Nous abordons à nouveau un sujet extrêmement important. Pour l'essentiel, je souscris aux propos qui viennent d'être tenus. Comme au sujet de l'EPS, je veux souligner que, si l'article propose une mauvaise solution, le problème n'en est pas moins bien réel. N'hésitons pas à le dire.
L'article introduit par le Sénat – je l'ai dit lors de son examen – présente le défaut d'être hors sujet, car tel n'est pas l'objet de ce projet de loi. Certes, cela a pu être le cas pour l'examen d'autres articles, soit dit sans vouloir apporter trop d'eau au moulin de M. de Courson ! Toutefois, si dénoncer le caractère contre-productif et injuste de cette mesure conduit à évacuer le problème, cela sera une mauvaise chose.
Au fond, comme ministre de l'éducation nationale, j'ai deux priorités : que pas un seul enfant, sur le territoire de la République, ne fréquente pas l'école – ce qui s'inscrit, par un autre aspect, dans le cadre du présent projet de loi – et que tous les enfants sachent lire, écrire, compter et respecter autrui à l'issue de l'école primaire. Il existe bien d'autres objectifs, mais si on n'atteint pas ces deux-là, on n'accomplit pas le projet républicain.
Les incitations financières ne doivent pas être considérées comme un sujet non noble. Les travaux d'Esther Duflo sur la lutte contre la pauvreté établissent souvent des liens entre les incitations financières et les enjeux de scolarité. Lorsque Lula crée au Brésil la « Bolsa Familia », articulant l'octroi de moyens aux mères de famille avec l'envoi de leurs enfants à l'école, personne ne juge cette mesure réactionnaire.
Sans doute mon expérience du Sud, si je puis dire, m'amène-t-elle à dire cela, ce qui ne manque jamais de susciter des interprétations erronées. Il n'est pas toujours simple d'ouvrir ce débat complexe dans un pays où le clivage gauche-droite conduit souvent à un certain simplisme sur ces questions. Si j'ai adhéré au projet d'Emmanuel Macron et au « en même temps », c'est précisément parce qu'il permet de dépasser le schématisme et le simplisme, et de viser un but vraiment social : que les enfants aillent à l'école et que les moyens énormes que nous consacrons aux allocations familiales servent les enfants et pas autre chose.
Nous devons regarder ce problème en face. Il ne relève pas forcément du présent texte, du reste, de sorte qu'il n'y a sans doute pas lieu de progresser d'ici à son examen dans l'hémicycle. Tout en souscrivant aux propos de Mme la rapporteure et des orateurs qui l'ont suivie, je tenais à donner ces précisions. Il importe de ne pas évacuer le sujet de l'absentéisme scolaire, qui en général touche les classes sociales les plus défavorisées. Si nous voulons mener une politique véritablement sociale, nous devons y être attentifs.
Par ailleurs, être débordé par un enfant est une situation qui transcende les classes sociales, et que la suppression aveugle des allocations familiales ne peut régler. Nous n'en devons pas moins déterminer comment, avec les moyens importants de l'État, être plus efficaces pour s'assurer que les enfants aillent vraiment à l'école. Tel est mon seul message. J'approuve la suppression de l'article.