droits de la famille, bien au contraire. Les parents qui pratiquent une instruction en famille conforme aux droits fondamentaux de l'enfant n'auront aucun problème. Si le débat parlementaire consiste à effrayer ces parents, il aura pour seul effet de nous gêner dans un combat que vous dites vouloir mener vous aussi, contre l'enrôlement des enfants dès le plus jeune âge dans des structures clandestines ou des formules prétendument d'instruction en famille qui n'en sont pas en réalité – phénomène que l'on déplore dans notre pays comme dans d'autres.

Nous nous dotons d'outils juridiques, comme nous l'avions fait précédemment avec la loi Gatel. Au passage, les législatures précédentes n'ont strictement rien fait sur ces questions. Vous dites que nous ne cernons pas le problème, mais cela fait des décennies qu'il n'est pas traité. Sur ce point comme sur d'autres, cette majorité a au moins le mérite de le regarder en face et d'essayer de définir un cadre juridique cohérent.

Comme souvent quand on crée un cadre juridique nouveau, on entend ce commentaire un peu facile : c'est nécessaire mais pas suffisant, point sur lequel je vous donne complètement raison. Il faut, d'une part, adopter ces dispositions, d'autre part, assurer un meilleur contrôle. Nous nous organisons pour le faire.

J'ai évoqué dernièrement à plusieurs reprises ce que j'ai appelé le carré régalien, formé par quatre points de contrôle. Dans quatre domaines, nous devons constituer des équipes qui vont sur le terrain, bien plus souvent que cela n'a été le cas dans le passé. Il s'agit d'abord de la laïcité, des principes et des valeurs de la République ; depuis quatre ans, vous le savez, nous avons mis sur pied des équipes pour combattre les violations de ces principes. Il s'agit ensuite des violences en général ; à cet égard, nous déployons un plan contre les bandes et contre la drogue, entre autres. Il s'agit encore du harcèlement et du cyberharcèlement ; l'intervention d'équipes de soutien est, là aussi, nécessaire. Il s'agit enfin de l'instruction en famille, qu'il convient effectivement de mieux contrôler, ce qui suppose des personnes et des équipes dédiées.

Vous avez tout à fait raison de dire que l'action en la matière a été insuffisante. L'éducation nationale a eu de la peine à courir après le phénomène, qui a explosé depuis les années 2000. Quelques moyens humains supplémentaires ont été déployés, mais pas suffisamment. Nous nous organisons en ce moment même pour être capables d'assurer ces contrôles au moment où la loi sera promulguée. Dès la rentrée prochaine, les moyens de contrôle seront augmentés.

Il est tout à fait exact qu'il faut davantage de moyens humains pour contrôler, je vous l'accorde bien volontiers. Mais cet argument ne plaide pas contre l'article 21 ; il va dans le sens de l'accompagnement de l'article 21. S'agissant des principes fondamentaux, je le redis, les droits de la famille sont totalement préservés par l'article 21 tel qu'il est rédigé.

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